Le mepris des faisabilites operationnelles : un objet pour les sciences de gestion

LE MEPRIS DES FAISABILITES OPERATIONNELLES : UN OBJET POUR LES SCIENCES DE GESTION

Genèse de la recherche doctorale

Des racines anciennes

S’engager sur le chemin d’une recherche doctorale est sans aucun doute une décision délicate qui ne peut être prise dans l’instant. En ce qui me concerne, après mon diplôme de sciences politiques, j’envisageais de m’engager dans une carrière universitaire dans le domaine de la recherche : plutôt que de choisir un diplôme plus professionnalisant, je choisis alors de mener un DEA en relations internationales, aujourd’hui appelé « master recherche ». J’appréciais particulièrement à cette époque les aspects théoriques que j’avais commencés à découvrir lors de mes études à Sciences Po, et j’avais la volonté de continuer à m’enrichir sur ce plan. Le DEA était par conséquent le diplôme le plus approprié qui permettait d’approfondir l’ensemble de ces notions, mêlant étroitement la sociologie à la science politique. Je ne fus pas déçue et cette année d’étude me permit d’élargir mes horizons. Suite à ce diplôme, et n’ayant pas fait d’année à l’étranger, je considérai comme important de me confronter à d’autres manières de « penser » : je passai donc les procédures de sélection du Collège d’Europe et j’y fus admise quelques mois plus tard. Cette année fut extrêmement passionnante dans la mesure où j’appris autant des autres étudiants que des cours que je pouvais suivre. J’appris à travailler à partir d’études de cas, notamment en ce qui concerne le domaine juridique ; je découvris les fondements de la culture européenne en menant des recherches pour le cours de civilisation européenne et assistai à des débats émouvants sur les conflits dans les Balkans organisés par les étudiants. Je continuais par ailleurs à enrichir mon parcours de recherche puisque nous devions aussi rédiger un mémoire de recherche avec des professeurs européens. Les exigences étant parfois un peu différentes, cela complétait dans une certaine mesure ce que j’avais pu apprendre lors de mon DEA. De retour à Paris, plusieurs voies s’offraient à moi et il m’était difficile de choisir. Certains de mes professeurs m’encouragèrent à mener une recherche doctorale mais faire de la recherche en science politique ne me permettait pas d’avoir un contact suffisant avec le réel. Je n’étais pas prête à m’engager pendant trois sur un sujet qui, dans ce cadre, aurait porté sur la Russie (puisque je m’étais spécialisée depuis le début de mes études sur l’Europe centrale et orientale), mais ne m’aurait pas permis ensuite d’être très au contact avec d’autres mondes que celui du microcosme des chercheurs en science politique. Il me fallait un contact avec le réel car, ayant été relativement protégée dans des environnements riches sur le plan intellectuel, il me semblait que je ne saisissais pas la réalité du monde. J’avais effectué quelques stages dans le monde diplomatique et je dois dire qu’après cette année au Collège d’Europe, ayant un peu d’avance dans mon parcours universitaire, je réfléchissais à passer des concours qui m’auraient permis de retrouver cette ouverture « internationale » que j’avais appréciée à travers ces différentes expériences. Les concours de la Commission Européenne étant réservés à ce moment là aux ressortissants des nouveaux états membres, je décidai de retourner à Sciences Po pour préparer les concours de l’ENA et du Ministère des Affaires Etrangères. Cette année d’étude se révéla décevante : peut être avais-je surestimé ce que cette préparation aux concours pouvait m’apporter…Je fus relativement déçue car les débats de fond sur l’évolution de l’administration n’étaient que très peu abordés. Il fallait dans ce cadre enregistrer énormément de connaissances mais les cours reçus ne correspondaient pas à ce que j’attendais sur le plan des débats d’idées. Je pensais de nouveau à m’inscrire en thèse mais comme je le soulignais précédemment le monde de la science politique me semblait très restreint et de plus, les débouchés sur le plan professionnel étaient très réduits. De surcroît il fallait assumer sur le plan financier encore trois années d’étude, et les bourses étaient très rares dans ce secteur. Après six années d’études, il fallait que je puisse être autonome financièrement ce qui était difficile dans ce domaine et sans garantie de trouver un emploi après l’obtention d’une thèse. Je n’avais pas non plus de sujet qui me tenait particulièrement à cœur et qui aurait pu être un élément moteur suffisamment fort pour que je puisse m’y engager.

Aussi à la suite de cette année de préparation, confrontée à la nécessité de trouver un emploi, je trouvai un premier poste dans le conseil. En raison de mes langues « exotiques » (le russe et le polonais), je me retrouvai dans le secteur bancaire, domaine qui m’était complètement étranger. L’entrée dans le monde professionnel m’apporta cette connaissance d’un monde auquel je ne m’étais jamais confrontée et que je cherchais à connaître, mais parallèlement la dimension théorique de mes études, et notamment celle de la recherche, me manquait beaucoup. Bien qu’accaparée au départ par le nécessaire apprentissage du fonctionnement d’un monde que je n’avais jamais réellement étudié, les deux trois premières années furent assez enrichissantes. Je me confrontai à ce qu’était l’entreprise en ayant la sensation d’être souvent perdue. Je ne maîtrisais pas le vocabulaire, je ne savais pas en quoi consistaient les différentes fonctions de l’entreprise, je ne comprenais rien à la comptabilité, je ne maîtrisais pas beaucoup les outils bureautiques en dehors de word que j’avais utilisé pour mes mémoires…Très vite, je participai à des missions ayant une dimension système d’information, et je devais me confronter à un monde totalement inconnu, que d’autres consultants issus de formations commerciales maîtrisaient déjà très bien. J’avais beaucoup de mal à comprendre un vocabulaire qui ne me parlait pas du tout et l’apprentissage fut progressif, voire chaotique. Les différentes expériences accumulées en la matière me permirent de réaliser plusieurs constats qui suscitèrent une curiosité nouvelle sur le plan théorique puisque je n’avais que très peu analysé le monde des entreprises jusqu’ici. Je commençai à interroger mes managers afin de bénéficier de leur regard critique et de proposer des améliorations aux clients que nous avions face à nous. Malheureusement nous ne prenions que très peu de temps pour analyser ce que nous réalisions et j’avais souvent l’impression que les impératifs financiers guidaient notre ligne de conduite au détriment de la pertinence de nos remarques. Les recherches théoriques commençaient à me manquer puisque depuis le début de mon parcours universitaire, j’avais toujours côtoyé le monde académique. Bien qu’ayant recherché à travers la confrontation avec le monde de l’entreprise une dimension plus pragmatique, j’avais l’impression que tout ce que j’avais appris ne servait pas à interroger nos pratiques de conseil. Je commençai à réfléchir sur un moyen de remédier à ce vide théorique et le parcours doctoral reprenait forme dans mon esprit.

Les sciences de gestion : une synthèse de ces différentes expériences 

Ayant commencé à réfléchir sur différents sujets de recherche, je m’aperçus assez vite que les sciences de gestion pouvaient être une discipline de recherche où il était possible de réunir l’ensemble des expériences que j’avais pu accumuler depuis le début de mon parcours universitaire. Ma rencontre avec le monde de l’entreprise, qui explique dans une certaine mesure le choix du terme de mépris qui sera explicité un peu plus tard dans le cadre de ce travail, m’avait permis de constater l’importance des phénomènes politiques dans les organisations. Il est vrai qu’à travers les différents stages que j’avais pu effectuer dans les administrations publiques, je n’entrevoyais que très peu les relations de pouvoir entre les acteurs : j’étais soit trop protégée par ma position de stagiaire, soit positionnée à des niveaux hiérarchiques où les enjeux n’étaient pas assez importants pour que je puisse les noter.

Le monde de l’entreprise se révélait très intéressant de ce point de vue : le métier du conseil est un domaine où les jeunes consultants peuvent travailler très rapidement avec des personnes haut placées dans la hiérarchie d’une entreprise. Ils sont parties prenantes aux différentes manœuvres politiques qui se déroulent sur le théâtre des opérations. Les études de science politique se sont révélées assez utiles de ce point de vue et apportent une richesse complémentaire à l’analyse des organisations. Mon parcours universitaire précédent pouvait donc se révéler utile de ce point de vue dans l’analyse de l’entreprise. Réaliser un doctorat en sciences de gestion avait une cohérence par rapport à l’ensemble de mon parcours universitaire et professionnel, même s’il me manquait de nombreuses connaissances sur la théorie des organisations et en gestion. Il s’agissait de réunir tant mes expériences professionnelles que mon parcours universitaire pour que ces deux domaines puissent s’enrichir mutuellement.

