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Facteurs de protection
Différents facteurs de protection vis-à-vis du risque suicidaire ont été mis en évidence.
Les stratégies de « coping » : le terme « coping » provient de l’anglais « to cope » qui signifie « affronter, faire face ». Le « coping » est le type de réponse produite par un individu face à une situation difficile. Il s’agit de l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux utilisés pour maitriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu [17]. Les stratégies de « coping » ont été décrites comme l’un des plus importants facteurs de protection contre le risque suicidaire.
Une bonne estime de soi : l’estime de soi se définit comme l’attribution de traits positifs ou négatifs à sa valeur personnelle. Une bonne estime de soi est un facteur de protection important contre le risque de passage à l’acte suicidaire [18].
Un environnement familial et social de qualité : Le soutien social est d’autant plus important à l’adolescence qu’il s’agit d’une période de la vie durant laquelle la principale tâche développementale est de se distancier de sa famille et d’investir des liens affectifs à l’extérieur du cercle familial [19]. Néanmoins, le soutien familial est reconnu comme un facteur avéré de protection contre les conduites suicidaires.
Le concept de religiosité et de spiritualité : On retrouverait une plus grande proportion de sujets à même d’accepter le suicide et présentant des idéations suicidaires dans une population sans affiliation religieuse. Ainsi, le concept de religiosité et de spiritualité est un facteur de protection contre le développement et la persistance de conduites suicidaires chez les adolescents [20] [21].
Prise en charge des conduites suicidaires : Recommandations
Une tentative de suicide chez un adolescent ne doit jamais être banalisée. Ça n’est jamais un acte anodin à mettre sur le compte de la « crise d’adolescence ». A court terme, elle expose au risque de complications somatiques potentiellement létales. A moyen et long terme, le risque principal est la récidive. Le taux de récidive chez l’adolescent est majeur la première année suivant une tentative de suicide. Son taux est estimé à 25% [22] [23].
Pour encadrer la prise en charge, des recommandations de bonnes conduites existent [24].
Elles ont été promulguées par l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES) en 1998, actuelle Haute Autorité de Santé (HAS), et concernent les jeunes suicidants âgés de 11 à 20 ans.
Elles ont été reprises dans la conférence de consensus de 2000.
On peut les résumer ainsi :
❖ L’adolescent suicidant doit bénéficier lors de sa prise en charge d’une triple évaluation : somatique, sociale et psychologique.
❖ L’évaluation psychologique par un psychiatre doit être systématique dans les premières 24 heures.
❖ L’hospitalisation dans une unité adaptée doit être la règle. Des soins pluridisciplinaires somatiques et psychiques quotidiens doivent être débutés dès le début du séjour hospitalier.
❖ Il n’existe pas de consensus concernant la durée du séjour hospitalier. L’expérience montre qu’une semaine est bien souvent nécessaire pour mener l’ensemble de l’évaluation et préparer un projet de sortie.
❖ La sortie du suicidant doit être soigneusement préparée. Le suivi avec les intervenants extérieurs : médecin généraliste, psychiatre, psychologue, doit être bien organisé et planifié. Cette préparation est essentielle, elle conditionne la qualité ultérieure du suivi, l’adhésion de l’adolescent aux soins et permet ainsi de diminuer le risque de récidive suicidaire.
Le médecin généraliste face au risque suicidaire chez l’adolescent
Le médecin généraliste a un champ d’action qui englobe l’individu, sa famille et sa communauté. Il assure les soins primaires, associés à des fonctions de continuité et de coordination des soins. En parallèle, il régit une mission essentielle de santé publique en assurant la prévention, l’information, l’éducation et la promotion de la santé de ses patients.
Au sein des disciplines médicales, la médecine générale et la psychiatrie partagent un grand nombre de caractéristiques. Ce sont des disciplines cliniques non centrées sur un organe ou une fonction, mais sur un individu où la relation soignant-soigné est au cœur du métier.
