Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Les travaux de Mélanie Klein et Wilfred R. Bion sur la pulsion épistémophilique
Mélanie Klein (1932) développe l’idée d’une phase féminine commune au garçon et à la fille, basée sur une curiosité qui concerne l’intérieur du corps maternel qui contient entre autre le pénis paternel, les enfants, les richesses des fèces. Le désir féminin lié au désir de Connaissance, favorise la constitution d’une intériorité psychique chez les deux sexes. Ces pulsions épistémophiliques sont précoces, et la curiosité associée, s’étendant sur le corps de l’enfant, va jouer un rôle capital pour la formation du monde interne et la création.
Wilfred R. Bion (1962) a développé l’idée selon laquelle, à côté des pulsions d’amour et de haine, la curiosité, le désir de connaître représentent une pulsion à part entière : la pulsion épistémophilique. L’activité liée à l’apprentissage, à l’acquisition de connaissances, serait sous-tendue par cette pulsion. Par l’introjection précoce, dès les premiers mois de la vie, des objets d’amour-haine, naît un conflit oral : dévorer-détruire, être dévoré et être détruit. L’angoisse est donc créée par la connexion entre la haine et la pulsion épistémophilique. L’enfant devient en grande partie créateur de ses objets en prêtant aux objets extérieurs sa propre agressivité, laquelle devra être contenue par la mère afin de permettre une re-introjection de bons objets. C’est la mère qui grâce à sa « capacité de rêverie » (Bion, 1962) ajuste son comportement et fournit à l’enfant l’illusion qu’il crée. L’enfant garde la trace de cette satisfaction. Cette expérience satisfaisante permet l’ébauche du fonctionnement de l’appareil psychique. Si la mère est « suffisamment bonne » (Winnicott, 1958), elle va peu à peu introduire le manque et la désillusion. Elle va réinvestir progressivement la relation avec son partenaire, son activité professionnelle, créant des « ratés » avec le bébé. Cette intégration du principe de réalité se vit via le temps de l’illusion du contrôle omnipotent, par le jeu et l’imagination. « C’est là que réside le fondement du symbole qui, tout d’abord, est à la fois spontanéité ou hallucination de l’enfant, et aussi objet externe créé et, en fin de compte, investixxiii ».
La mère étant moins satisfaisante, l’enfant a pour une fois l’intuition qu’il ne peut pas seul la combler. Le père prend une place plus importante, c’est le début de la triangulation. La frustration générée par la désadaptation progressive de la mère déclenche chez le bébé des réactions de colère. Il est important que la mère reste calme, le rassure, mais ne renonce pas à cette désadaptation. Il découvre que le monde existe sans lui, c’est la découverte entre le Moi et le non moi, l’ébauche de l’altérité.
« L’effet de miroir » dans la constitution du narcissisme et le rapport à la Connaissance
L’acquisition de la connaissance s’appuierait sur un travail en miroir, c’est-à-dire la connaissance de son propre corps par l’enfant via le corps de la mère, au même titre que le « stade du miroir », auquel Jacques Lacan (1936) a fait jouer un rôle déterminant dans l’avènement du sujet et la reconnaissance de l’autre.
Le stade du miroir est un phénomène consistant en la reconnaissance par l’enfant à partir de six mois de son image dans le miroir. L’image spéculaire de l’enfant donne à ce dernier la forme intuitive de son corps ainsi que la relation de son corps à la réalité environnante. C’est par la reconnaissance et le désir de la mère qui porte l’enfant qu’un « c’est toi », donnera un « c’est moi » authentifié par cette dernière.
Ici l’observation des jeunes enfants nous montre ce jeu de va et vient corporel entre le corps de l’enfant et l’adulte, par le fait de montrer et toucher la bouche, le visage ou les yeux. Ce n’est pas de son propre oeil que l’enfant se voit, mais de la personne qui l’aime ou le déteste. Le rapport à lui-même passe donc en premier lieu par le rapport au corps de l’autre sur lequel va s’exercer sa curiosité. Ce rapport au corps de l’autre serait ainsi le support de la pulsion épistémophilique ainsi que le support « en miroir » de l’élaboration du narcissisme de l’enfant.
Le rapport au corps de la mère est ce qui fonde l’image du corps de l’enfant à partir de ce qui est amour ou haine de l’enfant par la mère, et regard porté sur lui. Ce signe de reconnaissance de la mère va fonctionner comme un trait unaire. Ce trait unaire en tant que signifiant sous sa forme élémentaire et en tant que support d’identification symbolique est fortement investi émotionnellement par l’enfant. Freud (1921) en avait ainsi démontré l’importance devant l’épreuve de séparation dans son article, « l’identification ». Lorsque l’objet est perdu, l’investissement qui se portait sur lui est remplacé par une identification qui est « partielle, extrêmement limitée et qui n’emprunte qu’un trait à la personne-objet ». L’identification au trait unaire, vitale pour le sujet, est donc liée à la séparation qui renvoie à la découverte de l’altérité. Cependant pour Lacan, outre ce qui subsiste de l’objet, le trait unaire est aussi ce qui l’a effacé et à cet égard, il devient l’incarnation du signifiant phallique. L’identification au trait unaire va donc de pair avec la castration qui place le sujet devant l’expérience de la perte et des limites. Cette identification constitue la « colonne vertébrale du sujetxxiv ».
Le « stade du miroir » vient, selon nous, mettre en évidence le lien entre curiosité associée au corps de la mère comme déplacement de la satisfaction du besoin, déterminant des modalités ultérieures de l’investissement de la Connaissance et le développement du narcissisme. L’authentification de cette découverte qu’est le « c’est moi » en appelle à un Autre. « Pour que l’enfant puisse s’approprier cette image, pour qu’il puisse l’intérioriser, cela nécessite qu’il ait une place dans le grand Autrexxv » (incarné par la mère dans le cas présent).
Au-delà du corps de la mère, l’enfant sait qu’il y développera son individualité et sa spécificité via le phallus du père. A la mère de lui en laisser la possibilité en le laissant entrevoir.
La force du père primitif, axe d’élaboration subjective
L’agressivité, dans son acception d’aller vers, est ce qui permet le détachement de la Chosexxvi, c’est-à-dire le détachement de soi-même via le détachement de l’objet. Ce détachement, répondant au tabou de l’inceste, trouve son origine à travers le mythe fondateur de la civilisation développé par Freud dans Moise et le monothéismexxvii. « Au temps primitif, l’homme vivait en petite horde dont chacune était gouvernée par un mâle vigoureux ». Le mâle vigoureux dominait la horde, ce qui supposait une appropriation pleine et entière de chaque femelle et une mise à distance – « ils étaient massacrés, châtrés, ou chassés » – des autres mâles qui vivaient en petite communauté. La horde primitive constituée par l’union des frères contestant le despotisme paternel, décida de sa mise à mort. Ces mâles s’unirent pour vaincre le père et le « dévorer » au cours d’un repas cannibalique comme un acte d’identification à ce dernier en « s’en incorporant un morceau » ; car ce père, même s’il était craint et haï, n’en demeurait pas moins vénéré. Après l’avoir supprimé, ils éprouvèrent un sentiment de culpabilité, qui les amena à désavouer leur acte en interdisant la mise à mort du totem, substitut du père, et en refusant d’avoir des rapports sexuels avec les femmes qu’ils avaient libérées. S’ils voulaient vivre ensemble, ils devaient instituer l’interdiction de l’inceste et renoncer à la possession des femmes convoitées. Faisant suite à la mort du père, les frères, selon Freud, se seraient disputé sa succession puis réussirent à s’entendre pour élaborer une forme de ‘‘contrat social’’. « Chacun renonça au rêve de remplacer son père, ou de posséder sa mère ou sa soeur. Ainsi se trouvèrent institués le tabou de l’inceste et la loi de l’exogamie ».
