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L’identité organisationnelle et création du capital social:19
Depuis quelques années, les recherches en sciences de gestion et en management stratégique considèrent le capital social comme une source de performance des entreprises et de création de valeur. L’identité organisationnelle peut être définie comme une configuration autour de laquelle les parties prenantes s’identifient, se connaissent, partagent leur perception de la vie en société et leur imaginaire social, se font confiance mutuellement et ont confiance dans le groupe d’identification qu’est l’organisation. L’identité organisationnelle est donc le « noyau central » de Jodelet (1989)20 qui génère et organise l’action collective et concertée, et la coopération dans l’organisation. Il est aussi établi que le capital social est une ressource importante parce que « les individus travaillent ensemble de manière efficace et efficiente lorsqu’ils se connaissent, se comprennent mutuellement, se font confiance et s’identifient les uns aux autres » (Bolino et al. 2002)21.
Leana et Van Buren (1999)22 soulignent l’existence d’une relation significative et positive entre le capital social et l’aptitude de l’organisation à faciliter l’engagement et l’implication des employés, à gérer l’action collective et à développer le capital social. L’aptitude de l’organisation nous semble dépendre de la vision. Dans ces conditions, la vision est, de notre point de vue, au centre des stratégies de construction d’une identité organisationnelle et de création du capital social. L’une des questions est alors de comprendre pourquoi toutes les parties prenantes ont-ils intérêt à prendre part à la construction de l’identité de l’organisation qui leur serve en retour de levier d’action collective et de coopération.
Ce questionnement, comme le précise Aktouf (2002)23, a une double visée stratégique et praxéologique. Au niveau stratégique, il s’agit de prendre en compte les besoins et les aspirations des acteurs dans la perspective de créer de la valeur pour toutes les parties prenantes dans l’organisation. Au niveau praxéologique, l’entrepreneur doit mettre en place des mécanismes d’incitation qui suscitent l’adhésion et l’implication des personnels. Pour ce faire, l’adoption d’un processus dialogique (Schein 1993)24 et socialisant (Nonaka 1993)25 permet de canaliser les représentations des individus de façon à trouver des traits d’identification.
Pour certains auteurs (Koys 2001 ; Bolino et al. 2002)26, le capital social est déterminé par le « comportement de citoyenneté dans l’organisation », caractérisé par la loyauté, c’est-à-dire la capacité de subordination aux intérêts de l’entreprise ; l’obéissance, qui signifie l’acceptation des règles et des procédures édictées par l’organisation ; et la participation qui décrit l’implication des employés dans toutes les activités productives et sociales dans l’organisation.
L’apprentissage organisationnel 27
L’apprentissage organisationnel se manifeste de différentes façons. Les voies qui permettent à une organisation d’apprendre sont multiples. La caractérisation de ces voies a donné lieu à plusieurs séries de travaux sur les processus d’apprentissage. Une classification hiérarchique de ces formes nous conduit à en distinguer quatre.
L’apprentissage comme processus d’adaptation -Cyert et March (1963)
L’apprentissage organisationnel est un phénomène qui induit la modification du comportement de l’organisation sous l’influence des réponses de l’environnement aux actions organisationnelles. Pour ces auteurs, l’apprentissage organisationnel apparaît en réponse à une source de déséquilibre ou de rupture. L’organisation sélectionne alors des règles de décision à la recherche d’un état souhaité.
Envisageant aussi l’apprentissage comme une forme d’adaptation, Lant et Mezias (1992)28 explorent la dynamique stabilité – réorientation produite par l’interaction des processus d’apprentissage avec différentes conditions environnementales et organisationnelles pour la lier aux choix de convergence ou de réorientation stratégiques.
L’apprentissage comme processus d’imitation Huber (1991)29
D’une manière générale, cet auteur remarque que l’apprentissage par l’imitation est valable lorsque l’on agit sous condition de forte ambiguïté ou d’incertitude. L’imitation suppose aussi un environnement relativement stable et pas trop concurrencé L’apprentissage relèverait alors d’une volonté de faire comme les autres parce ce que l’on appartient au même environnement ou au même milieu.
L’apprentissage comme processus d’expérimentation (Miner et Mezias, 1996)30
L’apprentissage par expérimentation relève d’un processus d’inférence plus que d’une acquisition de compétences ou de routines. Le principe consiste à expérimenter des situations nouvelles ou inconnues dans l’optique d’enrichir le registre de comportements et de réponses de l’organisation. Dans ce type d’apprentissage, les organisations demeurent dans un état de fréquents changements à la fois dans les structures, les processus, les stratégies et ceci même en situation apparente d’alignement optimal avec l’environnement (Huber, 1991 ; Starbuck, 1983)31.