Un acte de médecine générale sur dix comporte un soutien psychothérapeutique comme principale composante [25]. Malgré ces chiffres, la reconnaissance du rôle du médecin généraliste dans la prise en charge de la santé mentale est aujourd’hui encore limitée.
Le médecin généraliste est quotidiennement confronté aux adolescents. Il est souvent le médecin de la famille et connait parfois l’adolescent depuis son plus jeune âge.
En France, 80% des adolescents consultent au moins une fois par an leur médecin traitant [26], pour un motif essentiellement somatique ou administratif, mais rarement psychologique [27]. Mais les adolescents présentant des conduites à risque consultent significativement plus souvent leur médecin généraliste que les autres [28].
Dans l’étude SOCRATE 1 [29] qui s’intéresse aux adolescents en sortie de consultation chez leur médecin généraliste, seulement 6 à 7% des adolescents consultaient pour un motif psychologique. Parmi ceux consultant pour un motif « non psychologique », 17% évoquaient l’existence d’une problématique psychologique autre que le motif initial de consultation. La majorité d’entre eux (60%) envisageaient d’en parler au cours de la consultation, et 79% de ces derniers l’ont fait. Concernant l’évolution du ressenti des adolescents lors de la consultation, les résultats rapportent qu’après une seule consultation auprès d’un médecin généraliste, le sentiment de l’adolescent d’être bien dans sa peau, de se sentir compris et écouté progresse significativement
[29] [30]. L’impact du médecin généraliste est donc important même si celui-ci sous-estime bien souvent son influence [30].
Le mal être chez l’adolescent s’exprime par des symptômes très variés, dits « de rupture », qui peuvent être somatiques, psychologiques, comportementaux, sociaux ou familiaux. Les prises de risque peuvent entrer dans un processus « normal » de construction de l’adolescent mais leur précocité, leur intensité et leur répétition doivent alerter [31]. Le médecin généraliste a alors un rôle clé dans le dépistage de ces conduites.
De très nombreux travaux de recherche se sont intéressés aux adolescents et ont permis la création de guides [32] et de sites internet [33] facilitant leur prise en charge.
Différents outils d’aide au dépistage du risque suicidaire chez l’adolescent ont également été développés.
L’HAS a recommandé en 2005 et 2014 la réalisation du TSTS CAFARD.
Ce test se basant sur des données de 1999 a depuis été actualisé et simplifié pour devenir le BITS test.
Le BITS test est actuellement le test de référence pour le dépistage des problématiques suicidaires chez l’adolescent. Il cible à la fois les troubles internalisés et les conduites externalisées. Il permet de les dépister chez les jeunes de 13-18 ans en posant 4 questions simples et facilement abordables dans la conversation :
❖ As-tu été brimé, maltraité à l’école ? Et en dehors ?
❖ As-tu des insomnies ? Et des cauchemars ?
❖ Fumes-tu du tabac ? Tous les jours ?
❖ Es-tu stressé par le travail scolaire ? Et en famille ?
Étude qualitative
L’approche qualitative vise à décrire, comprendre, approfondir plus qu’à répertorier les phénomènes observés. Son objectif est de donner sens, de comprendre des phénomènes sociaux et humains complexes, en s’inscrivant dans un paradigme compréhensif, dit aussi interprétatif. Elle permet d’étudier les relations entre plusieurs facteurs, de prendre en considération l’impact du contexte, notamment du contexte social.
La méthode qualitative m’a semblé être l’option la plus appropriée pour appréhender la suicidalité chez l’adolescent dans toute sa complexité individuelle, environnementale et socio-culturelle, et tenter ainsi de répondre à mon objectif de recherche.
Entretien semi-dirigé
J’ai choisi de mener des entretiens semi-dirigés, aussi appelés entretiens semi-structurés ou semi-directifs.
La réalisation de focus group ne me semblait pas adapté en raison de la sensibilité du sujet étudié. L’entretien semi-dirigé a pour principal avantage de laisser l’interrogé répondre librement à différentes questions ouvertes, et ainsi d’aborder des thématiques éventuellement non retenues de prime abord, par l’enquêteur.
L’entretien comme méthode d’enquête a parfois fait l’objet de critiques récusant la validité de ses preuves du fait de la subjectivité des données fournies par l’interlocuteur. D’après le sociologue François Dubet, on peut au contraire « considérer que chaque individu est un acteur capable de discuter de son rapport au monde, et que le chercheur peut atteindre des faits sociaux à travers l’expérience de celui-ci » [36].
Élaboration du guide d’entretien
Préalablement aux entretiens, nous avons rédigé une grille de questions ouvertes. Ce canevas d’entretien reprenait la liste des thèmes que nous souhaitions aborder. Pour chacun de ces thèmes, d’éventuelles sous questions de relance permettaient d’aborder les points importants, si le sujet ne les développait pas spontanément. Les différentes questions n’étaient pas développées systématiquement dans le même ordre et, selon les situations, de nouvelles questions pouvaient être posées.
La fonction du guide d’entretien était de soutenir l’entretien sans le figer.
Le guide d’entretien comportait six questions ouvertes. Il a été approuvé par un médecin généraliste et une pédopsychiatre après relecture.
Il abordait les thèmes suivants :
– La description de la consultation précédant leur passage à l’acte suicidaire.
– Les éventuels obstacles à se confier à leur médecin généraliste.
– Les attentes des adolescents concernant leur médecin généraliste.
– La place de l’accompagnant en consultation.
– Le secret médical.
La première question, peu intrusive, avait pour objectif principal de créer un lien de confiance avec l’interviewé.
Le terme de « passage à l’acte » utilisé durant l’entretien a été expliqué à chaque participant en amont de l’étude.
Le guide d’entretien a été remanié à la suite des deux premiers entretiens « pilotes » en accord avec notre Directeur de thèse. Devant de légères difficultés de compréhension, certaines questions ont été reformulées.
L’ordre des questions a varié en fonction des entretiens.
Constitution de l’échantillon
Contrairement à la recherche quantitative, la recherche qualitative ne s’inscrit pas dans la recherche d’une représentativité de l’échantillon au sens statistique du terme.
Notre démarche pour cette étude était d’obtenir un nombre de sujets le plus diversifié possible. Cette approche permet d’obtenir un ensemble de situations contrastées et ainsi d’éclairer différents aspects de la question traitée.
Les adolescents interviewés ont été recrutés parmi les patients pris en charge initialement par le service des urgences pédiatriques du C.H.U de Nîmes.
Les critères d’inclusion à l’étude étaient :
– Les adolescents âgés de 12 à 18 ans au moment du passage à l’acte .
– Ayant réalisé un passage à l’acte suicidaire dans les douze mois précédant l’entretien .
– Ayant un médecin traitant déclaré .
– Volontaires pour raconter leur histoire .
– Avec accord du pédopsychiatre traitant pour participer à l’étude.
L’inclusion de nouveaux patients a été interrompue à saturation des données, c’est-à-dire lorsque tout nouvel entretien n’apportait pas de concept nouveau en rapport avec notre question de recherche. Nous avons atteint cette saturation des données au huitième entretien. Deux entretiens supplémentaires ont toutefois été réalisés pour vérifier la saturation des données et la non émergence de nouveaux thèmes.
Réalisation des entretiens
Les entretiens se sont déroulés dans un bureau médical du C.H.U de Nîmes au sein du service de pédopsychiatrie.
Les téléphones étaient coupés pour ne pas risquer de déranger le bon déroulement des entretiens. Pour chaque entretien, nous avons pris le temps de créer un climat serein, bienveillant et détendu propice à l’échange.
Après le recueil des autorisations de participation des adolescents et de leurs parents, et après nous être présentés, nous avons rappelé l’objectif de l’étude, expliqué le déroulement de l’entrevue et rassuré le sujet sur la confidentialité et l’anonymat de ses réponses.
Nous avons utilisé le tutoiement avec l’ensemble des adolescents afin d’éviter une distance entre le sujet et l’investigatrice qui aurait pu limiter nos échanges.
Les entretiens ont été enregistrés à l’aide de l’application « dictaphone » sur un smartphone puis transféré le jour même sur un ordinateur personnel. L’autorisation orale d’enregistrement audio a été demandée à chaque sujet avant le début de l’entretien.
Les différents enregistrements audio ont été́détruits à la fin de l’étude.
Retranscription des entretiens
Les entretiens ont été retranscrits manuellement par l’investigatrice sous format numérique en document Word® le jour même de l’enregistrement. Aucune modification ni reformulation du texte n’a été faite à postériori.
La communication non verbale ; les rires et les silences ont également été retranscrits entre « crochets » dans le texte. Ils permettent au lecteur de saisir au mieux les émotions de l’adolescent suscitées par son récit.
Les prénoms cités ont été remplacés par une simple lettre majuscule afin de préserver l’anonymat. Les questions et les relances de l’investigatrice ont été retranscrites en bleu et en italique tandis que le récit du sujet apparaissait en caractères normaux.
Méthode d’analyse des données recueillies
L’analyse des entretiens a débuté après le premier entretien et s’est poursuivie régulièrement au fur et à mesure des consultations. Elle a été effectuée à partir des verbatim retranscrits par l’investigatrice principale uniquement.
Chaque entretien a été d’abord analysé individuellement, phrase après phrase, de façon longitudinale. Ceci a permis d’en isoler les mots et expressions porteurs de sens : les unités de sens.
Afin d’obtenir une analyse la plus riche et exhaustive possible, chaque entretien a été lu à plusieurs reprises.
Les différentes unités de sens ont ensuite été classées en thèmes et sous-thèmes.
Ces thèmes et sous thèmes étaient ensuite hiérarchisés par ordonnancement logique, afin d’effectuer une analyse thématique.
Cette hiérarchisation permettait de donner du sens au phénomène étudié.
Les thèmes communs les plus pertinents ont été développés dans la partie résultats.
Chaque résultat mis en avant a ensuite été illustré par des extraits des verbatim.
Considérations éthiques (Annexe 1 et 2)
Ce travail de recherche s’inscrivait dans le champ des sciences humaines et sociales et n’impliquait pas la personne humaine selon la loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine (dite loi Jardé).
Il ne nécessitait donc pas l’avis d’un comité de protection des personnes.
Le projet de recherche a obtenu l’accord de réalisation du comité d’éthique du C.H.U de Nîmes présenté au mois de juin 2019 (Annexe 1).
Une information claire, loyale et complète, orale et écrite était adressée aux adolescents et à leurs représentants légaux (Annexe 2). Les consentements oraux des participants et de leurs représentants légaux étaient recueillis après une période de réflexion d’un mois.
Le consentement de participation au projet de recherche était simultanément recueilli auprès du pédopsychiatre traitant.
Analyse thématique des entretiens
La consultation précédant le passage à l’acte suicidaire
La première partie de l’entretien interrogeait les adolescents sur la dernière consultation précédant leur passage à l’acte suicidaire auprès de leur médecin traitant.
Pour une majorité d’adolescents, cette dernière consultation avait eu lieu dans le mois précédant le passage à l’acte suicidaire :
E2 : « C’était quelques jours avant, je crois »
E3 : « C’était un vendredi, quelques jours avant mon hospitalisation »
E4 : « Je sais plus, il y a un mois à peu près »
E5 : « C’était quelques semaines avant mon passage aux urgences »
E7 : « Franchement, j’sais pas (Silence) deux semaines, peut être trois [avant sa tentative de suicide]»
E9 : « J’crois que c’était la semaine avant »
E10 : « Y’a un mois j’dirais »
Parmi les adolescents interrogés, aucun n’était à l’origine de l’initiative de cette consultation. C’est dans la grande majorité des cas leur mère, qui avait sollicité le rendez-vous chez le médecin traitant.
E2 : « C’est ma mère qui avait pris rendez-vous »
E3 : « J’en ai parlé à maman, comme elle devait y aller pour renouveler son traitement, elle m’a
dit : » Du coup tu viens avec moi » »
E5 : « C’est habituellement plus ma mère qui prend rendez-vous pour moi »
E7 : « C’est ma mère qui avait pris le rendez-vous »
E9 : « C’est ma mère qui avait pris le rendez-vous »
Cette consultation chez leur médecin généraliste était, dans la majorité des cas, motivée par un motif somatique :
E1 : « Pour une gastro »
E3 : « Parce que mon asthme avait empiré »
E4 : « C’était quand je me suis cassée la cheville »
E5 : « J’y suis allée pour des douleurs du genou »
E10 : « J’y suis allée parce que j’étais malade, j’avais de la fièvre et mal au ventre »
Pour un des adolescents, le motif de consultation concernait un trouble d’ordre psychologique :
E9 : « Parce qu’elle était inquiète […] Elle avait vu mes scarifications et elle pensait que je voulais me suicider »
Pour un autre, la consultation était en rapport avec des troubles du sommeil :
E7 : « Parce que j’dormais mal […] Je m’endormais vers 2 ou 3 heures du matin »
Pour certains adolescents, il n’a pas été possible de se remémorer les circonstances précises ayant motivé cette consultation précédant leur tentative de suicide :
E2 : « Je sais plus vraiment pourquoi »
E6 : « (Silence) ça fait longtemps (Silence) je ne me rappelle pas bien de la dernière consultation (Silence) »
E8 : « Je n’y suis pas allée juste avant, j’avais pas envie de parler à ce moment-là, c’était trop installé »
Parmi les adolescents qui ont consulté pour un motif somatique, plusieurs ont rapporté avoir été en situation de souffrance morale le jour de la consultation :
E3 : « Pas très bien (Silence) j’avais déjà beaucoup d’idées sombres, comme la dernière fois (Silence) »
E7 : « Pas très bien (Silence) »
E10 : « Pas très bien (Silence) c’était compliqué au collège et un peu à la maison aussi »
Pourtant parmi eux, aucun adolescent n’a rapporté avoir profité de cette consultation pour évoquer des difficultés d’ordre psychologique :
E2 : « Non, je crois pas »
E3 : « Non »
E4 : « Non, pas vraiment »
E5 : « Non, je ne crois pas »
E10 : « Non, pas vraiment (Silence) »
Les facteurs positifs à une relation médecin généraliste – adolescent de qualité
Les qualités attendues du médecin généraliste
Les adolescents rapportent attendre de leur médecin généraliste un ensemble de qualités humaines qu’ils jugent nécessaires à une relation de qualité :
– L’empathie ou l’écoute non jugeante :
E1 : « Qu’il soit à l’écoute, ça c’est important »
E4 : « Qu’il écoute vraiment ce que je lui dis »
E6 : « Alors déjà qu’il m’écoute, qu’il soit à l’écoute»
E8 : « qu’il soit à l’écoute »
E9 : « Il me regarde, il m’écoute »
E10 : « Qu’elle m’écoute »
– La bienveillance :
E3 : « Qu’il soit gentil »
E7 : « Calme, gentille, patiente »
E9 : « Il est gentil »
E10 : « Souriante, gentille, jeune »
– La douceur :
E1 : « Il faut qu’il parle doucement, calmement »
E7 : « Calme, gentille, patiente »
– De la considération pour son interlocuteur :
E6 : « Qu’il me prenne au sérieux dans ce que je dis […] qu’il me parle comme à une adulte, pas comme à une enfant. Qu’il ne parle pas toujours à mes parents mais plutôt à moi »
E9 : « Il me prend au sérieux quoi »
E10 : « Qu’elle se souvienne des maladies ou de ce que j’ai pu lui raconter à d’autres consultations ».
