Un nouveau rapport de force va emmerger au siècle des Lumières, celui entre individu et Etat
Au XVIIIeme siècle, le regard est converti en arme pour faire la lumière sur les âmes humaines. La lumière, associée à la publicité des actes et à la recherche de l’intérêt général, prône une transparence des individus vis-à-vis de l’Etat.
Tout doit être exposé en place publique. On cherche à débusquer de l’obscurité le complot privé qui incarne la recherche d’un intérêt particulier caché aux yeux de la nouvelle société qui se met en place. Ce qui est soustrait au regard est réputé incivil, un qualificatif lourd de sens et qu’il est préférable d’éviter à cette période. Tout doit se faire sous le regard afin que tout soit évalué selon les normes révolutionnaires.
Le regard est utilisé comme instrument afin de sonder les aspirations de chaque individu. Mais d’où provient ce regard ? Il n’est plus localisé dans l’oeil unique de la monarchie ni dans celui de Dieu. Après la Révolution, le pouvoir est essaimé entre les citoyens et chacun se voithériter d’une responsabilité quant au bon fonctionnement de l’Etat. Chaque regard est alors mis au service de la vérification et de la transparence.
Une véritable société scopique se met en place
C’est toute une logique de société disciplinaire qui prend forme en intégrant l’exercice du pouvoir dans l’entité même qui fait l’objet de ce pouvoir. Cette forme d’auto-contrôle est concrétisée dans la théorie du panoptique de Jeremy.
Bentham. Ce philosophe anglais élabore un système de surveillance quasi-infaillible qui consiste en un bâtiment de forme circulaire dans lequel les individus à surveiller sont placés sur le pourtour et le surveillant dans une tour centrale. Toute la subtilité du système réside dans le fait que l’intérieur de la tour n’est pas visible des détenus.
Autrement dit, ils ne savent pas s’ils sont surveillés ou non.
L’objectif de ce système est énoncé par J. Bentham luimême en 1791 :
« Si l’on trouvait un moyen de se rendre maître de tout ce qui peut arriver à un certain nombre d’hommes, de disposer tout ce qui les environne, de manière à opérer sur eux l’impression que l’on veut produire, de s’assurer de leur actions, de leurs liaisons, de toutes les circonstances de leur vie, en sorte que rien ne pût échapper ni contrarier l’effet désiré, on ne peut pas douter qu’un moyen de cette espèce ne fût un instrument très énergique et très utile que les gouvernements pourraient appliquer. Inventer une machine de pouvoir qui « donne à l’esprit du pouvoir sur l’esprit. » ».
Illustration du panoptique dans Surveiller et punir, Foucault (Michel), Editions Gallimard,1975 (e) Cette description est parfaitement retranscrite dans l’appareil du panoptique où le sentiment d’être surveillé dépasse la surveillance en elle-même. La personne objet de la surveillance est toujours susceptible d’être regardée sans pour autant être en capacité de le vérifier.
Ainsi l’état de visibilité devient permanent. Malgré une surveillance aux discontinuités notoires, le rapport de domination se perpétue automatiquement. Les injonctions jusqu’alors véhiculées par autrui sont intériorisées. Un assujettissement effectif naît d’une présence fictive. La norme émane alors directement de l’être et non plus d’une entité extérieure.
Cette idée est évoquée dans un autre contexte par R. E.
Park qui prolonge la comparaison de Erving Goffman entre comportements quotidiens et théâtre :
« L’acteur peut également maintenir en privé des normes de conduite auxquelles il ne croit pas personnellement parce qu’il est profondément convaincu de la présence d’un public invisible capable de punir ses écarts de conduite. En d’autres termes, il est possible à un acteur d’être son propre public ou encore d’imaginer la présence d’un public. »
Plus le regardé ignore le regard, plus il l’intériorise.
C’est pour cela que le pouvoir n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il construit un oeil. Le panoptique est donc l’aboutissement architectural de toute cette théorie du pouvoir qui repose sur le couple voir/être vu. Le but ultime étant de tout voir sans être vu, afin de peser comme un esprit sur les autres, à la manière de Dieu. L’homme reproduit à travers l’Etat un schéma de domination qu’il a longtemps subi. Il y a comme une fatalité à toujours être sous l’emprise d’un regard qui nous dépasse et nous conditionne.
