Principales caractéristiques de la reproduction chez la jument
Dans l’espèce équine, l’activité de reproduction des femelles est saisonnée afin de permettre la naissance des poulains au printemps, lorsque les conditions alimentaires et climatiques sont les plus favorables. Cette saisonnalité est contrôlée essentiellement par la photopériode. Une photopériode de longue durée (14 h 30 à 16 h de lumière par jour) stimule la reprise de l’activité ovarienne de la jument.
Le cycle annuel de reproduction chez la jument comporte 2 périodes :
• La période de reproduction, caractérisée par une succession de cycles ovariens (centrée autour du solstice d’été).
• La période d’anœstrus saisonnier, qui peut être divisée en 3 parties :
• La transition vers l’inactivité ovulatoire saisonnière (aux alentours de l’équinoxe d’automine) caractérisée par la présence de gros follicules qui n’ovulent pas à cause du déficit en LH.
• L’inactivité ovulatoire saisonnière que nous appellerons anœstrus saisonnier caractérisée par une absence de cycles ovariens (centrée autour du solstice d’hiver).
• La transition vers la saison sexuelle (aux alentours de l’équinoxe de printemps) caractérisée par une augmentation de la sensibilité folliculaire à la LH.
Cependant, environ 20% des femelles ne présentent pas d’anœstrus saisonnier et sont donc cycliques toute l’année (Diekman et al., 2002).
Il existe une variabilité dans la durée de ces 4 périodes, principalement influencée par l’alimentation (Salazar-Ortiz et al., 2011) ou encore la température (Palmer, 1978). Dans les climats tempérés, les juments sont en majorité cycliques d’avril à octobre (Ginther et al., 1972). Nous ne détaillerons ci-dessous que les périodes au cours desquelles nous avons étudié les effets du kisspeptide, soit A) la saison de reproduction et B) l’anœstrus saisonnier.
En saison de reproduction
La saison sexuelle est caractérisée par une succession de cycles d’une durée d’environ 22 jours chez la jument, jusqu’à l’établissement d’une gestation ou la fin de la saison sexuelle. Un cycle est défini comme l’intervalle entre deux ovulations précédées d’œstrus et/ou d’un niveau de progestérone inférieur à 1 ng/ml, et suivies d’une élévation des niveaux de progestérone.
Un cycle est conventionnellement divisé en deux phases :
• la phase lutéale (correspond approximativement au dioestrus), de durée relativement constante (14 à 15 jours), pendant laquelle le corps jaune formé après l’ovulation sécrète de la progestérone, hormone responsable du comportement de refus de l’accouplement envers l’étalon.
• la phase folliculaire (correspond approximativement à l’œstrus), de durée extrêmement variable (3 à 12 jours), pendant laquelle la jument est réceptive à l’étalon. Cette phase correspond à la croissance folliculaire terminale et aboutit à l’ovulation.
La durée du cycle ovarien chez la jument présente donc une très grande variabilité comparée aux autres mammifères (Ginther et al., 1972). Cette variabilité est visible entre juments mais également pour une même jument au cours de la saison. En effet, les cycles sont plus longs en début et fin de saison sexuelle, et plus courts en milieu de saison c’est-à-dire pendant l’été. Cette variation de longueur des cycles est principalement due à la durée de l’œstrus (Ginther, 1974). Pour une même jument, le diamètre du follicule pré-ovulatoire varie peu (CuervoArango et Newcombe, 2008). La durée de la phase lutéale chez la jument est du même ordre de grandeur que dans d’autres espèces saisonnées telle que la brebis. En revanche la phase folliculaire chez la jument est longue comparée à la brebis chez laquelle la phase folliculaire dure 2 à 3 jours, et cette différence semble due au temps nécessaire pour que le follicule atteigne sa taille préovulatoire. Le follicule pré-ovulatoire mesure 35 à 45 mm voire plus chez la jument alors qu’il ne mesure que 5 à 8 mm chez la brebis. La jument et la femme ont en commun une phase folliculaire longue qui aboutit à une mono-ovulation (Carnevale, 2008).
Cycle ovarien : aspects endocriniens
Le cycle œstral est contrôlé par l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien. Au niveau hypothalamique, la GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) exerce une action directe sur le lobe antérieur de l’hypophyse pour stimuler la sécrétion des hormones hypophysaires LH (Luteinizing Hormone) et FSH (Follicle-Stimulating Hormone). Le ratio LH:FSH présent dans la circulation sanguine dépend de la fréquence des pulses de GnRH et des rétrocontrôles des stéroïdes sexuels.
Au niveau hypothalamique : la GnRH
La GnRH est produite principalement par les cellules de l’hypothalamus médio-basal dont les fibres projettent vers l’éminence médiane (Melrose et al., 1994). La libération pulsatile de la GnRH se fait dans le système porte hypophysaire. De ce fait, même si une infime partie de la GnRH est susceptible de passer dans la circulation sanguine, elle n’est pas détectable du fait des faibles concentrations et de sa demi-vie qui n’est que de 5 à 10 minutes (Conn et al., 1987). Dans l’espèce équine, une technique peu invasive permet la récupération de sang veineux dans le sinus sous-hypophysaire par canulation de la veine faciale superficielle (Alexander et Irvine, 1987). En théorie, cette technique permet de doser la LH et la FSH en sortie d’hypophyse, donc à des concentrations plus élevées que dans le plasma, et de mettre en évidence la pulsatilité de ces hormones. D’après les auteurs, elle permet également de doser la GnRH, après passage par l’hypophyse, car la fraction de GnRH retenue pas l’hypophyse serait minime (Irvine et Alexander, 1987). Cependant, depuis la mise au point de cette technique, très peu d’études ont été conduites afin de mesurer la sécrétion pulsatile de la GnRH au cours du cycle. Enfin, cette technique, bien que peu invasive, reste délicate et nécessite une certaine expérience ce qui limite le nombre d’équipes la maîtrisant. Ainsi, Alexander et Irvine ont montré que 98% des pulses de GnRH étaient suivis par un pulse de LH (Alexander et Irvine, 1987). La fréquence des pulses de GnRH varie au cours du cycle. Elle est basse au cours de la phase lutéale avec un pulse toutes les 2 heures environ, puis la fréquence augmente jusqu’à un pulse toutes les 30 minutes le jour de l’ovulation (Irvine et Alexander, 1994; Silvia et al., 1995). La sécrétion de GnRH est modulée par le rétrocontrôle des stéroïdes sexuels mais la présence du récepteur alpha de l’œstradiol (ERα) et du récepteur de la progestérone sur les neurones à GnRH n’a pour l’instant jamais été montrée chez le cheval, ni dans d’autres espèces. Par conséquent, les mécanismes de rétrocontrôle passeraient par des structures en amont des neurones à GnRH, dont le système opioïdergique. Au cours de la phase lutéale le système opioïdergique inhibe la sécrétion de GnRH, et donc la libération de LH, alors que pendant la phase folliculaire ce système est inactif, permettant ainsi une augmentation de la sécrétion de GnRH et de LH (Aurich et al., 1995).
Au niveau hypophysaire : les gonadotropines FSH et LH
Biochimie
La eFSH (FSH équine) et la eLH (LH équine) sont des glycoprotéines d’un poids moléculaire de l’ordre de 33,2 kDa et 33,5 kDa respectivement. Elles sont composées de 2 sous unités (α et β) associées entre elles par des liaisons non covalentes. La sous-unité α est commune aux hormones glycoprotéiques et comprend 96 acides aminés, tandis que la sous unité β est spécifique et comprend 117 acides aminés pour FSH et 149 pour LH (Sherwood et McShan, 1977). Le contenu en acides sialiques de la FSH est semblable à celui de nombreuses espèces (5 à 7 %), alors que celui de la eLH est plus élevé (6 à 7 % chez le cheval, 2 % chez l’homme) (Clifford H.G, 1983; Matteri et al., 1986). Les glycoprotéines possèdent sur chacune de leurs chaînes glycosidiques en position la plus externe des résidus d’acide sialique, suivis de résidus de galactose, protégeant ainsi de la liaison avec les récepteurs au galactose présents au niveau des cellules hépatiques (Clifford H.G, 1983). Les acides sialiques, en empêchant la liaison avec les récepteurs des cellules hépatiques, entraînent une faible clairance, comprise entre 0,20 et 0,28 ml/kg/min pour la eFSH, et entre 0,17 et 0,59 ml/kg/min pour la eLH, et une demi-vie assez longue, comprise entre 267 et 304 minutes pour la eFSH, et entre 101 et 319 minutes pour la eLH (Irvine, 1979; Briant et al., 2004). A titre de comparaison, la demivie de la LH ovine est de l’ordre de 20 minutes, et celle de la FSH ovine de 120 minutes. Enfin, il a été montré chez le rat et le porc que l’élimination des gonadotropines se faisait par filtration glomérulaire (Combarnous Y, 2001; Klett et al., 2003). La LH est polymorphique chez la jument, et les isoformes diffèrent par leur contenu en acide sialique ce qui affecte leur point isoélectrique, leur demi-vie et leur bioactivité relative (Irvine, 1979). Enfin, la proportion des différentes formes semble varier au cours du cycle (Alexander et Irvine, 1982).
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Table des matières
Introduction
Préambule
Synthèse bibliographique
I. Principales caractéristiques de la reproduction chez la jument
A. En saison de reproduction
1. Cycle ovarien : aspects endocriniens
2. La croissance folliculaire
3. La dynamique d’un cycle
4. Les variations physiologiques du cycle
B. L’anœstrus saisonnier
C. Les traitements de maîtrise du cycle chez la jument
1. En période de cyclicité
2. En période d’anœstrus
II. Le kisspeptide
A. Nomenclature
B. Biochimie
1. Les différentes formes du kisspeptide
2. Les voies de signalisation du GPR54
C. Distribution du kisspeptide et de son récepteur
D. Rôles physiologiques du kisspeptide
E. Sites d’action du kisspeptide
F. Les neurones à kisspeptide, centre intégrateur de différents signaux ?
1. Interactions GnRH-stéroïdes : le lien manquant ?
2. Interactions photopériode-KP
3. Interactions métabolisme-KP
G. Les effets de l’administration du kisspeptide
1. Efficacité des différentes formes
2. Efficacité des différents modes d’administration
3. Quelles sont les applications du kisspeptide dans la maîtrise du cycle chez la
femelle ?
Objectifs de la thèse
Matériels et méthodes communs aux expériences effectuées chez la jument
Conclusion
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