Le Laser Mégajoule : fabrication et endommagement des composants optiques
Présentation du Laser Mégajoule
Des premiers essais nucléaires au programme Simulation
Le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) est créé en 1945 par le Général de Gaulle. Cet organisme est chargé par décret de mener les recherches scientifiques et techniques « en vue de l’utilisation de l’énergie atomique dans les divers domaines de la science, de l’industrie et de la défense nationale ». C’est ainsi qu’en 1960, la Direction des Applications Militaires (DAM), créée deux ans plus tôt, réalise le premier essai nucléaire en aérien dans le Sahara. Les essais qui suivront permettent à la DAM de certifier la fiabilité et la sureté des armes nucléaires. Les évolutions des têtes nucléaires de la force de dissuasion française continuèrent d’être certifiées par les essais nucléaires jusqu’en 1996. A cette date, le Président de la République, Jacques Chirac, annonce l’arrêt définitif des essais nucléaires et signe le Traité d’Interdiction Complète des Essais (TICE). Cet engagement à renoncer aux essais nucléaires est matérialisé par le démantèlement du Centre d’Expérimentation du Pacifique.
Pour maintenir une dissuasion crédible et continuer le renouvellement des composantes aéroportées et océaniques conservées par la France, la DAM s’est vu confier par l’Etat le développement du programme Simulation. Ce programme s’organise autour de trois axes :
❖ La modélisation des phénomènes physiques intervenant dans le fonctionnement d’une arme nucléaire,
❖ La simulation numérique de ces modèles pour évaluer dans sa globalité le fonctionnement d’une arme,
❖ La validation expérimentale des modèles et des simulations.
La modélisation de la physique des armes, via les équations mathématiques décrivant les phénomènes physiques, est destinée à reproduire par le calcul les trois phases de fonctionnement d’une arme nucléaire : pyrotechnique, fission et fusion.
La simulation numérique permet de résoudre le système d’équations issues de la modélisation et de le valider. Le calcul est assuré par un supercalculateur appelé TERA. La dernière version nommée TERA100 est en service depuis 2010 sur le centre CEA-DAM d’Ile de France et est capable de réaliser plus d’un million de milliards d’opérations par seconde (1.3 pétaflops).
La validation expérimentale quant à elle se répartit sur deux grandes installations :
❖ AIRIX : Accélérateur à Induction de Radiographie pour l’Imagerie X
❖ LMJ : Laser Mégajoule .
AIRIX est une installation qui donne accès par radiographie X aux mouvements de la matière lors de la phase hydrodynamique du fonctionnement de l’arme. Cette machine de radiographie est en place depuis 2014 dans l’installation franco-britannique Epure sur le centre CEA-DAM de Valduc . A l’horizon 2022, l’installation Epure permettra d’obtenir, grâce à deux axes de radiographie supplémentaires, plusieurs clichés sous différents angles et à différents instants.
Le Laser Mégajoule est un laser de puissance qui permet de reproduire à petite échelle les conditions physiques (température et pression) dans lesquelles se trouve la matière lors de la fusion, étape ultime du fonctionnement d’une arme nucléaire. L’installation LMJ a été mise en service en octobre 2014 suite à l’arrêt de son prototype, la LIL (Ligne d’Intégration Laser), opérationnelle de 2003 à 2014. La LIL a permis de valider un grand nombre de choix technologiques mis en place ensuite sur le LMJ.
Il existe actuellement dans le monde deux autres lasers de puissance équivalents au Laser Mégajoule : le National Ignition Facility (NIF) aux Etats Unis géré par l’équipe du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) et le SG Series Laser Facility en Chine.
Architecture générale du Laser Mégajoule
La construction du Laser Mégajoule s’est achevée en 2014 après 11 ans de travaux sur le site du CEA-DAM de Gironde appelé le CESTA (Centre d’Etudes Scientifiques et Techniques d’Aquitaine). La mission de cette installation est de réaliser des expériences physiques dans des gammes de température et de pression très élevées. Ces expériences ont vocation à garantir le fonctionnement des armes mais intéressent également l’astrophysique pour l’étude des phénomènes physiques mis en jeu dans les étoiles. L’énergie nécessaire pour atteindre ces conditions de température et de pression est produite par un grand nombre de faisceaux laser qui se focalisent sur une cible millimétrique et y concentrent leurs énergies.
Description d’un faisceau laser type du Laser Mégajoule
L’impulsion laser initiale de quelques nano joules est générée par la source à 1053 nm. La source assure également la mise en forme temporelle et spectrale de l’impulsion. Le module de préamplification permet d’amplifier l’énergie de l’impulsion de quelques nJ à 1 J. Cette impulsion pré amplifiée est injectée dans la section amplificatrice.
La section amplificatrice est chargée de fournir de l’énergie aux faisceaux pour les amplifier de 1 J à 20 kJ. Cette section est constituée de plaques de verre de phosphate dopé au néodyme . Ces plaques sont pompées par des lampes flash et quatre allers retours sont nécessaires au faisceau pour atteindre 20 kJ. La section amplificatrice comporte également deux systèmes de filtrage spatiaux qui permettent de supprimer les fréquences parasites dans le faisceau.