Lorsque l’enseignant du film ‘‘le plus bel âge’’, de Haudepin (1995), déclare à ses élèves « au troisième trimestre, il faudra me tuer ; tuer quelqu’un consiste à l’écouter pour pouvoir prendre sa place. Je vous écoute donc dans ce que vous avez préparé », il met en avant le processus d’élaboration de la pensée du sujet par le « meurtre du père ». Ce « meurtre du père primitif », forme de renoncement à une toute jouissance, et son remplacement par un objet substitutif, est la condition nécessaire et vitale au sujet pour se « séparer de la Chose » afin d’élaborer un espace psychique possible de pensée.
La quête de l’origine, vecteur de la pulsion épistémophilique, transite via le corps maternel. En ce sens la création d’objets est soumise à un principe féminin (Kristéva, 2001). C’est à partir de la perte de la mère, ce qui revient pour l’imaginaire à une mort de la mère, que s’organise la capacité symbolique du sujet. Reprenant la théorisation de Klein, le sein, bon ou mauvais, ne se présente comme premier objet structurant qu’à la condition d’être dévoré / détruit: « la fonction maternelle réside dans cette alchimie qui passe par la perte de soi et de l’autre, pour atteindre et développer le sens du désir mortifère, mais uniquement dans l’amour et par la gratitude où s’accomplit le sujet. Le lien d’amour pour cet objet perdu qu’est la mère, dont » je » me sépare, prend alors le relais du matricide, et s’auréole de pensées ».
Il nous semble cependant important de poursuivre la pensée de l’auteur en précisant que ce matricide ne peut se réduire à lui-même. Pour que les pensées se structurent et s’ordonnancent, elles doivent se soumettre à un axe directeur. Cette dévoration du sein ne s’envisagerait ainsi que dans le rapport à une autre dévoration originelle, celle du père primitif, porteuse de la puissance phallique de séparation et d’interdiction. Cette puissance phallique dont est porteur l’objet de Connaissance est garante de la séparation de la Chose, et aussi et surtout, par la voie de l’absorption, source d’identification et de force nécessaire à tout processus de subjectivation, dans une conscientisation toujours plus fine et renouvelée de soi-même et de l’autre : « Le père est médiateur de l’altérité : au minimum, celle de la loi, au plus profond, celle de l’originexxviii ».
xxviii Lacroix
Activité fantasmatique dans le rapport au savoir et à la Connaissance
« La formation est, comme l’amour, un grand thème passionnel (…) Il y est question de forces opposées, d’amour et de haine, de vie et de mort, de dilemme entre l’espèce et le sujetxxix ». Afin de développer une théorisation du savoir et de la Connaissance, nous nous sommes intéressés aux théories de René Kaës (1975). Le travail de Kaës porte particulièrement sur l’analyse des petits groupes en formation. Même si, à l’Université, les étudiants rencontrent de manière générale des enseignants-chercheurs, plus que des formateurs, concernant le fond, il nous semble que les conceptions de Kaës s’adaptent judicieusement au milieu Universitaire. Au risque de présenter au lecteur un certain nombre de références hétérogènes, cette théorisation nous permet de faire apparaître des points communs aux auteurs selon un même fil directeur : le rapport à l’objet. Enfin, elle nous apparaît indispensable pour les raisons suivantes.
En travaillant sur les problématiques psychiques des jeunes adultes en milieu universitaire, nous sommes inévitablement invités à lier ce que nous percevons de leurs remaniements et mouvements psychiques internes à la finalité de leur présence en Faculté, à savoir l’investissement psychique d’un nouvel objet de Connaissance.
Nous voyons subtilement apparaître dans la question de la pulsion épistémophilique, liée au départ à la curiosité autour de l’origine, ce qui tient à la construction narcissique de l’enfant. Ainsi, lier le rapport à l’objet au rapport à l’objet de Connaissance Universitaire interroge la constitution du narcissisme du sujet.
Fantasme et développement de la pensée
Le fantasme en tant « qu’effet du désir archaïque inconscient et matrice des désirs conscients et inconscients actuelsxxx » devient un principe organisateur de toute activité et de toute pensée. Le fantasme mobilise ou éventuellement paralyse, organise et canalise ainsi l’énergie pulsionnelle de manière plus ou moins active. Le désir de savoir s’originerait dans le corps, à travers la découverte du corps d’autrui et de la mère en particulier, via le jeu des manipulations physiques par l’enfant. Ici s’élaborerait de manière fantasmatique le rapport ultérieur à la Connaissance. Pour Kaës, le désir de former, de se former et d’être formé, s’inscrit dans les prototypes infantiles des relations où les objets les plus primitifs s’organisent dans une scène fantasmatique sur laquelle se jouent les questions et les réponses de l’origine, celle du sujet et celle de l’espèce. La recherche de satisfaction du besoin sous-tend donc la question de la jouissance de la Connaissance.
La formation serait fantasmatiquement traversée par des pulsions de vie et de mort, pulsions qui organiseraient même la relation formateur-formé. Si l’acte de former se révèle être de nature créative par un soubassement pulsionnel lié à la pulsion de vie, il comprend en son sein une violence avec « la pulsion à détruire, à dé-former, à reporter l’acte de césure, à reproduire la mise à mort de la mise au mondexxxi ».
Ce dualisme pulsionnel en tant que garant du lien formatif entre étudiant et enseignant dans le processus de formation, fait appel à des activités réparatrices et des angoisses dépressives.
Si le désir de former un sujet, comme l’annonce Kaës, est issu du dépassement de l’angoisse dépressive dans l’activité réparatrice et le désir de perfection, nous sommes bien en présence d’un questionnement commun autour des origines. Ce questionnement, d’un point de vue fantasmatique, opère un retour au corps de la mère.
Le rapport entre Savoir et Connaissance
Pour Kaës, la référence à la mère dans la fantasmatique de la formation conduit à assigner un rôle prépondérant aux fixations prégénitales et à la problématique pré-oedipienne dans le processus de formation. Dans ce processus, la référence au père demeure fondamentale faute d’un enfermement possible : « la formation peut se vivre comme prolifération informe, perdition de soi, fermeture à une genèse et à une histoire, pour autant que se trouve répudiée, exclue ou rejetée la référence au père différenciateur, pour autant que la formation se clôt sur le désir de la mèrexxxii ». A partir de la question de la pulsion épistémophilique et des travaux de Kaës sur les processus de formation, nous avons élaboré le triptyque suivant présentant le rapport à la Connaissance.
L’activité créatrice, signe de maturation psychique
Si l’activité créatrice s’origine du corps de la mère, dans un rapport fantasmatique à ce dernier, il s’accompagne à l’âge adulte par la capacité de créer ce que Evelyne Kestemberg (1985, p 213) qualifie de pare-excitations. Pour que l’individu puisse créer, et se créer, il doit être capable de créer psychiquement des modalités de pare-excitation définies comme ‘‘la création d’une zone transitionnelle’’. Il s’agit d’une aire dans laquelle le sujet peut lui-même, avec lui-même, créer toute une série de pare-excitations qui permettent de conserver l’unité narcissique et de « supporter que les pulsions existent et que l’on ne peut pas être un homme et une femme à la fois tout en gardant une bisexualité psychiquexxxvi ».
Reprenant Freud, Kestemberg associe le prototype de cette création à la satisfaction hallucinatoire du désir et du plaisir. Cette fantasmatique du désir aurait donc pour fonction, au-delà d’une force vectorielle menant la génitalité à son terme par la rencontre de l’altérité, d’endiguer jusqu’à les apaiser, les conflits pulsionnels par le biais notamment d’une capacité de fonctionnement auto-érotique. Cet auto-érotisme, comme capacité de « réinvestissement intermittent des traces mnésiques de la satisfaction initialexxxvii » lié au développement du Soi, a valeur de pare-excitation vis-à-vis des stimuli externes et internes, des remaniements pulsionnels particulièrement prégnants aux cours des épreuves de séparation. Nous analysons ici combien la capacité de penser de nouveaux objets pour le sujet est liée à une capacité de se reposer sur lui-même via l’auto-érotisme, sans s’enfermer sur lui-même. Cet enfermement peut se traduire par des conduites d’échec, comme une jouissance du symptôme, faute de pouvoir jouir de la Connaissance, alimenté par des conduites addictives, toxicomaniaques, voire suicidaires, à forte connotation érogéino-masochiste avec un soubassement dépressif.
Ainsi, utiliser les objets scolaires comme outils de sa pensée et création de soi, revient à renoncer à la maîtrise et au déni de la séparation. La possibilité de « jeu réciproque entre le subjectif et l’objectivement perçu démontre la capacité d’utiliser la réalité externe au service d’une expérience culturelle xxxviii», c’est-à-dire la création de nouveaux objets. Le passage à l’âge adulte mènerait « de la création de soi (adolescence) à la création des objetsxxxix » associé à l’intériorisation de l’expérience de la séparation et de la mort.
Cette expérience de création peut placer le jeune adulte devant une crise, devant un « vide intérieur » (Verletxl) pouvant être le révélateur de fragilités psychiques faute d’étayage narcissique. En parlant de ses études à l’Ecole normale, le physicien Jean-Louis Verlet raconte ainsi vingt ans plus tard : « Il m’est venu cette nuit une pensée qui m’a ôté le sommeil. Cette pensée s’est présentée comme une question : à quoi ai-je dû tourner le dos, qu’ai-je dû désapprendre de ce que j’avais appris à l’Ecole ? Venue avec le jour, la réponse à cette question : être un bon élève. Cette contrainte là – remplir tout manque avec du savoir – m’empêchait de faire face, de façon prolongée, à un certain vide, un vide intérieur, qui peut-être vertigineux mais qui est la condition de toute recherche approfondie. Plus on s’écarte des sentiers battus pour s’aventurer là où les repères font défaut, plus on traverse des moments dont on ne parle plus ensuite où l’on est devant un gouffre sans savoir parfois si l’on ne va pas y être englouti. Et on sait ainsi que c’est en faisant avec ce vide que quelque chose parvient à se créer ». Ce vide est ce qui apparaît au-delà du corps de l’objet, c’est-à-dire une fois l’objet détruit sous la force de la pulsion épistémophilique. Ce vide fertile, peut s’avérer angoissant, voire traumatisant en écho au vide intra psychique du sujet non habité par des objets séparés, différenciés et rassurants. Le rapport à la Connaissance, au-delà du rapport au savoir tel qu’évoqué par Verlet, implique un détachement de l’objet se trouvant en résonance avec les épreuves de séparation vécues à l’Université.
Ce qui caractérise le temps universitaire est le travail de la séparation nécessaire au travail sur la Connaissance. Le but de l’Université des origines est d’être le creuset de l’élaboration du savoir, de la réflexion menant vers la Connaissance. Ce temps répond au mythe fondateur de l’Université par le caractère « sacré » de son espace. Au début du XIIIème siècle les professeurs de l’Université de Paris à peine naissante, se mettent en grève parce que les soldats du gué sont venus faire justice auprès d’étudiants éméchés qui avaient violenté à mort d’honnêtes bourgeois ! Cette intrusion de la police rompait l’ancienne promesse de Philippe Auguste qui avait accordé la franchise à l’Université. L’histoire de l’Université est donc marquée dans ses premiers temps par la mise à mort de figures parentales.
Ce mythe de la séparation et de la mise à mort est encore d’actualité et apparaît plutôt vécu aujourd’hui comme une fatalité, au lieu d’un processus actif dont le sujet pourrait s’emparer.
Problématiques
Nous observons que les motifs de consultations aussi bien en Service Universitaire de Médecine Préventive, qu’en centre anti-poison font référence à des problématiques d’ordre relationnel, familial ou amoureux. Ce sont en particulier des étudiants de premier cycle de sexe féminin (dans leur expression) qui sont concernés. Les problématiques des étudiants que nous rencontrons sont plus axées sur un versant narcissique, c’est-à-dire sur des angoisses de séparation qu’il leur faut dépasser pour accéder à des angoisses génitales. Il est à noter, en rapport à la population générale, un taux plus important de pathologies d’allure psychotique. Nous pouvons à juste titre questionner cette différence observée.
Les résultats de l’enquête « Le mal-être étudiant : cause ou conséquence de l’échec à l’Université ? » nous invite à nous interroger sur la nature symbolique du lien à créer entre étudiants et enseignants. Que représente cette « évolution des rapports entre les enseignants et les étudiants » préconisée par l’enquête en tant que clés de leur réussite ? Cette réussite mériterait d’être interrogée ! N’y a t-il pas un risque à persister dans un besoin de maternage, dans le maintien d’un mode relationnel de proximité limitant le développement de l’individualité ?
Si la perspective relationnelle et de lien apparaît évidente dans le bien-être du sujet, elle ne doit pas masquer, selon nous, ce qui se joue à un niveau interne et symbolique.
Pour la plupart des étudiants que nous rencontrons en consultation, il y a difficulté, voire impossibilité d’investir la Connaissance Universitaire. Notre impression est qu’ils ne réalisent pas le potentiel d’épanouissement que leur offre l’Université de La Réunion, pourtant de taille moyenne, avec des moyens matériels et une disponibilité certaine des enseignants-chercheurs et de l’encadrement universitaire.
La libido semble employée dans un ailleurs, en autre lieu et place de ce pourquoi le sujet serait inscrit en faculté. A travers les motifs de consultation, nous découvrons que celle-ci est consacrée à un réchauffement oedipien occupant le devant de la scène. Des plaintes apparaissent sur un versant narcissique autour de la confiance en soi, l’estime de soi, la perception de soi-même dans le regard d’autrui, avec un sentiment diffus et difficilement traduisible de honte.
Nous constatons une forme d’immaturité affective en lien avec la gestion des relations familiales et amoureuses. Des situations qualifiées « d’urgence » par les sujets eux-mêmes sont présentées au service et dans nos consultations. Ces plaintes s’accompagnent d’angoisse qui, par la nature des problématiques observées, s’originerait dans la crainte de la perte de l’objet en liaison avec la constitution narcissique du sujet.
Nous serons donc particulièrement sensible, dans nos exposés cliniques, à l’adresse de la plainte. A l’encontre de qui, est exposée cette plainte ? Quelle forme prend-elle et que vient-elle dire de l’élaboration subjective du sujet ?
Ce travail opérant autour de la séparation, voire du vécu de la perte, serait donc pour l’étudiant une source particulière d’angoisse, de souffrance, de crises, de remaniements psychiques, de mises à jour de problématiques singulières favorisant la mise en place de comportements spécifiques pouvant aller jusqu’au suicide ; le suicide étant caractérisé en dernier ressort par l’absence, la négation du lien à autrui et le vécu d’une solitude insupportable, révélateur d’une impossibilité de nouveaux investissements libidinaux objectaux.
Les notions de perte et de séparation dans les premiers écrits de Freud
Très tôt dans ses écrits, Freud (1895) met l’accent sur le rôle des relations d’objet précoces qui sont indispensables pour que le nourrisson émerge de l’état de détresse, de dépendance biologique et psychologique dans lequel il se trouve au début de son existence. Selon lui, l’enfant doit trouver dans son entourage (la mère) un moyen de décharger la tension née des besoins internes physiques et psychiques. Il nomme cette rencontre entre le besoin de décharge et la personne qui le satisfait : «l’expérience de la satisfaction ». Si ce n’est pas le cas, il s’ensuit des perturbations du développement des fonctions physiques et psychiques du fait de son immaturité et de son état de détresse (Hilflosigkeit, 1895). L’angoisse provient, selon la première théorie de Freud « d’une transformation de tension accumulée (…) comme le vin tourne au vinaigrexlv ». Cette théorie est d’ailleurs à la base des conceptions de Winnicott (1958) dans l’importance de « l’expérience instinctuelle », à propos du développement de la « capacité à être seul » que nous aborderons au chapitre III.
La perte de l’objet, réelle ou hallucinatoire, va constituer pour Freud le fondement de la naissance du désir et la recherche ultérieure des objets. En cas d’absence de l’objet, son image va être réinvestie comme une représentation symbolique dans une activité psychique de satisfaction hallucinatoire du désir. Le sujet, dans sa recherche de nouveaux objets, va chercher à retrouver l’objet originel perdu qui autrefois avait apporté une satisfaction réelle (Freud, 1925). Cette recherche deviendrait le substrat libidinal de la pulsion épistémophilique, laquelle est nécessaire à l’accès de la Connaissance Universitaire, comme « porte d’entrée » à l’Universel.
La crainte de la séparation comme source de l’angoisse
Les contributions théoriques majeures de Freud sur ce thème de la séparation sont contenues dans deux publications, Deuil et mélancolie (1917) et Inhibition, symptôme et angoisse (1926).
Dès 1905, Freud avait établi un lien de cause à effet entre l’apparition de l’angoisse chez l’enfant et la sensation de l’absence d’une personne aimée : « l’angoisse chez l’enfant n’est à l’origine pas autre chose qu’un sentiment d’absence de la personne aimée » (1905, p. 135). Il restera cependant fidèle dans son explication théorique, à l’idée que l’angoisse s’originerait dans la transformation directe de la libido insatisfaite.
En 1917, Freud décrit le mécanisme de défense fondamental contre la perte de l’objet, en mettant en évidence l’introjection de l’objet perdu dans une partie clivée du Moi, par des sujets ayant tendance à établir des relations narcissiques avec leurs objets. La mélancolie est ainsi caractérisée par des auto-accusations qui sont les reproches que le sujet aimerait faire à la personne manquante. Ce retournement est possible du fait que l’objet perdu, à l’origine de la déception, se retrouve dans une partie clivée du Moi, l’autre partie devenant critique vis à vis de celle-ci : « l’ombre de l’objet tomba ainsi sur le Moi qui put alors être jugé par une instance particulière comme objet délaissé. De cette façon, la perte d’objet s’était transformée en une perte de Moi, le conflit entre le Moi et la personne aimée en une scission entre la critique du Moi et le Moi modifié par l’identificationxlvi ». Il est à noter qu’à partir de 1921, Freud utilisera le terme ‘‘d’introjection’’ pour remplacer celui ‘‘d’identification’’ dans la description de la mélancolie. Nous reviendrons ainsi sur l’utilisation de ce terme, privilégié par Guillaumin (2000), dans la description du travail psychique en cours de post-adolescence.
Le mécanisme d’introjection de l’objet perdu et de clivage du Moi comme lutte contre la perte de l’objet, implique un ensemble de conditions décrites par Freud : Par un investissement objectal fragile, le choix d’objet régresse vers une identification narcissique. La libido régressant au stade oral, l’amour pour l’objet se transforme en identification et la haine (par l’ambivalence) se retourne contre une partie du Moi du sujet.
Un texte de Chateaubriand (1805) nous fournit un très bel exemple littéraire de la dépression mélancolique. Nous ne résistons pas à la tentation de livrer ici au lecteur un extrait issu de René, à des fins d’analyse au regard de notre recherche.
« La solitude absolue, le spectacle de la nature, me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire. Sans parents, sans amis, pour ainsi dire seul sur la terre, n’ayant point encore aimé, j’étais accablé d’une surabondance de vie. Quelquefois je rougissais subitement, et je sentais couler dans mon coeur comme des ruisseaux d’une lave ardente ; quelquefois je poussais des cris involontaires, et la nuit était également troublée de mes songes et de mes veilles. II me manquait quelque chose pour remplir l’abîme de mon existence: je descendais dans la vallée, je m’élevais sur la montagne, appelant de toute la force de mes désirs l’idéal objet d’une flamme future ; je l’embrassais dans les vents ; je croyais l’entendre dans les gémissements du fleuve ; tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les cieux, et le principe même de vie dans l’univers.
Toutefois cet état de calme et de trouble, d’indigence et de richesse, n’était pas sans quelques charmes. Un jour je m’étais amusé à effeuiller une branche de saule sur un ruisseau, et à attacher une idée à chaque feuille que le courant entraînait. Un roi qui craint de perdre sa couronne par une révolution subite, ne ressent pas des angoisses plus vives que les miennes, à chaque accident qui menaçait les débris de mon rameau. Ô faiblesse des mortels! Ô enfance du coeur humain qui ne vieillit jamais! Voilà donc à quel degré de puérilité notre superbe raison peut descendre! Et encore est-il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d’aussi peu de valeur que mes feuilles de saule.
Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives, que j’éprouvais dans mes promenades? Les sons que rendent les passions dans le vide d’un coeur solitaire, ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d’un désert: on en jouit, mais on ne peut les peindre.
L’automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j’entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j’aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes ; tantôt j’enviais jusqu’au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l’humble feu de broussailles qu’il avait allumé au coin d’un bois. J’écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays, le chant naturel de l’homme est triste, lors même qu’il exprime le bonheur. Notre coeur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs.
Le jour je m’égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts. Qu’il fallait peu de chose à ma rêverie : une feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont la fumée s’élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du nord sur le tronc d’un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri murmurait ! Le clocher du hameau, s’élevant au loin dans la vallée, a souvent attiré mes regards ; souvent j’ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent ; j’aurais voulu être sur leurs ailes. Un secret instinct me tourmentait ; je sentais que je n’étais moi-même qu’un voyageur ; mais une voix du ciel semblait me dire : « Homme, la saison de ta migration n’est pas encore venue; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton coeur demande».
Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon coeur. La nuit, lorsque l’aquilon ébranlait ma chaumière, que les pluies tombaient en torrent sur mon toit, qu’à travers ma fenêtre je voyais la lune sillonner les nuages amoncelés, comme un pâle vaisseau qui laboure les vagues, il me semblait que la vie redoublait au fond de mon coeur, que j’aurais eu la puissance de créer des mondes. Ah ! Si j’avais pu faire partager à une autre les transports que j’éprouvais ! Ô Dieu ! Si tu m’avais donné une femme selon mes désirs ; si, comme à notre premier père, tu m’eusses amené par la main une Ève tirée de moi-même… Beauté céleste, je me serais prosterné devant toi ; puis, te prenant dans mes bras, j’aurais prié l’Éternel de te donner le reste de ma vie.
Hélas ! J’étais seul, seul sur la terre! Une langueur secrète s’emparait de mon corps. Ce dégoût de la vie que j’avais ressenti dès mon enfance, revenait avec une force nouvelle. Bientôt mon coeur ne fournit plus d’aliment à ma pensée, et je ne m’apercevais de mon existence que par un profond sentiment d’ennui.
Je luttai quelque temps contre mon mal, mais avec indifférence et sans avoir la ferme résolution de le vaincre. Enfin, ne pouvant trouver de remède à cette étrange blessure de mon coeur, qui n’était nulle part et qui était partout, je résolus de quitter la vie.
Danger externe et danger interne
En originant l’angoisse dans la névrose par le danger de la séparation et de la perte de l’objet, ainsi que celui de la castration, il nous semble à première vue que Freud met l’accent sur le danger extérieur plutôt qu’intérieur dans l’apparition de l’angoisse. Il répond lui-même à cette objection : « On peut objecter que la perte de l’objet (la perte de l’amour de la part de l’objet) et la menace de la castration sont des dangers qui menacent de l’extérieur au même titre qu’une bête féroce par exemple et qu’ils ne sont donc pas des dangers pulsionnels. Mais le cas n’est pourtant pas le même. Il est vraisemblable que le loup nous attaquerait quelle que soit la façon dont nous nous comportons envers lui, alors que la personne aimée ne nous retirerait pas son amour et nous ne nous verrions pas menacés de castration si nous nourrissions, en notre for intérieur, certains sentiments et certaines intentions. Ainsi ces motions pulsionnelles deviennent des conditions déterminant le danger extérieur et de ce fait deviennent elles-mêmes dangereuses ; nous pouvons maintenant combattre le danger extérieur par des mesures prises contre les dangers intérieurs » (1926, p.71).
Cependant, l’inverse reste aussi valable et Freud ajoute que « souvent la revendication pulsionnelle ne devient un danger (intérieur) que parce que sa satisfaction entraînerait un danger extérieur, donc parce que ce danger intérieur représente un danger extérieur » (p.97). Le besoin, donc la pulsion, porte en lui-même les germes de l’angoisse, cette angoisse étant amplifiée ou contenue (atténuée) par les conditions extérieures. La satisfaction du besoin viendra ainsi pour nous, mettre le sujet à l’épreuve de l’angoisse, voire du traumatisme. Plus loin, Freud fait la distinction entre les affects d’angoisse, de douleur et de deuil. La douleur apparaît dès le moment où l’objet est connu et à condition que le sujet ait besoin de l’objet, elle est « la réaction à la perte de l’objet ». L’angoisse est « la réaction au danger que comporte la perte de l’objet » (p. 100). Quant à l’affect de deuil (normal), il s’explique comme une autre réaction affective à la perte de l’objet « sous l’influence de l’épreuve de réalité, qui exige d’une manière impérative qu’on se sépare de l’objet qui n’est plus » (p. 102).
Ces deux théories de l’angoisse seront complétées en 1938 dans l’Abrégé de psychanalyse. Les deux premières, nous l’avons vu, font référence à l’angoisse provenant de la transformation directe de la libido insatisfaite, et à la perception du danger par le Moi associé à la signification de la séparation ou de la perte de l’objet. Il s’agit ici de la crainte qu’éprouve le sujet de se séparer d’une personne reconnue importante. En 1938 Freud fait référence à un Moi utilisant le clivage et le déni face au danger menaçant sa propre intégrité. « Le Moi se sert des sensations d’angoisse comme d’un signal d’alarme qui lui annonce tout danger menaçant son intégrité » (p. 76). La notion de clivage par le Moi apparaît déjà en 1917 dans l’introjection de l’objet perdu comme défense contre la perte de l’objet. En attribuant maintenant l’angoisse à la crainte du Moi de perdre sa propre intégrité, Freud aborde maintenant des angoisses de type psychotiques, de peur de l’anéantissement, ressenties par des sujets structurellement névrotiques. Cependant, cette peur de l’anéantissement pourrait aussi être liée à un trop de présence de l’objet.
L’angoisse liée au manque de ne pas être séparé (J.Lacan)
« Enfin, ne pouvant trouver de remède à cette étrange blessure de mon coeur, qui n’était nulle part et qui était partout, je résolus de quitter la vie ».
Pour Lacan (1962), l’angoisse peut-être autre que la manifestation d’un danger externe ou interne et liée à un manque d’objet. C’est l’affect qui saisit un sujet quand il est confronté au désir de l’Autre. L’angoisse n’est pas le signal d’un manque, mais plutôt le « signal du manque du manque ». Autrement dit, ce qui engendre l’angoisse de la perte du sein pour un nourrisson, ce n’est pas uniquement que ce sein puisse venir à lui manquer, mais c’est qu’il l’envahisse par sa toute présence. Toute réponse qui se veut comblante ne peut, pour Lacan, qu’entraîner le surgissement de l’angoisse. L’angoisse, c’est donc « la tentation non pas de la perte de l’objet, mais la présence de ceci, que les objets, ça ne manque pas ». La réponse peut s’avérer tellement comblante que le sujet ne peut exister.
Que l’objet vienne à manquer, ou qu’il soit trop présent, c’est la question de l’élaboration du désir qui apparaît derrière la question de la séparation. Cette question est relative à la possibilité pour le sujet de ressentir le manque (suffisant mais pas trop) pour bénéficier d’un espace psychique au sein duquel il peut expérimenter un besoin. Ce Besoin s’appuie sur un ressenti pulsionnel qui doit être accueilli par l’environnement, faute d’une négation possible du sujet, de son être et de son droit à ressentir. C’est ici que la honte du sujet pour lui-même peut apparaître. L’angoisse de la solitude, rappelant l’absence de l’objet auquel le sujet est « attaché », deviendrait l’angoisse de la honte devant la rencontre avec son double marqué par une béance de l’être, forme de vortex psychique ayant aspiré en son sein toute pulsion du sujet, prometteur de retrouvailles jouissives et impossibles avec l’objet et figuration de la mort.
Dans cette perspective de retrouvailles impossibles, c’est le narcissisme du sujet qui est atteint par une angoisse de séparation en tentant de maintenir des parties du Moi indifférenciées de l’objet, dans ce que nous qualifions de risque mélancolique.
L’apport de Mélanie Klein sur l’angoisse de séparation
Afin de poursuivre nos recherches théoriques sur l’angoisse de séparation et la perte d’objet, nous nous sommes intéressé aux concepts de Mélanie Klein. Ils tiennent effectivement une grande place dans sa théorie et sa pratique. Par son expérience d’analyse auprès de très jeunes enfants, elle attribua au deuil un rôle central dans la psychopathologie, mais aussi dans le développement normal.
Au début de la vie, il n’y aurait pas d’indifférenciation Moi-objet comme pour Freud (narcissisme primaire), car selon Klein, la perception du Moi et celle de l’objet existerait dès la naissance. L’angoisse serait une réponse directe au travail interne de la pulsion de mort. Cette angoisse prend deux formes, selon elle : une angoisse persécutrice qui appartient à la position schizo-paranoïde, et une angoisse dépressive qui appartient à la position dépressive, en référence aux conceptions de relations d’objets précoces développées par elle. Hélène Segal (1979, p 126) précise ainsi que l’angoisse fondamentale postulée par Freud concernant la perte d’objet pouvait être vécue soit sur un mode paranoïaque (l’objet devient méchant et attaque), soit sur un mode dépressif (l’objet reste bon et il y a angoisse de perdre le bon objet plutôt qu’angoisse d’être attaqué par le mauvais objet). La combinaison des deux modes étant aussi possible.
Les mécanismes de défense conceptualisés par Mélanie Klein
Face à la crainte de la séparation et de la perte d’objet, Klein (1935) décrit une défense qu’elle désigne comme ‘‘défense maniaque’’. Cette dernière vise à nier la réalité psychique de la douleur dépressive. Ce type de défense se mettrait en place à partir de la phase dépressive. A ce moment, l’objet est contrôlé de manière toute-puissante, sur un mode triomphant et méprisant, de façon que la perte d’objet n’entraîne ni souffrance ni culpabilité.
L’identification projective constitue une défense primitive pour Klein (1946), faisant partie du développement émotionnel du nourrisson. Pour elle, il s’agit d’un fantasme omnipotent à travers lequel le nourrisson se décharge de certaines parties indésirables (ou parfois désirables) de sa personnalité et de son monde interne en les projetant dans l’objet externe.
Dans leur définition Laplanche et Pontalis (1967, p. 192) insistent sur le fait que le sujet « introduit sa propre personne en totalité ou en partie à l’intérieur de l’objet pour lui nuire, le posséder, le contrôler ». Cette notion de contrôle est un point commun à la défense maniaque (1935) et reste à souligner en référence à ce que nous analysons en clinique à travers la tentative de maîtrise de l’objet devant l’angoisse de séparation.
La mère en tant qu’objet externe doit être capable de recevoir les angoisses et les émotions du bébé tout en les détoxiquant afin de les rendre plus tolérables pour ce dernier. Cette capacité d’accueillir les identifications projectives, Bion (1962), continuateur des travaux de Klein, l’a nommée « capacité de rêverie ». Par cette fonction, les « éléments bêta » qui représentent l’ensemble de ce qui est expulsé par l’identification projective, sont transformés en « éléments alpha » servant à former les impressions de la veille, les souvenirs, les pensées. Pour Bion la transformation de bêta en alpha caractérise ainsi la capacité pour l’enfant de ré-introjecter son angoisse devenue supportable. Cette fonction est aussi la source de l’activité réflexive car « l’activité de pensée dépend de l’introjection réussie du bon sein, qui est, à l’origine, responsable de la performance et de la fonction alpha » (Bion 1962, p. 37).
Il s’agit pour l’infans, grâce à la ré-introjection de quelques éléments de la capacité de rêverie maternelle appliquée aux éléments projetés en elle par lui, d’établir à l’intérieur de lui-même « sa propre capacité d’identification projective normale, donc les débuts de sa propre fonction alpha » ( Bégoin-Guignard, 1990 p. 130). Elle constituera le contenant de ses propres expériences émotionnelles à venir, la ‘‘membrane de contact’’ (Bion) entre sa propre vie psychique et la vie psychique d’autrui.
La capacité de rêverie de la mère serait donc à la base des capacités de pensée, de symbolisation et de communication inter-humaine du sujet. En tant que contenant des expériences émotionnelles ré-introjectées, elle permet aussi la création d’une aire psychique d’étayage interne, ce que Alléon et Morvan (1990), qualifient de « néo-étayage » pour le jeune adulte.
A travers les différentes théorisations abordées, nous constatons que la relation d’objet est au coeur de l’épreuve de séparation. Cette épreuve ne peut être dépassée que par l’intériorisation d’un bon objet en soi, support d’un auto-étayage à venir. Auparavant l’objet aura été agressé, voire détruit fantasmatiquement, avant de pouvoir être intériorisé comme objet vivant et support d’identification. L’intérêt pour nous des travaux de Klein et de ses continuateurs, porte sur l’importance de l’agressivité dans la relation d’objet. Celle-ci tient ainsi une place importante dans notre clinique. Toute épreuve de séparation viendrait donc réactiver cette relation objectale, où les motions pulsionnelles internes du sujet pourraient lui faire revivre une éventuelle défaillance de l’objet source d’angoisse. Que cela soit par l’abandon, voire l’absence ou une trop grande présence, ou encore l’envahissement de l’objet, ces angoisses se réfèrent à des stades narcissiques du développement infantile. Ces références aux stades précoces de développement, par les mécanismes régressifs et les problématiques narcissiques observées en consultation, présentent pour nous un intérêt majeur dans nos analyses de cas, en référence par ailleurs à ce que nous avons rapporté des études antérieures sur les étudiants.
Enfin, de manière conceptuelle, les théorisations freudiennes et kleiniennes sur l’angoisse de séparation dans la relation objectale, nous introduisent, sans que cela soit dit, à l’origine et à l’importance des affects de honte dans les processus de séparation et de maturation psychique. C’est ce que nous développerons dans le chapitre suivant.
Honte et narcissisme
Narcissisme et premières identifications
Cette question des premières identifications interroge les premières phases de développement psycho-affectif du nourrisson. Freud (1914a) utilise d’abord le terme de ‘‘narcissisme’’ pour décrire une relation pour laquelle une personne prend son propre corps pour objet sexuel. Plus tard, il opposera un état narcissique primordial anobjectal aux relations d’objet. Il existerait ainsi une phase de l’existence du nourrisson au cours de laquelle celui-ci ne parvient pas à se différencier d’autrui. Il nomme cet état primitif « narcissisme primaire », dans lequel l’enfant se prend lui-même comme objet d’amour et comme centre du monde, qualifié comme « un état précoce où l’enfant investit toute sa libido sur lui-même » (Laplanche, et Pontalis, 1967, p.263).
Le premier mode de satisfaction de la libido serait l’auto-érotisme, c’est-à-dire que le plaisir viendrait d’un organe que l’enfant prend sur lui-même ; les pulsions partielles cherchent leur satisfaction sur le corps propre. Autrement dit, le Moi, dans le narcissisme primaire, ne s’est pas encore constitué, les objets qui sont alors investis par les pulsions sont les parties du corps elles-mêmes investies par la mère : « L’individu en voie de développement rassemble en une unité ses instincts sexuels qui, jusque-là, agissaient sur le mode auto-érotique, afin de conquérir un objet d’amour et il se prend lui-même, il prend son corps propre, pour objet d’amour avant de passer au choix objectal d’une autre personnelvi ».
La capacité d’aimer pour elles-mêmes des personnes perçues comme séparées et différentes de soi, constitue un progrès dans la vie relationnelle, car l’individu parvient à s’aimer lui-même en retour, comme il aime autrui. Ainsi le développement du narcissisme ne peut se développer, dans sa phase secondaire, que par un retournement de la libido sur le Moi via la relation d’objet. Cette relation d’objet devient narcissisante en procurant du plaisir au sujet. Le narcissisme secondaire établit le fondement de l’estime de soi et coexiste avec l’amour objectal.
Les personnes s’occupant de l’enfant sont amenées à revivre l’histoire de leur propre narcissisme à travers les soins qu’elles lui donnent. En 1914, Freud met en relief la position des parents dans la constitution du narcissisme primaire. Il se produit une reviviscence du narcissisme des parents qui attribuent à leur enfant toutes les perfections et projettent sur lui les rêves auxquels ils ont dû renoncer.
« Si l’on considère l’attitude de parents tendres envers leurs enfants, l’on est obligé d’y reconnaître la reviviscence et la reproduction de leur propre narcissisme qu’ils ont depuis longtemps abandonné. (…) Il existe ainsi une compulsion à attribuer à l’enfant toutes les perfections, ce que ne permettrait pas la froide observation, et à cacher et oublier tous ses défauts ; le déni de la sexualité infantile est bien en rapport avec cette attitudelvii ».
C’est l’état de détresse de l’enfant qui explique que le narcissisme parental peut se greffer sur l’enfant. C’est par la captation des idéaux narcissiques des parents que la honte peut s’élaborer en relation avec le déni de la sexualité infantile évoqué plus haut. Freud explique le développement de la honte sous le regard honnisseur du parent. S’il semble situer cette période autour de l’acquisition de la propreté, nous pouvons faire l’hypothèse que ce regard pourrait aussi se porter de manière précoce au moment où toute la libido de l’enfant est investie sur lui-même.
Wurmserlviii (1987) qualifie la honte de « compagnon voilé » du narcissisme. Elle devient un « émoi narcissique » (Tisseron, 1992, p 13), plus qu’une formation réactionnelle secondairement gardienne du refoulement. Envisager la honte au regard du narcissisme nous amène à considérer la distinction proposée par Lagache en 1958lix entre Moi Idéal et Idéal du Moi, utilisés de manière indifférente par Freud. Si nous nous intéressons à cette distinction, c’est que Lagache confère au Moi Idéal un statut de toute puissance narcissique. « Le Moi Idéal conçu comme un idéal narcissique de toute puissance, ne se réduit pas à l’union du Moi avec le Ça, mais comporte une identification primaire à un être investi de la toute puissance, c’est à dire la mère » (1967, p.256). Au contraire, l’Idéal du Moi serait une instance de la personnalité résultant de la convergence du narcissisme et de l’identification aux parents. Il est une instance complémentaire du Surmoi, tous deux héritiers du complexe d’OEdipe. Le Surmoi correspond à l’autorité, et l’Idéal du Moi à la façon dont le sujet doit se comporter pour répondre à l’attente de l’autorité. La culpabilité serait liée au Surmoi et aux interdictions intériorisées qui lui correspondent ; nous sommes dans le domaine de l’agir, dans ce qu’il est permis de faire ou pas. Alors que « la honte serait liée au narcissisme archaïque » (Tisseron, 1992, p. 14), c’est le Moi Idéal qui est touché. Nous sommes dans le registre de l’acceptation ou non de l’être. Ici, l’individu est touché au plus profondément de lui-même, dans son estime, au niveau corporel et psychique, dans sa définition de lui-même. Cette estime de soi au niveau corporel passe par ce que Winnicott (1958) définit comme une « expérience instinctuelle » reçue et contenue par la mère. Elle préfigure le développement de « la capacité à être seu.
Pour André Green (1983), la honte renvoie aux phases prégénitales et préoedipiennes du développement mental, ce qui explique non seulement sa prévalence narcissique, mais aussi son caractère « intransigeant, cruel, sans réparation possible ». Green fait l’hypothèse d’un « narcissisme moral » à côté d’un « narcissisme corporel » concernant le corps et ses représentations. Ce narcissisme moral serait lié à la mégalomanie infantile et « en dette » envers son Idéal du Moi : « la conséquence en est qu’il ne se sent pas coupable, mais qu’il a honte de n’être que ce qu’il est ou de prétendre à être plus qu’il n’est ». Le narcissisme moral ne serait pas un effet du conflit oedipien, mais plutôt son déni. Il y aurait ainsi négation de la séparation de l’objet, présentant un risque mélancolique, visant à lutter contre la honte par un maintien en soi d’une partie de l’objet par le sujet.
Plus que la honte de n’être pas assez ou de vouloir paraître trop selon Green, il s’agirait pour nous de la honte à être tout simplement. L’être humain naissant dans un état d’incomplétude et de dépendance totale, il porte en lui les germes de la honte, pour lesquels chaque épreuve de séparation représente un terreau fertile.
Ainsi la honte en tant qu’ « émoi narcissique » (Tisseron, 1992) présenterait un caractère archaïque. La mélancolie, en tant que psychonévrose narcissique, où le Moi et l’objet d’amour ne font plus qu’un, serait selon nous, un modèle particulièrement adapté de défense face à la honte. Le clivage du Moi permettrait ainsi à la honte de ne pas envahir le Moi tout entier. Les auto-reproches afin de ne pas détruire l’objet défaillant, voire manquant, permettent au sujet, en s’exposant sous le regard d’autrui, de sentir sa vivance, et de maintenir un lien vital à l’objet, dans une tentative d’exorcisation de la honte. Il vaut mieux alors s’accuser soi, tout en refoulant la honte, car accuser l’objet reviendrait à se reconnaître dépendant de ce dernier, avec risque d’effondrement narcissique et apparition de la honte. Tant que le sujet mélancolique se plaint de lui-même, c’est qu’il vit dans une tentative de maintenir relations et liens à l’objet et à autrui. Or « la plainte se fonde initialement sur la reconnaissance d’un objet : la mère et le constat, toujours récusé de la nécessaire distance » (Jacobi, 1998). Si cette plainte devient adressée contre l’autre, chez le mélancolique, elle risque de déboucher non pas sur la reconnaissance d’une distance, mais d’un abîme mortifère par une dépendance vitale…et honteuse. L’adresse à l’autre de la plainte, via le thérapeute, de la reconnaissance de la honte, donc de la dépendance à l’objet, demeure cependant le passage obligé du processus thérapeutique dans la re-conquête d’une position subjective.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE ETUDES SUR LE CONTEXTE CLINIQUE ET RAPPORT A LA CONNAISSANCE UNIVERSITAIRE
I ETUDES SUR LE MONDE ETUDIANT : PRESENTATION DU CONTEXTE CLINIQUE ET PRATIQUE
I.1 PREMIERES ETUDES CLINIQUES EN SERVICES SPECIALISES
I.2 LE « MAL-ETRE ETUDIANT » : CAUSE OU CONSEQUENCE DE L’ECHEC A L’UNIVERSITE ?