C’est ainsi la société toute entière qui reconduit à une échelle plus grande les effets du panoptique. Tout un réseau de regards se met en place, où chaque fenêtre est le reflet d’une cellule surveillée par la masse. Dans cet ordre disciplinaire global, on expose à autrui une image dictée par les normes de la société.
L’étude du panoptique révèle donc un aspect authentique des fenêtres : elles sont vectrices d’aliénation, qui traduit l’idée d’un « état de l’individu qui, par suite des conditions extérieures, cesse de s’appartenir, devient esclave des choses. »
Le XVIIIeme siècle est une époque charnière dans l’affirmation de la notion d’intimité. Avant, la communauté est l’entité dominante dans la société alors que par la suite, c’est l’individu qui en devient l’élément central. C’est donc une période de transition et d’oscillation entre ces deux phases, avec une nette aspiration à mieux délimiter les espaces privés et publics.
Le siècle des Lumières a affiné la distinction entre privé et public : à court terme, la Révolution française a favorisé une explosion de l’influence du public dans la vie quotidienne, ce qui a engendré par la suite un fort mouvement de retour sur soi, précisément en réaction à cet épanchement du public. De plus, les valeurs prônées par la Révolution célèbrent la famille. Ainsi, à long terme, la Révolution encourage l’exaltation de l’intimité.
On cherche à mieux définir les statuts de chaque espace.
Avant le XVIIIeme siècle, l’espace extérieur était aussi bien occupé par des activités d’ordre public que privé. Il n’y avait pas de frontière étanche entre ces deux entités.
Avec la Révolution, l’espace extérieur est politisé et devient manifestement public. Par un système de vases communicants, l’intérieur se remplit des enjeux plus privés. L’hybridation entre privé et public qui a toujours été jusqu’alors laisse place à un cloisonnement plus marqué.
Les termes de privé et de public prennent alors leur sens, en même temps qu’ils prennent place dans l’espace.
Le dehors, territoire de l’Etat, est de plus en plus réglementé et de moins en moins investi. La rue n’est plus envisagée comme un territoire possible d’appropriation et est laissée vacante à mesure que l’intérieur se construit. Au contraire, l’intérieur, territoire de l’habitant, est de plus en plus personnel et approprié. Ainsi se forme le couple contradictoire de la civilité et de l’intimité, la civilité étant le comportement adopté à l’extérieur et l’intimité celui à l’intérieur. La distinction des espaces engendre une distinction des comportements, selon que l’on soit d’un côté ou de l’autre… d’un côté ou de l’autre du mur de la vie privée, expression apparue dans les années 1820. D’un côté, un refuge familial, de l’autre, les contraintes de la vie publique. Cette dualité valorise nettement l’intérieur et va pousser les individus à la retraite hors de la vie collective, en dedans du logement. On assiste à une lente émigration intérieure au cours du XIXeme siècle. Au triomphe de la vie intérieure, correspond le triomphe de la famille. Le foyer devient le pilier de l’ordre social et revêt alors des enjeux nouveaux. C’est à l’intérieur que l’homme va dorénavant chercher son épanouissement et paradoxalement sa place dans le monde.
C’est donc au XIXeme siècle que se forgent les deux ressorts qui vont préoccuper le sujet moderne jusqu’à aujourd’hui : l’intimité et l’indiscrétion. L’indiscrétion étant un pendant indissociable de toute forme de caché et de retrait hors de l’autre.
Alors qu’on se retire, on doit veiller à ce que l’intrusion ne perturbe pas le havre que l’on s’est créé. La proximité d’usages qui régnait jusqu’alors a laissé place à une promiscuité de moins en moins tolérée. On évite les rapports : le voisin, autrefois un partenaire, devient un obstacle gênant à une intimité épanouie.
Le milieu et son influence sur le développement de la civilisation
Nous vivons le plus souvent dans des espaces clos, qui constituent le milieu où s’enracine et se développe notre civilisation. Notre civilisation est dans une certaine mesure un produit de notre architecture ; si nous voulons élever son niveau, nous devons donc, bon gré mal gré, transformer notre architecture. Et cela ne sera possible que si nous faisons en sorte que les pièces dans lesquelles nous vivons n’aient plus ce caractère clos. Le seul moyen d’y parvenir est l’adoption d’une architecture de verre, qui laisse pénétrer la lumière du soleil et la clarté de la lune et des étoiles dans les lieux d’habitation non seulement par quelques fenêtres, mais également par le plus grand nombre possible de murs – des murs entièrement en verre, et en verres de couleur. Le nouveau milieu ainsi créé ne peut manquer de nous apporter une nouvelle civilisation. De la beauté de la terre, lorsque l’architecture de verre aura partout triomphé.
