LES LYMPHOMESย
Les lymphomes sont des prolifรฉrations malignes de cellules lymphoรฏdes B, T ou Natural Killer (NK) dโorigine extra-mรฉdullaire, aux dรฉpens dโun organe lymphoรฏde ganglionnaire le plus souvent, ou extra-ganglionnaire (rate, sphรจre ORL, tube digestif, poumonโฆ), ou dโun organe non lymphoรฏde (peau, estomacโฆ) [10].
Ils reprรฉsentent environ 3 ร 4% des cancers dans le monde et prรจs de la moitiรฉ des hรฉmopathies malignes [68]. Au Sรฉnรฉgal, les lymphomes reprรฉsentent la premiรจre cause de ces hรฉmopathies malignes [23 ; 76]. Chez les enfants, cโest le 3รจme cancer le plus frรฉquent [43]. On distingue deux types : Lymphome de Hodgkin et Lymphomes non Hodgkiniens. Ces deux entitรฉs partagent des caractรฉristiques communes mais se distinguent sur plusieurs points.
Le Lymphome de Hodgkinย
Dรฉcrite en 1832 par Thomas Hodgkin au sein des maladies ganglionnaires fรฉbriles, le lymphome de Hodgkin (LH) est une affection maligne du tissu lymphoรฏde dรฉfinie par la prรฉsence dโune cellule particuliรจre : la cellule de ReedSternberg (CRS), dโorigine lymphocytaire B.
Epidรฉmiologie
Cโest une affection frรฉquente avec une incidence de 20 ร 30 nouveaux cas / an/ million dโhabitants [15]. Elle reprรฉsente environ 6 ร 10% des hรฉmopathies malignes [47 ; 68]. En France, on enregistre en moyenne 1500 nouveaux cas et 200 dรฉcรจs / an [10]. En 2012, le nombre de nouveaux cas de LH รฉtait estimรฉ ร 1880 en France [47]. Au Sรฉnรฉgal, la prรฉvalence hospitaliรจre รฉtait estimรฉe ร 4,6/10000 en 1996 [76]. Il existe des variations dans la distribution par รขge selon le dรฉveloppement socio-รฉconomique des pays. Ainsi on note deux pics de frรฉquence : un pic chez le patient jeune (15-35 ans dans les pays dรฉveloppรฉs ; 5- 15 ans dans les pays en dรฉveloppement) et un pic tardif aprรจs 50 ans [15]. Le sex-ratio varie dโun pays ร lโautre est de 1,8 et 1,6 respectivement en Afrique et en Asie alors quโen Amรฉrique du Nord et en Europe il est de 1,2 et 1,1 respectivement [68], mais la prรฉdominance masculine est constante. Cependant, cette prรฉdominance masculine a tendance ร sโattรฉnuer avec lโรขge.
Etiopathogรฉnie
Des รฉtudes phรฉnotypiques et gรฉnotypiques ont permis dโรฉtablir que la CRS dรฉrive de cellules lymphoรฏdes B centro-folliculaires prรฉ-apoptotiques [15]. Des anomalies cytogรฉnรฉtiques retrouvรฉes dans les CRS laissent suggรฉrer une instabilitรฉ chromosomique. Sur le plan molรฉculaire, lโaccumulation nuclรฉaire de complexes NF-KB dans la CRS laisse penser ร un probable rรดle de NF-KB dans la genรจse du LH en favorisant la prolifรฉration cellulaire et en inhibant lโapoptose. A ce jour, lโรฉtiologie du LH nโest pas encore clairement รฉtablie. Cependant, des facteurs favorisants sont รฉnoncรฉs. Il existe une frรฉquente association entre Epstein-Barr Virus (EBV) et le LH, le gรฉnome du virus รฉtant retrouvรฉ dans les cellules dans 40 ร 50% des LH dans les pays dรฉveloppรฉs et dans plus de 80% des cas dans les pays en dรฉveloppement [40 ; 43]. Cette association est frรฉquente chez les enfants et quasi-constante chez les VIH positifs. Lโexistence dโune dรฉficience immunitaire acquise ou congรฉnitale semble รฉgalement augmenter la frรฉquence de la maladie. Les CRS sont capables de secrรฉter un grand nombre de cytokines dont certains sont responsables de lโimmunodรฉpression rencontrรฉe dans le LH.
Il existerait รฉgalement une prรฉdisposition gรฉnรฉtique, la frรฉquence de la maladie รฉtant multipliรฉe par 100 chez le jumeau homozygote dโun malade.
Anatomopathologie / Classification OMSย
La CRS est une grande cellule avec un noyau bi voire multilobรฉ, possรฉdant de volumineux et multiples nuclรฉoles et un cytoplasme abondant et clair. Elle se retrouve au milieu dโun important infiltrat rรฉactionnel dont les caractรฉristiques dรฉfinissent 4 sous-types histologiques.
La classification OMS distingue 2 types de LHย :
โคย Le LH classique (LHC) (95%) avec 4 sous types histologiques correspondant ร la classification de Lukes Rye :
o Prรฉdominance lymphocytaire avec une architecture diffuse (5%)
o Sclรฉro-nodulaire (70%)
o Cellularitรฉ mixte (20-25%)
o Dรฉplรฉtion lymphocytaire (<5%)
โคย Le LH ร prรฉdominance lymphocytaire nodulaire (LHPLN) ou Paragranulome Nodulaire de Poppema et Lennert (5%) avec un aspect en ยซ pop-corn ยป des cellules tumorales.
Cependant, de rรฉcentes donnรฉes histologiques et immunophรฉnotypiques ont restreint le concept de LH [15]. Ainsi, le Paragranulome de Poppema et Lennert est aujourdโhui considรฉrรฉ comme un Lymphome B de faible malignitรฉ. De la mรชme faรงon, la MDH ร dรฉplรฉtion lymphocytaire est considรฉrรฉe comme un Lymphome anaplasique ร grandes cellules.
Diagnostic
Diagnostic Positifย
Circonstances de dรฉcouverteย
Le LH est rรฉvรฉlรฉe dans 80% des cas par des adรฉnopathies pรฉriphรฉriques au niveau cervical ou sus-claviculaire (Figure 1) le plus souvent, mais pouvant รฉgalement siรฉger au niveau axillaire ou inguino-scrotal. Ces adรฉnopathies sont souvent indolores, de volume modรฉrรฉ, mobiles, fermes ร la palpation, non inflammatoires et non suppuratives. Dans environ 10% des cas, la maladie est dรฉcouverte devant des adรฉnopathies mรฉdiastinales dรฉcouvertes fortuitement ร la Radiographie du thorax (Figure 2) ou rรฉvรฉlรฉes par des signes de compression : toux, dyspnรฉe, douleur, dysphonie, dysphagie, trรจs rarement un syndrome cave supรฉrieur. Enfin, dans 10 ร 20% des cas, elle est rรฉvรฉlรฉe par des signes gรฉnรฉraux tels que la fiรจvre, des sueurs nocturnes profuses mouillant le linge, un amaigrissement et plus rarement un prurit parfois associรฉ ร des lรฉsions de grattage. Il existe dโautres modes de rรฉvรฉlation plus rare : une splรฉnomรฉgalie qui est frรฉquente mais rarement isolรฉe ou des localisations extra-ganglionnaires (ORL, foie, poumon, sรฉreuses, osseuse, neurologiquesโฆ) .
Paraclinique
La Cytoponction ganglionnaire ร lโaiguille fine peut montrer la prรฉsence de CRS (Figure 3), mais elle ne suffit pas ร affirmer le diagnostic. Le diagnostic de certitude repose sur lโexamen histologique dโune biopsie ganglionnaire avec immunophรฉnotypage. En lโabsence dโadรฉnopathies biopsiables, le diagnostic repose sur lโexamen histologique dโun tissu infiltrรฉ (Biopsie Ostรฉo-Mรฉdullaire, Ponction-Biopsie Hรฉpatique, pulmonaire, splรฉnectomieโฆ). Le diagnostic histologique du LH repose alors sur lโassociation de CRS exprimant les antigรจnes dโactivation CD30 et CD15 ร une destruction partielle ou totale de lโarchitecture ganglionnaire. Les modifications rรฉactionnelles du tissu ganglionnaire sont ร la base de la classification anatomopathologique .