Après l’amplification, le faisceau à 1053 nm (noté par la suite 1w) est transporté par un ensemble de miroirs. Il est ensuite converti dans l’ultraviolet (UV) à 351 nm (noté par la suite 3w) et focalisé sur la cible grâce au système de conversation de fréquence et de focalisation (SCF). Ce système est constitué de deux réseaux de diffraction (réseau 1w et réseau 3w) et de deux cristaux convertisseurs de fréquence. Le doubleur en dihydrogéno-phosphate de potassium (KH2PO4 : KDP) permet d’obtenir un faisceau à 527 nm puis le tripleur en dihydrogéno-phosphate de potassium deutéré (DxKH2-xPO4 avec x la proportion de deutérium : DKDP) fournit la longueur d’onde finale de 351 nm. Le réseau 3w, situé après le tripleur, permet de focaliser le faisceau UV au centre de la chambre. Le faisceau traverse ensuite le hublot de chambre qui fait l’interface entre l’air et le vide de la chambre. La lame anti éclat (LAE) située dans la chambre d’expériences protège le hublot des projections de débris venant de la cible.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I Le Laser Mégajoule : fabrication et endommagement des composants optiques
1 Présentation du Laser Mégajoule
1.1 Des premiers essais nucléaires au programme Simulation
1.2 Architecture générale du Laser Mégajoule
1.3 Description d’un faisceau laser type du Laser Mégajoule
1.4 Fabrication des composants optiques en silice
2 L’endommagement laser de la silice en régime nanoseconde
2.1 Phénoménologie et conséquences de l’endommagement
2.2 Mécanismes fondamentaux et précurseurs de l’endommagement
2.3 Représentation globale de la surface d’un composant optique en silice polie
2.4 Solutions face à l’endommagement
3 Le traitement chimique
3.1 Solutions et réactions chimiques
3.2 Effets sur la surface des composants
3.3 Impacts sur les performances des composants optiques
4 Conclusion du chapitre I
Chapitre II Caractérisation de la pollution inorganique induite en surface par polissage
1 Etat de l’art sur la pollution induite par polissage
2 Démarche expérimentale
2.1 Préparation des échantillons
2.2 Caractérisation du fluide de polissage
2.3 Présentation des techniques d’analyse de surface
3 Résultats de caractérisation de la pollution inorganique à l’interface
3.1 Analyse en surface et profils de pénétration en profondeur
3.2 Cartographie et analyse de l’homogénéité de la pollution
4 Effet d’un traitement chimique érodant 2 µm de surface
5 Conclusion du chapitre II
Chapitre III Mise en place d’une démarche expérimentale pour l’étude des traitements chimiques profonds
1 Outils et moyens mis en œuvre pour la caractérisation des échantillons
1.1 Préparation de surface : nettoyage en bains à ultrasons
1.2 Techniques de caractérisation de l’état de surface
1.3 Techniques de caractérisation des rayures
1.4 Bancs de tests de tenue au flux
2 Préparation des échantillons et caractérisation de leur état initial
2.1 Echantillons rayés
2.2 Echantillons vierges issus de la découpe d’un composant optique du LMJ
3 Conditions de mise en œuvre des traitements chimiques
3.1 Traitements chimiques actuels pour les composants du NIF et du LMJ
3.2 Choix des paramètres d’étude des traitements chimiques profonds
4 Synthèse des plans d’essais de traitement chimique profond
4.1 Etude des traitements chimiques profonds sur les rayures
4.2 Etude des traitements chimiques profonds sur la surface de silice
5 Conclusion du chapitre III
Chapitre IV Etude de l’impact des traitements chimiques profonds sur la surface de silice
1 Impact des traitements chimiques sur l’état de surface
1.1 Evolution de la qualité de surface générale
1.2 Caractérisation des défauts locaux révélés par le traitement chimique
2 Impact des traitements chimiques sur les propriétés optiques
2.1 Evolution de la planéité
2.2 Evolution de la rugosité
3 Impact des traitements chimiques sur la tenue au flux de la surface de silice
3.1 Effet de la durée d’impulsion
3.2 Effet du nettoyage préalable aux tests de tenue au flux
3.3 Effet des traitements chimiques sur la densité de dommages amorcés
3.4 Effet des traitements chimiques sur la densité de dommages croissants
3.5 Conclusion sur la tenue au flux de la surface de silice après traitement chimique
4 Conclusion du chapitre IV
Chapitre V Etude de l’impact des traitements chimiques profonds sur les rayures
1 Performances de tenue au flux des rayures après traitement profond
1.1 Impact des paramètres du traitement chimique sur la tenue au flux des rayures
1.2 Caractérisation de l’état de surface après traitement chimique
1.3 Modulations d‘intensité engendrées par les trous micrométriques
1.4 Conclusions sur la tenue au flux des rayures après un traitement chimique
2 Evolution de la morphologie des rayures
2.1 Caractérisations expérimentales de la morphologie des rayures
2.2 Etude théorique de l’élargissement des rayures
3 Exaltation du champ électrique provoquée par les rayures
3.1 Description du modèle de simulation par éléments finis
3.2 Simulations sur un modèle parfait de rayure triangulaire
3.3 Simulations à partir de profils réels de rayure
3.4 Simulations en trois dimensions
3.5 Conclusion sur les simulations de l’exaltation du champ électrique par les rayures
4 Conclusion du chapitre V
Conclusion générale