Le Jour du Jugement en transition entre les genres  

Le Jour du Jugement en transition entre les genres  

Le Jour du Jugement dans l’évolution du théâtre religieux en France : une représentation du sacré dans le cadre littéraire des mystères

On a finalement peu souligné l’importance du Jour du Jugement dans l’histoire du genre du mystère, et même plus largement dans l’histoire du théâtre médiéval. Ce mystère est effectivement d’autant plus intéressant qu’il apparaît comme l’un des tout premiers mystères médiévaux connus à ce jour. Nous avons ici un exemple de théâtre naissant, qui se crée donc à la fois dans la lignée parfaite de l’évolution du théâtre religieux au Moyen-Âge et dans une véritable « re-naissance », une révolution, de l’art dramatique. Ce qui paraît étonnant, c’est que ce texte semble être plus éloigné – de par son thème – du théâtre qui s’était formé auparavant que les mystères qui se développeront ensuite. En effet, si Karl Young prétendait, selon le résumé de Thierry Revol, que « la complexité de la dramaturgie suit […] une évolution parallèle à celle de la chronologie »7, notre mystère fait cas d’exception dans le classement historique des mystères. En fait, il propose une très grande originalité avant même que l’on ait réellement pu définir le genre du mystère ! Il est donc intéressant de constater que le genre du mystère se crée dans une logique qui ne s’imposera pas comme la tradition du genre, surtout sur le plan thématique mais également sur la forme générale, beaucoup plus courte en ce qui concerne Le Jour du Jugement.
Il convient donc de débuter notre étude en situant le mystère dans l’histoire du théâtre médiéval, afin d’en dégager quelles ont pu être ses inspirations mais aussi ce qu’il a apporté de nouveau au théâtre religieux.

Mise au point sur le théâtre médiéval

On le sait, les tréteaux français firent leur apparition au pied des églises. Le théâtre français est né dans le berceau de la religion : il s’agit même d’un théâtre de culte. Tout comme le théâtre antique, la représentation théâtrale était en elle-même quelque chose de sacré. Notre théâtre est effectivement d’origine liturgique. Il s’agissait tout d’abord de simples illustrations de cultes lors des offices, jouées par les prêtres eux-mêmes. Peu à peu, on inséra dans ces drames cultuels des éléments profanes, voire comiques, dans le but de plaire au goût populaire. Cependant, on a tendance à dire que le Moyen-Âge français accordait moins d’importance au caractère collectif en tant que catharsis pour le voir plutôt comme un moyen d’éducation des populations, bien sûr analphabètes et donc ignorantes des textes bibliques.
Joué au coeur des offices religieux, le premier théâtre en France est donc bien sûr en latin. Les premiers drames liturgiques constituent une tentative de renaissance du spectacle théâtral en cette langue officielle de la religion. Le XIIème siècle voit naître un nouveau théâtre religieux, cette fois en langue romane, dont la première qui nous est connue est Le Jeu d’Adam. Premier exemple de pièce de théâtre en langue française, ce Jeu montre aussi un grand intérêt littéraire, notamment sur le plan psychologique, et allège le poids du sacré grâce à ce que Véronique Dominguez nomme une « liturgie récréative »8.
C’est à partir du XIIIème siècle que se développe un théâtre essentiellement comique, pas plus populaire pour autant puisque le théâtre religieux vise le même type de population, mais bien plus trivial, farcesque, voire grossier, et dont l’unique but est de divertir le public. Ce théâtre profane évolue notamment grâce à l’apport de l’arrageois Adam de la Halle et de ses jeux : La Feuillée et Robin et Marion. Le théâtre passe donc au cours de cette période de l’église à la ville, et du culte religieux à la littérature. Même les pièces religieuses sont à présent jouées en dehors des offices, et prennent une indépendance littéraire totale lorsque de grands poètes comme Jean Bodel ou Rutebeuf développent le genre.
Il est intéressant de constater que notre mystère est joué sans doute au coeur du XIVe siècle, siècle pourtant considéré comme « noir » pour le théâtre, qui s’était jusqu’alors épanoui, tant vers un développement littéraire du théâtre religieux que vers une dramaturgie profane et comique. Pourtant, ce siècle est celui où le théâtre religieux prend une tournure littéraire plus précise avec les miracles – genre principalement composé des quarante Miracles de Notre-Dame par personnages retranscrits dans le manuscrit dit de Cangé. Le miracle, au théâtre, est simplement un drame sacré retraçant l’histoire d’un miracle accompli par la Vierge ou un saint (en général tiré de la Légende dorée). Ce genre est dérivé du Miracle de Théophile de Rutebeuf, composé dans les années 1260.
Mais la vision que nous avons du théâtre au XIVe siècle semble assez faussée, en tous cas trop poussée. La production théâtrale a sans doute perdu en quantité, mais la qualité n’en sort que d’autant plus évoluée : c’est cette période qui voit se produire un tournant dans l’histoire du théâtre ; on « voit mourir et se transformer les anciens cadres du spectacle »9 pour une nouvelle renaissance, et Le Jour du Jugement participe à ce développement artistique de manière exemplaire.
En ce qui concerne les mystères, les médiévistes retiennent essentiellement ceux du XVe voire du XVIe siècle, en abordant souvent les conséquentes Passions comme modèles du genre. Pourtant, le mystère naît bien en plein dans le XIVe siècle pour prendre toute son ampleur au siècle suivant, siècle du théâtre édifiant par excellence. C’est en effet au courant de cette même période qu’apparaît la moralité, modèle-type de la pièce édifiante, mais cette fois sur un plan profane. Allégorique et didactique, il s’agit d’une peinture critique de la société ayant pour fin essentielle la prise de conscience de l’humanité vis-à-vis de ses vices comme de ses vertus, mais sur un ton assez léger : c’est un « genre tenant de la comédie de moeurs et plaisant à l’esprit du temps en ce qu’il flatte la tendance à l’abstraction, à l’allégorie et au symbolisme »10, alors que le mystère, bien que possédant la même finalité édifiante, relève du sacré.
Paradoxalement, le genre de la farce, dénué de toute portée religieuse ni même didactique, atteint son acmé au même moment que celui du théâtre édifiant – c’est-à-dire au XVe siècle. Nous aurons l’occasion dans notre étude de spécifier comment ce genre pénètre notre oeuvre, qui paraît pourtant à première vue bien loin du théâtre comique. En tous cas, si les XIIIe et XIVe siècles sont ceux de l’apparition du théâtre « profane », Le Jour du Jugement ne fait absolument pas partie de cette tendance. Il entre au contraire dans une évolution fondamentale du théâtre religieux et liturgique – le début du genre du mystère.