La surface de la terre prendrait un tout autre aspect si, dans l’architecture, le verre supplantait partout la brique.
Ce serait comme si la terre revêtait une parure de brillants et d’émaux. Et une somptuosité proprement inimaginable.
Nous aurions partout de plus grandes merveilles que les jardins des milles et une nuits.
Nous aurions un paradis sur terre, et nul besoin dès lors de lever des yeux nostalgiques à la recherche du paradis céleste.
La transformation de la surface de la terre.
L’avènement de l’architecture de verre ne se produira que lorsque la grande ville au sens où nous l’entendons se sera désagrégée. Que cette désagrégation doive se produire est une évidence pour tous ceux qui envisagent le développement à venir de notre civilisation
; il est devenu inutile d’en parler.
La civilisation du verre
Tout ce qui a été dit dans cet ouvrage autorise assurément à parler d’une « civilisation du verre ».
Le nouveau milieu qu’elle créera transformera complètement l’homme.
Et il n’y a maintenant plus qu’à souhaiter que la nouvelle civilisation du verre ne rencontre pas trop d’adversaires.
Il est, au contraire, souhaitable qu’elle en rencontre toujours moins. »
Face à ce paysage infini et surabondant en lumière, la fenêtre ne doit plus être vouée qu’à l’ouverture, en abandonnant toutes ses caractéristiques de frontière. La fusion totale entre intérieur et extérieur induit l’abolition des frontières qui les séparent. L’essence de la fenêtre étant de se positionner entre ces deux espaces, elle est vouée à quasiment disparaître.
Ainsi la fenêtre se dénude, elle perd énormément de masse de menuiseries, perd ses balustrades ornées, ses volets, ses rideaux et draperies. Paradoxalement, pour parachever sa dématérialisation, la fenêtre s’agrandit, tant et tant qu’elle finit par englober le mur entier. On passe de la fenêtre en bandeau, aux baies de plusieurs mètres, au mur rideau…
Le mur devient fenêtre et la fenêtre devient mur. Les façades vitrées sont l’apogée de cette volonté d’ouverture, où le mur n’est même plus présent.
La fenêtre grossit et devient un écran uniforme, perdant son identité singulière dans le procédé architectural. Elle n’est plus un lieu identifiable en façade mais un grand élément continu. Elle est à la fois partout et nulle part, dissolue dans un mur qui se fait désormais fenêtre. La fenêtre comme élément ponctuel d’articulation et de contact n’est plus.
Elle perd aussi son caractère anthropomorphique d’oeil humain qui sélectionne la vue pour se rapprocher d’une vue artificielle panoramique, à la manière d’une caméra.
La fenêtre moderne est un outil technologique utilisé pour tout voir.
Théoriquement, la connexion intérieur/extérieur est achevée. Dans les faits, on peut être plus nuancé. En effet, en idéalisant l’extérieur en paysage stable et neutre, les modernes ont encouragé la dynamique de retrait du logement de l’espace public. La fenêtre n’est pas conçue par les modernes comme un vecteur de sociabilité mais comme un objet fonctionnel d’apport de lumière et de vue sur la « nature ». La fenêtre moderne enferme l’individu dans une globalité uniforme et inerte, elle est une sorte « d’ouverture-fermée » sur le monde.
De plus, la manipulation de la fenêtre est de moins en moins aisée. Son ouverture n’est plus systématique ce qui renforce la distance entre intérieur et extérieur, la fenêtre offrant une très forte connexion visuelle mais une très faible connexion physique et sensorielle.
Selon Le Corbusier, la fenêtre horizontale s’accorde avec l’oeil humain qui voit horizontalement, alors qu’Auguste Perret défend la fenêtre verticale. Elle est pour lui plus en accord avec la silhouette vivante et robuste de l’homme, au contraire de la fenêtre horizontale qui rappelle la position d’un corps endormi ou mort.
Auguste Perret accuse la fenêtre horizontale de donner à voir le panorama d’un paysage inerte, comme plaqué sur le mur à la manière d’un tableau. Au contraire, il glorifie la fenêtre verticale qui offre la vision d’un espace complet composé des différents plans du ciel, du bâti et de la rue.
La fenêtre verticale permet de voir en perspective, de comprendre les relations des différents éléments entre eux et de s’ouvrir sur des éléments dynamiques, contrairement à la fenêtre horizontale qui ne s’accommode pas très bien du mouvement.
Ainsi, chacune de ces deux fenêtres semble taillée pour un environnement particulier : la fenêtre horizontale pour le paysage car elle le cadre et suit la ligne d’horizon alors que la fenêtre verticale est faite pour la ville, dans sa manière de la rendre lisible et dans sa possibilité de gérer les flux par des occultants à sa mesure.
Finalement, au vu de l’architecture qui suivra les années suivantes, il semblerait que Le Corbusier ait remporté le débat d’idées qui l’opposait à Auguste Perret. Le mouvement international décline alors la fenêtre de long en large en allant de la fenêtre en longueur de Le Corbusier, au mur rideau de Mies Van der Rohe aux Etats-Unis, en passant par la façade de verre de Gropius pour l’école du Bahaus à Dessau.
Le projets faisant l’apologie de l’utilisation du verre profitent d’une diffusion massive et rapide dans la presse architecturale à cette époque, comme la maison de verre de Pierre Chareau et sa façade en briques de verre à Paris, le programme des Case Study Houses ou la Glass House de Philip Johnson, qui utilisent ce matériau soit pour un apport lumineux prolifique soit pour achever une totale transparence vers l’extérieur.
Ainsi, peu à peu, la fenêtre disparaît : soit en se convertissant en façade ; soit en étant dissimulée derrière des éléments épais comme le brise-soleil de Le Corbusier ; soit, si elles se rapprochent de « simples » ouvertures dans les murs, en étant ouvertement abstraites, comme les formes géométrique percées dans les murs de Louis Kahn.
Ces idéaux seront théorisés par Siegfried Giedion dans son ouvrage Espace, Temps, Architecture où il pense l’idéal d’un mur perméable qui serait l’incarnation d’une visibilité optimale.
Le summum de ce processus prend corps dans la Farnsworth House de Mies Van Der Rohe au début des années 50 où il met en oeuvre un continuum spatial parfait.
Cette maison reflète à la fois l’idéal moderne de continuité intérieure/extérieure mais aussi l’isolement paradoxal qui en découle. En effet, tout est pensé dans les moindres détails par Mies Van Der Rose afin que l’intérieur ne forme qu’un avec l’extérieur, le mobilier lui même étant conçu et placé à cet effet. Rien ne peut être modifié sans entraver cette connexion. L’habitant est de trop. Tout signe de vie devient déplacé dans l’orchestration magistrale de cette oeuvre. L’unité est élevée au-dessus de l’habitabilité. La maison n’offre pas d’abri, aucun mur pour se retirer du monde et se protéger. Même si cet environnement est théoriquement vide de menace, la nature n’est toujours pas hospitalière en elle-même et l’ampleur de l’espace étouffe par sa présence inévitable. Les murs vitrés enferment à l’extérieur.
En décembre 1995, Robert Venturi publie l’article Windows où il relate son combat contre la norme de l’abstraction de la fenêtre imposée par les modernes au début de sa carrière.
Il parle du tabou qu’était de faire des fenêtres « traditionnelles » dans un contexte où l’architecture moderne avait partout triomphé. Il revendiquait le fait de pouvoir concevoir la fenêtre par association plutôt que de manière purement fonctionnelle et abstraite en omettant tout passé historique. Pour être un moderne, il fallait sans cesse jouer de sédition. Pas question de s’inspirer de références familières ou populaires. Or, c’est précisément ce que va faire Venturi : utiliser des éléments conventionnels pour concevoir la fenêtre.
Cette phrase de Venturi retranscrit une image absurde de l’architecture moderne pour laquelle la seule règle qui vaille est la rupture coûte que coûte :
Actuellement, et malgré sa remise en cause, force est de constater que la doctrine moderne a laissé son empreinte dans les méthodes de conception architecturale. La transparence et l’ouverture sont devenues des leitmotiv répétés de manière mécanique.
A l’heure de la recherche d’une ville alternative à la ville moderne, les architectes cherchent à resserrer les tissus urbains, à recréer des intériorités, mais le vieux réflexe d’ouverture revient sans cesse se mêler au processus de conception. Les espaces confinés, cloisonnés et limités sont systématiquement traversés, ouverts et déversés dans un espace continu, désorienté et homogène. La notion même d’ouverture disparaît devant le manque d’opacité à contrarier. Au milieu de ce grand élément diffus, seuls les deux extrêmes de l’intimité subsistent : la cellule et l’espace public. C’est bel et bien l’idéal de la ville moderne qui imprime ses relents nostalgiques dans la conception architecturale actuelle.
Afin d’assurer une continuité intérieur/extérieur optimale, l’architecture se pare toujours de grands pans de murs vitrés, qui offre une vision non-sélective de l’extérieur.
L’extérieur n’est plus choisi mais pris dans sa globalité comme un milieu fondamentalement désirable sur lequel l’ouverture est bénéfique. Dans les faits, l’extérieur n’étant pas toujours idyllique, il peut plutôt devenir une présence envahissante, manifestement irréfléchie et démesurée. Au lieu de valoriser l’extérieur, cette ouverture sans modération entraîne plutôt un retrait et une appréhension négative de celui-ci.
De plus, l’empêchement à voir, l’inviolabilité des bâtiments et leur inaccessibilité, qui ont longtemps été des principes de base en architecture, sont de moins en moins tolérés aujourd’hui, alors que la société doit être en mesure de tout observer, de tout juger et de tout contrôler. Chacun revendique son « droit de regard ». La transparence des bâtiments est ainsi valorisée car comprise comme la traduction d’une véritable transparence dans les faits.
Tous ces aspects sont traduits dans l’architecture contemporaine par des bâtiments aux limites rendues quasiment immatérielles. L’aboutissement de ce processus amène presque à la disparition du bâtiment en lui-même.
L’usager doit avoir l’impression de vivre à l’extérieur
Le toit devient le seul élément tangible du bâtiment, qui se confond avec le paysage. Les limites de l’intérieur se confondent avec les limites du paysage. Autrement dit, il n’y a plus d’intérieur.
Ici le verre est utilisé pour sa transparence et pour ses propriétés plastiques. Sa dimension matérielle est totalement niée. Or, en réalité, comme tout autre matériau, il dispose d’une certaine contenance et marque une frontière.
La fenêtre n’est plus considérée comme un élément tangible mais comme un outil incarnant l’immatériel, afin d’opérer un passage invisible entre intérieur et extérieur.
La transparence est la seule caractéristique de la fenêtre retenue par certains architectes, alors qu’elle offre bien d’autres qualités nécessitant une identification et une présence claire.
Cet idéal d’ouverture sur le paysage semble contradictoire avec la construction en ville. Cependant, les architectes ont résolu cette apparente contradiction en élevant les constructions de plus en plus haut afin que la ville en elle-même devienne paysage. C’est l’aboutissement des ambitions modernes qui soumet tous les environnements, même le plus indomptable d’entre eux, la ville, en les transformant en objets de contemplation.
Durant les entretiens, j’ai pu remarquer une dichotomie entre habitants des tissus plus anciens, dont le logement se trouvait à des étages assez faibles, et habitants des tissus récents, vivant en étages élevés. Les habitants vivant en hauteur ressentaient un certain détachement par rapport à la vie de la rue, presque une domination sur elle.Au contraire, les habitants des étages bas avaient une tendance plus marquée à instaurer un rapport de proximité avec la rue. Les constructions en hauteur décollent et projettent le logement loin de la rue, du quartier, de tout ancrage particulier dans la ville pour le faire léviter au-dessus d’elle.Le logement ouvrant sur le grand paysage n’offre une relation qu’avec la ville à grande échelle, avec la ville anonyme. Il s’émancipe de la vie urbaine permise en bas.
Là, les logements peuvent s’étendre au-dehors et instaurer un rapport palpable avec la rue et le quartier. Bref, avec la ville à échelle humaine.
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Table des matières
/ Introduction
/ Les enjeux à la fenêtre
/ Les architectes à la fenêtre
/ Les gens à la fenêtre
/ Conclusion
/ Bibliographie _ médiagraphie_iconographie
/ Annexes
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