Le kyste hydatique pulmonaire
Le kyste hydatique encore appelé Echinococcose ou hydatidose, est une anthropozoonose due au développement tissulaire de la larve du cestode Echinococcus Granulosus. La forme adulte parasite l’intestin grêle des hôtes définitifs : les canidés, notamment le chien. La forme larvaire, ou hydatide, se développe au niveau des viscères des hôtes intermédiaires (ovins, bovins, caprins et autres herbivores) et l’Homme, qui est un hôte accidentel.Cette parasitose est cosmopolite, sévissant dans le monde sous forme endémique dans les pays d’élevage comme l’Argentine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les pays du pourtour méditerranéen, dont le Maroc, où elle constitue un problème de santé publique entrainant de sérieuses répercussions socio-économiques. Chez l’enfant, la localisation pulmonaire du kyste hydatique est la plus fréquente, alors que chez l’adulte, elle reste en 2ème position après l’atteinte du foie. Le diagnostic positif du kyste hydatique s’appuie sur les arguments épidémiologiques, cliniques, biologiques et radiologiques. Le traitement de référence reste la chirurgie. La prophylaxie tient un rôle majeur en permettant d’interrompre le cycle parasitaire.
Agent pathogène
Le tænia Echinococcus Granulosus est un cestode de la famille des plathelminthes. Il se présente sous trois formes évolutives [1]:
La forme adulte, qui vit fixé entre les villosités de l’intestin grêle de l’hôte définitif.
La forme ovulaire ou œuf, c’est la forme extériorisée du parasite qui survit dans le milieu extérieur et contamine l’hôte intermédiaire et l’Homme.
La larve hydatique, forme kystique (métacestode) qui se développe dans l’organe infesté de l’hôte intermédiaire ou de l’Homme.
Forme adulte : À l’âge adulte, Echinococcus Granulosus vit à l’état saprophyte fixé entre les villosités del’intestin grêle du chien, plus rarement d’autres canidés comme les loups, les chacals ou les renards. Un seul chien peut-être infesté par des centaines, voire des milliers de parasites. Sa longévité peut aller de six mois à deux ans .La forme adulte a la forme d’un ver de 2 à 8 mm, et est constituée de trois parties : [2,3] (Figure N°12)
La tête, ou scolex, est d’aspect piriforme. Elle est constituée de quatre ventouses arrondies et d’un rostre saillant armé d’une double couronne de crochets en forme de poignard. Les éléments du scolex permettent au parasite de s’accrocher à la paroi intestinale de l’hôte.
Le cou est étiré et fin.
Le corps, ou strobile, est constitué d’une chaîne de trois anneaux, ou proglottis.
Le dernier proglottis, le proglottis germinatif formé en six à onze semaines. Il contient 400 à 1500 œufs, ou embryophores. Arrivé à maturité, il se détache du reste du strobile pour être éliminé dans les selles.
L’œuf : L’œuf est ovoïde, non operculé, protégé par une coque épaisse et striée. Il contient un embryon hexacanthe à six crochets ou oncosphère [5]. La maturation de l’œuf se réalise dans le milieu extérieur. Sa survie sur le sol dépend des conditions d’humidité et de température. Elle est de 1 mois à + 20 C°, 15 mois a + 7 C° et 4 mois à – 10 C°. La congélation classique à –18°C des aliments ne tue pas les œufs. Mais, ils sont détruits en 3 jours si l’hygrométrie est faible (<70 %), en quelques heures par la déshydratation et en quelques instants à une température supérieure à 60 C °. Les agents chimiques, engrais et désinfectants n’altèrent pas sa vitalité et ne peuvent donc être utilisés pour désinfecter les légumes contaminés [4,5].
La larve : Une fois arrivée dans les viscères de l’hôte intermédiaire ou accidentel, l’embryon hexacanthe perd ses crochets, se vacuolise, développe une vésiculisation centrale et prend alors une forme kystique : c’est l’hydatide ou kyste hydatique. Sa croissance se fera de façon concentrique à la manière d’une tumeur bénigne. C’est un kyste opaque, tendu et élastique, rempli d’un liquide sous pression. La vitesse de maturation est lente, dépendante de l’espèce hôte et du viscère parasité. Elle varie chez l’être humain de 1 à 30 mm par an [7].
Mode de contamination
Les modalités de contamination de l’Homme, de l’hôte définitif et des hôtes intermédiaires sont les suivants :
Contamination humaine: L’homme est un hôte accidentel qui prend la place du mouton. Sa contamination se fait par voie digestive, de deux manières [4,9] :
Contamination directe :
Contact étroit avec les chiens parasités
Souillure des mains,
Caresse du pelage du chien, contact avec le sol souillé par des excréments du chien, les bergers, les vétérinaires et les enfants sont donc particulièrement exposés(contact affectif et privilégié avec le chien). Ceci explique que la plupart des infections sont contractés à l’âge d’enfance.
Contamination indirecte :
Ingestions d’aliments souillés,il s’agit notamment d’aliments végétaux poussant près du sol: salade, menthe,
persil, fraises…
Contamination de d’hôte définitif : L’hôte définitif se contamine en dévorant les viscères infestés de l’hôte intermédiaire. Ceci est favorisé essentiellement par l’abattage clandestin du bétail [4,10].
Contamination de d’hôte intermédiaire : L’hôte intermédiaire se contamine en ingérant les pâturages souillés par les œufs [4] :
Herbe contaminée dans les pâturages
Eau des bords de ruisseau et d’abreuvoirs pour animaux
Fourrage vert incomplètement séché
Matières fécales du chien (coprophagie par des porcins).
Chez l’enfant :
Age: L’âge dans notre série varie entre 3 et 16 ans avec une moyenne d’âge de 9,5 ans, ce qui concorde avec les résultats des autres séries pédiatriques [18, 19, 20, 21, 22]. Dans notre série, on constate que 50% des enfants font partis de la tranche d’âge de 5 à 10 ans, ceci rejoint les résultats d’autres séries où la majorité des enfants ont plus de 5 ans [18]. Pour certains auteurs l’âge de découverte est plus précoce : Lagardère et coll[18] a décrit une atteinte à 9 mois, C. Hafsa [23] a décrit une atteinte à 18 mois, M .Bouskraoui et al [24] rapportent un cas d’hydatidose pulmonaire, splénique et hépatique chez un nourrisson de 23 mois.
Sexe: Chez l’enfant, contrairement à l’adulte, l’atteinte masculine est supérieure à l’atteinte féminine. Ceci peut s’expliquer par la plus forte promiscuité des garçons avec le chien, étant donné qu’ils passent plus de temps à jouer dehors, et sont donc plus exposés aux embryophores [15]. Cette prédominance masculine est rapportée chez de nombreux auteurs, avec des sex-ratios de 1,12 chez Sayir et al [25], 1,27 chez Hafsa et al [23], 1,34 chez OudniM’rad et al [15], 1,39 chez Elburjo et Abdul Gani [26] ou encore 2,28 chez Kabiri et al [27]. Cette prédominance masculine se vérifie dans notre étude où on trouve 65% de sexe masculin avec un sex-ratio 1,85.
La localisation : La maladie hydatique peut toucher tous les organes, mais la localisation pulmonaire reste la première position chez l’enfant (59 % des cas), suivie des localisations hépatique (34,8%), rénale (5%) et osseuse (2,5 %). [4, 14, 18,28, 29, 30, 31, 32,33]. Certains auteurs l’expliquent par le fait que le filtre hépatique chez l’enfant est « poreux » pour les embryons hexacanthes [23].
L’étude clinique :
La forme asymptomatique : Elle est de découverte fortuite à la suite d’un examen systématique, bilan préopératoire pour une intervention chirurgicale ou bilan d’extension d’une hydatidose hépatique. Elle a été décrite dans la majorité des séries : dans la série de Letaief [35], la découverte est fortuite chez 1,8% des cas et chez 8,7% des cas dans la série de du Durakbasa [36]. Ce taux peut atteindre 25 à 30% dans les régions de faible endémicité [3]. Dans notre série, le KHP est resté asymptomatique chez 3 de nos patients (soit 3% des cas).
La forme non compliquée : La symptomatologie du kyste hydatique dépend de plusieurs facteurs comme sa localisation (périphérique ou centrale), sa taille, la présence de complications, et son état évolutif [27,37].La triade symptomatique associant une toux tenace le plus souvent sèche, hémoptysie etdouleur thoracique est très évocatrice de la maladie en zone endémique [11]. Ces symptômespeuvent s’accompagner d’une altération de l’état général, avec asthénie, amaigrissement et fièvre.
La forme compliquée : Le diagnostic du KHP chez l’enfant est peut être posé au stade de complications :
La fissuration intra bronchique du kyste hydatique est annoncée par une expectoration hémoptoique peu abondante, plus rarement par une réaction urticarienne et exceptionnellement par un choc anaphylactique.
La rupture intra bronchique du KH se traduit par une vomique, qui correspond au rejet brutal par la bouche, après un effort de toux, d’une quantité abondante de liquide clair « eau de roche », au gout salé et pouvant contenir des membranes rappelant « des peaux de raisins sucées ». Elle peut être à l’origine d’accidents allergiques, de suppuration broncho pulmonaire et de dissémination bronchogénique [11].
La rupture intra pleurale du KH peut se faire selon un mode aigu et se traduire par une détresse respiratoire, un pneumothorax parfois associé à un état de choc anaphylactique ou par un pyopneumothorax. Lorsqu’elle est silencieuse, elle évolue vers l’hydatidose pleurale en passant par trois phases cliniques successives : une phase bruyante concomitante à la rupture du kyste, suivie d’une phase de latence correspondant au développement du KH dans la cavité pleurale puis une phase d’état caractérisée par l’apparition d’une symptomatologie non spécifique dominée par une dyspnée et des douleurs thoraciques [11].
La rupture dans le péricarde est exceptionnelle et donne un épanchement péricardique.
La compression, secondaire à l’augmentation de la taille du kyste sans fissuration ou rupture, est à l’origine de dysphagie, dysphonie par compression du nerf récurrent gauche dans sa localisation intra thoracique ou de paralysie phrénique secondaire à un kyste basal volumineux.
La déformation thoracique, qui est propre à l’enfant et traduit la présence d’un kyste géant [39].
La surinfection du KH entraine un tableau de suppuration broncho pulmonaire associant une fièvre, une toux avec une expectoration purulente et une altération de l’état général.
Examen Clinique : Dans notre série, l’examen pleuro-pulmonaire a trouvé un syndrome d’épanchement liquidien dans 74% des cas dont 9% a été bilatéral et des râles bronchiques chez 9% des cas. Cette anomalie n’est que rarement retrouvée selon Lagardère et coll [18].L’examen général, à la recherche d’autres localisations associées, a objectivé une hépatomégalie chez 7% des cas et une splénomégalie chez une patiente en rapport avec une localisation hydatique intra-abdominale concomitante. L’examen clinique a été normal chez 14 patients (14% des cas).
Echographie thoracique
L’échographie thoracique est considérée actuellement comme un complément à la radiographie thoracique dans l’exploration de l’hydatidose pulmonaire. Il précise la topographie d’un kyste hydatique basithoracique par rapport au diaphragme, il élimine la présence de vaisseau aberrant systémique en faveur d’une séquestration et il recherche d’autres localisations en dehors du thorax, notamment au niveau du foie et de la rate. [42,67] Cependant, un kyste de petite taille, profond ou compliqué est difficile à visualiser par l’échographie. En plus de ces éléments, l’enveloppe ostéo- articulaire et cartilagineuse thoracique ainsi que l’air alvéolaire constituent des obstacles devant cet examen [23]. Les images visualisées par échographie peuvent être classées en trois catégories, selon le stade évolutif du kyste hydatique [23] :
Kyste hydatique simple : Masse anéchogène homogène.
Kyste hydatique rompu : Masse hétérogène contenant de multiples écho denses avec des cônes d’ombre acoustiques postérieurs, qui traduisent la présence d’air
Kyste hydatique avec rétention de membrane : Masse solide se traduisant par une formation écho gène linéaire ondulée (Figure N°22).
Traitement médical
Les médicaments utilisés sont les benzimidazolés (mebendazole, albendazole, flubendazole, triclabendazole et thiabendazole), ce sont des antihelminthiques polyvalents particulièrement actifs contre les teniasis [1, 78,79] L’albendazole est actuellement le traitement de choix et que le mebendazole du fait d’une absorption et d’une efficacité meilleure mais le traitement exige une surveillance rigoureuse [80,81]. Globalement, l’Albendazole entraîne une guérison dans 30 % des cas, une réduction de la taille du kyste dans 30 à 50 % des cas [82]. Ces produits agissent comme des scolicides, mais ils n’apportent aucune solution pour le matériel hydatique involutif, et pour celui de la cavité résiduelle avec risque d’infections à répétition [80]. L’administration se fait par voie orale à la dose de 10 mg/kg/J en 2 prises, en cures de 30 jours séparées par des intervalles de 15 jours [4,83,84]. Actuellement, beaucoup d’auteurs ont souligné la supériorité du traitement continu sans intervalle libre, plus efficace et aussi bien toléré que le traitement discontinu. Ce schéma a été approuvé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) [85, 86]. Les critères d’efficacité sont jugés essentiellement sur les données de l’échographie [86].
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Table des matières
Introduction
Patients et méthodes
Résultats
I. Epidémiologie
1. L’incidence
2. Le sexe
3. Age
4. Origine géographique
II. Clinique
1. Antécédents
2. Délai de consultation
3. Circonstances de découverte
4. Signes physiques
III. Examens para-cliniques
1. Imagerie
1.1 Radiographie thoracique
1.2 Le balayage échographique thoracique
1.3 La tomodensitométrie thoracique
1.4 Echographie abdominale
2. Biologie
IV. TRAITEMENT
1. Chirurgical
1.1. Voie d’abord
1.2. Technique opératoire
1.3. Gestes chirurgicaux associés
1.4. Traitement des kystes multiples
2. Médical
3. Traitement des localisations associées
V. Evolution et surveillance
1. Suites opératoires
2. Drainage thoracique
3. Durée d’hospitalisation
4. Mortalité
5. Surveillance lointaine
Discussion
I. Rappel parasitologique
II. Epidémiologie
1. Dans le monde
2. Au Maroc
3. Chez l’enfant
3.1. Age
3.2. Sexe
3.3. La localisation
III. Diagnostic positif
1. Clinique
1.1. L’interrogatoire
1.2. L’étude clinique
2. Imagerie
2.1. Radiographie thoracique
2.2. Echographie thoracique
2.3. TDM thoracique
2.4. IRM
2.5. Bilan d’extension
3. Biologie
IV. Diagnostique différentiel
V. Traitement
1. But
2. Moyens
3. Indications
VI. Evolution et surveillance
1. Suites opératoires simples
2. Drainage thoracique
3. Morbidité
4. Mortalité
5. Récurrences
VII. PROPHYLAXIE
Conclusion
Résumés
Bibliographie
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