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Introduction  
I/ Le Jour du Jugement dans l’évolution du théâtre religieux en France : une représentation du sacré dans le cadre littéraire des mystères  
1) Un placement du Jour du Jugement dans l’histoire du théâtre médiéval en France  
Mise au point sur le théâtre médiéval
Mise au point sur le théâtre religieux et les mystères
La classification du Jour du Jugement
2) Le Jour du Jugement en transition entre les genres  
L’influence des miracles
La représentation de la Vierge entre miracle et Passion
Le Mystère du Jour du Jugement et la Passion
3) Un exemple de reprise des thématiques médiévales et de leur évolution dans Le Jour du Jugement : la représentation des diables et des saints  
Les diables et l’incarnation du Mal
L’utilisation du langage
Vers une représentation psychologique du mal ?
Les saints
II/ Une Apocalypse moderne pour une leçon théologique  
1) Les reprises de thématiques chères aux contemporains dans le cadre biblique de l’Apocalypse  
La mise en scène des différents éléments de l’Apocalypse au théâtre
Une relecture du mythe de l’Antéchrist
Un miroir des mentalités du XIVe siècle : l’exemple de la figure des juifs
2) Une Apocalypse moderne  
Les symboles de l’Apocalypse relevés
L’aspect critique
La démonstration par le contemporain
3) Apporter des leçons religieuses  
Le théâtre du mystère, genre édifiant
Une démonstration de symboles dogmatiques chrétiens
III/ Un spectacle pour une catharsis  
1) L’utilisation de l’aspect vivant du théâtre  
Les chants
Le « spectaculaire » symbolique : l’exemple de la scène du possédé
Le collectif et la participation du public
2) Le théâtre dans le théâtre  
La mise en abîme
Culpabilisation du public
Du sacrifice au double monstrueux
3) Le théâtre comme miroir  
La scénographie au service du rite : une théâtralisation du monde
Le miroir : entre reflet mimétique et monde à l’envers
Entre ironie et noirceur
Conclusion  
Bibliographie 

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