Le langage harmonique des fantaisies et fugues pour orgue de Max Reger

La question posée et la méthode analytique qui tente d’y répondre 

Le présent mémoire a pour sujet le langage harmonique de Max Reger, compositeur et organiste allemand, né à Brand dans le Haut-Palatinat, le 19 mars 1873 et décédé à Leipzig le 11 mai 1916. Reger n’étant que peu connu en dehors des frontières allemandes, il convient, avant d’exposer en détail la problématique du mémoire, de donner quelques brefs éléments biographiques afin de mieux situer le compositeur. Très tôt, le jeune Reger reçoit une formation musicale par son père et, dès 1884, par l’organiste Adalbert Lindner. À l’âge de quinze ans, il assiste à une représentation de l’opéra Parsifal de Wagner, représentation qui sera décisive et qui le poussera à devenir musicien. Suite à ses études auprès du musicologue et théoricien Hugo Riemann, entreprises dès le mois d’avril 1890, Reger devient professeur d’orgue et de composition au conservatoire de Leipzig en 1907. La renommée croissante sur le plan international lui vaut la charge de maître de chapelle à la cour de Meiningen, poste auquel il accèdera le premier novembre 1911. Reger, surmené par ses obligations de chef d’orchestre qu’il mène de front avec sa carrière de compositeur et d’interprète, fut victime d’un effondrement nerveux. Sa santé très affectée, le compositeur se retira à Jena en 1915, où libre de toute contrainte, il se voua entièrement à la composition. Reger s’éteint prématurément le 11 mai 1916 dans sa 43e année, laissant à la postérité de nombreuses compositions pour orchestre, pour orgue, pour piano, pour chœur ainsi que plus de 250 Lieder.

Exposition de la problématique 

Le langage harmonique de Reger a toujours suscité de nombreuses et parfois virulentes prises de position de la part des musiciens et des musicologues qui en ont fait l’objet de considérations théoriques, stylistiques et esthétiques. Le mémoire de Master et la problématique qui s’y rattache se veulent une réaction à la thèse de doctorat du musicologue  Gerd Sievers, Die Grundlagen Hugo Riemanns bei Max Reger soutenue à la Philosophische Fakultät de Hambourg en 1949 . Afin de prendre position par rapport à la thèse de Sievers, les considérations analytiques qu’a suscité l’harmonie de Reger jusqu’en 1949 et sur lesquelles l’auteur fonde en partie son argumentation, seront résumées et confrontées dans la deuxième partie de l’introduction (chapitres 1.2.1 et 1.2.2). Puis la thèse elle-même sera résumée et commentée dans la 3e partie aux chapitres 1.3.1-1.3.3. Il s’agira principalement dans le mémoire de répondre à la question suivante : le  angage harmonique de Reger est-il tonal et en adéquation avec la théorie des fonctions riemannienne, ou au contraire, l’harmonie de Reger est-elle modale ou atonale et en situation d’opposition avec la théorie des fonctions de Riemann comme l’affirme Sievers dans sa thèse ?

Comme on pourra le constater, pour Sievers, la théorie des fonctions est totalement représentative de l’harmonie du langage tonal occidental. Pour l’auteur – comme pour de nombreux musicologues formés dans la sphère germanique où l’influence de la théorie riemannienne est encore extrêmement perceptible de nos jours – la théorie des fonctions et le langage tonal occidental au sens restreint ne font qu’un. Par conséquent, en se prononçant sur l’adéquation ou l’inadéquation du langage harmonique de Reger avec les théories de Riemann, on soulève inévitablement la question du rapport de Reger à la notion de tradition et d’héritage musical, capitales pour l’approche des œuvres du compositeur. Reger, lui-même revendique avec insistance cet ancrage dans la tradition comme en témoignent de nombreuses citations. Deux en seront sélectionnées à titre d’exemple. Dans une lettre à Adolf Wach, Reger prétend « […] que de tous les compositeurs vivants, c’est certainement [lui] qui entretient le rapport le plus étroit avec les grands maîtres du passé » . Une autre citation résume parfaitement le rapport de Reger à l’héritage musical sous l’aspect de l’harmonie qui  constitue l’objet analytique de ce mémoire : « Croyez-moi, toutes les tournures harmoniques que l’on cherche à inventer de nos jours et dont on loue le soit-disant progrès, Bach […] les maîtrisait bien mieux que [nos contemporains] » . Par conséquent, il s’agira également de situer le langage harmonique de Reger par rapport à l’héritage et au progrès musical et de définir en quoi l’harmonie de Reger est novatrice et de quelle manière cette innovation repose sur l’héritage musical.

Jusqu’à aujourd’hui, la majorité des analystes ont recours à la théorie des fonctions pour l’examen du langage harmonique du compositeur et ce pour des raisons évidentes : le rapport maître – élève et la filiation supposée entre Riemann et Reger. La théorie des fonctions ne pouvant cependant pas être appliquée à l’intégralité de l’harmonie régerienne pour des raisons qui seront explicitées au chapitre 1.3.2, on se trouve souvent dans une situation d’argumentation a contrario : les passages ne pouvant plus être analysés par la théorie de Riemann sont considérés comme se trouvant en situation d’opposition avec la tonalité sans faire l’objet d’ analyses supplémentaires. Outre-atlantique d’autres méthodes analytiques, notamment l’analyse schenkérienne, et la théorie néo-riemannienne ont été appliquées aux compositions de Reger dans le but de se prononcer sur le caractère tonal, modal ou atonal de son langage musical . La problématique traitée en détail par Sievers en 1949 dans sa thèse, soulevée à nouveau en 1974 par l’auteur dans un article et reprise depuis par de nombreux analystes reste donc actuelle. Le mémoire de Master se distingue des précédentes études en ce sens qu’il se propose d’appliquer une méthode analytique différente : la théorie des vecteurs harmoniques développée par Nicolas Meeùs. Suivant cette théorie, les analyses réalisées dans la seconde partie du mémoire consisteront en une étude systématique des enchaînements d’accords dans le corpus. Elles permettront non seulement de se prononcer sur le caractère tonal-modal ou atonal du langage harmonique, mais également de tirer des conclusions stylistiques. Une grande importance sera accordée dans ce contexte à l’évolution du langage harmonique régerien, évolution qui sera examinée en détail au cours de l’analyse transversale aux chapitres 2.4.1-2.4.3.