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Table des matières

Introduction
Première partie LE MEPRIS DES FAISABILITES OPERATIONNELLES : UN OBJET POUR LES SCIENCES DE GESTION
Chapitre I – Genèse de la recherche doctorale
1.1 Des racines anciennes
1.2 Les sciences de gestion : une synthèse de ces différentes expériences
Chapitre II – Ce que n’est pas cette recherche doctorale
2.1. Les domaines qui ne seront pas traités dans le cadre de ce travail
2.2 L’intérêt de ce sujet en sciences de gestion
CHAPITRE III – Le choix d’une posture épistémologique : le constructivisme
3.1 Nos convictions à l’origine de la posture constructiviste
3.2 Méthodologie de recherche empirique et posture épistémologique
Chapitre IV – Regards croisés : interviews d’intellectuels en sciences humaines
4.1 Une démarche originale
4.2 Rencontres effectuées avec des scientifiques en sciences humaines
Deuxième partie PERIMETRE THEORIQUE DE LA THESE
Chapitre V – Le mépris des faisabilités opérationnelles
5.1 Pourquoi avoir choisi le terme de mépris ?
5.2 Les acceptions du terme « mépris » retenues dans cette recherche doctorale
5.2.1. Le mépris : un terme analysé de manière inégale dans les sciences sociales
5.2.2. Les acceptions du mépris retenues dans le cadre de cette recherche doctorale
Chapitre VI – Une analyse critique du concept de faisabilité opérationnelle
6.1 Un terme peu analysé pour lui-même dans les sciences de gestion malgré son utilisation
fréquente dans certains types de littérature
6.2 Contenus et contours sémantiques du concept de faisabilité
6. 3 La faisabilité : une approche incarnée des projets opérations à dimension système d’information
Chapitre VII – Approche théorique retenue pour définir l’alignement stratégique
7.1. L’alignement stratégique des projets opérations à dimension SI comme cadre conceptuel
7.2 Ce que n’est pas l’alignement stratégique et le système d’information dans le cadre de cette recherche doctorale
7.3 Définition des approches retenues dans cette recherche doctorale en matière d’alignement stratégique et de système d’information
Troisième partie RECHERCHE EMPIRIQUE : DISPOSITIFS, DEPLOIEMENTS ET RESULTATS
Chapitre VIII – Méthodologie d’analyse qualitative
8.1 Modèle d’analyse retenu dans le cadre de cette recherche exploratoire
8.1.1 Une recherche fondée sur le modèle hypothético déductif
8.1.2 Des dispositifs empiriques multiples
8.1.3 Précisions sur les entretiens
8.2 Méthodologie d’analyse qualitative
Chapitre IX – Analyse des entretiens réalisés avec les scientifiques en sciences humaines
9.1. Le mépris des faisabilités opérationnelles et ses effets sur l’alignement stratégique : les points de vue des scientifiques
9.2. Conclusions quant à nos hypothèses de travail
Chapitre X – Analyse des données secondaires recueillies dans le cadre de cette recherche
10.1 Thèmes recensés après l’analyse des matériaux récoltés
10.2. Conclusions quant à la validation des hypothèses de travail dans le cadre de notre recherche
Chapitre XI – Analyse de l’étude de cas réalisée dans cette recherche doctorale
11.1 Descriptif du cas étudié
11.2 Présentation des conclusions récoltées par type de matériaux
11.2.1 Analyse des matériaux
11.2.2 Conclusions quant à nos hypothèses de travail
11.3 Analyse des entretiens réalisés
Chapitre XII – Analyse des autres entretiens effectués
12.1 Confrontation des matériaux issus des entretiens
12.2 Analyse des entretiens et synthèse des conclusions par type d’hypothèses
Chapitre XIII – Conclusions et perspectives de recherches ultérieures
13.1 Les limites de cette recherche
13.2 Perspectives de recherches ultérieures
Conclusion

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