A l’instar de tous les pays en voie de développement, le Sénégal enregistre depuis son indépendance une urbanisation accélérée jusqu’ à constituer de nos jours un véritable défi pour les autorités publiques. L’analyse de l’évolution de la population montre qu’il existeà l’intérieur du territoire national un net déséquilibre urbain. En effet, on note une densification de la population en laissant sur l’organisation de l’espace national les mêmes traces que durant la période coloniale :
* Une concentration des villes à l’Ouest et au centre.
* Une armature urbaine caractérisée par une métropole démesurée par rapport aux autres agglomérations.
Cette tendance de la croissance des populations des villes situées à l’Ouest et le centre est accentuée aujourd’hui par l’exode rural et le dynamisme démographique interne. Cela a favorisé un développement prodigieux du commerce dans les marchés urbains qui trouve dans ces grands centres un terrain d’expansion privilégié du fait de l’existence d’un marché potentiellement important formé par les ménages à faibles revenus. C’est dans ce contexte de crise qui redonne aux marchés une position capitale pour les populations à la recherche d’activités plus rentables que l’exemple du marché central de Thiès sera étudié. Officiellement Thiès compte aujourd’hui neuf (9) marchés urbains dont les plus importants sont le marché central, le marché Moussantè, le marché Grand Thiès .Ces marchés ont pour fonction commune d’assurer le ravitaillement quotidien de la population urbaine sans cesse croissante en denrée alimentaire et autres produits de consommation. Le marché central de Thiès notre cadre d’étude a vu le jour en même temps que l’agglomération prenait forme urbaine avec l’accroissement de sa population, la diversité de ses activités et l’installation des services administratifs coloniaux à l’escale destinée à développer le cœur de la cité.
Essentiellement orienté vers le ravitaillement quotidien des quartiers de la ville et ses environs, le marché central reste l’équipement commercial le plus dynamique de Thiès. Dans ce marché est commercialisé toutes les gammes de produits allant des marchandises en gros à ceux en détail qui tournent autour des denrées de première nécessité, des produits halieutiques, des condiments sans pour autant oublier les autres activités exercées par, les artisans, les tailleurs , les réparateurs etc.
Ainsi par ses grandes potentialités, le marché central de Thiès a créé une attraction qui a fait que les clients et les marchands affluent de partout. Le marché central est connu également à travers ses liens qu’il entretient avec l’environnement commercial de la ville (relation d’interdépendance). Du point de vue de l’accès le marché central, favorisé par sa position géographique, est bien desservi par les voies secondaires qui relient l’escale avec le reste de la ville grâce aux nombreux véhicules de transport en commun qui l’empruntent. Au delà de cette position stratégique qu’il occupe au sein de la ville, le marché central de Thiès est confronté à de nombreux problèmes qui empêchent sa bonne gestion. En effet face à la demande continuelle des populations, le marché n’offre plus de possibilité d’extension sur le plan foncier , il en résulte une concentration des activités, un encombrement de la voie publique empêchant la fluidité de la circulation à l’intérieur et aux abords du marché.
Ainsi en dépit des efforts consentis par les élus locaux pour réorganiser l’espace à travers une politique de gestion plus marquée, les conditions dans lesquelles fonctionne l’espace du marché restent un cas problématique. Il déborde largement de ses limites originelles et s’étend sur son environnement immédiat par le biais des cantines et autres étals. On assiste dés lors à une transformation totale de l’espace environnant. Dans le cadre de ce travail donc nous entendrons par marché central l’équipement commercial implanté au cœur de la ville. De même lorsque nous parlons d’évolution urbaine, il s’agira de la croissance démographique et spatiale de la ville.
Problématique
Contexte
Généralement, les plus grands centres urbains en Afrique croissent très rapidement, doublant leur taille sur une période de neuf à quinze ans selon les villes . En effet les structures de la population urbaine des pays d’Afrique sub-saharienne sont la résultante de deux phénomènes ayant contribué à sa formation ; l’exode rural qui a dirigé vers la ville un flux considérable de villageois et le dynamisme démographique interne qui se traduit par une forte natalité. Ainsi cette croissance notée dans les villes va favoriser l’implantation des équipements dont les marchés urbains qui dans les plus grandes agglomérations se comptent par dizaine et constituent l’armature essentielle des activités commerciales.
Au Sénégal comme c’est le cas d’ailleurs de nombreuses villes de la sous région ouest africaine les premiers marchés structurés ont vue le jour pendant la période coloniale ; ces derniers étaient localisés à l’intérieur du noyau urbain primitif formant aujourd’hui pour la plupart des villes les marchés centraux. La croissance démographique et l’extension spatiale notée dans les villes après les indépendances, vont pousser les pouvoirs publics à mettre sur pied des aménagements allant dans le sens de leur doter d’équipement à la dimension de leur mutation.
Ainsi vont voir émerger une multitude d’équipements structurant parmi lesquels on peut identifier les marchés dont la fonction première est liée au ravitaillement de la ville. Cependant il faudra noter que la répartition des marchés du point de vue géographique est forcément très variable d’une ville à l’autre selon la morphologie, le type d’urbanisation, les politiques de réserve foncière mise en œuvre. La répartition des marchés sur le territoire de la ville est tributaire aussi de la plus ou moins grande facilité de circulation des marchandises et des commerçants. En effet l’installation d’un équipement marchand sou tend une bonne accessibilité cela facilitée tout d’abord par la position géographique de ce dernier mais aussi une bonne desserte en voie d’accès. A Thiès l’implantation des équipements marchands s’est fait avec l’augmentation de la taille démographique et spatiale de la ville.