– Des capacités de communication : E3 : « Qu’il me parle »
E10 : « Elle m’explique ce que j’ai […] ça rassure, parfois les médecins on leur parle pendant dix minutes mais eux ne nous disent rien alors finalement on comprend pas toujours ce qu’on a »
– Des capacités d’analyse :
E1 : « Qu’il analyse les choses et qu’il nous les explique ensuite »
E6 : « Si je lui parle d’un problème, qu’il arrive à cerner ce que j’ai »
– Un rôle de conseiller :
E1 : « Qu’il nous donne des conseils »
E4 : « Qu’il écoute vraiment ce que je lui dis pour ensuite me conseiller au mieux »
– L’utilisation de l’humour :
E1 : « Il essaye de me mettre à l’aise, tout ça, de me faire rigoler »
E3 : « Qu’il me fasse sourire »
E8 : « Qu’il rigole aussi, qu’il fasse de l’humour, ça détend pendant la consultation »
– Qu’il prenne le temps :
E3 : « Qu’il prenne le temps (Silence) pas trop de temps pour ne pas gêner les autres personnes qui attendent mais un peu quand même »
E5 : « Ensuite, bon c’est un médecin, il n’a peut-être pas beaucoup de temps, mais le temps qu’on puisse bien discuter, échanger tous les deux, une bonne demi-heure ça me semble adapté. Donc s’il va trop vite, j’aurais l’impression qu’il ne s’intéresse pas vraiment à ma situation (Silence) »
E6 : « Ben la durée de la consultation aussi c’est important (Silence) si j’ai beaucoup de chose à lui dire et qu’il se dépêche, je vais pas me sentir écoutée »
E7 : « Moi j’aime pas quand ils sont pressés, j’ai l’impression de les déranger […] disons que j’ai l’impression qu’il va vite pour que je sorte, comme si ça l’intéressait pas c’que j’dis »
Pour faciliter le dialogue des adolescents sur leurs difficultés d’ordre psychologique, le médecin généraliste doit adopter une attitude d’écoute bienveillante et sans jugement. Les adolescents sont sensibles au temps que leur médecin traitant leur consacre car ils ont conscience de sa charge de travail.
Qu’il soit un prescripteur raisonné
Une adolescente évoque attendre de son médecin généraliste l’utilisation raisonnée des thérapeutiques médicamenteuses :
E8 : « Qu’il trouve des solutions autre que des médicaments […] des exercices de respiration, parfois mon médecin il me prescrit des médicaments mais il me demande d’abord d’essayer des exercices de relaxation pendant deux jours […] ou des choses plus saines, à base de plantes »
Qu’il s’assure de la continuité des soins
Deux adolescents rapportent apprécier lorsque leur médecin généraliste sollicite spontanément un prochain rendez-vous en fonction de ce qui a pu être échangé en consultation :
E6 : « Si pendant la consultation je lui ai dit des choses importantes j’aime bien qu’il me dise qu’il veut me revoir […] ça me donne l’impression qu’il est là, qu’il est présent, qu’il s’en fiche pas de ce que je lui ai raconté »
E9 : « il a voulu me revoir quelques jours après […] j’ai trouvé ça bien, j’ai senti qu’il se préoccupait vraiment de moi, de ma situation. Je me suis senti écouté, soutenu »
Pour une adolescente, le rôle du médecin généraliste est d’orienter vers un spécialiste en fin de consultation lorsque des difficultés psychologiques ont été exprimées :
E5 : « Ensuite, en fin de consultation si je me suis confiée sur des problèmes personnels, j’aimerais qu’il me redirige vers un psychologue adapté ou un psychiatre »
Lorsqu’un adolescent rapporte des difficultés d’ordre psychologique à son médecin généraliste, il apprécie qu’un rendez-vous ultérieur soit programmé par ce dernier, auprès de lui-même, d’un pédopsychiatre ou d’un psychologue.
La salle d’attente
Pour une adolescente, la salle d’attente est un élément important de la consultation :
E1 : « La salle d’attente c’est important, il faut que ça donne envie d’attendre (Rires) […] il faut que ça soit grand, pour pas qu’on soit serré, des coins pour s’assoir, avec des livres et des magazines, les deux ! »
Les facteurs négatifs à une relation médecin généraliste – adolescent de qualité
Attitude du médecin perçue négativement par les adolescents
Lors des entretiens, j’ai demandé aux adolescents d’imaginer la pire consultation possible chez leur médecin généraliste.
Différentes caractéristiques, perçues comme péjoratives ont été décrites :
– Une attitude « pressante » de la part de leur médecin généraliste :
E1 : « « – Vous avez quoi ? – Ca, ça, ça, ok ! Je vous mets ça et au revoir ! »
Sans t’examiner, prendre le temps de te parler, de prendre le temps. […] c’est serré parce qu’il a beaucoup de patients mais au moins prendre un petit peu le temps »
E4 : « Qu’il aille vite, qu’il fasse pas attention à ce que je raconte, qu’il me regarde pas, qu’il fasse que taper sur son clavier (Silence) »
E10 : « Elle m’examinerai genre « vite fait bien fait » »
– Une distance trop importante dans la relation :
E5 : « Alors c’est évident, mais il serait froid, distant »
E6 : « Qu’il ne me regarde pas »
E10 : « Elle serait désagréable, elle me regarderait pas »
– Un manque de confiance du médecin envers son patient :
E6 : « Alors que je lui dise des choses et qu’il ne me croit pas, qu’il contredise mes paroles »
– Du jugement :
E5 : « Ensuite, si je sens un peu dans son regard qu’il y a du jugement, ça va beaucoup me déranger, ça me bloque quoi »
E8 : « Qu’il me juge aussi, quand je lui parle de mes scarifications par exemple »
– Un manque de considération du médecin envers son patient adolescent :
E10 : « Elle discuterait qu’avec ma mère »
Le médecin traitant remplacé
Pour la totalité des adolescents, une consultation auprès d’un médecin généraliste remplaçant leur médecin habituel n’est pas propice aux confidences. Le patient adolescent se sentira alors moins à l’aise pour aborder des problématiques personnelles :
E1 : « C’est pas la même chose, c’est pas celui que je connais, je vais pas être à l’aise comme si j’étais avec mon médecin »
E3 : « Comme je le connais pas, c’est pas pareil, je peux pas lui parler (Silence) c’est gênant »
E6 : « Ben c’était pas très grave mais j’étais quand même moins à l’aise qu’avec mon docteur habituel. Surtout quand il m’a examiné »
E8 : « Si c’était un remplaçant je n’irais pas le voir de toute façon, c’est pas pareil, il ne me connait pas […] on ne se connait pas, je m’vois pas lui raconter ma vie »
E9 : « Ben ça reste un médecin mais on s’connait pas donc c’est sûr on discute pas trop »
E10 : « C’est pas pareil parce que je la connais moins mais je l’aime bien aussi, ça me dérange pas de la voir elle »
La place des internes en consultation
Pour les adolescents ayant été confronté à la présence d’un interne lors d’une consultation chez leur médecin généraliste, ce second interlocuteur entrave la qualité de la consultation.
E4 : « C’est plus difficile, ça me dérange, ils sont trois adultes, c’est trop. Quand c’est comme ça, je parle pas, je réponds pas à toutes les questions, juste à celles pas importantes. Ca me stresse quand je le vois écrire celui à côté »
Une adolescente rapporte avoir le sentiment d’être reléguée au second plan de la consultation, le rôle de « formateur » du médecin étant alors au premier plan :
E1 : « C’est pas du tout pareil avec eux [les internes], le médecin il est plus occupé à expliquer à la personne, il n’a pas trop trop de temps pour moi »
Malgré tout, si une relation de confiance existe entre elle et son médecin traitant, la présence de l’interne ne gênera pas le fond de la consultation :
E1 : « C’est un petit peu plus compliqué mais si le médecin je le connais depuis longtemps, je reste à l’aise »
La relation qu’entretient un adolescent avec son médecin généraliste est unique et non transposable. Ainsi, lorsque ce dernier se trouve remplacé par un autre médecin, l’adolescent en manque de confiance dans la relation se trouvera en difficulté pour se confier sur ses difficultés d’ordre psychologique. Il en est de même lorsqu’un interne assiste le médecin traitant.
L’attente chez le médecin généraliste
Dans leur réflexion autour de la « pire consultation imaginable », certains adolescents ont abordé la question des retards chez leur médecin :
E8 : « Alors il y aurait 4 heures d’attente (Rires) »
E9 : « Alors déjà j’attends pas en salle d’attente »
Un temps d’attente régulièrement trop long n’incite pas les adolescents à se rendre en consultation chez leur médecin traitant :
E8 : « Ben parfois j’aimerais aller le voir pour lui parler de quelque chose, mais j’y vais pas parce que je sais que je vais attendre très longtemps »
Les facteurs neutres à la relation
Différents facteurs ont été décrits comme des caractéristiques sans importances pour les adolescents ayant réalisé un passage à l’acte suicidaire :
Le sexe du médecin généraliste
Les adolescents interrogés n’attachent que peu d’importance au sexe de leur médecin généraliste :
E2 : « Non, homme ou femme, peu importe »
E4 : « Non, ça reste un médecin, tant qu’il est gentil et à l’écoute c’est tout ce qui compte »
E6 : « Non, c’est pareil »
E8 : « Non, c’est pareil »
E9 : « Non, ça reste un médecin, c’est pareil »
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. GENERALITES
1. DEFINITIONS (FIGURE 1)
2. L’ADOLESCENCE
3. ÉPIDEMIOLOGIE (FIGURE 2)
4. ASPECTS CLINIQUES DES CONDUITES SUICIDAIRES
4.1 Facteurs de risque (Figure 3)
4.2 Facteurs de protection
5. PRISE EN CHARGE DES CONDUITES SUICIDAIRES : RECOMMANDATIONS
6. LE MEDECIN GENERALISTE FACE AU RISQUE SUICIDAIRE CHEZ L’ADOLESCENT (FIGURE 4)
III. MATERIEL ET METHODE
1. CHOIX DE LA METHODE
1.1 Étude qualitative
1.2 Entretien semi-dirigé
2. ÉLABORATION DU GUIDE D’ENTRETIEN
3. CONSTITUTION DE L’ECHANTILLON
4. REALISATION DES ENTRETIENS
5. RETRANSCRIPTION DES ENTRETIENS
6. METHODE D’ANALYSE DES DONNEES RECUEILLIES
7. CONSIDERATIONS ETHIQUES (ANNEXE 1 ET 2)
IV. RESULTATS
1. DESCRIPTION GENERALE
2. ANALYSE THEMATIQUE DES ENTRETIENS
2.1 La consultation précédant le passage à l’acte suicidaire
2.2 Perception du médecin généraliste par les adolescents suicidaires
2.2.1 Un technicien du corps
2.2.2 Le médecin généraliste et les troubles d’ordre psychologique
2.3 Les facteurs positifs à une relation médecin généraliste – adolescent de qualité
2.3.1 Les qualités attendues du médecin généraliste
2.3.2 Qu’il soit un prescripteur raisonné
2.3.3 Qu’il s’assure de la continuité des soins
2.3.4 La salle d’attente
2.4 Les facteurs négatifs à une relation médecin généraliste – adolescent de qualité
2.4.1 Attitude du médecin perçue négativement par les adolescents
2.4.2 Le médecin traitant remplacé
2.4.3 La place des internes en consultation
2.4.4 L’attente chez le médecin généraliste
2.5 Les facteurs neutres à la relation
2.5.1 Le sexe du médecin généraliste
2.5.2 L’utilisation du tutoiement ou du vouvoiement
2.6 La place de l’accompagnant
2.7 Les bénéfices perçus à la consultation
2.8 Le secret médical
2.8.1 La connaissance du secret médical
2.8.2 L’importance du secret médical
2.9 Regard d’adolescents sur le suivi conjoint médecin généraliste et pédopsychiatre
V. DISCUSSION
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