Le marketing expérientiel

Le marketing expérientiel

Introduction

L’art a-t-il vraiment sa place partout ?1 C’est cette question qui nous intéressera tout au long de ce travail. Les lieux insolites reconvertis en lieux d’expositions et d’événements foisonnent aujourd’hui. Anciennes distilleries, caves à vin, prisons, arsenaux, etc. se vendent partout comme lieux de manifestations. Une seconde vie est donnée à ces monuments historiques, porteurs d’histoire, garants du patrimoine, en leur permettant d’accueillir la culture en leurs murs. Ce n’est pas du goût de chacun.
Comment communiquer sur la nouvelle utilité de ces lieux ? Comment ne pas heurter le public ? Comment le faire venir en le faisant oublier ses aprioris ? Comment promouvoir l’art et la culture en de tels lieux controversés ? C’est l’objet de ce travail que de trouver des pistes de réflexions et des prémisses de réponses à ces questions que se posent tout porteur de projet dans un lieu insolite.

 Le marketing expérientiel

Le public cherche aujourd’hui autant à se divertir qu’à apprendre en entrant dans un musée, un monument historique, un écomusée, une galerie, une bibliothèque. Il est sans cesse à la recherche d’une stimulation sensorielle et émotionnelle2. Il désire autant apprendre qu’être surpris, étonné, émotionnellement touché. On entre dans un lieu culturel aujourd’hui pour vivre une expérience mémorable. L’interactivité due aux nouvelles technologies, aux scénographies vivantes, aux environnements virtuels, est attendue et recherchée par le public. On ne peut plus concevoir une exposition, un événement sans cela. Aujourd’hui, tout conservateur ou commissaire d’exposition à conscience de cette avancée, de ce changement dans la demande, et donc dans la proposition qu’il doit offrir. Le contenu doit être divertissant et l’expérience inoubliable. Le visiteur paye pour obtenir ce résultat, pour vivre cette expérience. Le commissaire le sait bien. Le visiteur, en tant que premier prescripteur de son exposition, doit ressortir conquit, comblé, convaincu, par tous ses sens. Chaque visiteur étant unique, il doit pouvoir se sentir comme tel dans ce qu’il vivra au musée. En effet, le spectaculaire muséal est le courant dominant actuel3. La théorie développée par Pine et Gilmore dans leur ouvrage de référence « The Experience Economy »4 vise à mettre en avant quatre facteurs qui rendent l’expérience attendue inoubliable :

? l’éducation : il faut en effet ressortir de l’événement transformé, informé, plus cultivé
? le divertissement, indispensable lorsque l’on prend sur son temps libre du temps et de l’argent pour se rendre à un événement, une manifestation
? l’évasion, pour changer son quotidien, pour être transporter
? et l’esthétique pour se délecter du beau et être surpris par le « wow effect 5» suggéré tout au long de l’événement. qui devient le moteur de l’économie. Dans tous les domaines, dans tout ce qu’il consomme, l’acheteur recherche ce divertissement, cette expérience. Est-ce que le lieu lui-même, le bâtiment en soi peut faire partie de cette notion de l’expérience, peut induire et modifier l’émotion du visiteur ? La réponse est évidemment oui. Mais cela peut être en bien ou en mal. Le contenu de l’exposition, de la visite, aura une importance égale au mode de présentation de cette dernière. Autant dans la gestion de la logistique du lieu : accessibilité, propreté, convivialité, ambiance, mais également par le lieu lui-même. Si la scénographie d’une exposition peut aujourd’hui dominer sur le contenu de cette dernière, le bâtiment dans lequel elle se trouve peut également poser une ombre sur le propos et même sur la capacité du visiteur à se concentrer sur le contenu. Il sera submergé par le lieu plutôt que de se laisser immerger par le message. Ainsi, lorsque l’on fait la promotion d’un événement qui aura lieu dans un endroit insolite, on se doit d’être très prudent sur le message que l’on souhaite transmettre aux publics ciblés. La transparence reste la meilleure solution, une communication franche est de mise pour ne pas surprendre négativement le visiteur.
Il est également important de souligner que, comme le précise F. H. Courvoisier dans son article au sujet des Nouvelles Technologies : « l’immersion et l’interactivité sont donc autant une question d’état d’esprit du visiteur que de technologie pure »7. Il en va de même de l’état d’esprit d’un visiteur qui entre dans un bâtiment controversé et qui est présenté et annoncé comme tel.

L’exemple du Pénitencier de Sion, centre d’exposition des Musées cantonaux

Les cris d’horreur et de douleur d’un détenu dont la cellule est en feu et qui périt dans les flammes. Les cris encore de ce prisonnier que l’on bat pour avoir tenté de s’évader ou de cet autre, châtié par ses congénères pour de sombres motifs. Les imprécations de haine et de folie ou les sanglots de remords qui viennent briser la nuit. Les regards de souffrance ou de révolte de ces hommes qui chaque matin tournent en rond pendant une demi-heure dans une petite cour surmontée de hauts murs.
Ces souvenirs remontent en moi à chaque passage devant le pénitencier-musée de la rue des Châteaux à Sion. Et chaque fois je me demande pour quels motifs morbides ce bâtiment empreint de tant de souffrance, de violence et de haine n’a pas été rasé ou tout au moins transformé. Aucune valeur architecturale ou historique ne justifie son maintien dans l’état. Les expositions qu’il abrite perdent souvent de leur valeur due à l’exiguïté des cellules et à l’absence d’une profondeur permettant d’apprécier les oeuvres exposées. En ces temps où l’on veut donner à Sion un aspect moderne, accueillant et convivial ne serait-il pas opportun de redéfinir l’usage de cette bâtisse plutôt que de laisser perdurer ce sombre passé ?8 Cette critique, provenant d’un visiteur, est fréquente à Sion après la visite du Pénitencier et de son enceinte. En effet, souvent les gens se disent  par la visite du lieu, peu propice à la présentation d’expositions temporaires.

 Perspectives pour le Pénitencier de Sion

Le Pénitencier de Sion devrait s’afficher clairement comme fier de sa propre histoire, témoin de l’histoire de la ville de Sion, gardien d’un patrimoine, et surtout comme preuve que cette histoire de tombera jamais dans l’oubli.Ce bâtiment est sans nul doute un USP (Unique Selling Proposition) en soi. Sa faiblesse devrait devenir une force et figurer tout en haut de la communication et de la promotion liées à la vie de ce monument, de ses expositions et de ses événements. Il est impératif que les côtés sombres de l’histoire d’une ville, d’une région, d’un pays restent dans les mémoires, peut-être tout simplement par respect, mais également pour ne pas renouveler les mêmes erreurs ou échecs.
Ainsi, il nous semble tout à fait pertinent de faire entrer le Pénitencier de Sion dans la catégorie de tourisme dite « dark tourism »10. Au lieu de s’en cacher, il faudrait promouvoir ce lieu comme lieu unique de ce genre en Suisse, ouvert au public, presque inchangé depuis sa fermeture et surtout, qui a trouvé une seconde vocation. Et quelle vocation ! Y découvrir du beau, de l’art, de l’émotion, dans des murs froids, y apprendre quelque chose et en ressortir grandi. Il pourrait tout à fait s’agir d’un type d’expérience recherché par le visiteur, mais il doit en être conscient avant d’y entrer. Il y a diverses façons d’exploiter un lieu comme celui-ci lorsqu’il n’héberge pas d’expositions temporaires. Les « escape games » sont à l’honneur en ce moment un peu partout.
La fête d’Halloween pourrait également être utilisée pour une soirée prometteuse. L’organisation de soirées de rencontres avec d’anciens détenus qui auraient l’envie de partager leur histoire aurait un certain succès également. La location du lieu pour des soirées d’entreprises, des conférences, des séminaires serait très opportune, recherchée même, et serait la source d’un revenu certain. Il est très populaire que dans le tourisme d’affaires, les séminaristes utilisent des lieux comme des caves à vin, des musées, des anciens plus populaires aujourd’hui que les traditionnels hôtels ou centre de congrès (dépendant du nombre de participants).