En effet Thiès ville moyenne située à 70 km à l’Est de Dakar est confrontée à une croissance démographique importante (3,3%) et a vu sa population doublée sur les vingt derniers années ; cette réalité peut s’expliquer par l’exode rural, mais aussi par le niveau de saturation qu’atteint la ville voisine Dakar. Thiès est incontestablement une ville carrefour, c’est un point d’éclatement des grands axes de circulation routière et ferroviaire mais aussi une déterminante pour accéder à la capital Dakar et dans le sens inverse un voie de passage pour accéder au reste du pays. La ville de Thiès qui s’étend sur un périmètre exigu de 6822 ha a connu un développement spatial très remarquable.
Présentation de la ville de Thiès
Repère chronologique
La première occupation du site remonte à 1804 par une famille sérère « None » qui vivait de l’agriculture, de l’élevage et de la chasse. Entre l’interval 1860-1880, Thiès va être marqué par plusieurs événements liés à la colonisation. Le capitaine de Vaisseau Protet commandant supérieur de Gorée, prend possession du territoire de Dakar pour y construire un port. En 1860 les français créèrent la liaison Dakar-Saint Louis et pour sécuriser les déplacements, installèrent trois postes coloniaux à Mbidjiène, et Lompoul. La même année Pinet Laparade occupe le village de Thiès pour des raisons d’ordre militaire et de communication. En effet, le site, avec la présence du ravin des voleurs et du massif de Thiès, a constitué le point de passage le plus facile vers Saint-Louis. Aussi des 1862, le village fut détruit et remplacé par un poste colonial en 1864. La création des pistes reliant Thiès à Tivavouane, Taïba, Pout et Sangalkam en 1880, lui donne un regain d’activité. A partir de 1881 les premiers traitants commencèrent à s’installer à Thiès, ainsi le site commence à devenir une plaque tournante pour les échanges commerciaux et les mouvements militaires vers le Nord et l’intérieur du Sénégal. La voie ferrée Dakar-ThièsSaint Louis fut ouverte en 1885 et les premiers missionnaires catholiques s’installent en 1886.
La culture de l’arachide commence à prendre de l’extension en 1860, le port de Rufisque prend le relais de celui de Gorée pour l’exportation des arachides. La construction du chemin de fer réduit l’inconvénient de l’éloignement de Dakar par rapport à Rufisque. L’expédition de l’arachide par chemin de fer à partir de Thiès s’est développée et atteint prés de 20.000 tonnes en 1891.
Le rôle de ville coloniale et de garnison de Thiès commence à s’affirmer avec la construction de l’actuelle gouvernance et l’installation du premier administrateur civil (1893) l’extension du camp militaire (1894) et de la prison (1896). La population de la ville de Thiès était estimée à 1200 habitants en 1890. En 1902, Dakar est choisi comme capitale de l’Afrique Occidentale Française [AOF]. Ainsi Thiès commence-t-elle à bénéficier de la proximité et de sa position de porte d’entrée de Dakar. En 1905, les premiers commerçants libano-syriens commencèrent à s’installer à Thiès.
Avec l’entrée de la France en guerre en 1914, le camp militaire fut agrandi au point de faire de Thiès une véritable ville garnison. L’installation des ateliers de réparation du chemin de fer (1923), la construction du chemin de fer Thiès-Kayes (1927) et le transfert de la direction des chemins de fer à Thiès ont fait de la ville un pôle nœud ferroviaire de premier ordre. Face à cette situation la ville va connaître un important flux migratoire. La population passa de 3000 habitants en 1921 à 13.000 habitants en 1929.
Au cours de la deuxième guerre mondiale, une base aérienne fut construite en 1940. L’après deuxième guerre mondiale a vu, la construction de la route Dakar-Thiès (1952), le doublement de la voie ferrée Rufisque-Thiès, et l’inauguration de la place de France. Ces infrastructures ont eu un grand impact sur l’attractivité de la ville qui atteint 40.000 habitants en 1952. Au cours de la période 1960-1962, Thiès a connu une baisse d’activité liée à l’éclatement de la Fédération du Mali (retour de plusieurs maliens), le repli des militaires français et des libano-syrien. En dépit de ces phénomènes défavorables, les équipements urbains se sont renforcés avec la construction du Lycée Malick Sy (1965), de l’école polytechnique (1973), de l’hôpital régional (1981) et du stade Lat Dior (1981).
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Table des matières
I Introduction générale
II Problématique
III Approche Méthodologique
Première partie : Evolution urbaine de la ville de Thiès : Effet sur la distribution spatiale des équipements marchands
Chapitre I : Présentation de la ville de Thiès
Chapitre II : Evolution démographique et spatiale de la ville de Thiès
Chapitre III : Présentation et distribution spatiale des équipements marchands de la ville de Thiès
Deuxième partie : Organisation interne du marché central de Thiès
Chapitre IV : Analyse du système d’organisation du marché central
Chapitre V : Caractéristique des activités commerciales et rayonnement du marché central
Chapitre VI : La fréquentation du marché central de Thiès
Troisième partie : La problématique de la gestion du marché central de Thiès
Chapitre VII : Présentation de l’administration du marché et les différentes associations
Chapitre VIII : Le marché central à l’intérieur du quartier Escale Nord
Chapitre IX: Les dysfonctionnements au niveau du marché central
Conclusion générale
Bibliographie