I.3 « LE METIER » D’ETUDIANT
I.3.1 Le « temps de l’étrangeté »
I.3.2 Le « temps de l’apprentissage »
I.3.3 Le « temps de l’affiliation »
I.4 LES ETUDIANTS EN CLASSES PREPARATOIRES
I.5 ETUDES CONCERNANT LES PRISES EN CHARGE DES TENTATIVES DE SUICIDE ETUDIANTES
I.6 LE CONTEXTE UNIVERSITAIRE : UNIVERSITE DE LA REUNION ET UNIVERSITE METROPOLITAINE, UN PHENOMENE COMMUN DE MASSIFICATION
I.6.1 Caractéristiques de la demande de consultation psychologique des étudiants au Service Universitaire de Médecine Préventive de l’Université de La Réunion
II SYNTHESE DES TRAVAUX PSYCHO-SOCIOLOGIQUES, PSYCHOPATHOLOGIQUES ET PSYCHANALYTIQUES SUR LE MONDE ETUDIANT
II.1 DES CONSTANTES EPIDEMIOLOGIQUES
II.2 LES ETUDES SUPERIEURES : UN TEMPS DE REAMENAGEMENT PULSIONNEL
II.3 LE TEMPS UNIVERSITAIRE : MOMENT PRIVILEGIE D’ELABORATION DE SA PENSEE
III STATUT DE LA CONNAISSANCE UNIVERSITAIRE
III.1 DEFINITION DE LA PULSION EPISTEMOPHILIQUE
III.1.1 Les travaux de Mélanie Klein et Wilfred R. Bion sur la pulsion épistémophilique
III.2 « L’EFFET DE MIROIR » DANS LA CONSTITUTION DU NARCISSISME ET LE RAPPORT A LA CONNAISSANCE
III.3 AGRESSIVITE ET RAPPORT A LA CONNAISSANCE
III.3.1 La force du père primitif, axe d’élaboration subjective
III.4 ACTIVITE FANTASMATIQUE DANS LE RAPPORT AU SAVOIR ET A LA CONNAISSANCE
III.4.1 Fantasme et développement de la pensée
III.4.2 Le rapport entre Savoir et Connaissance
III.4.3 Le Féminin, la pensée et la création
III.5 L’ACTIVITE CREATRICE, SIGNE DE MATURATION PSYCHIQUE
IV PROBLEMATIQUES
V PREMIERES HYPOTHESES THEORICO-CLINIQUES
DEUXIEME PARTIE SEPARATION, HONTE ET SOLITUDE MISES EN PERSPECTIVE RELATIVES AU CONCEPT DE POST-ADOLESCENCE
I L’ANGOISSE DE SEPARATION : ASPECTS THEORIQUES
I.1 DANS L’OEUVRE DE FREUD
I.1.1 Les notions de perte et de séparation dans les premiers écrits de Freud
I.1.2 La crainte de la séparation comme source de l’angoisse
I.1.3 Danger externe et danger interne
I.1.4 L’angoisse liée au manque de ne pas être séparé (J.Lacan)
I.2. L’APPORT DE MÉLANIE KLEIN SUR L’ANGOISSE DE SÉPARATION
I.2.1 Angoisse paranoïde et dépressive
I.2.2 Les mécanismes de défense conceptualisés par Mélanie Klein
II LA QUESTION DE LA HONTE EN PSYCHANALYSE
II.1 HONTE ET JUGEMENT SOCIAL : UNE OMISSION DE LA PART DE FREUD ?
II.2 HONTE ET NARCISSISME
II.2.1 Narcissisme et premières identifications
II.3 LA HONTE, UN AFFECT SOCIAL ?
II.4 OCTAVE MANNONI : CE QUE FREUD NE DIT PAS !
III L’EBAUCHE DE LA CAPACITE A ETRE SEUL
III.1 RAPPORT ENTRE LA HONTE ET LE DEVELOPPEMENT DE LA CAPACITE A ETRE SEUL.
III.1.1 De l’importance du vécu de la pulsion
III.1.2. Déni de la séparation et constitution narcissique.
IV LE CONCEPT DE POST-ADOLESCENCE AU REGARD DE L’EXPERIENCE UNIVERSITAIRE
IV.1 POST-ADOLESCENCE ET ENTREE EN VIE UNIVERSITAIRE
IV.1.1 Exister en dehors du modèle familial
IV.1.2 Le travail de deuil et l’acceptation de la castration
IV.1.3 La séparation et la plainte
IV.2 INTEGRATION DU SOCIAL DANS LE PSYCHISME DU SUJET
IV.2.1. Une Université anomique à l’image de la société ?
IV.2.2 L’Université, « un espace transitionnel de Je »
IV.2.3 Confrontation du jeune adulte au « roc sociologique » (Alléon et Morvan, 1990.)
IV.2.4 L’avènement d’une sexualité sociale
IV.3 LES FRAGILITES DE LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE DU JEUNE ADULTE AU SEIN DU PROCESSUS DE POST-ADOLESCENCE
IV.3.1 Elaboration de l’Idéal du Moi à partir du Moi Idéal
IV.3.2 La « névrose d’échec »
IV.3.3 Positionnement psychique du jeune adulte vis-à-vis des objets archaïques
IV.4 ASPECTS TRAUMATIQUES DU PROCESSUS POST-ADOLESCENT. : VERS UNE NECESSAIRE INITIATION
IV.4.1 Le rapport à l’événement traumatique : une expérience d’extrême solitude
IV.4. 2 Traumatisme de la perte et problématiques narcissiques
V HYPOTHESES
TROISIEME PARTIE L’ASSOMPTION DE LA SOLITUDE ET DE LA HONTE GARANTE D’UNE ALTERITE POSSIBLE
I ESTHER…OU LA DIFFICULTE A NOUER DES LIENS
II EMELINE, OU LE RENONCEMENT A LA CONNAISSANCE
III JEANNE, A LA RENCONTRE DE SON DESIR
III.1 LE DENI DE LA SEXUALITE 1
Aliénation au narcissisme des parents, sexualité et conquête de l’altérité
III.2 PAROLE DU JEUNE ADULTE ET AVENEMENT DU DESIR
III.2.1 Le désir à la rencontre du social
III.2.2 La honte, comme une présence insidieuse dans l’élaboration du désir
III.2.3 Expérience première de satisfaction, ressenti de la demande, réalisation du désir
III.3 AGRESSIVITE VIS-A-VIS DES FIGURES PARENTALES ET ELABORATION DU DESIR
III.4 LA SOLITUDE ET LA HONTE ASSUMEES, CONDITIONS D’UNE ALTERITE POSSIBLE
III.5 ELEMENTS DE CONCLUSION DES ENTRETIENS THERAPEUTIQUES AVEC JEANNE.
IV ANGELA, DE LA HONTE A ETRE A LA HONTE A OSER DEMANDER
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet