La région de Dakar, couvrant une superficie de 550 km², soit seulement 0,3 % du territoire national, abrite la capitale du Sénégal. Cette dernière est devenue, au lendemain des indépendances, une ville fortement peuplée par différents groupes ethniques venus d’horizons divers, notamment de la campagne, à la recherche d’emploi afin de parvenir à satisfaire leurs besoins. Le phénomène important de l’accroissement de la population, fait qu’aujourd’hui, en fin 2009, Dakar et sa banlieue, Pikine, soit 2.536.959 habitants, accueillent 20,8% de la population totale qui est de 12.171.265 habitants selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographique et accueillent un peu plus de 50% de la population vivant dans les villes. Cette concentration urbaine va de pair avec une concentration des activités (administration, service, industrie). Ainsi, attirant de plus en plus de la main d’œuvre, Dakar est aujourd’hui assimilable à « une ville à guichets fermés » pour reprendre le titre de l’ouvrage de Philippe Antoine et de Abdoulaye Bara Diop.
En effet, avec un taux de croissance démographique élevé et un taux de croissance économique de plus en plus bas, l’organisation interne de la région de Dakar est complètement bouleversée. Ce fait a été accentué par le choc pétrolier de 1973 qui a eu une répercussion mondiale. Cette crise va entraîner l’apparition des difficultés qui ont naturellement pour conséquence: chômage, banditisme, pauvreté et tous les autres maux que connaît la ville. Malheureusement la mise en vigueur du Programme d’Ajustement Structurel en 1980-81, les nouvelles politiques agricoles et industrielles qui ont été établies, n’ont pas permis de résoudre les problèmes de la crise, crise dont la dévaluation du franc C.F.A, en 1994, en est l’un des derniers coups d’accélérateur. Tous ces facteurs ont contribué à accentuer l’exode massif des populations rurales vers les centres urbains. Cela s’est traduit par la mise en place de mécanismes informels de prise en charge par les populations de leurs propres besoins, voilà dans un tel contexte, la situation qui a contribué davantage à imposer l’économie informelle en milieu urbain. Cette économie informelle sans cesse grandissante, a fini par implanter des marchés hebdomadaires dans la plupart des communes d’arrondissement de la région de Dakar. Alors, loin de résulter de politiques d’aménagement, les « louma » se sont développés de manière spontanée, à partir des années 80, dans un contexte de libéralisation déterminé par des programmes d’ajustement. Ces types de marché sont en passe de devenir incontournables pour l’approvisionnement des populations aussi bien rurales qu’urbaines. Etant alors une des réponses face à la « fermeture des guichets de la ville », ce type de commerce fait aujourd’hui l’objet d’une demande de plus en plus croissante en raison des multiples possibilités d’emplois et de revenus qu’il offre aux populations, comme en atteste la forte fréquentation des «louma» urbains.
CADRE GENERAL ET METHODOLOGIE CHAPITRE I : CADRE GENERAL
PROBLEMATIQUE
L’un des traits distinctifs du Sénégal demeure le dynamisme de son secteur commercial. En effet, le pays abrite différents grands marchés qui ont fini de faire la renommée des localités où ils sont implantés. On peut citer, entre autres, Tilène, HLM, Thiaroye Gare pour les marchés quotidiens; Touba Toul, Diaobé, Passy, Sandiara, Boulel etc…, pour les marchés hebdomadaires. Aujourd’hui ce dynamisme, lié à une forte concentration urbaine, a fait naître un secteur informel toujours grandissant, ce qui doit obliger les autorités de tout bord à s’y intéresser. Car comme le dit Abdoulaye Bara Diop « la concentration de la population en ville est à elle seule génératrice d’emplois: il faut nourrir, loger, habiller, transporter, éduquer, soigner…des milliers de personnes chaque jour. Des milliers d’emplois de service et de commerce de micro détail, adaptés à la modicité des moyens des clients, sont aussi induits par l’urbanisation » .
Si l’avènement des marchés hebdomadaires est à mettre sous la résultante de la percée de l’informel, le fait jugé extraordinaire, au début, est l’implantation et la multiplication de ces «louma», jusque là connus qu’en milieu rural, en pleine zone urbaine. En effet, cet essaimage des marchés hebdomadaires dans la région de Dakar et ses importantes implications au plan social et économique, mais surtout sur l’espace urbain, font l’objet de cette présente étude.
Les marchés hebdomadaires dans la région de Dakar: étude géographique, tel est le libellé du thème qui fera, dans le cadre de cette étude, l’objet d’un approfondissement de notre part. Ainsi, pour ratisser plus large, nous nous proposons d’insister sur un marché de renom dans chacun des départements suivants: Dakar, Pikine, Rufisque. C’est ainsi que nous avons choisi le marché hebdomadaire de Gueule Tapée du fait de sa proximité d’avec le centre ville et de quelques cités résidentielles; celui de Diamaguène sur la route de Rufisque qui est en pleine banlieue (arrondissement de Thiaroye) et le marché du mardi à Rufisque, pour voir éventuellement son rôle dans les relations ville campagne.
Phénomène d’origine rurale, la multiplication des marchés hebdomadaires dans l’espace urbain, s’est faite à un rythme soutenu, de sorte qu’aujourd’hui, plusieurs communes d’arrondissement ont réussi à avoir leur marché. Cependant, il faut d’emblée noter une grande différence entre les deux milieux. Si en campagne les « louma » ont été créés pour répondre à un besoin exprimé par les populations, à savoir écouler des marchandises (surplus de leur récolte, produits de cueillette, de l’élevage et de l’artisanat) pour en acquérir d’autres: souvent des produits manufacturés ; en milieu urbain, c’est l’habillement ou la friperie qui garde une place très importante à coté de divers autres produits manufacturés. Il importe par ailleurs de souligner l’absence quasitotale des produits entrant dans l’alimentation quotidienne des populations, à savoir: riz, légume, poisson etc.…, qui sont commercialisés au niveau des boutiques et des marchés quotidiens.
Aujourd’hui, les marchés hebdomadaires se tiennent tous les jours de la semaine. D’ailleurs, plusieurs localités ouvrent simultanément un marché, ainsi, le lundi, Diamaguène, Parcelles Assainies Unité 3, Parking Stade Léopold Sédar Senghor, Yeumbeul font marché en même temps, c’est le cas le mercredi pour Gueule Tapée, Parcelles Assainies (Unité 11), Sicap Mbao et Keur Massar. Le record était pendant longtemps détenu par la journée du samedi, jour pendant lequel cinq (5) localités tiennent sumultanément un « louma », il s’agit de Cité Gabon (Rufisque Ouest), Boune, Tableau Tivaoune (Thiaroye Sur Mer), Lycée Limamoulaye (Guédiawaye) et Castors. Aujourd’hui, le déplacement du front d’urbanisation de la banlieue vers des zones semi rurales comme Tivaoune Peulh, Sangalkam, etc, dont le corollaire est une excroissance de ce sous secteur de l’informel, a fait que le samedi est rattrapé par les journées du mardi et du vendredi qui ont respectivement un cinquième « louma », à Malika (Tally Bou Khonq) et à Allou Baye Niakh au nord-est de Boune.
LES MARCHES DANS L’ESPACE GEOGRAPHIQUE DE LA REGION DE DAKAR
DES MARCHES CLASSIQUES AUX MARCHES HEBDOMADAIRES URBAINS : MUTATION DE L’ESPACE COMMERCIAL
L’espace commercial dakarois d’avant indépendance
Depuis la période coloniale, Dakar capitale de l’AOF dès 1902, a marqué sa suprématie, bénéficiant de la majorité des investissements et des infrastructures dans l’Afrique occidentale. Alors devenant le principal pôle de développement économique du Sénégal, la nécessité d’organiser la ville s’est vite fait sentir. Ainsi, le marché Kermel fut créé en 1908. La multiplication de la population et le développement d’autres activités commerciales vont entraîner la construction d’un deuxième marché. Alors, Sandaga fut créé en 1933 pour désengorger Kermel, mais aussi pour répondre aux besoins d’approvisionnement de la population indigène. Ainsi d’autres marchés verront le jour avec l’extension de la ville vers la Médina. En réalité, la Médina a été créée à la faveur du troisième plan d’aménagement de Dakar. Devenue très vite le cœur du Dakar populaire, la Médina est l’un des grands points de rassemblement ; de ce fait, le marché de Tilène fut créé dès 1935. Progressivement la Médina va recevoir les nouveaux migrants venus de l’intérieur du pays, ce qui va entraîner une excroissance de son noyau initial avec la formation de nouveaux quartiers. Tour à tour, Gueule Tapée se dote d’un marché en 1938, Colobane et Gibraltar sont créés en 1945. C’est d’ailleurs, à partir de cette période que Dakar va connaître un développement fulgurant qui lui confère un nouvel élan.
Le déplacement du front d’urbanisation vers Grand-Dakar et le village de Hann situé le long de route de Rufisque, s’est accompagné de la création de marchés permanents. Le marché de Point E est créé en 1940, Nguélaw I en 1948, et Hann en 1957.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRE GENERALE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : Cadre général
I- Problématique
II- Objectifs
III- Hypothèses
CHAPITRE II : Cadre méthodologique
I- La recherche documentaire
II- Débat conceptuel
III- Le travail de terrain
DEUXIEME PARTIE : LES MARCHES DANS L’ESPACE GEOGRAPHIQUE DE LA REGION DE DAKAR
CHAPITRE I : Des marchés classiques aux marchés hebdomadaires urbains : Mutation de l’espace commercial
I- L’espace commercial Dakarois d’avant indépendance
II- Les marchés issus de la dynamique de l’espace Dakarois après l’indépendance
III- Les facteurs de la multiplication des marchés et de la formation des espaces de vente non structurés
CHAPITRE II : Le marché hebdomadaire : un véritable phénomène urbain
I- Historique des « Louma » au Sénégal
II- Evolution du phénomène
TROISIEME PARTIE : OPRGANISATION ET FONCTIONNEMENT
CHAPITRE I : Organisation des marchés hebdomadaires à Dakar
I- Problématique de la localisation du « Louma » en zone urbaine : localisation par rapport aux voies de communication
II- Localisation par rapport aux aires d’habitation et au pouvoir d’achat
III-Répartition et disposition selon la nature des produits vendus
CHAPITRE II : Fonctionnement des marchés hebdomadaires
I- Gestion et fonctionnement des marchés traditionnels dit « louma parasols »
II- Gestion et fonctionnement des « louma » modernes MADS
III-Circuits des produits vendus et réseaux
QUATRIEME PARTIE : AVANTAGES, PROBLEMES DES « LOUMA » ET STRATEGIES POUR UN DEVELOPPEMENT DURABLE DU SECTEUR
CHAPITRE I : Analyse des résultats des enquêtes par rapport à l’origine géographique et aux caractéristiques des acteurs
I- Origine géographique
II- Caractéristiques des acteurs
CHAPITRE II : Avantages, contraintes et stratégies
I- Les avantages
II- Les problèmes
III- Stratégies
CONCLUSION GENERALE