Bilan dโextension et dโรฉvolutivitรฉย
Lโextension de la maladie qui se fait par voie lymphatique de proche en proche ou par voie hรฉmatogรจne, doit systรฉmatiquement รชtre apprรฉciรฉe. Lโexamen clinique devra explorer toutes les aires ganglionnaires pรฉriphรฉriques, rechercher une splรฉnomรฉgalie ou une hรฉpatomรฉgalie. La taille des ganglions, du foie et de la rate doit รชtre obligatoirement prรฉcisรฉe, et ce avant tout traitement. Lโexaminateur recherchera รฉgalement dโautres localisations extra-ganglionnaires notamment ORL (anneau de Waldeyer et cavum+++), sรฉreuse (plรจvre, pรฉricarde), pulmonaire, osseuse, neurologiqueโฆ Sur le plan paraclinique, la Radiographie pulmonaire de face et de profil permet de mieux prรฉciser une รฉventuelle masse mรฉdiastinale qui est considรฉrรฉe comme significative lorsque le Rapport Mรฉdiastino-Thoracique (RMT = diamรจtre transverse de la masse mรฉdiastinale rapportรฉ au diamรจtre thoracique dans lโespace T5-T6 sur un clichรฉ thoracique de face) est โฅ ร 0,35 [10]. La radiographie sera complรฉtรฉe par une Tomodensitomรฉtrie cervico-thoracoabdomino-pelvienne plus ou moins associรฉe ร une รฉchographie abdominopelvienne. Le TEP-FDG (Tomographie par Emission de Positons au 18FluoroDeoxyGlucose) est รฉgalement de plus en plus utilisรฉ pour le bilan dโextension et dโรฉvaluation des cancers. Il sโagit dโun examen dโimagerie fonctionnelle mesurant lโincorporation de glucose radiomarquรฉ qui se fixe prรฉfรฉrentiellement dans les cellules dont le mรฉtabolisme est รฉlevรฉ en particulier les cellules tumorales [10]. Le mรฉdullogramme voire la Biopsie Ostรฉo-Mรฉdullaire (BOM) permet de rechercher une atteinte mรฉdullaire.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. LES LYMPHOMES
I.1. Le Lymphome de Hodgkin
I.1.1 Epidรฉmiologie
I.1.2. Etiopathogรฉnie
I.1.3. Anatomopathologie / Classification OMS
I.1.4 Diagnostic
I.1.4.1 Diagnostic Positif
I.1.4.1.1. Circonstances de dรฉcouverte
I.1.4.1.2. Paraclinique
I.1.4.2. Bilan dโextension et dโรฉvolutivitรฉ
I.1.5 Evolution et Pronostic
I.2. Les Lymphomes Non Hodgkiniens
I.2.1. Epidรฉmiologie
I.2.2. Etiopathogรฉnie
I.2.2.1 Rรดle des agents infectieux
I.2.2.2. Anomalies cytogรฉnรฉtiques et molรฉculaires
I.2.2.3. Autres facteurs de risque
I.2.3. Classification des LNH
I.2.4 Diagnostic
I.2.4.1. Diagnostic positif
I.2.4.1.1. Clinique
I.2.4.1.2 Paraclinique
I.2.4.2. Bilan dโextension et dโรฉvolutivitรฉ
I.2.5. Evolution et Pronostic
I.2.6. Etude analytique de quelques LNH
I.2.6.1. Lymphome diffus ร grandes cellules B
I.2.6.2. Lymphome de Burkitt
I.2.6.3. Lymphomes folliculaires
I.2.6.4. Lymphomes lymphoblastiques
I.2.6.5. Lymphomes anaplasiques ร grandes cellules
I.2.6.6.Lymphomes T รฉpidermotropes : Mycosis fongoรฏde et Syndrome de Sรฉzary
II. LE PALUDISME
II.1. Epidรฉmiologie
II.1.1. Agent pathogรจne
II.1.1.1. Morphologie de P.falciparum
II.1.1.2. Biologie
II.1.1.2.1. Cycle รฉvolutif
II.1.1.2.2. Caractรจres antigรฉniques
II.1.2. Facteurs favorisants
II.1.3. Evaluation de lโendรฉmie palustre
II.2. Immunitรฉ anti-palustre
II.2.1. Immunitรฉ cellulaire
II.2.2. Immunitรฉ humorale
III. RELATION ENTRE LYMPHOME ET PALUDISME
III.1. Mรฉcanismes dโaction dโEBV dans la pathogรฉnie du Lymphome de Burkitt Endรฉmique
III.2. Co-infection et mรฉcanisme dโaction de P.falciparum dans la survenue du Lymphome de Burkitt
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. MATERIEL ET METHODES
I.1. Cadre dโรฉtude
I.2. Population dโรฉtude
I.3. Mรฉthodes
II- RESULTATS
II.1. Caractรฉristiques de la population รฉtudiรฉe
II.1.1. Rรฉpartition en fonction de lโรขge et du sexe
II.1.2. Rรฉpartition selon lโorigine gรฉographique
II.1.3. Antรฉcรฉdents
II.1.4. Rรฉpartition des patients selon la forme clinique
II.1.4.1. En fonction du stade dโextension au moment du diagnostic
II.1.4.2. En fonction du type histologique
II.1.4.3. En fonction de la localisation du lymphome
II.2. Prรฉvalence des anticorps dirigรฉs contre les antigรจnes GLURP-R0, AMA-1 et MSP 119 de P. falciparum
II.3. Production moyenne dโanticorps dirigรฉs contre les antigรจnes de P.falciparum GLURP-R0, AMA-1 et MSP119
II.4. Production dโAc dirigรฉs contre les Ag en fonction de lโรขge
II.5. Rรฉpartition des รฉchantillons positifs selon lโorigine gรฉographique
II.6. Rรฉpartition des patients positifs ร P.f selon le type histologique
II.7. Sรฉrologies virales
III. DISCUSSION
III.1 Aspects รฉpidรฉmiologiques, cliniques et histologiques
III.2. Lymphome et Paludisme
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE