Le militantisme catholique de la Manif pour tous

Une enquête sous haute méfiance

À l’origine de cette enquête, il s’agissait de s’intéresser au militantisme catholique puisqu’il apparaît comme une forme de contestation assez récente. La Manif pour tous fait partie de ce que l’on nomme les « nouveaux mouvements sociaux » et qui s’illustrent à travers trois caractéristiques : l’affirmation d’une ou de plusieurs identités et/ou de valeurs communes (la défense de la famille traditionnelle), un mouvement qui se structure par opposition à une situation dominante (ils ne sont qu’une minorité à s’opposer à ce projet au sein de la société), l’élaboration d’un projet social ou d’un projet politique alternatif.
On se demande alors qui sont les militants catholiques. Comment s’organisent-ils ? Que défendent-ils ? Etc. D’autant plus que les militants impliqués dans la Manif pour tous se positionnent plutôt à droite politiquement comme nous l’avons vu précédemment, et les pratiques qui s’y rattachent ne correspondent généralement pas aux manifestations de rue, ce qui constitue un véritable paradoxe. Alors comment en sont-ils arrivés à s’emparer de ces pratiques manifestantes ? Comment cette minorité de militants a-t-elle su se mobiliser et se placer sur le devant de la scène, en se voulant représentative de tous les catholiques ? Quelles conséquences cet engagement a-t-il produit sur les relations entre catholiques ?
L’objectif était d’interroger les trajectoires et les pratiques des membres d’associations participantes à la Manif pour tous au sein de l’espace nantais puisque cette région constitue un espace particulier conformément à son histoire, sa démographie, etc. Il était donc nécessaire de réaliser des observations afin de saisir leur organisation et leur mode de fonctionnement. Mais également des entretiens pour analyser leurs parcours de vie et leurs discours sur cette mobilisation. Pour cela, j’ai commencé par effectuer un travail cartographique afin de recenser les groupes et associations mobilisés dans la ville de Nantes. J’ai ensuite cherché à intégrer ces groupes, tout d’abord par le biais d’observations lors de conférences données par les Associations Familiales Catholiques de Nantes, ainsi qu’Alliance Vita 44. Cette étape était essentielle pour rencontrer des militants présents à ces soirées. Ces observations ont été l’occasion d’aller à leur rencontre afin de planifier des entretiens. Cependant, j’ai rapidement pu constater que ces conférences se caractérisaient par un entre-soi très fort : même style vestimentaire, mêmes coiffures, mêmes bijoux, mêmes compositions familiales, port d’une chevalière au petit doigt, etc.
Or je ne disposais de rien de commun avec eux. À cela se sont ajoutés les premiers contacts fastidieux avec les militants : ils sont difficilement joignables et plutôt méfiants lorsqu’ils me répondent. J’ai alors pris conscience que si la Manif pour tous les avait mis sur le devant de la scène, ils ne s’étaient pas pour autant décomplexés. Les faits me montraient qu’ils ne s’adressent pas à n’importe qui et qu’ils se méfiaient des personnes n’adhérant pas à leurs idées. Je devais être comme eux si je voulais qu’ils m’acceptent. Je risquais sinon aux mieux d’obtenir des discours en surface, et au pire de me voir refuser les entretiens. « Pour ne pas recueillir un discours construit à destination de l’intellectuel, le sociologue se doit de réfléchir à la présentation de soi qu’il lui est opportun d’adopter dans la situation qu’il va devoir affronter. » Si je ne disposais pas de chevalière de famille ou de collier en perles de culture, il y a un élément par lequel je pouvais m’intégrer : la personnalité. M’inspirant de la posture des Pinçon-Charlot, je me suis présentée comme une étudiante de Sciences Humaines ayant un travail universitaire à réaliser dans le but d’acquérir la méthodologie de l’entretien. Je précisais également aux associations auxquelles je me présentais qu’elles m’étaient familières et qu’il m’arrivait de les fréquenter. Il me paraissait alors naturel de m’orienter vers les associations présentes dans mon entourage pour réaliser cet exercice (tout comme certains auraient pu le faire avec la musique ou le sport). Cette posture a porté ses fruits avec certaines associations puisqu’elle m’a permis de créer une relation de confiance avec les enquêtés et l’accès à des informations dont je n’aurais probablement rien su en me présentant comme une étudiante de sociologie réalisant une enquête. Cela a fonctionné avec les AFC, Alliance Vita, la Manif pour tous, les Sentinelles, Vita Jeunes, la maison de Marthe et Marie, ou encore Vigi Gender. Il n’était pas rare que les enquêtés débutent l’entretien en me posant des questions personnelles afin de s’assurer de mon engagement et des mes positions. Un entretien a par exemple débuté en me demandant si j’étais catholique. Comme si cela allait guider la suite de ses paroles quant à savoir s’il pouvait tout dire avec moi. Tandis qu’un autre me dira : « Bon puisque vous êtes… disons… d’un lien amical avec nos idées », avant de poursuivre son explication. La confiance une fois établie, me permettaient également d’obtenir les contacts d’autres militants. Cependant, la mise en place de cette personnalité n’a pas empêché des difficultés d’accès comme ce fut le cas pour les Veilleurs, l’Avenir pour tous et les Nantais pour la famille. Ceux-ci se sont montrés beaucoup plus méfiants soit parce qu’ils relevaient d’un groupe informel, soit parce qu’ils ne souhaitaient s’adresser qu’à des journalistes capables de donner de la visibilité à leurs mouvements et leurs actions. On peut citer l’exemple d’un enquêté que j’ai dû appeler plusieurs fois par semaine pendant presque deux mois avant qu’il ne me recontacte. Pour ces trois groupes, il a fallu contourner les méthodes en réalisant des entretiens téléphoniques, dont deux de façon informelle. Cela a constitué une difficulté dans la réalisation de mon enquête puisque je ne pouvais pas obtenir toutes les informations que j’aurais souhaité obtenir sur ces groupes. J’étais quelque peu dépendante de ce qu’ils voulaient bien me dire. Enfin, une troisième catégorie d’associations s’est distinguée sur le terrain : celles qui n’existent plus, ou sont en passe de ne plus exister. Nous pouvons ici inclure le courant pour une Écologie Humaine, les Mères Veilleuses, les Hommen, ou encore le Printemps français. Autant de groupes et d’associations pour lesquels mes recherches préalables à l’entrée sur le terrain m’avaient indiqué une présence à Nantes. Je n’obtenais aucun contact pour ces associations, et ne rencontrait aucun militant intégré à l’une de ces structures. La prise de contact s’effectuait par le biais d’adresse mail et/ou de pages Facebook. Mais le peu de réponses obtenues m’indiquait que ces groupes n’étaient plus présents à Nantes. Les réseaux sociaux ont été d’une grande aide pour ma mise en relation avec les associations et mouvements participants à la Manif pour tous. Facebook m’a également permis de réaliser un état des lieux de ces groupes : combien d’individus suivent la page, depuis quand la page existe-t-elle, de quand date la dernière publication, quelles pages se relayent les informations, etc. En partie grâce à cet outil, plusieurs groupes se sont constitués dans le sillage de la Manif pour tous sans se constituer en association. Il ne s’agit que de mouvements informels qui sont parfois apparus aussi vite qu’ils sont repartis. Enfin, il m’apparaissait indispensable d’ouvrir cette enquête aux catholiques favorables à l’union homosexuelle afin de mettre en perspective le débat qui règne au sein des catholiques. Pour cela, je me suis rapprochée de l’association David & Jonathan auprès de qui j’ai pu réaliser un entretien avec le responsable de l’antenne nantaise. La combinaison de ces deux modes d’enquêtes m’a permis d’observer à la fois comment s’organisent ces militants, quelles associations sont présentes, etc., et de saisir les parcours de ces individus, leurs opinions et positions dans le champ militant. Mais également de constater les liens entre les associations, et ainsi d’en apprendre plus sur les divergences existantes. Un travail d’archives a également été nécessaire dans cette enquête pour rassembler et faire sens des informations recueillies. Il s’est traduit par des recherches dans les articles de la presse locale au sujet des manifestations ayant eu lieu à Nantes, mais également par une analyse des tracts et affiches de manifestations qui donnent à voir l’évolution du mouvement ainsi que des sujets de lutte.

Les militants catholiques nantais de la Manif pour tous

L’objectif de cette enquêté était de saisir l’espace de mobilisation de la Manif pour tous dans lequel s’insèrent différents mouvements et associations. Pour ce faire, une cartographie des mouvements présents à Nantes a été réalisée, à la suite de quoi, des entretiens ont été réalisés. La population enquêtée représente, donc, des militants engagés dans les associations et/ou mouvements périphériques à la Manif pour tous, voire directement dans l’association fondatrice. Ils n’ont pas été sélectionnés à l’aide de critères précis, mais généralement en fonction des contacts dont je disposais ou que l’on me transmettait. Globalement, il s’agit souvent de responsables, de porte-parole, largement engagés dans les mobilisations contre le mariage homosexuel. Pour la rédaction de cette enquête, les identités des enquêtés ont été anonymisées selon les caractéristiques de leurs noms et prénoms à l’aide de l’outil internet « La sociologie des prénoms » de Baptiste Coulmont.

Des structures de mobilisation diversifiées

Tous ces militants font partie d’une association ou d’un mouvement participant à la lutte contre le mariage homosexuel. Une précision doit être faite pour pouvoir les définir : la Manif pour tous est un collectif regroupant plusieurs associations, mais d’autres groupes non-partenaires vont eux aussi s’impliquer dans les mobilisations. Par exemple, l’association Alliance Vita ne fait pas partie des associations partenaires recensées par la Manif pour tous, alors qu’elle est pourtant très active dans ce combat. Il ne faut donc pas considérer la Manif pour tous uniquement par son statut d’association, mais plutôt par son nom qui a été repris et donné au mouvement social et qui englobe une part plus importante d’associations. Parmi l’ensemble de ces groupes mobilisés dans la lutte contre le mariage homosexuel, deux distinctions doivent être faites. La première se situe dans le statut des groupes : certains sont constitués en associations, tandis que d’autres sont des mouvements se retrouvant de façon informelle. La seconde réside dans la temporalité des groupes : ceux que l’on peut désigner comme pré-Manif pour tous, et ceux que l’on peut désigner comme post-Manif pour tous. Or ces deux spécificités vont se rejoindre pour dessiner une grande tendance. D’une manière générale, les groupes nés avant la Manif pour tous sont plutôt des associations, tandis que ceux nés pendant la Manif pour tous sont plutôt des mouvements informels. Les mobilisations regroupent donc à la fois d’anciennes associations déjà présentes dans les luttes du 20 e siècle, et des nouveaux mouvements qui vont voir le jour en 2013 lorsque la Manif pour tous « explose ».

Les anciennes associations

Parmi les associations catholiques déjà présentes à Nantes avant la Manif pour tous, et qui vont s’engager dans le mouvement en 2012, on retrouve les Associations Familiales Catholiques (AFC). Elle est apparue au début du 20e siècle lorsque l’association s’implante dans de nombreuses villes françaises. Initialement fondée pour soutenir l’enseignement catholique, elle va finalement objectiver la défense de la famille catholique. Pour cela, l’association rencontre des élus, alerte l’opinion sur les sujets qu’elle estime dangereux, dresse des argumentaires, etc. L’AFC de Nantes est une association d’adhérents qui fait partie de l’Union nationale des associations familiales. « La structure après des AFC ça a été un peu réorganisé comme le système des syndicats, y’a un système de représentation familiale. Par exemple les CAF ou certains hôpitaux, certaines structures ont statutairement des représentants d’associations familiales. Et au niveau départemental y’a une union départementale des associations familiales. Parmi lesquelles par exemple va y avoir Familles Rurales, Familles de France, la Confédération Syndicale des Familles, et les AFC sont une de ces associations familiales. Voilà donc du coup chaque adhérent nous donne un pourcentage de représentation à la fois au niveau départemental et au niveau national. Donc nous on a une vocation c’est d’avoir des adhérents et c’est pour ça qu’on lutte pour les maintenir et pour les défendre parce que ça nous donne une représentation familiale. » Amaury, 33 ans, directeur de bureaux de Poste, vice-président des AFC Nantes.
Ce statut permet aux AFC d’être de grosses structures et fait partie, à Nantes, de l’une des plus grosses associations catholiques avec 700 familles sympathisantes. D’ailleurs, de nombreux militants de la Manif pour tous sont issus de cette association. Dans le même esprit, l’association Familles de France est également implantée à Nantes depuis le milieu du 20e siècle. L’objectif est de créer un grand mouvement regroupant les associations de défense de la famille indépendantes. Au milieu du 20 e siècle, les AFC et Familles de France sont très présentes dans les débats concernant la famille. Les années 1990 voient la promulgation de plusieurs lois bioéthiques, et une nouvelle association s’engage à Nantes : Alliance Vita. Elle s’engage pour la défense de la vie (opposition à l’avortement et à l’euthanasie).Elle propose deux services d’écoute téléphoniques nationaux : SOS Bébé (pour personnes en difficulté face à une grossesse) et SOS Fin de vie (pour les personnes confrontées à des fins de vie difficiles). L’engagement d’Alliance Vita passe par des rencontres auprès de personnalités politiques. Les équipes de Nantes réalisent également de nombreuses actions de rue afin de sensibiliser les passants. Mais la plus grosse action de cette association réside dans la programmation annuelle d’un cycle de formation autour de quatre soirées : l’Université de la vie. L’antenne nantaise a su créer une instance dédiée aux jeunes militants sous le nom de « Vita jeunes ». Cela permet d’introduire ces nouveaux venus dans l’association à travers des petits groupes de jeunes. Toutes ces anciennes associations sont fortement ancrées dans l’espace nantais.

Tensions et querelles au sein de la mobilisation

Si l’ensemble des militants catholiques n’est pas uniforme (observants, émancipés, inspirés, conciliaires), le sous-groupe des militants nantais de la Manif pour tous ne l’est pas non plus. Bien qu’ils partagent des valeurs communes, et surtout un objectif commun, tous n’ont pas su se mettre en accord sur les moyens d’atteindre le but fixé : certains prônant le rapport de force (par exemple les Hommen nantais), tandis que d’autres réclament des actions plus pacifiques (par exemple les Veilleurs nantais). De même, sur le plan religieux où certains (par exemple les AFC de Nantes) sont plus traditionalistes que d’autres (par exemple l’Avenir pour tous). Si tous sont d’accord sur l’abrogation de la loi Taubira, aucun ne s’entend sur la stratégie à adopter. Des disparités vont alors se faire sentir entre les associations et mouvements mobilisés. Voici donc comment vont se repartir les associations et mouvements nantais engagés dans la Manif pour tous.

Compositions et enjeux de l’espace nantais

Avant de définir le militantisme catholique qui s’est joué autour de la Manif pour tous dans l’espace nantais et les conséquences qu’il a eues, il est important de s’intéresser aux spécificités de cet espace géographique dans lequel s’est déroulée cette enquête. Ces éléments permettent de saisir comment, par une accumulation de facteurs, certains catholiques nantais en sont venus à se mobiliser.

La présence de catholiques homosexuels

Si le Centre LGBT est né à la fin des années 1990 à Nantes, des groupes réfléchissant à la problématique de l’accueil des homosexuels existent depuis 1960 dans la ville. Dans ces groupes sont présents des homosexuels, des médecins, mais également des curés.
D’ailleurs, la vie associative homosexuelle nantaise commence véritablement dans les années 1970, avec la création de l’association David & Jonathan (dont Marcel est le responsable). L’objectif de cette structure est de défendre la cause des catholiques homosexuels en dialoguant avec l’Église afin d’obtenir leur reconnaissance par  l’institution. Déjà, le nom de cette association prête aux débats parmi les catholiques. Cesdeux prénoms font référence à des personnages de la Bible dans laquelle ils sont présentés comme très proches. Il est indiqué que Jonathan aime beaucoup David ; certains y voient une relation homosexuelle, quand d’autres parlent d’amitié entre les deux hommes. Les militants catholiques de la Manif pour tous ont d’ailleurs du mal à accepter que l’association ait repris le nom de ces deux hommes pour les associer à une cause homosexuelle. Pourtant, lors de notre entretien, Marcel m’explique que les membres de David & Jonathan n’appellent pas à la possibilité de marier religieusement des couples homosexuels, mais simplement à la possibilité d’une bénédiction. Et les évêques nantais ont su depuis plusieurs années être à l’écoute de cette cause. En 2000, l’ancien évêque de Nantes (Georges Soubrier en fonction de 1996 à 2009) avait proposé aux catholiques homosexuels de témoigner au cours du rassemblement de la Pentecôte. Son successeur, Jean-Paul James a lui aussi su mettre en place des accommodements en leur faveur afin qu’ils puissent poursuivre la pratique de leur foi. Il a notamment organisé une rencontre avec un groupe de familles d’enfants homosexuels et de parents d’homosexuels chrétiens afin de célébrer une messe avec eux. Durant les débats autour du mariage pour tous, ces catholiques homosexuels nantais ont souhaité se faire entendre. Même s’ils n’ont reçu que peu de visibilité et de participants, des défilés pro-catholiques homosexuels ont lieu à Nantes en janvier 2013. On peut lire sur les pancartes : « Comme 41 % des cathos, je suis pour le mariage homo ». Nantes fait partie de l’une des villes ayant eu le plus initiatives en faveur des catholiques homosexuels. En plus des défilés, le groupe local de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) a décidé d’écrire une lettre dans laquelle ils rappellent que la foi catholique est construite autour des valeurs de tolérance, d’ouverture et de partage. Cet aplomb des Nantais, conjuguant leur foi et leur orientation sexuelle, n’a pas particulièrement été apprécié par les militants relevant de la catégorie des « observants » définie précédemment, qui ont immédiatement cherché à alerter le diocèse nantais afin que celui-ci s’engage à leurs côtés.

Lorsque diocèse et militants ne s’accordent pas

Mais les militants de la Manif pour tous sont rapidement déçus face à l’accueil que leur réserve le diocèse nantais, préférant ne pas prendre parti dans ces débats.

Un diocèse absent des mobilisations

Depuis 2009, le diocèse de Nantes est régi par monseigneur Jean-Paul James. Né à Rennes, il a étudié à l’École nationale de la statistique où il est diplômé en sciences économiques. Suite à cela, il intègre l’Insee de Rennes où il travaille durant six ans, avant d’entrer au grand séminaire de Rennes. Il poursuit ses études à l’Université pontificale grégorienne dans laquelle il est diplômé d’une licence en théologie morale. Il est ensuite ordonné prêtre pour le diocèse de Rennes le 22 septembre 1985. En 2003, il est nommé évêque de l’Église catholique par Jean-Paul II et entre au diocèse de Beauvais pour six années, avant d’être nommé dans le diocèse de Nantes. Il dispose de quatre vicaires pour diriger la vie de l’Église.

De l’impact des biographies sur l’engagement militant

Une histoire de famille

Les quatre observations que j’ai pu réaliser observations à « l’Université de la vie » organisée par Alliance Vita m’ont permis de constater que de nombreuses personnes venaient en famille. Souvent, les participants sont accompagnés de leurs conjoint-es, mais aussi de leurs enfants. J’ai régulièrement pu observer des mères venues avec leurs filles d’une vingtaine d’années. Le documentaire « La Manif pour tous continue » met également en lumière cette pratique manifestante familiale en interrogeant une famille adepte des manifestations : « Loup, Marie-Caroline et leurs dix enfants n’en ont loupé aucune » . Descendre dans la rue se faisait avec les parents pour les uns, et avec les enfants pour les autres. Doug McAdam, explique ainsi que l’engagement militant s’établit au croisement de plusieurs lieux d’apprentissage parmi lesquels un environnement familial militant. Il s’agit de l’une des principales instances de socialisation politique. Parmi les militants rencontrés, certains expriment ainsi avoir des parents engagés dans diverses associations.
Amaury n’a pas eu besoin de chercher des associations dans lesquelles il pourrait s’engager, ce sont les AFC qui sont venues directement à lui par le biais de ses parents.
Dans le cas de cet enquêté, la transmission familiale a été très forte puisqu’il ne fait pas que partager les mêmes luttes que ses parents ; il s’engage dans la même association qu’eux. Les événements familiaux quotidiens tels que des repas de famille deviennent des « moments marquants de leur apprentissage politique ». Si la socialisation familiale militante n’est pas le seul facteur explicatif de l’engagement, il constitue tout de même un apport majeur en prédisposant les enfants à s’offusquer et à s’indigner devant certains aspects de la réalité, et en leur transmettant des compétences dans la pratique militante. Ce même enquêté expliquera ainsi qu’un événement marquant de sa vie influe sur son engagement, lorsque nous abordons les questions relatives à l’avortement : « Ah là vous avez pas raté votre intervenant parce que je fais parti peut être des derniers quelques pour cent de la population qui considère que le respect qu’on doit à la vie humaine c’est dès le commencement jusqu’à son terme. Et que… voilà alors après c’est aussi lié à l’histoire personnelle de chacun, moi j’ai… ma première petite fille elle avait une sœur jumelle qu’on a perdue à la naissance… et donc y’a un rapport à la vie humaine qui est spécifique. »
Mais pour comprendre les mobilisations de cet enquêté il ne suffit pas de savoir qu’il a perdu un enfant à la naissance. Il faut mettre cet événement en perspective avec l’éducation catholique (qui lui fait considérer qu’avorter revient à tuer un humain) etl’apprentissage militant (qui l’invite à se mobiliser face aux projets de loi légitimant de plus en plus cette pratique) qu’il a reçus. L’engagement dont il fait part, suite à un choc moral, n’est donc pas consécutif d’un comportement réflexe, mais de l’activation de dispositions et compétences préalablement acquises dans sa famille et sans lesquelles il serait resté passif.

L’école comme instance de socialisation

L’éducation familiale n’est pas la seule instance socialisatrice pour ces futurs militants.
Elle est complétée et accentuée par des écoles catholiques, des paroisses, voire des mouvements de jeunesse tels que le scoutisme. « Les militants ne sauraient agir, en particulier sur le plan politique, indépendamment de leur foi et de leur appartenance à l’Église, et leur socialisation religieuse est donc étroitement articulée avec une socialisation politique spécifique. » Les écoles ne sont généralement pas choisies au hasard : est sélectionné celle qui dispense le bon cursus, mais également qui prône les bonnes valeurs. En cela, il est fréquent que les élèves et étudiants rencontrent des semblables durant leurs parcours scolaires, puisqu’ils disposent des mêmes valeurs. Ainsi, il est fréquent que des catholiques s’investissent dans le militantisme après avoir fait une ou des rencontres dans leur établissement scolaire. C’est le cas de Marie engagée chez les Vita Jeunes.

Des « observants » à la Manif pour tous

Des caractéristiques qui leur sont propres

Les militants catholiques nantais rencontrés pour cette enquête s’inscrivent dans la catégorie des observants indiquée précédemment. Ils se définissent par des positions communes vis-à-vis du respect de la vie et s’opposent (à des degrés plus ou moins élevés) à l’avortement. De même pour l’immigration, où ils ont conscience que leur religion les invite à aider les individus en difficultés, mais ne sont pas en accord avec les politiques migratoires et estiment qu’un contrôle plus accru doit être mis en place. Ce sujet est l’occasion d’illustrer les différences d’opinions entre militants catholiques pro-Manif pour tous, et militants catholiques opposés à ce mouvement. Voici ce que pense un militant engagé dans la Manif pour tous et appartenant donc aux « observants » : « Donc voilà je pense que paradoxalement si on est beaucoup plus fermes sur l’immigration qui arrive en France, si on la limite très strictement aux conditions d’asile tragique avec des vrais risques pour la survie des personnes, eh bien on permet justement de mieux accueillir ceux qu’on va accepter. »

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Introduction
Chapitre 1 – Intégrer un espace de mobilisation
I.Une enquête sous haute méfiance
II.Les militants catholiques nantais de la Manif pour tous
III. Des structures de mobilisation diversifiées
a. Les anciennes associations
b. Les nouveaux mouvements
c. Tensions et querelles au sein de la mobilisation
Chapitre 2 – Compositions et enjeux de l’espace nantais
I.La présence de catholiques homosexuels
II.Lorsque diocèse et militants ne s’accordent pas
a. Un diocèse absent des mobilisations
b. Perte de confiance dans le diocèse
III. Un espace propice aux mobilisations
a. Une situation géographique
b. De précieux soutiens politiques et religieux
Chapitre 3 – Les acteurs de la mobilisation
I.De l’impact des biographies sur l’engagement militant
a. Une histoire de famille
b. Lorsque engagement militant rime avec ruptures familiales
c. Une revanche sur la vie
II.L’école comme instance de socialisation
III. Des « observants » à la Manif pour tous
a. Des caractéristiques qui leur sont propres
b. Prêcher la bonne parole
IV. Des façons catholiques de faire de la politique
V.S’insurger face aux médias
Chapitre 4 – Le militantisme catholique de la Manif pour tous
I.Un cocktail de répertoires d’actions
a. S’inspirer des anciennes mobilisations
b. Des cathos 2.0
c. La récupération des codes militants de la gauche
II.Après le mariage homosexuel : trouver d’autres luttes
a. De la théorie du genre aux ABCD de l’égalité
b. La bioéthique : pour une vision intégrale de l’écologie
c. La vie comme une zone protégée
d. Pour une filiation « naturelle »
Chapitre 5 – Une mobilisation non sans conséquence
I.Une mobilisation qui s’essouffle
II.L’inquiétude des militants
III. Une fracture ouverte
a. Un diocèse qui ne s’y retrouve plus
b. Des catholiques qui s’opposent
Conclusion
Bibliographie
Annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *