Le media « télévision », ses caractéristiques, ses influences sur les téléspectateurs

« Madame, que dois-je faire pour devenir profiler ? » me demanda un jour, dans les années quatre vingt, une jeune fille venue me consulter à propos de son orientation. Même si ce n’était pas la première fois que les questions posées par les jeunes avaient un lien avec la télévision, cette question fut pour moi le déclencheur d’une série d’interrogations et de premières réflexions: Il était évident que les émissions que voyaient les jeunes pouvaient leur faire découvrir ou redécouvrir des métiers, en particulier ceux qui n’appartenaient pas à leur environnement immédiat. Et le plaisir qu’ils prenaient à regarder leurs émissions préférées en rendait peut être certains plus ouverts à leurs contenus qu’à ceux de vidéos didactiques. Cette observation recoupait celles que je faisais lors des Salons de l’Education, à propos des dossiers d’information consultés par les jeunes: il me semblait que le dossier de la décoration intérieure n’avait jamais été autant demandé que depuis la floraison d’émissions de décoration sur le « petit écran ».

Parallèlement, je m’interrogeais depuis longtemps sur la division sexuée de l’orientation : pourquoi voit-on aussi peu de garçons en Sciences Médico-Sociales et aussi peu de filles en lycée industriel, par exemple ? En croisant les deux questions, je me suis demandé si la télévision, par ce qu’elle montre des métiers et du monde du travail, pouvait y jouer un rôle, et si oui, lequel.

Le media « télévision », ses caractéristiques, ses influences sur les téléspectateurs 

Croissance et décroissance de la télévision

En 2009, selon Médiamétrie (http://www.mediametrie.fr), 98,5% des foyers français étaient équipés d’au moins un récepteur de télévision. Actuellement les réfractaires, ceux qui n’ont pas de téléviseur chez eux, sont un sujet d’étonnement, presque une déviance qu’il convient d’étudier: c’est ce que fait Bergier (2010) dans un ouvrage au titre évocateur: « Pas très cathodique », ouvrage dont nous évoquerons les principaux apports un peu plus loin.

Une apparition récente 

On peut supposer que c’est avec l’apparition du langage que les humains cherchèrent à obtenir et à faire circuler des informations pour communiquer à distance avec leurs semblables (ressources, mouvements de troupes, état de la société…). Les informations fournies par les tours de guet, les signaux de fumée, les pavillons des marins ne pouvaient être que rudimentaires, et celles apportées par les courriers humains nécessitaient des délais, étaient sujettes à des problèmes de fatigue (le coureur de Marathon en est mort), d’embuscades… Le télégraphe de Chappe permit déjà, grâce à des signaux visuels codés relayés par un système de tours, de transmettre davantage d’informations. Au cours du XIXème siècle, les découvertes dans le domaine de l’électromagnétisme et de la transmission d’ondes radio électriques donnèrent naissance à la radio. Il restait à transmettre les images.

L’invention de la photographie, puis du cinématographe, avait permis d’enregistrer et de conserver les images de la réalité. En France, c’est au cours de la première guerre mondiale que l’armée commença à utiliser cette technique, pour mobiliser l’opinion publique. L’influence, déjà… Jusqu’à l’arrivée de la télévision, ce sont les actualités télévisées, projetées dans les cinémas avant le film principal, qui montreront ces images aux spectateurs. Pendant cette période, la radio prend une importance de plus en plus grande en France et à l’étranger.

