Les choix de l’enseignant
Lorsque l’enseignant souhaite faire coopérer ses élèves, de nombreux éléments sont à prendre en compte. Le premier est de déterminer le contexte dans lequel cette coopération va émerger. En ce sens, toutes les tâches ne se prêtent pas à la coopération comme les tâches routinières ou encore les tâches basées sur la mémoire. A l’inverse, les tâches dites « complexes » sont idéales à la condition qu’elles soient à la portée du groupe et que les élèves possèdent les ressources adéquates à la résolution du problème posé (Reverdy, 2016).
Ensuite, l’enseignant doit prendre en compte l’âge des élèves pour que son choix de tâche d’apprentissage puisse représenter un contexte propice à l’émergence de la coopération (Baines, Rubie-Davis & Blatchford, 2009). En effet, l’âge des élèves est déterminant quant à leur capacité à s’inscrire dans un processus de coopération.
Cela s’explique par le fait que la capacité des enfants à participer à des discussions et à argumenter n’est pas naturellement développée avant l’adolescence. Avant cette période, les discussions entre élèves sont basées sur des explications et justifications d’un unique point de vue et non sur la recherche de compromis ou de contrearguments entre des opinions divergentes. Lors de situation coopérative, l’enseignant joue un véritable rôle sur la qualité des interactions entre élèves ainsi que sur l’entraide pouvant émerger au sein des groupes (Gillies, 2014). En effet, lorsque l’enseignant vise à faire émerger de la coopération entre les élèves, celui-ci va influencer davantage l’étayage des élèves et va effectuer moins de remarques disciplinaires, ce qui a pour cause d’améliorer les interactions entre élèves. Ainsi, l’impact de l’enseignant ne peut être laissé de côté dès lors qu’une étude relative à la coopération des élèves s’effectue car l’évolution des contenus d’apprentissage est nécessairement orientée par le contexte créé par l’enseignant.
Au regard de cette première phase de définition, deux premières questions de recherche, relativement générales, peuvent émerger : « Comment les élèves, en combinant leurs différentes ressources, vont-ils faire évoluer les contenus d’apprentissage en Football ? Quel type de problème serait-il intéressant de poser aux élèves au sein de l’APSA Football pour que ceux-ci fassent émerger des contenus liés à cette activité ? »
Notre volonté n’est pas seulement de comprendre comment les élèves peuvent apprendre mais plus particulièrement comment les élèves peuvent apprendre ensemble. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les recherches de Doise, Mugny et Perret-Clermont (1975) qui démontrent que chaque élève peut élever son niveau de connaissances lors d’un travail coopératif grâce au conflit socio-cognitif.
Le conflit socio-cognitif
Définition
L’influence du contexte est ainsi primordiale dans toute situation de coopération comme nous venons de l’exprimer (Tardif, 2008). Le contexte étant multifactoriel, nous avons fait le choix de nous axer sur l’aspect social de celui-ci, et plus particulièrement sur l’émergence de conflit socio-cognitif.
Cette théorie postule que les interactions sociales jouent un rôle primordial dans les apprentissages. En ce sens, l’accommodation de la structure de connaissances aura plus de chance de se produire dans le cas de situations interactives. Le « conflit socio-cognitif » s’est développé à partir des différents travaux de recherches menés par Doise, Mugny et Perret-Clermont en 1975. Ces derniers le définissent comme une « confrontation entre des avis divergents qui est constructive dans l’interaction sociale ». En d’autres termes, les élèves rencontrent des conflits entre ce qu’ils savent et ce que les autres vont leur dire, ce qui va donner lieu à la construction de connaissances nouvelles. Cette mise en « conflit » étant source de nombreux travaux de recherche, certains auteurs tels Bourgeois et Nizet (1999) ont essayé d’apporter une explication plus aboutie du fonctionnement de ce phénomène : « l’entrée en conflit d’une structure cognitive donnée avec une information incompatible et la perturbation cognitive qui en résulte vont engager le sujet dans la recherche d’un nouvel équilibre, recherche qui le conduira, le cas échéant, à l’élaboration d’une structure nouvelle, compatible avec l’information perturbante ».
Selon ces propos, un conflit socio-cognitif se développe dès lors qu’apparaît une contradiction ou une incompatibilité entre les idées, les représentations ou encore les actions de deux élèves. Ainsi, les élèves vont devoir trouver une solution pour dépasser ce problème (Dupin, 2004). Cette différence d’opinion peut donc devenir source de tensions pouvant jouer un rôle prépondérant dans l’élaboration de nouvelles structures cognitives (Astolfi et al., 2008). La résolution de ce dit « conflit sociocognitif » prend ainsi place lorsque les idées de chacun seront examinées et que la validité de l’une ou de l’autre sera avérée (Zittoun et al., 1997). Il ne faut donc pas hésiter à favoriser autant que faire se peut, « la confrontation des points de vuedivergents dans des activités de débats ou de résolution de problèmes » (Reverdy,2016).
A cela s’ajoute une notion importante à prendre en compte en EPS : les progrès sont plus importants pour les garçons dans un apprentissage sociocognitif car ceux-ci sont davantage enclins à débattre pour argumenter leur point de vue (Darnis, 2017).
A l’inverse donc, les filles progressent moins car ces dernières adoptent de façon plus régulière des comportements prosociaux de co-élaboration acquiesçante ou de coconstruction. Cette différenciation est mise en lumière et explicitée par Tutge (1992) qui fait état d’une certaine distanciation entre les faits et gestes des garçons et des filles dans un travail collaboratif. En effet, selon ses propos, les filles seraient plus disposées à préserver de bonnes relations avec leur partenaire et entreraient donc moins naturellement en conflit avec ces derniers. Or, seule la confrontation contradictoire avec argumentation donne lieu au conflit socio-cognitif qui est le processus favorable aux progrès cognitifs lors d’une interaction dyadique (Doise, Mugny & Perret-Clermont, 1975). Ce conflit émerge lorsque deux élèves de niveaux cognitifs proches ont des pensées divergentes dans des tâches de développement logique. Ces procédures d’apprentissage liées aux conflits socio-cognitif étant corrélées avec des différences sexuées de réussite, imposent pour les enseignants d’EPS d’être plus sensible et de voir d’un autre regard ces différences. A cela s’ajoute une véritable nécessité de modifier certaines procédures d’apprentissage mais aussi de réinventer la gestion des groupes pour promouvoir une réussite de tous et chacun.
Au regard de ces différentes informations, un parallèle se crée avec notre projet de recherche et notamment avec nos interrogations quant à l’apprentissage conjoint des garçons et des filles au sein de situations coopératives. En ce sens, il est impossible d’assimiler seulement l’évolution des connaissances de nos élèves à des théories liées à l’apprentissage coopératif en omettant l’importance que joue le rapport aux autres. Ainsi, une nouvelle interrogation pour la réalisation et la compréhension de notre étude se pose à présent : comment former des groupes d’élèves afin de favoriser l’émergence de contenus d’apprentissage mais aussi et surtout l’apprentissage de chacun à part égale ?
LE CADRE THÉORIQUE DE LA PROBLÉMATISATION
Définition
Afin de réaliser cette étude, nous avons donc fait le choix de mobiliser le cadre théorique de la problématisation pour comprendre comment les contenus d’apprentissage vont évoluer au sein de cette situation et notamment à travers les interactions des élèves. Ce cadre permet « d’envisager ce qui se joue dans un travail de réflexions, d’action et de verbalisation pour amener les élèves à construire collectivement des savoirs critiques dont ils vont pouvoir mesurer l’efficacité ou les limites » (Guette & Paget, 2018).
La problématisation représente un cadre théorique pour penser les interactions d’apprentissage à partir de l’expérience. Les apprentissages par problématisation s’effectuent donc par des démarches réflexives, des collaborations ou encore des débats. A cela s’ajoute dans le cadre de la problématisation technique, une expérience pratique par la réalisation et l’exploration de tentatives en actes comme cela est le cas en EPS où la résolution des problèmes nécessite d’agir concrètement dans la situation.
De plus, les apprentissages par problématisation s’axent davantage sur le processus que sur le produit en lui-même. Problématiser revient à traiter des problèmes associés aux savoirs et à une dimension psychologique des élèves en mobilisant des opérations intellectuelles (Feigean, 2015). Une performance dite « problématisée » est une performance qui a été questionnée et dont il est possible de discuter les conditions techniques de réalisation. En ce sens, il s’agit de performance s mettant en relation à la fois des faits construits en contexte sur des contraint es et des ressources de la situation mais également l’action sur la situation avec des nécessités fonctionnelles (Lebouvier, 2016). Dans ce présent projet de recherche, nous souhaitons particulièrement prendre en compte les interactions que les élèves vont mettre en place afin d’explorer les différentes dimensions du problème posé.
L’activité de l’enseignant et des élèves
Lorsque l’on met en place un apprentissage par problématisation, l’enseignant joue un rôle déterminant. Pour autant, une difficulté inhérente à l’accompagnement du processus de problématisation doit être surmontée par celui-ci pour pouvoir placer ses élèves dans des conditions de travail optimales : savoir comment aider l’élève à problématiser tout en évitant de le faire à sa place (Fabre & Musquer, 2009). En effet, l’objectif pour l’enseignant est que les élèves, au regard de la question posée, construisent une problématique pertinente. Cette dite problématique est l’unique possibilité pour donner un sens aux solutions trouvées et donc par conséquence aux connaissances scientifiques construites (Fabre & Orange, 1997) et plus particulièrement dans notre cas (problématisation technique et non théorique) aux compétences techniques élaborées. Pour résumer notre propos, nous pouvons citer Dewey (1993) qui nous explique que le processus de problématisation « constitue un ensemble d’opérations visant à déterminer des données et des conditions (position et construction du problème) et à générer un certain nombre d’hypothèses de solutions à tester au regard de ces données et conditions (résolution du problème) », il s’agit donc d’un processus non-linéaire composé d’aller-retour permanent entre les positions, les constructions et les résolutions par un examen des nécessités, des tentatives en actes et des données.
Durant l’ensemble de notre projet de recherche, nous souhaitons nous intéresser aux « contenus d’apprentissage qui avancent » et aux « élèves qui apprennent ». Cependant, ces notions étant particulièrement floues à première vue, il paraît obligatoire de les définir. De fait, « des contenus qui avancent » dans le cadre de la problématisation se retranscrivent notamment dans les actions des élèves. En effet, ce sont à travers les différents échanges des élèves que ceux-ci vont évoluer.
Leur évolution se qualifie notamment par une précision, une clarification, une formalisation, une verbalisation et une mise en œuvre de ces contenus. Par conséquent, des contenus qui avancent se caractérisent par une mise en œuvre des solutions trouvées par les élèves pour répondre à la situation problème puis par la modification de ceux-ci afin de répondre de manière plus satisfaisante dans les essais suivants. L’apprentissage par problématisation réside dans l’exploration des possibles, dans l’articulation des 3 éléments composants cet apprentissage (données, conditions, hypothèses/tentatives) et dans l’examen de ces conditions. A cela s’ajoute notre volonté de prendre en compte « des élèves qui apprennent », ce qui nécessite de construire des repères pour pouvoir mettre en place des régulations adaptées pour réorienter leur travail dans la logique de la problématisation.
Le losange de la problématisation
Dans le cadre théorique de l’apprentissage, la construction des contenus s’insère au sein du losange de la problématisation (cf. schéma n°1, Fabre, 2009). Cet auteur met en avant qu’une activité de problématisation se traduit par « une exploration des solutions possibles (hypothèses et tentatives), une mise en relation des données du problème et des conditions et un examen de ces conditions ». Ces dites « données du problème » sont les ressources ou les contraintes de la situation mises en place mais n’étant en lien qu’avec le problème à résoudre. En ce sens, les élèves devront effectuer un tri dans ces différentes données pour ne prélever que celles permettant une résolution du problème posé.
L’apprentissage par problématisation
La problématisation, comme nous l’avons exprimé précédemment, participe à l’apprentissage des élèves par une recherche de solutions et une évolution, une acquisition et une maîtrise des contenus. Pour ce faire, l’argumentation joue un rôle primordial pour que cet objectif puisse être atteint. En effet, le processus qui consiste à problématiser et à construire un espace-problème peut être entendu comme une activité argumentative (Fabre, 1999). Or, cette argumentation « facilite les déplacements cognitifs et peut être considérée comme une pratique sociale à la fois constructive et engageante » (Lebouvier, 2007). Au regard de ces propos, il est indéniable que l’utilisation d’une activité langagière au travers une pratique argumentative favorise grandement le travail de problématisation et par conséquence, entraîne un développement cognitif pour le sujet qui la mène. De plus, l’interaction sociale permettant la co-construction de connaissances rend davantage responsables les élèves dans la résolution du ou des problèmes rencontrés. (Darnis, 2010).
Selon Le Bas (2012), problématiser consiste en « une exploration des possibles dans un champ de contraintes qui représentent les données du problème qu’il convient d’identifier et de conditions qui commandent le processus de problématisation et qui doivent être construites. La réponse produite apparaît comme une transaction entre les deux ». Cela impose donc pour les élèves de mobiliser des opérations mentales pour traiter et résoudre les problèmes auxquels ceux-ci peuvent faire face (Fabre, 2005). Tout cela induit que les interactions entre un sujet et son environnement vont produire des représentations qui vont, en retour, orienter les relations que le sujet va engager avec la tâche motrice, ce qui se traduit ensuite sur le plan moteur par la réalisation d’une performance adaptée à la situation (Lebouvier, 2015).
Pour entrer plus en détails dans cet apprentissage par problématisation, il est nécessaire d’expliciter l’ensemble de ce processus en partant notamment de la notion de « problème » qui est centrale. Les problèmes sont associés aux savoirs (ce que je possède) et à une dimension psychologique (ce que je pense être capable de réaliser). Problématiser c’est avant tout questionner les possibles, remettre en cause ses différents acquis ou encore les solutions immédiates qui semblent émerger. En effet, la modulation de l’expérience suppose des détours qui amènent à différer la solution immédiate, la construction d’un espace réflexif devient donc une véritable nécessité (Lebouvier, 2009). L’apprentissage est considéré comme une activité consciente de reconstruction technique par la résolution de problèmes. La mobilisation d’opérations intellectuelles est ainsi nécessaire pour traiter le problème au regard de laproblématisation. Toutefois, nous ne devons pas oublier que notre discipline met en jeu le corps et ne peut se satisfaire d’une simple intellectualisation des solutions. En ce sens, il est primordial que la problématisation en EPS s’oriente vers une recherche de solution en acte (Le Bas, 2005). Ce dernier réaffirme également la particularité de l’EPS qui « combine mise en action, mobilisation de connaissances et signification, considérant alors que la réussite est nécessaire à la compréhension des conditions conduisant à des transformations fonctionnelles, tactiques et techniques représentant les savoirs ».
L’apprentissage par problématisation s’organise selon trois temps distincts mais pour autant complémentaires : la pose, la construction et la résolution du problème.
Le premier temps constitue la mise en question, en d’autres termes, poser le problème revient à cerner un incident, comprendre un événement, mais également rechercher un scénario alternatif et/ou se placer dans une démarche explicative. Cette étape vise à expliciter le sens, s’investir dans un processus d’interprétation et ainsi d’émettre des hypothèses, des pistes en prenant en considération ce qui relève du possible ou de l’impossible. La seconde étape consiste à construire le problème et a pour objectif d’articuler et de mettre en tension des conditions et des données pour avancer vers le projet d’explicitation, il s’agit de l’exploration des explications possibles. Lors de cette construction d’un problème et notamment lors de la recherche de ses causes, une prise de distance s’impose pour décrire cet incident. En effet, les questionnements ne portent plus sur les données qui permettent d’établir le phénomène de manière empirique, mais sur les relations entre les données (Feigean, 2015). La reconstruction et la formalisation permettent au travers de ce nouveau questionnement, d’obtenir de nouvelles hypothèses de réponses au problème posé (Vergnaud, 2001). La troisième et dernière étape renvoie à la résolution du problème. Pour ce faire, les différentes hypothèses et perspectives émergeantes des étapes précédentes ont pour objectif d’obtenir la meilleure réponse possible par une mobilisation optimale et pertinente des ressources disponibles. La nécessité d’une stabilisation sensorimotrice de ces apprentissages impose un travail critique d’extraction des conditions de la réussite si l’on veut qu’au-delà de la réussite, il y ait à la fois transformation des représentations fonctionnelles et transformation des conceptions tactiques ou technique s quireprésentent les savoirs (Feigean, 2015).
Enregistrement en continu des interactions et des comportements
L’ensemble des interactions, communications, actions des élèves s ont enregistrées à l’aide de caméras numériques et/ou tablettes durant l’ensemble des trois leçons. Ces vidéos représentent ainsi à la fois les phases de réflexions des élèves avec des plans serrés (focalisation précise sur les groupes) mais également des plans plus larges lors des phases de pratique et de confrontation des éléments / hypothèses de réponse à la situation problème. A cela s’ajoute un enregistrement audio, de chaque groupe formé au sein de cette classe, à l’aide d’un dictaphone pour bénéficier de l’ensemble des interactions présentes entre pairs dans l’activité. Ce double relevé est combiné afin d’aboutir à un support vidéo complet où l’activité et les interactions des élèves sont présentes de manière conjointe.
Importance de l’enregistrement des interactions
Notre objectif, à travers l’enregistrement des interactions des élèves, est de saisir les différents temps où pourraient apparaître un contenu relatif à la résolution du problème posé. La captation de ceux-ci nous permet par la suite d’analyser et de comprendre comment la problématisation a pu se mettre en place et comment celle-ci facilite l’apprentissage des élèves. Comme nous l’avons exprimé précé demment, nous recherchons notamment la présence d’un conflit socio-cognitif pour étudier les formes d’interactions qu’utilisent les élèves. La probabilité d’observer et de faire émerger ce dit conflit augmente dans l’un des trois temps de la modélisation didactique (schéma n°6) : le débat d’idées. Le temps du débat d’idées est tout d’abord précédé par le temps d’action puis par le temps d’observation. La partie allouée à « l’action » représente la partie d’activité motrice des élèves. Il s’agit de la situation classique où des élèves, confrontés à une situation, jouent et essaient de résoudre le problème qui leur est posé à travers les contraintes posées. Le temps d’observation, quant à lui, détermine les actions des élèves qui, eux, ne sont pas en activité mais relèvent des informations en fonction de critères chiffrés précis. Ces données sont particulièrement intéressantes et importantes pour l’enseignant car celles-ci vont faciliter les évaluations formative et sommative.
Verbalisation par entretiens d’auto-confrontation
Ces enregistrements sont donc complétés par des entretiens d’autoconfrontation où les élèves, tout en étant confrontés aux enregistrements vidéo réalisés lors des séances, sont invités à « se remettre dans la situation », décrire et expliciter précisément leurs actions, leurs communications, leurs sentiments et leurs interprétations de la situation. Afin de faciliter ce travail de verbalisation pour les élèves, notre rôle consiste à les questionner tout en respectant le déroulement chronologique de l’enregistrement effectué. L’objectif est de se conformer aux principes de guidage des entretiens d’auto-confrontation (Theureau, 2006).
Cette phase de verbalisation a pour principale visée de placer les élèves dans une phase réflexive vis-à-vis de leur activité. Ainsi, cela permet de potentiellement faire émerger les explications, les véritables causes inhérentes aux interactions ou encore aux actions des élèves qui dans un premier temps, peuvent apparaître comme relevant de l’inconscient. Grâce à un guidage de notre part durant l’entretien, nous supposons l’émergence de contenus d’apprentissage que les élèves n’ont pas nécessairement été capables d’exprimer durant leur pratique. Cette phase est particulièrement bénéfique pour notre étude car celle-ci permet de comprendre les différentes étapes par lesquelles les élèves passent durant leur pratique. Au regard de l’apprentissage par problématisation, cette phase de verbalisation va également permettre aux élèves d’expliciter les éléments (données, nécessités) qui leur ont permis de construire certaines réponses (hypothèses, tentatives) au sein de la situation et qui n’ont pas été clairement énoncés durant les interactions. A cela s’ajoute une véritable plus-value dans l’interprétation des interactions car ces entretiens permettent de rendre compte des objectifs de chacun derrière leurs prises de parole.
Le but d’un entretien d’auto-confrontation comme nous venons de l’exprimer, est de faire revivre la situation passée pour appréhender l’expérience vécue qui est en partie inconsciente mais conscientisable sous certaines conditions (Leblanc, 2004).
En effet, l’activité est réelle mais les raisons de celle-ci peuvent être implicites et opaques pour tout observateur extérieur. A ces propos, Leblanc (2004) ajoute que c’est « en accédant aux pensées de l’élève quand il a agi, à ses préoccupations, à ses focalisations, à ses émotions et à ses interprétations dans l’action que l’on appréhende toute la complexité de la situation et les significations de ses façons de faire ».
Lorsque l’on mène un entretien d’auto-confrontation, il est nécessaire de respecter trois grands principes organisateurs :
• Se rapporter à des actions effectives, clairement spécifiées et contextualisées.
• Faire décrire l’action pour documenter l’épaisseur de l’expérience et non pas l’expliquer.
• Inciter à la « déconstruction » des évidences et des aspects implicites.
Pour résumer les propos de Leblanc (2004) et pour expliciter l’importance apportée aux entretiens d’auto-confrontation dans notre projet d’étude, voici les trois véritables apports que possède ce processus :
• Accéder à des aspects cachés, implicites de l’activité et aux sens des actions des élèves.
• Mettre en évidence des lignes de tensions, de contradictions dans l’activité.
• Mettre à jour des éléments historiques (articuler des éléments du passé avec ceux du présent) pour comprendre comment ce que l’on voit dans la situation présente s’est construit dans les séances passées et quelles sont les actions qui ont permis d’atteindre ce résultat .
Au regard du cadre théorique de la problématisation, ces entretiens d’autoconfrontation ont un rôle particulier à jouer. En effet, notre objectif est de déceler les étapes par lesquelles passent les élèves durant leurs apprentissages et les différentes données et nécessités sur lesquelles ceux-ci s’appuient pour construire leurs réponses. Toutefois, il est indéniable que les élèves ne verbalisent pas l’ensemble de leurs pensées durant la pratique et ne partagent pas la totalité des connections que ceux-ci peuvent effectuer. Les entretiens d’auto-confrontation vont ainsi nous permettre de rendre explicite ce qui relève de l’implicite. Cela oblige les élèves à mettre des mots sur les raisons de leurs comportements et à expliciter les éléments sur lesquels ceux-ci se sont appuyés pour agir comme ils l’ont fait. Ici, ce processus nous est donc particulièrement utile pour accéder aux aspects cachés de la pratique et donc comprendre comment l’apprentissage par problématisation peut se mettre en place au sein de cette situation coopérative.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. INTERACTIONS : SOURCE D’APPRENTISSAGE ?
1.1 L’apprentissage coopératif
1.1.1 Définition
1.1.2 Les choix de l’enseignant
1.2 Le conflit socio-cognitif
1.2.1 Définition
1.2.2 La formation des groupes
2. LE CADRE THÉORIQUE DE LA PROBLÉMATISATION
2.1 Définition
2.2 L’activité de l’enseignant et des élèves
2.3 Le losange de la problématisation
2.4 La problématisation technique en EPS
2.5 L’apprentissage par problématisation
3. ACTIVITÉ GENRÉE ET COMPLEXE : LE FOOTBALL
3.1 La différence de genre
3.2 Une activité socialement genrée : le Football
3.3 Le Football : une activité riche et complexe
3.3.1 La caractérisation des sports collectifs
3.3.2 Définition du Football
3.3.3 Les spécificités du Football
3.3.4 Le losange de la problématisation en Football
4. QUESTION DE RECHERCHE
5. PROTOCOLE D’EXPÉRIMENTATION
5.1 Contexte de l’étude
5.1.1 Conditions de réalisation
5.1.2 Classe sujette au projet d’étude
5.1.3 Choix des élèves et formation des groupes
5.1.4 Caractéristiques des élèves
5.2 Situation de référence
6. RECUEIL DES DONNÉES
6.1 Enregistrement en continu des interactions et des comportements
6.2 Importance de l’enregistrement des interactions
6.3 Verbalisation par entretiens d’auto-confrontation
7. ANALYSE DES DONNÉES
7.1 Présentation et organisation des données
7.1.1 Découpage des enregistrements en séquences
7.1.2 Loi de passage : observation et analyse
7.2 Analyse des résultats
7.2.1 Émergence de nécessité liée au problème
7.2.2 Émergence d’hypothèses d’action répondant au problème
8. INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
8.1 Temps d’installation et compréhension de la situation
8.2 Schéma argumentatif de Léo
8.3 Éclaircissement des contraintes et rejet de l’autre
8.4 Confrontation de schémas argumentatifs
9. DISCUSSIONS
9.1 Points positifs de l’étude
9.2 Limites du projet de recherche
9.3 Perspectives et pistes de travail
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
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