Le moment dipolaire électrique intrinsèque d d’une particule est défini comme étant proportionnel à son spin S. Lorsque la particule est plongée dans un champs électrique E , le Hamiltonien de l’interaction s’écrit alors :
H = −dE · S (1.1)
En 1950, Purcel et Ramsey [5] suggèrent d’utiliser le moment dipolaire électrique du neutron comme un test de la violation de symétrie de parité P et de renversement du temps T .
Les symétries T et P sont ainsi brisées. En supposant la validité du théorème CPT, une valeur non nulle de l’EDM brise la symétrie CP puisque T est aussi brisée. La violation CP est importante en physique puisque celle ci est, d’après Sakharov [1], une condition sine qua non à l’existence de l’asymétrie matière-antimatière observée dans la genèse de l’univers. Le modèle théorique utilisé actuellement pour décrire la physique des particules est le modèle standard (SM). Ce modèle contient deux sources de brisure de symétrie CP : une dans le secteur électrofaible et l’autre dans la chromodynamique quantique (QCD). La première est la phase complexe de la matrice CKM qui régit le mélange des quarks. L’existence de cette phase induit donc une limite pour la valeur de l’EDM du neutron, qui est d’environ 10⁻³² e cm, soit 6 ordres de grandeur en dessous de la limite expérimentale actuelle. La seconde source de violation CP vient du Lagrangien de la chromodynamique quantique, et plus particulièrement de l’angle du vide θ. Il s’agit d’un paramètre dont la valeur doit être proche de l’unité. Ce paramètre est aussi contraint par la valeur de l’EDM du neutron. Avec la limite actuelle, θ est contraint à être inférieur à 10⁻¹⁰. Ce phénomène inattendu est appelé “the strong CP problem”, et ne trouve pas de réponse satisfaisante dans le cadre du SM. Des extensions du SM sont ainsi formulées, et la valeur de l’nEDM permet de les tester. À titre d’exemple, le MSSM est contraint par une valeur de l’nEDM comprise entre 10⁻²⁶ et 10⁻²⁸ e cm.
Les neutrons ultra-froids
Les neutrons ultra-froids sont des neutrons de très basse énergie, de l’ordre de la centaine de neV. La température correspondante est de l’ordre du mK, d’où la dénomination “ultra-froid”. Outre leur neutralité et leur longue durée de vie d’environ 15 minutes (qui sont des propriétés inhérentes du neutron), leur principal attrait est leur propriété de confinement, ce qui en font des particules de choix pour des études à basse énergie.
L’énergie des UCN est du même ordre de grandeur que l’énergie mise en jeu lors de l’interaction avec trois des quatre forces fondamentales (gravitation, forte et électromagnétique). En effet, un UCN est soumis à la gravité et gagne environ 100 neV par mètre de chute. Il existe un couplage entre un champ magnétique et le moment magnétique du neutron. Le gain (ou la perte, suivant l’état de spin de l’UCN) d’énergie est de 60 neV par T. Enfin, l’interaction forte gouverne l’interaction de l’UCN avec les matériaux par le biais du potentiel de Fermi. La valeur de ce potentiel est de l’ordre de quelques centaines de neV. Il est ainsi possible d’utiliser les UCN pour tester les interactions fondamentales.
Le nouveau spin flipper adiabatique
Le polariseur ne peut laisser passer qu’un seul et unique état de spin. Or, le second état de spin doit aussi être mesuré pour pouvoir calculer le pouvoir de polarisation-analyse du dispositif. Pour cela, il faut ajouter à l’appareillage un dispositif permetant de renverser le spin des UCN. Ce dispositif est appelé “spin flipper adiabatique”. Son fonctionnement est basé sur un passage adiabatique des neutrons à travers une résonance magnétique. Un champ magnétique radiofréquence B1 est ajouté au champ magnétique statique de guidage de spin B0 (en présence d’un gradient de champ). Le champ RF doit être orthogonal au champ de guidage, et sa fréquence doit être égale à la fréquence de précession de Larmor du champ de guidage en un point, qui sera appelé point de résonance. En ce point précis, le neutron voit un champ magnétique uniquement selon la direction du champ RF (dans le référentiel propre du neutron tournant à la même fréquence que le champ RF). Ainsi, en sortant de la zone de résonance, le spin du neutron a été inversé.
Le champ statique utilisé est le champ de fuite du polariseur (qui est dans la même direction que le guide neutron). Il faut donc ajouter une bobine qui génèrera un champ RF orthogonal au guide. Des simulations Radia ont été utilisées pour définir une géométrie convenable. La bobine RF est une paire de bobines rectangulaires placées en configuration de Helmholtz. L’efficacité du spin flipper fut déterminée à l’ILL avec des UCN. Elle est compatible avec 100 %.
Simulations
Diverses simulations Monte-Carlo ont été faites dans le but de quantifier les dépolarisations ayant lieu dans l’appareillage OILL. Les deux principales sources de dépolarisation peuvent être dues aux inhomogénéités du champ magnétique ou aux collisions des UCN sur les paroies des guides.
Dépolarisations dues aux inhomogénéités du champ magnétique
Les dépolarisations dues aux inhomogénéités du champs magnétique ont lieu lorsque le critère d’adiabaticité n’est plus remplis. Le spin des neutron n’arrive plus “à suivre” les variations du champ magnétique, et il y a dépolarisation. La simulation s’est déroulée en deux temps. Des trajectoires d’UCN ont été simulées dans OILL en utilisant le code G4UCN. Puis les cartes champs simulées par Maentouch et les trajectoires d’UCN ont été importés dans un code qui intègre les équations du spin (équations de Bloch) le long de la trajectoire des UCN. Le cas où des UCN de mauvais état de spin (càd non analysable) sont stockés au dessus de la feuille d’analyse a été considéré. La polarisation décroit avec le temps, jusqu’à atteindre une perte de 4 % à la fin d’un temps de stockage de 40 s.
Dépolarisations dues aux collisions
Les dépolarisations dues aux collisions sur les murs ont été estimées seulement en utilisant le code G4UCN. Un modèle probabiliste a été utilisé : à chaque matériau est associé une probabilité pour qu’un UCN soit dépolarisé lorsqu’il entre en contact avec le matériau. Les probabilités ont été précédemment déterminées expérimentalement. Des UCN ont été simulés lors des differentes phases d’un cycle de mesure (remplissage de la chambre, stockage, comptage). Il en résulte une dépolarisation inférieure à 1 % lors d’un cycle.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Le moment dipolaire électrique du neutron
1.1 Motivations physiques
1.2 État de l’art
1.3 Les neutrons ultra-froids
2 Dispositif expérimental
2.1 Principe de mesure
2.2 Dispositif expérimental à PSI
3 Travail de thèse
3.1 Modifications du dispositif existant
3.1.1 L’aimant supraconducteur
3.1.2 Le système de guidage du spin
3.1.3 Le nouveau spin flipper adiabatique
3.2 Simulations
3.2.1 Dépolarisations dues aux inhomogénéités du champ magnétique
3.2.2 Dépolarisations dues aux collisions
3.3 Mesures
3.3.1 Efficacité de polarisation et de maintien du spin
3.3.2 Test des bobines de guidage
3.4 Resultats obtenus
Conclusions
CONCLUSION