La découverte de la télévision, rapportent Chauveau et Grenard (n.d.), date de 1923, mais la première diffusion officielle en France eut lieu le 25 avril 1935. Jusque dans les années cinquante, les téléspectateurs sont rares: les téléviseurs sont chers, et les émissions ne peuvent être reçues que sur une petite partie du territoire. En 1949, on recense 37 000 récepteurs; en 1953, 60 000, avec l’effet bénéfique de la retransmission (premier direct international) du couronnement de la reine d’Angleterre Elisabeth II le 2 juin 1953. Il s’agit souvent d’écoute collective regroupant les téléspectateurs dans des télé-clubs locaux, situés dans des lieux collectifs, écoles, mairies…Au cinéma, les journaux des Actualités françaises traitent, en sujets très courts, les aspects institutionnels de l’actualité politique: déplacements du chef de l’Etat, inaugurations de salons, etc. Dans le courant des années cinquante, les industriels réussissent à produire des appareils moins onéreux. De 1958 à 1968, le taux d’équipement des ménages passe de 5 % à 62%. Les politiques français prennent peu à peu conscience des possibilités qui semblent s’offrir à eux, notamment après les élections présidentielles de 1960 aux Etats-Unis: il est dit que le débat télévisé a favorisé la victoire de Kennedy sur Nixon. En 1965, lors de la première élection du Président de la République au suffrage universel, 40% des français possèdent un téléviseur. Le réseau se développe, on inaugure la seconde chaîne (1964), puis la couleur (1967). Progressivement, la télévision devient la source d’information dominante. Le général de Gaulle l’utilise comme canal privilégié de communication, ce qui signifie un contrôle de l’Etat, en particulier en matière d’information télévisée. Les nombreux ministres ou secrétaires d’Etat à l’Information successifs ont parmi leurs missions la tutelle de ce qui devient l’Office de Radiodiffusion Télévision Française (ORTF). Dans le Journal Télévisé de cette époque, commentent Chauveau et Grenard (n.d.) « l’opposition est proscrite, les conflits sociaux étouffés et l’image de la France étroitement filtrée ». Pour de Gaulle (1963, cité par Jeanneney, 1995), la télévision reste considérée comme un «instrument magnifique de soutien de l’esprit public».

Pluralité, exemples étrangers, évolution des mœurs, pressions diverses…L’emprise politique diminue, des magazines comme Cinq Colonnes à la Une, s’ils n’abordent pas tous les sujets, jouissent d’une certaine liberté de ton. Les chaînes payantes, thématiques, apparaissent aux Etats-Unis avec les transmissions par câbles ou satellites qui multiplient les possibilités. La France va suivre peu à peu. La fin du monopole d’Etat, consacrée par la loi du 29 juillet 1982, se concrétise en 1984 par le lancement de Canal Plus, première chaîne privée. Aux premiers financements, assurés exclusivement dans les débuts par l’Etat et la redevance, se sont ajoutés les recettes publicitaires puis, pour les chaînes privées, les abonnements. Les chaînes se multiplient, la télécommande permet de passer instantanément de l’une à l’autre. La numérisation donne la possibilité de les recevoir sur un nombre beaucoup plus élevé d’écrans de toutes origines (ordinateurs, téléphone…). Ces avancées technologiques font appel à des investissements importants, qui ne peuvent être assurés que par de grands groupes, dont le poids financier se fait sentir. Les habitudes changent, évoluant vers un usage plus individuel. Des chaînes thématiques apparaissent, la concurrence entre les généralistes se fait plus féroce, conduisant notamment à un accroissement des émissions de divertissement dans le but d’attirer un maximum de spectateurs, donc d’engranger un maximum de recettes. Patrick Le Lay, PDG de TF1, explique, dans une formule devenue célèbre: « le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit… Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible: c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible » .

Même si, au fil du temps, chaînes et programmes s’internationalisent, avec une prédominance écrasante des Etats-Unis, images et discours télévisuels sont les produits non seulement d’une époque, mais aussi d’une culture. Ils portent la marque de la partie du monde et de la société dans laquelle nous vivons. En ce qui concerne la France, ils reflètent les classes moyennes occidentales: ils mettent en scène – et ce faisant contribuent à formater – leurs préoccupations, leurs rêves, dans leur cadre de vie quotidien ou idéalisé. Les programmes télévisuels sont à tel point considérés comme représentatifs d’une époque donnée que, rapportent Autissier et Orsenna (2006), les Argentins ont, en 1992, enchâssé dans un monument à l’entrée du port d’Ushuaia les épisodes d’une série télévisée: témoignage destiné aux générations futures, à ne pas ouvrir avant 2492.

Est-il encore pertinent de se poser des questions sur l’influence de la télévision ? 

Entre le début de cette étude et l’époque présente, dix années se sont écoulées. Durant ce laps de temps, les écrans se sont multipliés, les offres de programmes également, et les façons de regarder ont changé : elles se sont individualisées. On parle de plus en plus de « produits », on enseigne l’économie des media. Selon Miège (2003) :

La vision d’un émetteur unique et tout puissant, imposant comme il l’entendait ses programmes à une masse de téléspectateurs et d’auditeurs inactifs a été progressivement remplacée par une conception marquée par la complexité des interactions et par la diversité des tactiques mises en œuvre par les individus.