Définition et justification du corpus 

Le corpus choisi est composé des quatre fantaisies et fugues libres pour orgue de Reger: la Fantaisie et Fugue op. 29, la Fantaisie et Fugue sur B-A-C-H op. 46, la Fantaisie et Fugue symphonique op. 57 ainsi que la Fantaisie et Fugue op. 135b. Composées à des époques créatrices différentes, elles constituent avant tout une unité de par leur genre : la fantaisie et fugue pour orgue sans cantus firmus. On peut ainsi les opposer aux six fantaisies sur cantus firmus de chorals luthériens (op. 27, 30 et 40), composées par Reger entre 1989 et 1900. Ces quatre œuvres de style le plus élevé, comme le souligne Reger lui-même en parlant de la Fantaisie et Fugue op. 135b, occupent une place particulière parmi les compositions pour orgue de Reger : elles sont totalement indépendantes et peuvent être considérées en raison de leur dimension, de leur difficultés techniques et de leur complexité stylistique comme des monuments musicaux dans la littérature pour orgue du début du 20e siècle.

Les fantaisies et fugues composées entre 1898 et 1916 recouvrent une grande partie des périodes créatrices du compositeur. La Fantaisie et Fugue op. 29 date de 1898, elle est représentative du langage musical des premières œuvres pour orgue du jeune Reger qui vient de terminer ses études auprès de Riemann à Wiesbaden. La Fantaisie et Fugue sur B.A.C.H op. 46 ainsi que la Fantaisie et Fugue symphonique op. 57, composées respectivement en 1900 et 1901, sont représentatives du langage musical de la période comprenant les années 1898-1901. Cette période, à laquelle Reger quitte Wiesbaden pour rentrer au domicile familial à Weiden est particulièrement fructueuse en matière de littérature pour orgue. Le style des œuvres d’orgue de cette période est communément nommé weidener Orgelstil. La dernière œuvre du corpus, la Fantaisie et Fugue op. 135b composée à partir de 1914, est achevée en 1915, une année avant la mort de Reger. Ecrite pendant la période de Jena, il s’agit de la dernière grande œuvre indépendante pour orgue du compositeur.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
1.1 La question posée et la méthode analytique qui tente d’y répondre
1.1.1 Exposition de la problématique
1 1.2 Définition et justification du corpus
1.1.3 La théorie des vecteurs harmoniques
1.1.4 Application de la théorie au corpus
1.2 Considérations analytiques sur l’harmonie de Reger
1.2.1 Une harmonie fonctionnelle en accord avec les préceptes de Riemann ?
1.2.2 Une harmonie modale ou atonale en rupture avec le passé ?
1.3 La thèse de Sievers : une harmonie suscitée par une ligne chromatique
1.3.1 Résumé de la thèse de Sievers
1.3.2 Considérations critiques des méthodes analytiques employées par Sievers
1.3.3 Les problèmes analytiques auxquels l’auteur se heurte
2. ANALYSE VECTORIELLE
2.1 La Fantaise et Fugue op. 29 et l’influence de J.S. Bach
2.1.1 Rapport et hiérarchie des vecteurs.
2.1.2 Successions des vecteurs
2.1.3 Comparaison de la Fantaisie op. 29 avec la Fantaisie BWV 542 de J.S.Bach
2.2 « Der wilde Reger » Les Fantaisies et Fugues op. 46 et 59
2.2.1 Rapport et hiérarchie des vecteurs dans les Fantaisies op. 46 et 57
2.2.2 Succession des vecteurs dans les Fantaisies op. 46 et op. 57
2.2.3 Rapport et hiérarchie des vecteurs dans les Fugues op. 46 et 57
2.2.4 Succession des vecteurs dans les Fugues op. 46 et op. 57
2.2.5 Comparaison de la Fantaisie op. 46 avec le Prélude sur B-A-C-H de Liszt
2.3 Le style de Jena, la Fantaisie et Fugue op. 135b
2.3.1 Rapport et hiérarchie des vecteurs
2.3.2 Succession des vecteurs dans la Fantaisie
2.3.3 Succession des vecteurs dans la Fugue
2.4 Analyse transversale du corpus
2.4.1 Évolution du rapport des vecteurs dominants et sous-dominants
2.4.2 Évolution des différents vecteurs détaillés
2.4.3 Les vecteurs de quartes augmentées
3. HYPOTHESE DE REPONSE A LA QUESTION POSEE
3.1 Prise de position par rapport à la thèse de Sievers
3.2 Théories riemanniennes et logique harmonique dans le corpus
3.3 Une harmonie tonale, modale ou atonale?
3.4 Un langage harmonique entre tradition et modernité
Bibliographie

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