Le mot pédagogie vient du grec paidagogia qui est composé de deux mots : agein qui signifie conduire et de paides qui veut dire les enfants. Dans sa signification littérale, la pédagogie se traduit comme étant le fait de conduire les enfants. Elle se définit également comme art, manière de mettre en œuvre diverses méthodologies dans l’éducation des enfants. Elle est, plus particulièrement, l’ensemble des savoirs et des savoir-faire qui permettent de pousser ou d’élever à un degré supérieur tous les procédés d’éducation, aussi bien les méthodes d’apprentissage que la transmission des connaissances.
En vérité, la pédagogie va de pair avec l’éducation. Autrement dit, pédagogie et éducation s’interpellent, l’éducation étant comprise idéalement comme visant au développement de l’être humain et à la formation de son esprit. Elle consiste à façonner l’individu en vue de réaliser, dans les meilleures conditions possibles, son humanité. L’éducation est également un processus de socialisation méthodique des jeunes générations, elle est acquisition des conduites qui vont permettre à l’individu que lui soient données toutes les possibilités de s’adapter à un environnement matériel, social et politique déterminé. En tant qu’enseignement, l’éducation
« … consiste dans la transmission des savoirs et des savoir-faire ; [mais] elle ne se confond pas avec la pédagogie, qui en est la stratégie instrumentale, en fixant, par exemple, les démarches didactiques les mieux adaptées à la transmission des connaissances. » .
LE MODELE D’EDUCATION ROUSSEAUISTE
SE CONFORMER A LA NATURE SELON ROUSSEAU
Le respect de la nature de l’enfant
Parler de respect de la nature revient à dire que la nature a déjà son ordre propre, et que notre devoir est de respecter cet ordre naturel. Ne pas le faire signifierait, aux yeux de Rousseau, procéder à un renversement total du principe de la loi naturelle. Autrement dit, ce serait pour lui comme commencer les choses à partir de la fin vers le début : ce qui est donc illogique et contraire à l’essence de cette nature.
Un passage biblique dit qu’ « il faut rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu » . Cela revient à dire que l’éducation doit prendre son élan selon l’ordre déjà établi conformément à la nature. Rousseau propose une démarche éducative qui est fondée sur l’idée que l’influence des caractères naturels prend toujours le pas sur l’action des hommes. Il suffit d’identifier, puis de comprendre, que « à chacun ses qualités propres ». Ne pas en tenir compte est nuisible, et c’est dans cette optique que notre auteur précise, par exemple, que :
« Cultiver dans les femmes les qualités de l’homme, et négliger celles qui leur sont propres, c’est donc visiblement travailler à leur préjudice » .
Cette affirmation montre que la nature a déjà fait une bonne répartition des choses et des êtres. Dans l’exemple cité ci-dessus, il est dit que la femme a ses qualités naturelles et que l’homme a les siennes propres. La conséquence a été jusqu’ici l’instauration d’une répartition des tâches entre l’homme et la femme. Et cette répartition ne doit pas être considérée comme justifiant une supériorité de l’homme sur la femme ou vice-versa. Il en est de même que pour les cultures diverses qui existent de par le monde : toutes les cultures du monde se valent.
L’analyse de ce point particulier, qui traite du respect de la nature selon Rousseau, tourne autour de la différence entre la femme et l’homme. Le monde des humains n’est rempli que de ces deux genres d’êtres et qui présentent entre eux des ressemblances et en même temps des différences. Car ils sont physiquement, biologiquement, etc., les mêmes, mais ce qui les différencie n’est rien d’autre que leur genre. D’où les termes de l’Emile :
« La seule chose que nous savons avec certitude est que tout ce qui ce qu’ils ont de commun est de l’espèce, et que tout ce qu’ils ont de différent est du sexe. Sous ce double point de vue, nous trouvons entre eux tant de rapports et tant d’oppositions, que c’est peut être une des merveilles de la nature d’avoir pu faire des êtres si semblables en les constituant si différemment » .
A nous entendre parler de la différence naturelle entre la femme et l’homme, on pourrait se dire que le thème de l’éducation, qui est la base de notre projet de thèse, est occulté. Or ce thème de l’éducation reste toujours présent à notre esprit. Il suffit d’être attentif pour saisir l’importance pour nous de cette éducation naturelle que nous sommes en train d’expliquer.
Comment, en effet, le modèle d’éducation comorien traite-t-il de cette différence entre filles et garçons ? La fille est traditionnellement jugée plus faible, donc considérée comme moins intelligente par rapport au garçon qui, lui, est considéré comme fort et vigoureux. Rousseau lui-même a l’air de penser qu’il devrait y avoir une éducation à part pour les filles et une éducation pour les garçons, ce qui n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui, où les notions de mixité et de laïcité sont maintenant largement acceptées. Toutefois, l’analyse de ce point sera traitée plus en détail encore dans la future thèse.
La liberté de l’enfant
La notion de liberté de l’enfant dont il est question ici nous renvoie nécessairement à ce que Rousseau entend par liberté naturelle qui, elle-même, renvoie à la notion d’état de nature. C’est parce que, pour Rousseau, c’est dans l’état de nature que nous jouissons de cette liberté naturelle. Dans le modèle d’éducation qu’il propose, il souhaite que l’enfant bénéficie de la reconnaissance de cette liberté pour qu’il parvienne à se développer dans les meilleures conditions. Rousseau espère former une nouvelle génération : de futurs démocrates ayant bénéficié d’une éducation établie en conformité avec les lois de la nature. Ce sera l’œuvre, dit-il,
« [d’] Un pédagogue, qui cherche le moyen de faire des hommes, en imposant aux enfants une discipline qui les façonne pour devenir citoyens. » .
La liberté est par nature un droit inaliénable pour l’homme. Elle est autonomie et épanouissement. Mais, à un moment ou à un autre, l’éducation de l’enfant dépend nécessairement d’autrui, de celui qui prend en charge cette éducation, l’éducateur ou le gouverneur de l’enfant, quand ce ne sont pas les parents eux-mêmes pendant la prime enfance. Cependant, ils doivent s’efforcer de laisser la nature faire son travail. En ce sens, Rousseau envisage une éducation excluant toute médiation. Cela revient à dire qu’il faut apprendre à l’enfant à se débrouiller tout seul.
« Qu’il coure, qu’il s’ébatte, qu’il tombe cent fois le jour, tant mieux : il apprendra plus tôt à se relever. Le bien-être de la liberté rachète beaucoup de blessures. […]. La liberté que je donne à mon élève le dédommage amplement des légères incommodités auxquelles je le laisse exposer. » .
Laissons à l’enfant l’opportunité de s’épanouir seul en se confrontant aux exigences de la nature. Mais cela ne veut pas dire dans tout cela que l’absence totale du maître est souhaitée. Seulement, l’éducateur ne lui enseignera pas des préceptes du haut de son savoir, mais les lui fera découvrir par lui-même. C’est ainsi que l’éducateur laissera aussi faire la nature. Il faut que l’enfant soit confronté à certains obstacles pour qu’il apprenne à les surmonter, et pour que sa nature véritable s’accomplisse. C’est la raison pour laquelle le maître sera apparemment absent, mais en réalité il est partout présent.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION METHODOLOGIQUE DU PROJET
I. ASPECTS METHODOLOGIQUES
I.1.Méthodologie d’approche
I.2. La problématique d’approche et motivations concernant le choix du thème
DEUXIEME PARTIE : LA THEMATISATION DU SUJET
A / LE MODELE D’EDUCATION ROUSSEAUISTE
I. SE CONFORMER A LA NATURE SELON ROUSSEAU
I. 1. Le respect de la nature de l’enfant
I. 2. La liberté de l’enfant
I. 3. Nécessairement respecter les étapes du développement de l’enfant
II. LA RECHERCHE DU SALUT DE L’ENFANT
II. 1. La formation de l’enfant au plan physique
II. 2. Son développement intellectuel
III. ETAPE ULTIME DE LA FORMATION DE L’ENFANT
III. 1. La formation morale de l’enfant
III.2. L’éducation religieuse
III. 3. L’initiation à la politique
B / L’EDUCATION TRADITIONNELLE AUX COMORES
I. LES OBLIGATIONS DE LA FEMME DANS LE FOYER
I .1. La femme comorienne
I.2. Soumission de la femme à son mari
I.3. Le père, son rôle vis-à-vis des enfants
II. L’ENSEIGNEMENT CORANIQUE AUX COMORES
II.1. Objectifs de l’enseignement coranique
II. 2. Disciplines du maître et son statut social
II.3. Les contraintes de l’enseignement coranique en matière de discipline
III.L’ECOLE PUBLIQUE ET SES EXIGENCES
III.1. L’objectif de l’enseignement de type moderne
III.2. Les punitions dans les écoles publiques comoriennes
III. 3. Méthodologie de l’enseignement moderne
TROISIEME PARTIE : PLAN PROVISOIRE DE LA THESE FUTURE, CONCEPTS CLES ET BIBLIOGRAPHIE EN PARTIE COMMENTEE
A / PLAN PROVISOIRE DE LA FUTURE THESE
B / QUELQUES CONCEPTS CLES ET LEURS SIGNIFICATIONS
C / BIBLIOGRAPHIE EN PARTIE COMMENTEE
CONCLUSION