Pour ce chercheur, on ne peut plus considérer le téléviseur seul. Travailler sur la télévision nécessite désormais de prendre en compte tout le réseau des interactions, les interventions aux différents niveaux (conception, production, émission, transmission, réception), dont les programmes regardés ne sont que l’aboutissement. Les codes utilisés ont leur importance : Pour qu’il puisse y avoir communication, il faut que ces codes soient, au moins en partie, partagés par les prescripteurs ou les auteurs, d’une part, et les récepteurs, d’autre part. Et cela en sachant qu’ils seront en partie transformés par la population réceptrice, celle-ci se composant non pas d’individus pris isolément, mais de membres d’une culture donnée. Mais, même si ses supports se sont multipliés, même si ses usages ont évolué, ce media reste toujours présent. En dehors de la forêt amazonienne et des contreforts de l’Everest, rares sont les endroits habités de la planète qui n’y ont pas accès. L’apparition des nouveaux media, l’augmentation du nombre de chaînes, la multiplication et la miniaturisation des récepteurs, ont fait évoluer ses fonctions. Ses usages s’individualisent : mais les grandes chaînes traditionnelles gardent des parts d’audience importantes, et le « match de foot », la «Nouvelle Star » ou « Les Experts » continuent à être partagés, puis discutés avec passion, par bon nombre de téléspectateurs.

L’influence, un important thème de recherche 

Un tel media de masse, partenaire de notre vie quotidienne ne pouvait pas laisser les chercheurs indifférents. Après s’être intéressés à la radio pendant la première moitié du XXème siècle, ils abordèrent la télévision. Sous quels angles ?

Pour situer les différents courants de recherches actuels, nous avons recensé les articles publiés dans la revue « Media Psychology » de 1999 à 2008.

Les deux tiers des auteurs – pour la plupart chercheurs en communication américains – se focalisent majoritairement sur la télévision, même si le web a pris une importance grandissante ces dernières années. le thème majeur des articles recensés est celui de l’influence (l’impact, les effets, les conditions). Viennent ensuite, avec une fréquence comparable, des études sur la violence et sur les réponses émotionnelles, et avec une fréquence moindre, des travaux relatifs à la santé, à l’éducation, à la politique et à la publicité. Le genre n’est que très peu traité.

Pour préciser notre recherche, nous avons consulté le bouquet de revues « Science Direct/Elsevier », en utilisant comme mot-clé « gender and television ».

Ces recherches sur l’influence des media de masse ont une origine ancienne. Le premier media à diffusion large et instantanée fut la radio et, dès 1922, des études furent réalisées en vue d’étudier son influence sur le comportement des électeurs. Katz et Lazarsfeld (1955, cités par Marchand, 2004) reprirent ce thème à l’occasion de la campagne présidentielle de 1944. Ils en conçurent la « two step flow theory » : les media atteindraient dans un premier temps certaines personnes influentes, à l’écoute, les « leaders d’opinion » qui, dans un second temps, se comporteraient en « relais d’opinion » auprès du grand public. Mais, si ce thème de l’influence intéresse fort les politiques, il existe un autre sujet important d’études et de discussions : le rôle de la publicité auprès des consommateurs. A tel point qu’il fut médiatisé dans le film de Mankiewicz (1949) « A letter to three wifes » (« Chaînes conjugales ») : on y voit la directrice d’une chaîne de radio expliquer comment les femmes, fidèles auditrices des feuilletons radiophoniques sentimentaux, se précipiteront ensuite sur le produit qui a financé l’émission.

Vint ensuite l’ère de la télévision, qui au son ajouta l’image. Les téléspectateurs pouvaient désormais non seulement entendre, mais voir de leurs propres yeux, ce qui pendant longtemps fut considéré comme un critère d’authenticité. Le premier émetteur fut installé sur la Tour Eiffel en 1935. La RDF (Radio Diffusion Française)  devint RTF (Radio Télévision Française) en 1949, et le premier journal télévisé apparut sur les petits écrans le 29 juin 1949. C’est dans les années cinquante, relatent Courbet et Fourquet (2003), que furent effectuées les premières études sur l’influence de la télévision, définie comme :

l’ensemble des empreintes et des changements manifestes ou latents produits par la télévision sur les individus (considérés sur les plans cognitif, affectif et comportemental), sur les groupes ou systèmes sociaux, sur les systèmes sociopolitiques et économiques, sur les sociétés et les cultures. 

Si les politiques ou les groupes économiques s’y sont intéressés pour l’utiliser, l’opinion publique s’en est, elle fortement inquiétée. Selon Cazenave (1992, cité par Balle, 2006), les craintes portaient tout à la fois sur « son indépendance relative, son goût pour le spectacle, sa démagogie, son appel à l’émotion, son mépris pour la culture, ses multiples violences et ses préférences pour le divertissement » .