L’apprentissage comme transformation du cadre de l’action collective
Plutôt qu’un processus d’adaptation, l’apprentissage est perçu comme un phénomène auto engendré par les organisations pour assurer leur régénérescence. Les auteurs qui s’y intéressent parlent volontiers d’une forme de créativité.
Dans la même tentative d’explication de l’apprentissage organisationnel comme construction d’un cadre d’action collectif, certains auteurs mettent l’accent sur l’apprentissage ancré dans une communauté de pratiques et socialement construit par les membres de cette communauté. L’hypothèse est celle de la construction sociale de la réalité par le discours et la collaboration. D’une façon générale nous distinguons deux types de transformation proposés par les auteurs et inspirés directement des théories de l’apprentissage individuel : les transformations comportementales et les transformations cognitives. Ces deux types de transformation correspondent aussi à deux niveaux d’apprentissage.
Vision et apprentissage organisationnel (Schein, 1993)32
Cette relation étant établie entre formes et niveaux d’apprentissage, il nous appartient d’évaluer en quoi la vision peut influencer ces deux variables. Il apparaît en effet capital de s’interroger sur les formes de changement organisationnel que peut provoquer un dirigeant, en fonction des caractéristiques de la vision qu’il cherche, implicitement ou explicitement, à atteindre.
En outre, il nous est apparu opportun de figurer la vision à travers le niveau d’ambition qu’elle suggère à l’organisation, et consécutivement au niveau de tension et de menace qu’elle sera susceptible de générer à travers l’entreprise. En fonction du niveau de tension exercé sur l’organisation, les formes et les niveaux d’apprentissage varient.
À titre de précaution, il convient de souligner que le degré de tension dépend non seulement du contenu de la vision, mais également de la capacité de leadership du dirigeant, c’est-à-dire de son aptitude à transmettre effectivement cette vision à l’ensemble de l’organisation. Par ailleurs, des ambitions voire des écarts identiques peuvent induire des niveaux de tension totalement différents. En effet, une organisation apprenante, habituée au changement permanent, est capable de supporter un niveau de tension nettement supérieur qu’une organisation statique, peu sollicité au cours de son expérience passée. L’idée d’un niveau de tension ne peut donc se concevoir que de manière absolument relative, en fonction des caractéristiques de l’organisation considérée.
Vision et absence d’apprentissage
Si l’ambition suggérée par le dirigeant suppose un écart beaucoup trop important entre ses objectifs et les potentialités perçues (y compris à long terme) de l’organisation, la tension devient alors inhibitrice. Le niveau d’incompétence perçu par les membres de l’organisation est ressenti comme insurmontable, et inhibe toute velléité de changement. Le résultat en est un apprentissage nul ou restreint, en boucle simple dans le meilleur des cas.
À l’inverse, si l’ambition proposée recouvre une dimension trop modeste, en conformité avec les ressources présentes de l’entreprise, alors la tension est nulle. Dans la mesure où l’ambition est limitée, d’emblée l’organisation ne se situe pas dans une logique d’accroissement et d’acquisition de ressources. À nouveau, l’apprentissage est nul ou restreint, puisqu’il s’agit de maintenir des acquis plutôt que d’accroître ses potentialités.
Ces deux premiers cas de figure constituent des “degrés 0” de l’apprentissage, en ce sens que la vision de l’entreprise est totalement inadaptée au portefeuille des ressources présentes de l’entreprise. Dans un cas comme dans l’autre, la tension ne peut susciter le changement. Toutefois, le cas d’une ambition trop faible peut se caractériser par une illusion de réussite à court terme, puisque les objectifs fixés correspondent aux potentialités de l’entreprise. À l’inverse, le cas d’une tension inhibitrice peut suggérer un découragement total voire une anxiété, devant l’impossibilité patente de réaliser l’ambition proposée.
Caractéristiques de la vision47
La vision stratégique est une représentation du futur souhaité, à la fois rationnelle et intuitive, englobante et prospective. Elle implique les forces vives de l’organisation et elle propose un cadre d’intervention convergent et cohérent, dans la mise en œuvre d’une ambition commune. Une vision stratégique claire et partagée est le point de départ pour donner sens et cohérence aux décisions et faire en sorte que l’ensemble des processus mis en œuvre pour soutenir la prise de décision soit opérationnel.
Une représentation du futur souhaité
La vision stratégique est une perception de l’environnement que l’on désire dans un futur lointain; un idéal à atteindre. Elle est une image globale qui indique où l’organisation veut aller et aboutir dans l’optique d’un horizon de planification à long terme Il importe de fixer un horizon, et celui-ci doit être suffisamment éloigné afin de permettre les changements nécessaires à sa réalisation. Une vision à trop court terme rend difficilement envisageable une meilleure répartition des ressources et des responsabilités. À l’inverse, une vision à long terme (20 ans par exemple) permet de voir les choses sous un angle plus réaliste en évitant les bouleversements trop rapides. Avec le long terme pour horizon, l’entreprise doit à la fois : anticiper, en élaborant des scénarios exploratoires; agir, en formulant une stratégie.
Intuitive et rationnelle
La vision stratégique repose sur la capacité de voir et de ressentir. Elle est intuitive, c’est-à-dire le produit de l’imagination et de la combinaison des valeurs clés de toutes les parties prenantes, c’est-à-dire de tous ceux qui participent à son élaboration. La question des valeurs est fondamentale lorsqu’un arbitrage s’impose. Par exemple, les difficultés pour faire évoluer les comportements vers
des modes de consommation et de production plus responsables proviennent plus souvent qu’autrement de systèmes de valeurs contradictoires.
La vision stratégique est également rationnelle, c’est-à-dire le produit d’une analyse. Pour être crédible, la vision stratégique doit reposer sur une évaluation honnête et critique de la situation et sur un bon repérage des défis des années à venir. Elle doit être réaliste et déboucher sur un plan qui permettra de construire un projet ou un milieu de vie avec la participation des tiers pour leur bénéfice et non à leur détriment. Elle doit suggérer des solutions concrètes pour transformer les rêves en réalités.
Englobante et prospective
La vision stratégique est englobante, c’est-à-dire qu’elle permet d’aborder les grands défis touchant un ensemble de secteurs d’activité.
La vision stratégique est prospective, car elle constitue un appel à l’action pour un futur pressenti et voulu (elle est le fruit des intentions de changement et des aspirations des tiers) par opposition à un futur incertain qui serait laissé au gré des événements, ou à un futur composé de la simple prolongation des tendances actuelles (une extrapolation du présent).
En tant que représentation d’un projet idéal et souhaité par l’entreprise, la vision stratégique peut être une occasion de remises en cause et de changements organisationnels importants.
Impliquant les forces vives de l’entreprise
Pour faire converger les efforts d’une entreprise dans la mise en œuvre d’une ambition, la vision stratégique doit être mobilisatrice (donner le goût d’y participer, d’y adhérer) et donner de l’espoir. La plus grande réussite d’un plan stratégique n’est pas toujours d’avoir réalisé l’ensemble des projets qu’une organisation s’est fixée, mais davantage d’être arrivé à inclure l’entreprise dans le processus de décision relatif au développement local.
L’élaboration de la vision stratégique doit être le fruit d’une consultation active et permettre un débat parmi les forces vives de l’entreprise. La réflexion est ce qui permettra de faire émerger la vision ou de la véhiculer, d’accroître l’innovation par le choc des idées, de diminuer les risques de prendre une mauvaise décision, de rallier et de susciter l’adhésion au changement. Un sentiment d’urgence, une prise de conscience généralisée quant à la nécessité d’agir, le désir et la possibilité de s’impliquer jouent en faveur de l’élaboration et de la réalisation d’une vision stratégique multisectorielle
La vision stratégique doit s’élaborer dans un esprit de rassemblement et d’indispensable cohésion. D’ailleurs, l’attribut « stratégique » réfère à l’art de conjuguer et de faire converger les efforts de tous pour réaliser la finalité ou les finalités de la vision. Pour ce faire, il faut analyser les préoccupations les unes en relation avec les autres et, de la même manière, examiner les solutions les unes en conjonction avec les autres.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RESUME
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
Introduction de la première partie
Chapitre 1. LES FONDEMENTS ET DEFINITIONS DU CONSTRUIT DE VISION STRATEGIQUE
Section 1 : Concepts autour de la vision
Section 2 : Les différentes approches de la « vision » dans la littérature (Frédéric CREPLET, 1999)
Chapitre 2. LE MECANISME DE PILOTAGE DU CHANGEMENT DANS L’ENTREPRISE
Section 1. Les conceptions classiques de l’action intentionnelle de changement
Section 2. La dynamique du changement
Conclusion de la première partie
DEUXIEME PARTIE : ETUDE DE CAS
Introduction de la deuxième partie
Chapitre 3. PRESENTATION DE LA SOCIETE ET METHODOLOGIE DE RECHERCHE –
Section 1. Présentation de la société
Section 2. La méthodologie de recherche
Chapitre 4. L’ANALYSE DES RESULTATS OBTENUS
Section 1. Présentation des Résultats
Section 2. Analyse des résultats
Conclusion de la deuxième partie
CONCLUSION GENERALE
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
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