LE MARIAGE COMME CAUSE D’UNE DIVISION FAMILIALE

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LA RESISTANCE DE LA TRADITION

Pendant la période précoloniale, en Afrique, les traditions ancestrales ont été bien respectées. Mais à partir du moment où les occidentaux ont introduit une autre culture, ces dernières connaissent de plus en plus une dégradation.
Dans le continent, alors que les jeunes écoliers prétendent tout moderniser, les anciens veulent toujours rester fidèles aux traditions. Voyons au moyen de quoi les anciens cherchent à défendre les traditions du pays dans cette divergence d’idées.
L’ambition de sauvegarder les valeurs de l’Afrique traditionnelle est l’un des soucis majeurs de beaucoup d’écrivains négro africains d’expression française pendant la période dite coloniale. Ils ont tenté d’affirmer surtout la dignité et l’honneur de l’Afrique, mais bafoués par la colonisation. Les écrivains africains viennent à renier le présent colonial, car cette période est considérée comme un moment de déchéance existentielle et de dégradation spirituelle à cause de contact de deux cultures.
C’est par une structure dialectale que l’auteur Seydou BADIAN écrit son roman situé à l’époque coloniale dans une société où deux cultures coexistent. En effet, autour d’un problème de mariage, l’auteur crée deux groupes de personnages antithétiques.
Le premier défend, outre la conception traditionnelle du mariage, l’ensemble des valeurs culturelles de la société traditionnelle. Ce groupe représente celui des anciennes générations.
Quant au second, composé généralement des écoliers,s’oppose au mariage traditionnel et aux valeurs qui opposent la vision occidentale du mariage et les valeurs culturelles de l’Europe.
Deux conceptions s’affrontent, par conséquent deux générations, deux mondes : celui de l’ancienne Afrique où se reconnai ssent le père de la jeune écolière Kany et son fils aîné. Ce monde puise sa force dansla lente hiérarchie des âges et des épreuves que l’enfant doit savoir franchir patiemment pour devenir un homme dans le respect scrupuleux des règles qui unissent l’ordre des hommes. L’autre, celui de l’univers considéré comme un système bien ordonné dans l’honneur et la parole donnée dont le mariage imposé n’est après tout qu’un épiphénomène. Constatant le rejet des valeurs traditionnelles par les jeunes scolarisés, les vieux se réveillent et défendent ces valeurs qui sont un héritage. Dans cette conception, nous voyons Kerfa-le-fou qui montre à Sidi la position ferme du père Benfa. Ainsi il dit : « Non, non le père Benfa n’acceptera pas. Il croit avoir raison. Il défend contre vous ce que lui ont laissé ses pères .»
Sidi est parmi ces jeunes pour qui les traditions sont à rejeter. La position de Benfa est forte et témoigne l’importance des traditions qui depuis les temps immémoriaux et passant de siècle en siècle doiventrester telles qu’elles sont. Benfa, comme les autres vieux, veut être un continuateur d es valeurs traditionnelles africaines et léguer cet honneur aux jeunes. Autrement dit, les anciens y restent attachés et avec conviction ils veulent tant bien que mal les transmettre à leurs fils, pour garder l’identité du pays.
D’emblée, nous sommes en présence d’un certain nombre de personnages très attachés à la tradition et qui s’opposent catégoriquement à la modernité. A l’inverse, nous avons les jeunes qui prétendent que le poids du passé est trop lourd et qu’il est temps d’opérer les changements indispensables. Ils s’intéressent à la modernité et veulent y conduire les vieillards qui sont les gardiens des traditions africaines. Ils jugent de cette vie humeur qui ne convient qu’aux ancêtres : « Tout cela est dépassé, disait Birama autour de lui,la civilisation demande autre chose. Nous ne sommes pas faits pour cette vie dont parle Sibiri ; elle est bonne pour les ignorants. » .

LES ANCIENS FACE A L’ADMINISTRATION COLONIALE

L’avènement de la colonisation en Afrique constitue un changement radical du point de vue social et politique, dans la mesure où elle vient d’instaurer des nouvelles structures administratives et des nouvelles formes de services de gestion.
Le patronat, les contributions, la poste, etc.… for ment l’administration coloniale. Bref, la bureaucratie et le commerce.
Il convient par cette optique de joindre l’idée maîtresse de la colonisation selon laquelle le noir est ignorant et n’a pas de civilisation. Soi-disant, pour une « mission civilisatrice », les Européens s’étaient rendus en Afrique pour civiliser les Noirs qui sont des barbares. Or dans leur fort intérieur, c’était plutôt pour s’enrichir et exploiter la richesse ou les ressources naturelles qu’offre le pays. Nous voyons, en effet, la présence des européens, par le système administratif, qui exploitent la richesse du pays au Mali. Ils font travailler durement la population malienne, par une corvée qui ne rapporte rien au peuple. C’est pour cette raison qu’un ancien se plaint en disant aux jeunes citadins : « Nous travaillons dans le champ du blanc. Nous lui donnons du mil et du caoutchouc. Nous travaillons sur les routes et tout cela pour rien. » .
Ce qui est un lourd fardeau pour les cultivateurs c’est la qualité de culture qu’ils défrichent dans ces champs. Ils ne procurent pas des produits qui peuvent être utilisés directement mais des produits des matières premières. Autrement dit, des produits qui nécessitent des transformations avant qu’ils soient utilisés : « Nous luis donnons du caoutchouc. » .
Le caoutchouc est le produit cultivé dans les champs la plupart du temps.
Dans cette nouvelle société, les nouvelles structures sociales et les nouvelles formes de services sont à l’origine de la naissance des différentes catégories de classes sociales dont la classe paysanne. Et comme il s’agit du système du patronat, il existe un chef ou un patron et ses ouvriers.
Nous rappelons que nous sommes dans la période coloniale. Et les relations entre patron et ouvriers n’étaient pas du tout bonnes. Les grands (patrons) maltraitaient les petits qui sont les ouvriers. Ils les faisaient souffrir au point que la vie ne valait plus la peine. C’est dans ces conditions qu’un commis se plaint de dire : « J’ai toujours eu affaire à des mauvais patrons. Il vous rend la vie impossible. Quoique vous fassiez, il est mécontent. Il vous crée des histoires, vous crie après à longueur de journée et le bureau devient un véritable enfer (…) Je travaille comme un imbéci le et n’importe quel nouveau débarqué gagne deux fois plus que moi.Ce n’est pas le travail mais la couleur qu’on paie. » .
Les derniers mots du commis nous renvoient à une situation de discrimination raciale. A vraie dire, on doit être payé suivant le travail qu’on a exercé. Cette nouvelle tendance amène Seydou BADIAN à stigmatiser farouchement les occidentaux qui sont des oppresseurs du peuple malien.
Les Bouts de bois de Dieu vient témoigner cette conception puisque nous sommes en pleine période coloniale. Alors déclare un inspecteur du travail : « ça ne suffit pas de marcher sur les colonies, il fa ut encore qu’on piétine les colonisés .» .
C’est pour les industries et pour avoir des mains d’œuvre que les occidentaux ont mis en cours le système administratif au Mali et en Afrique en général. Voilà pourquoi ils y ont fait des champs de caoutchouc et d’autres cultures. Ces cultures labourées au Mali sont exportées en Europe par les grands pour les transformer en un autre état. Puis après tout ils viennent les revendre dans le pays d’origine à des prix exorbitants. On peut dire que, même si on renc ontre des commerçants noirs d’origine malienne, ce sont les européens qui détiennent le monopole du commerce dans ce pays : « Les blancs veulent tout vendre eux-mêmes. Le mil que nous cultivons, il faut qu’ils nous le revendent. Il en est de même du riz, des arachides… » .

LA PLACE DE LA FEMME FACE A SON PARTENAIRE

L’une des préoccupations majeures des écrivains africains au lendemain des indépendances est le statut de la femme.
La femme est présentée sous l’image d’un être insignifiant. Celle-ci dépend toujours du mari sous prétexte qu’elle est considérée comme étant sous la protection de ce dernier. Elle est indéniablement présentée comme l’être le plus rabaissé dans la société. Ses pouvoirs et ses droits sont limitésà l’égard de son mari qui veut avoir tout le commandement.
Comme elle est représentée dans Sous L’Orage, la vie de la femme demeure constante dans la mesure où elle se trouve sous la domination totale de son mari qui a le monopole dans toutes les affaires. Elle semble donc ne rien représenter et pourtant elle est l’équilibre de l’homme et sa raison d’être parfois. C’est alors que nous découvrons Maman-téné dans Sous L’Orage avec la seule activité qu’elle exerce dans la vie de tout le jour. C’est celle de s’occuper du foyer. Dans la conception des ancêtres, une fille est faite pour t ravailler à la cuisine et au champ mais jamais dans un autre secteur.
Pourtant encore au foyer, elle doit toujours écouter son mari. Le foyer est la première place pour les femmes. C’est ainsi que pour convaincre sa fille à épouser Famagan, Maman-Téné tient à lui expliquer rapidement sa place dans la société en tant que future femme. Alors affirme-t-elle : « La plus noble aspiration d’une jeune fille est le foyer ; oui, le foyer, un mari et des enfants : c’est le plus grand bonheur. » .
Ainsi les jeunes filles ne doivent penser à rien d’autre que d’avoir un mari et des enfants. Elles sont le rêve d’amour et l’objet de satisfaction de l’homme. Elles sont vues comme des machines de fabrication d’enfants. Si Maman-Téné fait connaître à sa fille que les enfants sont plutôt unbonheur mais pas une charge, c’est parce que selon la sagesse populaire africaine, « L’enfant est une source de richesse ».
Mais si les femmes se trouvent dans cet état de dépendance, c’est parce qu’il est hors de question d’envoyer une fille à l’école. Seuls les garçons y ont accès. Ce qui revient à dire que les traditions maintiennent les femmes dans un état d’ignorance. Fréquenter les portes de l’école française développe l’intelligence et permet l’accès à une place assez favorisante dans la société.
La différence au niveau intellectuel rehausse l’homme et rabaisse la femme. Ils n’ont pas la même vision et ne partagent pas le s mêmes idées. Mais Kany ne voudrait pas vivre dans cette différence. C’est ainsi que pour arriver à ses projets, elle désire poursuivre ses études à l’école coloniale pour parvenir à ses fins. Mais sa mère cherche par tous les moyens à bloquer son élan. Elle lui montre ce qui est utile pour les filles à l’école : ce n’est pas apprendre à connaître beaucoup de choses ou à espérer avoir une place importante dans la société mais apprendre uniquement à savoir lire et écrire. Ainsi elle déclare à sa fille : « Tu as été à l’école, peu de tes camarades en saventautant que toi. Tus sais lire une lettre venant de n’importe quelle ville. Tu sais écrire une lettre à n’importe qui, c’est largement suffisa nt pour toi. Moi qui suis ta mère, je n’ai rien su de tout cela. Et pourtant j’ai été comme les autres, Dieu merci. » .

LE REFUS DU MARIAGE FORCE

Le mariage est une relation qui engage d’une façon légale l’homme et la femme. L’un doit, sans contre coeur, se donner à l’autre. Mari et femme doivent s’entraider pour l’avenir. Pour cela, les deux conjoints doivent librement se choisir et avoir au préalable la possibilité de se fréquenter et de se connaître avant tout pour éviter que leur union soit un saut dans l’inconnu. Cet acte implique également l’alliance de deux familles aussi bien dans le domaine économique que social.
Mais les sociétés traditionnelles africaines avaient une autre vision pour les mariages. Ils se faisaient plutôt à l’amiable uniquement entre les familles des deux époux sans le consentement ou l’avis de l’un des conjoints. L’un est appelé seulement à obéir. C’est ce qui fait dire à un jeune malien lors d’un interview que : « Sa grand-mère lui a dit que chez eux, on ne présentait pas la fille à son futur mari. Il conteste : il doit chercher sa femme, connaître son caractère, pour qu’il puisse se mettre en confiance entière sur elle. » .
Ces propos illustrent bien que dans les sociétés traditionnelles africaines, les mariages se faisaient par la force. Les grands-parents ou mêmes les parents mariaient leurs fils de gré ou de force. C’est ce concept là que nous allons examiner par rapport à la société moderne.
Immédiatement Seydou BADIAN nous présente dans Sous L’Orage la jeune fille, Kany, qui refuse de devenir l’épouse d’un vieux riche commerçant que veulent lui imposer ses parents. Conformément à la tradition, c’est le père qui doit choisir le mari de sa fille sans que celle-ci soit consultée. C’est ce qui fait que le père Benfa dit à sa fille « Lorsque Samou, le fils de Coumba, osa demander la main de sa fille. Que je ne vous voie plus ensemble, avait ordonné le père de Kany, tu auras le mari que je voudrais. » 50
Si le père Benfa a choisi Famagan (le vieux et riche commerçant) comme mari de sa fille, c’est parce qu’il juge que celui-ci est un homme riche et de haut statut social. Il est en mesure d’apporter la dot et financer la famille. Nous retenons par là que c’est par profit qu’on célèbre ces genres de mariage. Ainsi le père de Kany ne voit que l’aspect économique.
Famagan, le vieux commerçant avec la complicité du cupide père de la fille désire arracher à Samou sa fiancée. Physiquement et moralement le commerçant est détestable selon la jeune fille qui ne cesse de crier : « Je n’aime pas Famagan, je n’aime pas Famagan. » .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE: LE POUVOIR GERONTOCRATIQUE
I -1- LA VIE AU VILLAGE :
I -2- LA RESISTANCE DE LA TRADITION
CHAPITRE II : LA FORCE DES ANCIENS
II -1- L’AUTORITE PATERNELLE :
II-2- LES ANCIENS FACE A L’ADMINISTRATION COLONIALE
CHAPITRE III : LA RELATION HOMME-FEMME
III -1- LA PLACE DE LA FEMME FACE A SON PARTENAIRE
III-2- LE REFUS DU MARIAGE FORCE
DEUXIEME PARTIE: LES TEMPS NOUVEAUX
CHAPITRE I : L’IMAGE DE LA COLONISATION
I -1- L’ECOLE ETRANGERE FACE A LA TRADITION
I -2- LE MILIEU URBAIN
CHAPITRE II LES PREMICES D’UN TEMPS NOUVEAU
II -1- LE MARIAGE COMME CAUSE D’UNE DIVISION FAMILIALE
II -2- LE REJET DE LA POLYGAMIE
CHAPITRE III : LES APPORTS DE LA JEUNESSE
III -1- LA QUETE DE LA LIBERTE :
III -2- L’EMANCIPATION DE LA FEMME MALIENNE
BIBLIOGRAPHIE

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