Le microscope à force atomique métrologique

Principe de la microscopie à force atomique : du STM à l’AFM 

L’invention du microscope à effet tunnel (STM pour Scanning Tunneling Microscope) par G.Binnig and H.Rohrer en 1981 [1] a ouvert la voie à l’imagerie de surfaces avec une résolution spatiale bien supérieure à celle des techniques de microscopie conventionnelle, typiquement la demi longueur d’onde pour la microscopie optique soit environ 300 nm dans le domaine visible [2]. En effet, le STM est le tout premier instrument capable d’obtenir des images en trois dimensions de surfaces avec une résolution atomique. Comme tous les microscopes champ proche, il tire parti d’une interaction fortement localisée entre l’extrémité de la pointe et la surface à imager. Son fonctionnement est basé sur un courant tunnel qui apparait lorsque une différence de potentiel est appliquée entre la pointe et l’échantillon conducteur et que la distance les séparant devient très faible (de l’ordre de l’Angstrom). Cependant, même si le STM est capable d’atteindre la résolution atomique [1] il ne peut être utilisé que sur des échantillons conducteurs. Cette limitation a conduit à l’invention du microscope à force atomique (AFM pour Atomic Force Microscope) par Binnig et ses collègues en 1986 [3]. L’AFM repose lui aussi sur une interaction fortement localisée qui tire son origine du champ de forces atomiques dans lequel une pointe miniature est plongée. Cette interaction est toujours présente quel que soit le matériau, conducteur ou non.

Une première approche pour décrire le champ de forces consiste à considérer l’énergie existant entre deux atomes (ou molécules) non liés. Cette énergie est très souvent exprimée sous la forme d’un potentiel dit de Lennard-Jones . Ce potentiel est la combinaison d’une interaction attractive de type Van der Waals qui prédomine à grande distance (supérieure à 1 nm) et d’une interaction répulsive qui intervient de façon prépondérante à faible distance (inférieure à 0.5 nm). Cette dernière tire son origine de l’incapacité des orbitales atomiques à s’interpénétrer (principe d’exclusion de Pauli) .

La résolution atteinte avec un AFM est directement dépendante de la forme de la pointe. Idéalement son apex (extrémité de la pointe) est constitué d’un seul atome en interaction avec la surface à imager. En pratique, ces conditions sont difficilement atteignables et la pointe possède toujours un rayon de courbure typiquement de l’ordre de quelques nanomètres . Pour convertir les forces agissant à l’extrémité de la pointe (quelques nN) en une grandeur facilement mesurable, la pointe est intégrée à l’extrémité d’un levier micrométrique . Celui-ci joue le rôle d’un convertisseur qui sous l’action des forces appliquées à l’extrémité de la pointe va fléchir vers le haut si la force est attractive ou vers le bas si la force est répulsive.

Le mode contact 

Il s’agit d’un mode de fonctionnement statique basé sur les mesures de déflexion du levier qui supporte la pointe AFM. La pointe est amenée au contact de la surface de l’échantillon et maintenue à une force d’interaction constante par l’asservissement. Pour cela, l’asservissement maintient constante la déflexion du levier en contrôlant la distance pointe échantillon. Lors du balayage de la surface, si une variation de la déflexion du levier est détectée (changement d’interaction ou de distance pointe échantillon), le système d’asservissement modifie la position verticale de la pointe de façon à retrouver la déflexion initiale du levier et donc la force d’interaction de la consigne. Le signal de contre réaction est en première approximation la topographie de la surface à imager. Le mode contact permet d’atteindre les meilleures résolutions ainsi que des vitesses de balayage souvent plus élevées que les autres modes.

Le mode contact intermittent ou Tapping (mode dynamique) 

Les forces et les frictions engendrées lors du balayage en mode contact peuvent endommager la surface. Afin d’éviter la détérioration de l’échantillon et l’usure prématurée de la pointe par un contact permanant, le mode « Tapping » a été développé. Il s’agit d’un mode oscillant durant lequel la pointe vient effleurer la surface de l’échantillon par intermittence. Pour cela, le système pointe/levier est mis en oscillation proche de sa fréquence de résonance par une pastille piézoélectrique.

Il existe deux méthodes de modulation, la modulation en amplitude (AM) et la modulation en fréquence (FM). Pour la modulation AM [6], la pastille piézo est excitée avec un signal d’amplitude (Af) et de fréquence (ff) fixes et proches de la fréquence de résonance du levier. Lorsque la pointe approche la surface de l’échantillon, les interactions modifient la résonance du système en amplitude et en phase. Ces variations sont ensuite utilisées par l’asservissement pour maintenir constante soit l’amplitude, soit la phase et donc l’interaction pointe/surface.

Etalonnage des AFM 

Du besoin d’une mesure traçable à l’échelle du nanomètre 

Grâce à sa capacité à mesurer une topographie, l’AFM est aujourd’hui très couramment utilisé pour des applications de métrologie dimensionnelle : dimensions de nanostructures, états de surface, rugosité, planéité, courbure, épaisseur de couche, hauteur ou profondeur de motif, pas de réseau… . Cependant, pour améliorer la justesse des mesures délivrées par l’AFM, il est indispensable de l’étalonner périodiquement.

Par ailleurs, la poursuite du développement des nanotechnologies nécessite de pouvoir disposer de résultats de mesure toujours plus fiables, à la fois pour permettre la mise en place d’un contrôle qualité mais aussi pour faciliter l’acceptation par le public de nouveaux produits arrivant sur le marché. Dès lors, la mesure apparaît comme un catalyseur pour le développement des nanotechnologies. C’est pour cette raison qu’un grand chantier s’ouvre dans le domaine de la nanométrologie, qui est la science de la mesure à l’échelle nanométrique, avec comme enjeu l’essor des nanotechnologies et des nanosciences. Aujourd’hui, le premier verrou technologique sur le point de céder est la maîtrise de la traçabilité à l’échelle nanométrique pour la mesure dimensionnelle (formes, tailles, distances…).

AFM métrologique : vers une traçabilité dimensionnelle à l’échelle du nanomètre 

Les moyens développés aujourd’hui par le LNE dans le domaine de la nanométrologie reposent principalement sur la mise en œuvre d’une plateforme de Caractérisation Métrologique des Nanomatériaux appelée plateforme « CARMEN». L’objectif de cette plateforme consiste à établir les différentes chaînes de traçabilité, à définir des protocoles de mesure et des méthodes d’échantillonnage afin d’être capable d’associer à chaque mesure une incertitude qui permettra d’offrir aux utilisateurs de la plateforme un niveau de confiance optimum. Elle permettra par exemple une mesure absolue et traçable des paramètres géométriques qui caractérisent un nano-objet [13]. Actuellement, le travail de métrologie primaire se concentre en priorité sur le cœur dimensionnel de la plateforme constitué par l’AFM métrologique (mAFM). L’idée de développer un AFM métrologique a été lancée en 2007 par le LNE dans le cadre du développement de son activité en nanométrologie. Celui-ci servira aussi bien pour étalonner les instruments de la plateforme (AFM et MEB) que pour des prestations d’étalonnage sur des étalons couramment utilisés en microscopie à force atomique ou électronique ou sur des produits avancés nécessitant une grande exactitude de mesure.

On entend par AFM métrologique, un AFM permettant d’assurer la traçabilité au Système international d’unités de mesures topographiques réalisées sur des échantillons d’intérêt. C’est également un instrument dont l’incertitude de mesure est parfaitement maitrisée au sens quantitatif du terme. Cela implique nécessairement que tous les paramètres qui perturbent le résultat de mesurage soient maîtrisés et quantifiés au travers d’un bilan d’incertitude.

La traçabilité est une notion clé de la métrologie. Elle est définie dans le guide pour l’expression de l’incertitude de mesure par : « La traçabilité métrologique est la propriété d’un résultat de mesure selon laquelle ce résultat peut être relié à une référence par l’intermédiaire d’une chaîne ininterrompue et documentée d’étalonnages dont chacun contribue à l’incertitude de mesure ». Elle décrit toute la chaîne de raccordement des mesures. Elle est souvent représentée sous forme d’une pyramide au sommet de laquelle siège la définition de l’unité du SI et où sa base représente la mesure réalisée par l’opérateur.

Mise en pratique de la traçabilité par le biais d’étalonnage 

Dans le SI, l’unité de longueur, le mètre, est définie à partir de l’unité de temps, la seconde, grâce à la fixation de la vitesse de la lumière, c, par la Conférence Générale des Poids et Mesures (CGPM) en 1983. La définition de la seconde est fondée sur la durée d’un nombre de périodes défini (9 192 631 770) de la radiation correspondant à la transition entre deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133 [15]. Le lien entre les unités de temps et de longueur est établi par la relation caractérisant la propagation des ondes électromagnétiques dans le vide et reliant la longueur d’onde sous vide λ à la fréquence ν : λ = c/ν. La référence de fréquence ν peut être fournie par un laser stabilisé sur une transition atomique ou moléculaire reconnue [16]. Au sommet de la pyramide de traçabilité, se trouvent la définition du mètre et sa mise en pratique au sein des INM grâce à un laser stabilisé en fréquence. C’est un étalon primaire qui sert à étalonner en fréquence d’autres sources laser utilisées, par exemple, pour mesurer des déplacements par interférométrie optique.

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Table des matières

Introduction générale
1. Le microscope à force atomique métrologique : un instrument incontournable pour la nanométrologie dimensionnelle
1.1. Principe de la microscopie à force atomique : du STM à l’AFM
1.1.1. Le mode contact
1.1.2. Le mode contact intermittent ou Tapping (mode dynamique)
1.1.3. Le mode non-contact
1.2. Etalonnage des AFM
1.2.1. Du besoin d’une mesure traçable à l’échelle du nanomètre
a. AFM métrologique : vers une traçabilité dimensionnelle à l’échelle du nanomètre
b. Mise en pratique de la traçabilité par le biais d’étalonnage
c. Les étalons de transfert
1.2.2. AFM métrologique du LNE
Partie II : Présentation et Analyse des développements réalisées pour le mAFM du LNE et perspectives d’améliorations
1.3. Spécifications de l’AFM métrologique du LNE
1.3.1. Présentation générale de l’instrument
a. Platine XYZ
b. Interféromètres
c. Tête AFM
1.3.2. Performances
a. Stabilité de la chaine métrologique
b. Problématique liée à la dérive thermique de la pointe dans la tête AFM
1.3.3. Nécessité de développer une nouvelle tête AFM adaptée pour des applications métrologiques
1.4. Bibliographie I
2. Etude et comparaison des principaux systèmes de mesure de déflexions du levier dans un AFM
2.1. Les systèmes de mesure de déflexion dans un AFM
2.1.1. Méthode du levier optique (photodiode quatre quadrants)
2.1.2. La méthode de détection interférométrique
a. Interféromètre différentiel
b. Interféromètre à fibre optique
2.1.3. Mesure piézo-électrique par diapason à quartz
a. Détection du signal
2.1.4. Mesure piézorésistive
2.1.5. Mesure capacitive
2.2. Comparaison des différentes méthodes de détection dans le cadre de leur utilisation dans l’AFM métrologique
2.3. Bibliographie II
3. Développement d’un système original pour la mesure des déflexions du levier dans le mAFM
3.1. Développement d’une méthode de détection sans sources de chaleur
3.1.1. Externalisation du module diode laser
3.1.2. Externalisation de la photodiode et son électronique
a. Exemple de capteur de position à fibres optiques
3.1.3. Evaluation d’un premier prototype de capteur de position à base de quatre fibres optiques
3.1.4. Modélisation du capteur à quatre fibres optiques
3.1.5. Résultats et interprétations
a. Photodiode quatre quadrants
b. Photodétecteur à fibres
3.2. Développement d’un capteur à fibres optiques optimisé : le bundle de fibres
3.2.1. Spécifications techniques du bundle de fibres optiques du LNE
3.2.2. Modélisation du bundle
a. Résultats de modélisation
3.2.3. Conception et caractérisation expérimentale du bundle de fibres optiques
a. Conception
b. Caractérisation expérimentale
3.3. Intégration et validation du bundle sur une tête AFM : Premières images AFM
3.4. Conclusion sur le bundle de fibres
3.5. Bibliographie III
4. Conception et fabrication de la tête AFM
Conclusion générale

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