LE LANGAGE DEVIENT CRITÈRE D’HUMANITÉ

LE LANGAGE DEVIENT CRITÈRE D’HUMANITÉ

La pathologisation du langage entre 1860 et 1900

une dialectique entre norme et écart Entre 1860 et 1900 a lieu un phénomène singulier que nous appelons avec Camille Jaccard, philosophe faisant sa thèse sur l’histoire des troubles du langage et de leur théorisation, la « pathologisation du langage ». Par pathologisation, il faut entendre le processus par lequel la médecine s’empare d’un phénomène pour en faire un objet médical. L’avènement de l’école obligatoire amène une nouvelle norme sociale6 impliquant de savoir parler, écrire et lire pour être un citoyen et un humain dans la pensée du siècle. Le langage devient ainsi critère d’humanité et de citoyenneté (au sens large de membre de la Cité), ce qui amène la non-maîtrise du langage, acquise ou innée, à devenir un écart sociale.à part entière. Dès lors a lieu une logique dialectique entre la norme et l’écart: afin de rétablir la norme, ces différences perçues comme des écarts sont pathologiser, changer en objets de médecine susceptibles d’être corrigés par une thérapeutique appropriée. C’est dans ce contexte qu’est diagnostiquée en 1887 sous la plume de Rudolf Berlin la « dyslexie », jusqu’ici étudiée en tant que « cécité verbale », un sous-genre acquis de l’aphasie. L’aphasie désignait alors un ensemble de troubles du langage ayant acquis une définition plus ou moins large et floue selon les auteurs au point que nous pourrions parler d’une véritable galaxie des aphasies. La dyslexie est à partir des années 1890 diagnostiquée dans sa forme développementale, innée, par Pringle Morgan et James Hinshelwood, et commence à former la galaxie des dys que nous connaissons aujourd’hui.

Historiographie

L’histoire étudiée dans ce mémoire s’inscrit dans la continuité de l’histoire du corps, de la médecine, et de l’éducation. Dans l’historiographie classique, le corps humain était peu présent en commencé avec la médecine elle-même. Les médecins de l’Antiquité se référaient toujours à leurs aînés dans leurs pratiques et faisaient ainsi une histoire doxographique. Avec la naissance de la tant que thème de recherche et était surtout une donnée implicite. Dans l’histoire culturelle allemande et l’école française des Annales, le corps a été évoqué en relation avec la naissance, la maladie, l’agonie et la mort, la nutrition et la sexualité. Toutefois, ce n’est vraiment qu’à partir des années 1980 que le corps est devenu objet d’histoire, dans la continuité des théories féministes anti-essentialiste, du post-structuralisme et de l’histoire culturelle. Il n’était dès lors plus une entité précédant toute histoire mais un produit même de l’histoire, indépendamment de son devenir biologique. Cette histoire du corps a posé trois grandes questions: comment le corps a servi de porteur privilégié de sens métaphoriques dans les rapports socio-politiques?

En quoi les témoignages scientifiques sur la biologie et l’anatomie du corps, en particulier sur les particularités et les différences entre les sexes, dépendent des système d’expression et de représentations variables selon les sociétés et les époques? En quoi finalement l’hypothèse d’une nature humaine préexistant à l’histoire serait un ensemble de formules creuses et produits de l’idéologie? Et, enfin, comment, dans l’histoire, les corps ont été non seulement représentés de façon diverse et fabriqués, engendrés dans le cadre des mécanismes d’un pouvoir déterminé ou d’un savoir particulier? Parmi les auteurs qui ont marqué cette historiographie, on peut citer Michel Foucault dans Surveiller et punir (1975) et La Volonté de savoir (1976), Alain Corbin dans les trois volumes de L’Histoire du Corps réédité en 20057.

De ce lien avec l’histoire du corps découle naturellement une continuité avec l’histoire de la médecine. L’histoire de la médecine en Occident avait médecine expérimentale au XIXème siècle, la doxographie perd son statut de référence et des biographies de médecins sont écrites par des praticiens. L’histoire de la médecine écrite par les historiens débute véritablement avec l’école germano-américaine au siècle suivant. Les pionniers allemands avaient émigré aux Etats-Unis dans les années 1930, la plupart pour l’université Johns Hopkins, où ils avaient trouvé des conditions favorables pour leurs recherches. En Pologne se développait très tôt aussi la philosophie de la médecine avec les travaux de Ludwik Fleck. Quelques années plus tard, l’école française voit le jour, marqué par l’épistémologie de Canguilhem qui utilise l’histoire comme outil de réflexion. Depuis plus de vingt ans, l’histoire de la médecine est marquée par le constructivisme social qui s’est diversifié en divers courants, parfois rivaux.

Ce courant a débuté avec les travaux de Thomas Khun qui convoquait systématiquement les facteurs sociaux dans les processus d’acceptation d’une théorie scientifique. Il affirmait ainsi dans Structures des révolutions scientifiques (1962) que le passage d’un paradigme à l’autre s’expliquait par des raisons psychologiques et sociales plus que par un rapport plus grand à la vérité. Ce courant se renforce avec le contexte politique des années 1970, les mouvements contestataires invitant à la désacralisation de la science comme unique vecteur de vérité.

Sources et difficultés du sujet

Ce sujet a présenté quelques difficultés dans la recherche des sources. Tout d’abord, la question est jeune et ainsi la chronologie des travaux sur la dyslexie et de leur parution n’est pas toute à fait connue en son entier. En effet, bien que le terme ait été inventé à la fin du XIXème siècle, les travaux ont connu leur véritable essor à partir des années 1970, années où la question est revenue sur le premier plan des problématiques traitées en sciences expérimentales du fait d’un renouveau de la recherche. Le deuxième facteur est que la discipline étudiant la dyslexie, celle des sciences cognitives, est encore jeune puisqu’elle s’est développée vers 1956 lors la toute première conférence consacrée à l’intelligence artificielle et son application en psychologie.

En outre, l’élaboration de ce champ pluridisciplinaire est en partie due aux questions qu’ont suscité les troubles du langage telle que la dyslexie. Cette jeunesse impliquait de réfléchir sur la nature des sources à trouver pour un sujet dont l’histoire a plus d’un siècle mais qui n’est redécouvert que depuis peu: fallait-il s’attaquer à des sources écrites? Une réponse affirmative est évidente mais si oui à quelles sources écrites? La deuxième difficulté n’est autre que la concurrence entre les disciplines, écoles de pensée et entre les professionnels et les particuliers. Sabine Arnaud précisait dans l’introduction de son ouvrage qu’en dépit du développement des medical humanities, champ interdisciplinaire de la médecine incluant les sciences sociales (littérature, philosophie, éthique, histoire, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie), la religion, les arts et leurs applications dans la pédagogie et l’exercice médical, les disputes d’autorités entre les disciplines et leurs représentants dans les débats autour de l’hystérie perdurent.

Le phénomène est similaire pour la dyslexie: chaque chapelle de pensée déjà citée se disputent sur la définition de la dyslexie comme sur la thérapeutique à apporter. De fait, en dépit des résultats qui s’accumulent, la thèse de la dysproprioception de Da Silva, Da Cunhia et Quercia est par exemple rejetée, critiquée ou déclarée incompréhensible par l’Université de médecine de Paris et les auteurs ayant participé au rapport INSERM paru en 2007. Ces disputes obligent ainsi à prendre un recul doublement important quant aux écrits trouvés puisque nous savons d’emblée que les auteurs ne s’entendent pas tant sur l’histoire de leur pratique que sur les théories et les techniques. Cette difficulté a été retrouvé entre les auteurs qui se concurrencent entre particuliers (dyslexiques ou non), médecins, philosophes et scientifiques travaillant sur ce sujet. Ces disputes renforçaient la nécessité de prendre du recul afin d’avoir accès aux sources.

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Table des matières

INTRODUCTION
1Définitions: diagnostic, thérapeutique et dyslexie
2La pathologisation du langage entre 1860 et 1900: une dialectique entre norme et écart
3Historiographie
4Sources et difficultés du sujet
PARTIE I : LIRE ET ÉCRIRE DEVIENT LA NORME AU SECOND XIXÈME SIÈCLE
CHAPITRE 1: LE LANGAGE DÉFINIT LE MEMBRE DE LA CITÉ
1Mutations politiques et instruction obligatoire de la lecture et de l’écriture: l’émergence du modèle allemand
2Enseignement de la lecture et de l’écriture au Royaume-Uni et en France
3Les méthodes d’enseignement de la lecture se germanisent
CHAPITRE 2: LE LANGAGE DEVIENT CRITÈRE D’HUMANITÉ
1Des sciences naturelles émerge l’anthropologie
2L’anthropologie change la conception de l’humain et de son rapport au langage
3Le concept de normalité émerge de la science occidentale et introduit la conception anthropologique du langage dans les mentalités
PARTIE II : PATHOLOGISER LE LANGAGE POUR DÉFINIR LES ÉCARTS À LA NORME
CHAPITRE 3: L’AVÈNEMENT DE LA GALAXIE DES APHASIES, THÉORISER LES ÉCARTS À LA NORME
1La localisation de l’aire cérébrale du langage: comment le langage a pris chair
2De l’aphémie à l’aphasie
3La galaxie des aphasies
CHAPITRE 4: LA DYSLEXIE S’ÉLOIGNE DE L’APHASIE POUR DEVENIR UN ÉCART À PART ENTIÈRE
1L’observation et la découverte de la cécité verbale
2Critique du caractère aphasique de la cécité verbale par Adolf Kussmaul, précurseur de la théorisation des troubles dys
3Théorisation de la dyslexie acquise puis développementale
PARTIE III :LES THÉRAPEUTIQUES COMME RÉPONSE À L’ÉCART ET DÉFINITION D’UN NOUVELLE CATÉGORIE SOCIALE ET MÉDICALE?
CHAPITRE 5: LA MACHINE À RÉÉDUQUER LA LECTURE DE JEAN-BAPTISTE CHARCOT
1Rééduquer un sens déficient et non soigner une maladie: l’écart est défini
2Une thérapeutique mécanique et l’originalité du mécanicisme de J-B. Charcot
3Postérité de l’invention de J-B. Charcot
CHAPITRE 6: NAISSANCE D’UNE CATÉGORIE SOCIALE ET MÉDICALE?
1Quelques éléments sur les origines sociales des patients
2Evolution de l’appellation des patients dans les écrits: une catégorie médicale est née
3Albert Einstein et Thomas Edison: une catégorie sociale « dyslexique » en puissance
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
1Histoire
2Biographies et thèses de médecine orientées histoire de la médecine et des sciences
3Philosophie
4Sociologie
5Médecine
6Etude pluridisciplinaire
7Articles et journaux scientifiques
8Emission de radio
SITOGRAPHIE
1Sites académiques
2Blogs et sites particuliers
3Sites de laboratoires de recherche, d’associations et d’organismes spécialisés
4Site concernant la méthode Davis

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