 Le dark tourism

Qu’est-ce que le dark tourism ou « tourisme noir »? Un concept relativement nouveau qui n’a en aucun cas une vocation voyeuriste ou macabre.
Il s’agit d’un tourisme de mémoire sur les moments les moins heureux de l’histoire du monde, dans des sites qui ont un lien direct ou indirect avec un désastre, un drame ou qui en est le gardien, la mémoire. Le dark tourism peut prendre des formes extrêmement variées : visite d’un musée à la mémoire d’un drame comme le musée de la famine en Irlande, promenade dans un cimetière, par exemple au Père Lachaise à Paris, visite des catacombes à Rome, visite de Ground Zero ou Ellis Island à New York, visite de la prison d’Alcatraz à San Francisco, etc. De fait, il est souvent difficile de faire la différence entre le tourisme traditionnel et le dark tourism. Il est plutôt rare qu’un touriste choisisse sa destination en fonction des zones de dark tourism. Au contraire, il profite de ce type de tourisme lorsqu’il est déjà sur place : à Berlin il va voir les mémoriaux ou le mur, il visite le Panthéon lorsqu’il est à Paris, il se rend à Pompéi depuis Naples, il visite l’exposition itinérante « Titanic » lorsqu’elle passe dans sa propre ville, etc. Ce type de tourisme peut sembler proche du « tourisme insolite » qui abonde aujourd’hui. En effet, il est désormais possible de ressentir ce qu’un détenu percevait dans sa cellule en passant une nuit, ou plusieurs, dans une prison réaménagée en hôtel13. Tout dépend de la motivation du visiteur et de sa façon d’aborder sa nuit dans la prison. Et tout dépend aussi de l’établissement, de sa vision et de son positionnement.

Un tour d’horizon des prisons

Sion n’est pas un cas isolé. La transformation de prisons en lieu d’expositions et d’événements est une pratique courante depuis les années 1990. Le bâtiment de la Conciergerie à Paris a servi de prison durant la Révolution française. Une exposition y a d’ailleurs été proposée en 2013 en rapport direct avec l’histoire de ce lieu. Il s’agissait de l’exposition « A triple tour. Collection Pinault ». Le thème principal de cette exposition était l’enfermement, autant physique que moral, subit ou parfois choisi. La réflexion finale de cette exposition relevait du domaine anthropologique : l’enfermement est pour l’homme d’abord une protection. Elle soulignait la notion de dedans et de dehors, avec humour  souvent mais aussi avec gravité. En 2010, c’est à l’ancienne prison San Antón à Murcia en Espagne lors de la Manifesta 8 que l’on a pu visiter l’exposition « Im Knast – Kunstproduktion unter den Bedingungen der Zwangsvollstreckung ». A Alcatraz également, l’on peut suivre le « guide ». D’anciens détenus ont accepté de raconter leur histoire qu’ils relatent par écrit au sein même du bâtiment. Leurs portraits sont affichés à côté de leur témoignage. Le visiteur est d’un coup submergé par la réalité du monument, par les souffrances qu’il a hébergé. Il est alors difficile de se détacher de l’histoire des hommes pour poursuivre une simple visite d’un lieu, d’un monument historique.

  Conclusion

Finalement, y a-t-il un meilleur destin pour ces monuments qui représentent pour nous tous l’enfermement et la privation que de promouvoir en leurs murs la liberté d’expression et d’émotion ? Alors oui, les lieux insolites, aussi étranges qu’ils puissent être, sont des atouts pour l’événementiel. Ils éveillent tout simplement la curiosité des publics. Aussi difficile que cela puisse être de se retrouver dans une prison désaffectée, cela attire, cela interroge et cela invite à la découverte, à la discussion, à la polémique.
Il est certain que cela est un avantage pour la promotion d’un événement et pour la communication générale de l’institution. Pourquoi s’en cacher ? Il y a même un grand avantage à conserver visible des parties entières du passé du monument : l’on respecte le passé du lieu et l’on travaille sur la mémoire collective afin de ne pas oublier. Il s’agit bien d’une forme de respect, du moins s’il l’on ne s’en cache pas mais si l’on conçoit cela comme un atout. Ces réaffectations font se tourner vers l’avenir. On ne peut pas savoir où l’on va si on ignore d’où l’on vient. On ne pourra refaire le passé d’un lieu mais on pourra toujours écrire son futur. Ces deux états vont de pair et font partie intégrante de l’histoire du monument. Aux porteurs de projets maintenant de considérer ce handicap comme une chance. Une chance de se démarquer des autres établissements et d’en accentuer les bénéfices dans sa promotion. Une chance de devenir gardien d’une mémoire. Une chance de faire partie d’une histoire et d’en continuer l’écriture.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Remerciements
Introduction
2. Le marketing expérientiel
3. L’exemple du Pénitencier de Sion, centre d’exposition des Musées cantonaux
4. Perspectives pour le Pénitencier de Sion
5. Le dark tourism
6. Un tour d’horizon des prisons
7. Conclusion

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *