Le matériau cimentaire sain
Le matériau sain à proprement parlé n’existe pas dans les conditions naturelles. Il y a toujours une contamination provenant de l’extérieur ou de l’intérieur des matériaux cimentaires. En effet, cette contamination commence dès le gâchage par l’ajout de l’eau ou des granulats qui peuvent apporter des ions (comme les chlorures ou les sulfates) qui contaminent la matrice cimentaire. Cette partie, qui a été très étudiée dans la littérature (WANG et SCRIVENER 1995) (FRIAS et CABRERA 2000) (SAKAI, et al. 2005) (BROUWERS et CHEN 2007) (OLLIVIER, VICHOT et ATILH 2008) se concentre sur les mécanismes nécessaires à une bonne compréhension générale du matériau avant dégradation et notamment à son hydratation.
L’hydratation des ciments et les réactions avec les additions minérales (métakaolin, cendres volantes et laitier)
L’hydratation d’un ciment est le processus de transformation d’une suspension de particules en un solide dur et résistant. Au cours de cette réaction, la microstructure se construit ainsi que le réseau poreux. Cette réaction physico-chimique obéit à des lois de thermodynamique et de cinétique. La complexité de l’hydratation vient du fait qu’elle est composée de bon nombre de réactions élémentaires généralement bien décrites dans la littérature (UCHIKAWA, OGAWA et UCHIDA 1985) (BEZJAK 1986) (GRANJU et GRANDET 1988)(WAY et SHAYAN 1989). En ce qui concerne les ciments de type Portland, la composition minéralogique du clinker varie en fonction de son lieu de production.
Les additions minérales sont de plus en plus utilisées en remplacement du ciment Portland. En effet, lors de la production de ce dernier de grandes quantité de CO2 sont dégagées (1 kg de CO2 émis par kg de clinker produit). L’ajout de sous-produits de l’industrie permet donc de réduire considérablement l’impact écologique. De plus, les ajouts peuvent apporter des modifications bénéfiques au matériau (durabilité, résistances…) (LOTHENBACH, SCRIVENER et HOOTON 2011). Ils sont regroupés en 3 familles.
Les métakaolins (MK) sont des matériaux pouzzolaniques dont les propriétés sont voisines de celles des fumées de silice. Leur utilisation permet de remplacer la fumée de silice ainsi qu’une partie du ciment lui-même. L’apport des métakaolins aux mélanges est double car ils accélèrent l’hydratation du ciment et des réactions pouzzolaniques de par leur effet filler, et sont eux-mêmes très réactifs (BADOGIANNIS 2002). L’importante réactivité des métakaolins au jeune âge est liée aux phases aluminates qui les composent, ainsi qu’a leur surface spécifique élevée. Les réactions pouzzolaniques des métakaolins consomment la portlandite et produisent des C-S-H et des C,A-S-H secondaires très denses .
Au niveau des réactivités pouzzolaniques des différentes additions minérales, REEVES et al (REEVES, SIMS et CRIPPS 2006) ont fait le classement suivant (avec pour unité mg de Ca(OH)2 / g de matériau) : métakaolin (1000), cendres volantes (875), fumée de silice (427) et laitiers de hauts fourneaux (300). Lors de l’ajout d’additions minérales de type pouzzolane, une grande quantité d’ions calcium et hydroxyde est consommée et par conséquent la teneur en portlandite pour ce type de liant est plus petite comparée à celle d’un CEM I. A contrario, la quantité de C-S-H est généralement plus grande pour les ciments avec additions minérales. L’aspect cinétique est aussi particulièrement important dans l’étude de l’hydratation (ZELIC, et al. 2000), (HUANHAI, et al. 1993) et (SNELLINGS, et al. 2010). En effet, toutes les réactions de dissolution/précipitation des différentes phases n’ont pas la même vitesse. Elles contribuent à alimenter la solution interstitielle en différents ions. Cette concomitance a pour effet que les différentes réactions s’influencent les unes avec les autres et ne peuvent donc être étudiées séparément. Enfin, il existe une troisième famille, ce sont les ajouts inertes comme par exemple les fillers calcaires. Leur principale fonction est un rôle de remplissage. Une partie du clinker peut être remplacée sans grand impact sur les propriétés finales par un matériau inerte comme le carbonate de calcium qui a une bonne affinité pour les hydrates de ciment. Ces matériaux ne sont pas totalement inertes puisque, ils peuvent réagir partiellement avec les phases aluminates pour former des carboaluminates de calcium qui sont les AFm les plus stables . Enfin, l’effet filler conduit à une augmentation des cinétiques d’hydratation due à l’effet physique de nucléation.
Caractéristiques des principales phases hydratées
La portlandite Ca(OH)2
C’est la phase la plus soluble parmi tous les hydrates. Sa solubilité dans l’eau est de l’ordre de 1,6 g/L ce qui correspond à un pH de 12,6 (pour une température de 20 °C). Son équilibre de dissolution est responsable du maintien du pH élevé dans la solution interstitielle avec la présence d’ions alcalins (sodium ou potassium). Sa structure est très cristallisée. Elle se présente sous forme de cristaux héxagonaux (Figure 2). Elle est constituée de plans d’ions calcium en environnement octaédrique assuré par 3 ions OHce qui constitue un feuillet répété à l’infini selon l’axe perpendiculaire au plan.
Les silicates de calcium hydratés (C-S-H)
Les C-S-H sont très peu solubles dans une solution saturée par rapport à la portlandite (1 mg/L). Mais lorsque le pH diminue et descend en dessous de 10, ils se dissovent au profit de la formation de la silice dont la solubilité est moindre (GREENBERG 1960). Les C-S-H présentent une structure lamellaire (H. TAYLOR 1997) (NONAT 2004). Chaque feuillet est composé d’un double plan d’ions calcium coordinnés de part et d’autre par les oxygènes de tétraèdre de silicate. Les feuillets sont superposés les uns aux autres. L’espace interfeuillet est occupé par des molécules d’eau ainsi que quelques ions calciums. Les C-S-H sont de très petite taille (5 à 60 nm) conduisant à une surface spécifique très élevée (250 m²/g évalué par l’adsorption/désorption d’azote) (KANTRO, BRUNAUER et WEISE 1961). De plus, leur surface de contact est jalonnée de silicates dont le groupement silanol (s’il n’est pas engagé dans une liaison avec un autre tétraèdre) est chargé négativement du fait du pH basique de la solution interstitielle.
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Table des matières
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 2 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES MECANISMES DE DEGRADATION DES BETONS ARMES
2.1 Introduction
2.2 Le matériau cimentaire sain
2.2.1 L’hydratation des ciments et les réactions avec les additions minérales (métakaolin, cendres volantes et laitier)
2.2.2 Caractéristiques des principales phases hydratées
2.2.2.1 La portlandite Ca(OH)2
2.2.2.2 Les silicates de calcium hydratés (C-S-H)
2.2.2.3 Les aluminates de calcium hydratés
2.2.3 Réseau poreux des matériaux cimentaires
2.3 Mécanismes entrainant la corrosion des armatures du béton armé
2.3.1 Le phénomène de carbonatation des matériaux cimentaires
2.3.1.1 Processus et réactions chimiques associées à la carbonatation
2.3.1.2 Ralentissement de la carbonatation
2.3.1.3 Modélisation de la carbonatation des bétons
2.3.2 La pénétration des ions chlorures dans les matériaux cimentaires
2.3.2.1 Origines de la contamination par les chlorures
2.3.2.2 Interactions physico-chimiques entre le chlore et la matrice cimentaire
2.3.2.3 Ralentissement à la pénétration des ions chlorures
2.3.2.4 Modélisation de la pénétration des ions chlorures dans le béton
2.3.3 Le phénomène de corrosion des armatures métalliques dans les bétons armés
2.4 La réaction sulfatique d’origine externe
2.4.1 Introduction
2.4.2 Réactions chimiques et dégradations du béton associées à la pénétration des sulfates.
2.4.3 Influence du cation associé au sulfate
2.4.4 Influence de la composition du béton
2.4.5 Formation de la thaumasite et couplages avec d’autres anions
2.5 Conclusion
CHAPITRE 3 : PRESENTATION DE LA CAMPAGNE EXPERIMENTALE (MATERIAUX ET METHODES)
3.1 Introduction
3.2 Matériaux de l’étude
3.2.1 Les bétons
3.2.1.1 Type de bétons visés
3.2.1.2 Squelette granulaire
3.2.1.3 Ciment et additions minérales
3.2.1.4 Adjuvant et E/liant
3.2.1.5 Résumé des formules de béton
3.2.1.6 Confection des éprouvettes, démoulage et conditions de cure
3.2.1.7 Tests sur bétons frais (affaissement, température, masse volumique, air occlus) et résistances mécaniques à la compression à 28 jours
3.2.2 Les pâtes de ciment
3.3 Pénétration des différentes espèces agressives dans les matériaux
3.3.1 Expériences de carbonatation naturelle
3.3.2 Expériences de carbonatation partielle et totale en conditions accélérées
3.3.3 Expériences de diffusion des ions chlorures et sulfates
3.3.4 Expériences de migration sous champs électrique des ions chlorures et mesures de la résistivité électrique
3.4 Quantification des interactions chlorures-matrice cimentaire : méthode des équilibres
3.5 Caractérisation de la microstructure
3.5.1 Justification des choix sur l’utilisation des différentes techniques d’exploration microstructurale
3.5.2 Investigation de la porosité totale et du réseau poreux
3.5.3 Méthodes et techniques utilisées pour quantifier les phases de la matrice cimentaire ..
3.5.3.1 La portlandite
3.5.3.2 Les phases aluminates
3.5.3.3 Les C-S-H
3.5.3.4 Les phases produites ou dégradées lors de la pénétration d’agents agressifs
3.5.4 Résumé et principes des différentes techniques de caractérisation microstructurale utilisées dans cette étude
3.5.4.1 Porosité à l’eau
3.5.4.2 Porosimétrie par intrusion de mercure
3.5.4.3 Diffraction des Rayons X
3.5.4.4 Analyses thermiques (ATG/ATD/DTG)
3.5.4.5 Résonance Magnétique Nucléaire du solide par rotation à l’angle magique sur les noyaux de l’27Al et du 29Si
3.6 Conclusions sur les matériaux, les techniques et les méthodes utilisées au cours de cette étude
CHAPITRE 4 : CONCLUSION