Pour Courbet et Fourquet, les études sur l’influence de la télévision peuvent se diviser en trois grandes périodes. Au cours de la première, les auditoires étaient considérés comme passifs et supposés absorber, tels des éponges, les messages délivrés par la télévision dans le but d’agir directement sur leurs comportements. La période suivante, jusqu’aux années quatre-vingt environ, vit naître des études s’attachant plutôt à chercher quels étaient les facteurs susceptibles d’influer sur les éventuels effets de la télévision. La dernière génération adopte une vision plus large, prenant en compte, sans pour autant abandonner le champ de l’influence, les contextes et les processus, et s’attache non seulement aux individus et aux petits groupes, mais aussi aux effets de la télévision à plus grande échelle : sociétés, économie, etc. Désormais, les approches sont souvent pluridisciplinaires.

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Table des matières

Introduction
Première partie 1. Le media « télévision », ses caractéristiques, ses influences sur les téléspectateurs
1.1 Croissance et décroissance de la télévision
1.1.1 Une apparition récente
1.1.2 Est-il encore pertinent de se poser des questions sur l’influence de la télévision ?
1.1.3 L’influence, un important thème de recherche
1.2 L’influence, les pouvoirs, les enjeux
1.2.1 L’influence, un enjeu économique et politique
1.2.2 Influencer pour inciter à consommer
1.2.3 Influencer sans intention affichée de convaincre
1.2.4 Alerter l’opinion publique
1.2.5 La télévision pour agir sur les conduites
1.2.6 Acquisition de connaissances
1.2.7 Un enjeu particulier pour les jeunes ?
1.3 Fonctionnement de l’influence
1.3.1 Influence et neurosciences
1.3.2 Le rôle spécifique des images
1.3.3 Les conditions de la réception
1.3.4 Pourquoi regarde-t-on la télévision ?
1.4 Ce que montre la télévision
1. 4 .1 «Une journée ordinaire de télévision »
1.4. 2 Les séries
1.4.3 Le journal télévisé : Une réalité qui égale la fiction ?
1.5 La place des femmes dans les media
1.6 En conclusion
Deuxième partie
2. Les jeunes face à la télévision
2.1 Les jeunes regardent-ils encore la télévision ?
2.2 Que regardent les jeunes à la télévision ?
2.2.1 Environnement et pratiques télévisuelles
2.2.2 Les émissions regardées ou préférées
2.2.3 Rôle des parents et de l’entourage
2.3 L’influence de la télévision sur les jeunes téléspectateurs
2.3.1 La télévision et le genre
2.3.2 Télévision et violence
2.3.3 Télévision, éducation, acculturation et apprentissage
2.3.4 Télévision et choix d’orientation
2.4 Conclusion
Troisième partie
3. La formation des intentions d’avenir
3.1 Un constat : la division sexuée de l’orientation
3.1.1 L’orientation : des choix de filière différents selon le sexe
3.1.2 Des divisions correspondantes dans le monde du travail
3.2 Ces différences sont-elles « naturelles » ?
3.2.1 Des cerveaux différents, un modèle unique?
3.2.2 Les rôles de sexe sont-ils identiques dans toutes les cultures ?
3.3 Se faire soi
3.3.1 Imitation et identification
3.3.2 Le concept de soi, se faire soi
3.3.3 Se faire fille ou garçon de sa culture : le développement de l’identité sexuée, entre biologie, société et individu
3.4 Le développement vocationnel chez les enfants
3.4.1 Les recherches : quelques constats, peu de connaissances des processus
3.4.2 Le développement des connaissances
3.4.3 Les composantes psychologiques du développement vocationnel
3.4.4 Les influences
3.4.5 Rôles de sexe, stéréotypes
3.4.6 Rôle des media
3.5 Adolescence, développement vocationnel, orientation
3.5.1 L’âge des transformations
3.5.2 La construction des choix d’orientation chez l’adolescent de collège
3.5.3 Des choix d’orientation, selon le sexe, le prestige, les sentiments d’efficacité
3.5.4 Il existe aussi des choix atypiques
3.5.5 Des choix selon les intérêts et les valeurs
3.6 Les métiers : représentations, stéréotypes, dissonance cognitive
3.6.1 Les représentations
3.6.2 Les stéréotypes
3.6.3 La dissonance cognitive
3.8 En conclusion
Conclusion

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