Le jeu, un vecteur de communication en anglais

L’enseignement des langues étrangères et régionales à l’école primaire a fait son apparition en 2002 dans les programmes de l’Education Nationale. Avant cela, il était plutôt question d’une première sensibilisation à une langue étrangère. Depuis l’instauration du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CERCL), l’enseignement des langues dans les écoles primaires françaises est soumis à un cadre européen qui permet, aux concepteurs de programmes ainsi qu‘aux enseignants, d’avoir des outils permettant de créer des progressions plus précises. L’oral est une composante essentielle dans l’apprentissage d’une langue étrangère ou régionale, puisque le rôle principal d’une langue vivante est de pouvoir communiquer. Les programmes insistent sur cet aspect, en particulier lors des premières années de formation, où l’écrit est proscrit. Nous sommes passés d’un enseignement dont le but était de faire acquérir des compétences linguistiques à un enseignement dont le but est de communiquer et de se servir de la langue comme un outil permettant de s’ouvrir sur le monde. Même si la communication repose sur des tâches linguistiques, elle implique d’autres compétences, comme la compréhension de l’oral, l’écoute, qui nécessitent une pratique et un entraînement de la part des apprenants. Ainsi, le choix de travailler une langue à des fins communicatives et d’ouverture au monde, a permis de valoriser une méthode d’enseignement déjà présente à l’école mais non spécifique aux cours de langues. Ce mémoire s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur un outil d’apprentissage de l’anglais : l’utilisation du jeu pour communiquer.

Cadre théorique

Contexte professionnel

Ce mémoire s’appuie sur des observations effectuées à l’école élémentaire Frédéric Mistral, dans la commune de Gardanne. Cette école accueille des élèves de milieux différents. L’attitude des élèves en classe n’est pas disciplinée et calme en début d’année. Les enseignants doivent donc faire preuve de beaucoup de discipline et de rigueur afin que les apprentissages n’en soient pas perturbés. L’école comprend six classes : une classe pour chaque niveau et une classe ULIS, qui accueille douze élèves à besoins éducatifs particuliers. Il y a cent-trente élèves. C’est une école rurale.

La classe qui fera l’objet de ce mémoire est une classe de CE1, composée de vingt-deux élèves. Il y a huit garçons et quatorze filles. Le niveau général de la classe est plutôt bon, mais tout de même très hétérogène. A l’image de l’école, cette classe comprend des élèves de milieux divers, avec quelques élèves agités, ce qui nécessite des recadrages réguliers. Les élèves se montrent également souvent moqueurs les uns envers les autres, et parfois même agressifs, voire violents. Le cours d’une séance en début d’année peut même en être perturbé. Au mois d’octobre, avant le départ en vacances, la situation s’est cependant nettement améliorée, les élèves ayant pris conscience des règles de la classe. Les apprentissages ont pu se dérouler dans de meilleures conditions. Le vendredi après midi reste un moment difficile à gérer, puisque les élèves présentent de nombreux signes de fatigue et un grand manque de concentration. Afin de favoriser les apprentissages du vendredi après-midi, j’ai choisi, sur les conseils de ma tutrice, de proposer une lecture offerte après la cantine, puis de faire travailler l’anglais, et enfin de terminer par une séance de lecture.

Ce mémoire va s’intéresser plus particulièrement aux séances d’anglais. Ayant une licence d’anglais, j’ai voulu mettre à profit mes connaissances larges dans cette discipline au service des apprentissages des élèves. C’est pourquoi j’ai demandé à l’enseigner pendant mon mi-temps. Durant les premières séances, les élèves étaient très agités, et il était difficile d’être efficace. Pour capter leur attention, j’ai donc proposé des comptines, des vidéos, des flashcards, et parfois quelques jeux. J’ai tout de suite remarqué que cette méthode plus ludique plaisait à mes élèves, et qu’ils se voyaient plus investis dans la tâche. Ils étaient en effets plus attentifs, plus intéressés aux exercices proposés, participaient davantage. Pendant les séances d’anglais, j’essaie de ne parler que dans la langue pour familiariser les élèves aux sonorités différentes. Je dois cependant parfois repasser au français pour donner quelques explications. Toute la semaine, des règles simples comme « be quiet » ou « sit down » sont données également en anglais. En matière de discipline, quand il y a trop de bruit, de déplacements ou quand une tâche prend trop de temps, j’ai mis en place un décompte, que je fais également en anglais, en parallèle avec l’apprentissage des nombres. Le décompte est un rituel de retour au calme. Je décide de compter jusqu’à un nombre donné, et à la fin de ce décompte, tous les élèves doivent avoir retrouvé leur place et être silencieux. Ce décompte a évolué au cours de l’année, puisque les élèves ont appris de nouveaux nombres.

C’est au cours d’une visite de ma tutrice, lors d’une séance d’anglais, que le problème de ce mémoire s’est posé. Alors que je venais de finir la première séance sur les nombres, pendant laquelle nous avions chanté, répété les nombres plusieurs fois, et fait la trace écrite, ma tutrice m’a fait remarquer que l’écrit en cycle 2 en langues étrangères était contraire aux instructions officielles. Je me suis alors demandé comment favoriser au maximum les apprentissages sans avoir un retour possible sur une trace écrite, comme les élèves pourraient le faire dans toutes les autres disciplines. La réponse a alors été évidente : les élèves doivent pratiquer et participer le plus possible oralement pendant la séance. C’est en parlant, en communiquant et en pratiquant que l’on arrive à maitriser une langue étrangère. De plus, l’anglais est une langue très différente du français, et pour en acquérir toutes les sonorités, il est indispensable de la pratiquer oralement un maximum.

La difficulté qui s’est alors posée, a été de trouver un juste milieu entre les moments où je prends la parole, pour permettre aux élèves une imitation, et la communication orale entre les élèves, pour permettre une meilleure appropriation de la langue anglaise. J’ai donc essayé de faire parler davantage mes élèves : le problème est qu’ils ne communiquent que très peu entre eux. Leurs seuls moments d’oralisation sont des répétitions de mots. J’ai décidé d’essayer de les mettre en autonomie à certains moments et par petits groupes pour les engager dans les pratiques de l’oral. Cela a été mis en place à la rentrée des vacances de la Toussaint. Mais leur laisser simplement plus d’autonomie n’a pas suffi à faire augmenter la communication, qui est souvent vue comme une crainte par les élèves : peur de mal dire, de se tromper, que les autres se moquent. J’ai dû trouver un dispositif qui les mette en confiance. Je me suis donc m’interrogée sur la problématique suivante : en quoi les jeux à règles peuvent-ils favoriser la communication en cours d’anglais des élèves de CE1 ?

L’évolution de l’enseignement des langues vivantes dans les programmes

L’enseignement des langues étrangères à l’école élémentaire a mis du temps à se mettre en place. Dès 1960, un enseignement précoce des langues est proposé. Haby a proposé majoritairement des expérimentations. L’enseignement des langues manque alors de cadrage. En effet, le volume horaire, les classes dans lesquelles les langues sont enseignées, le choix de la langue vivante, la formation des enseignants, sont très variés. En 1972, il est défini que l’école maternelle permettrait de sensibiliser les élèves à une langue étrangère, que le CP-CE1 servirait d’approfondissement et que les savoirs ne seraient construits qu’en CE2-CM1-CM2. Mais il a été impossible d’évaluer la production orale des élèves, ce qui constitue un réel point négatif dans l’étude des résultats de cette expérimentation. En 1989, Jospin met en place l’Expérimentation Nationale Contrôlée qui concerne seulement les élèves de CM2. Cette expérimentation consiste en l’enseignement de 2h d’anglais par semaine. Cela constitue une sorte d’initiation à la langue afin de poursuivre son apprentissage dans le secondaire.

En 1994, le projet d’apprentissage d’une langue dès le CE1 fait son apparition. A partir de 1998, l’apprentissage des langues étrangères est de plus en plus proposé dans les classes d’école élémentaire. C’est avec les programmes de 2002 que les langues étrangères font leur apparition officiellement dans les classes, avec un volume horaire et un programme réglementés, et ce dès la grande section de maternelle. Ces programmes sont très axés sur l’oralité et s’appuient sur l’oreille souple des jeunes enfants afin de travailler « l’éducation de l’oreille » et « leur aptitude à écouter ». En 2005, le gouvernement souhaite encore plus développer les compétences orales des élèves en s’appuyant sur le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL). Ce cadre permet une harmonisation européenne. Il s’inscrit dans une optique de favorisation des compétences orales, qui sont mêmes devenues obligatoires au baccalauréat. Ainsi, les élèves doivent atteindre des paliers de compétences en langues (A pour un utilisateur élémentaire de la langue, B pour un utilisateur indépendant, et C pour un utilisateur expérimenté). A la fin de l’école élémentaire, les élèves doivent alors avoir atteint le niveau A1, qui représente le stade de découverte de la langue. Ils sont donc en théorie capables de communiquer de façon simple. Quatre activités sont alors proposées par le CECRL : la réception, la production, l’interaction et la médiation. Le CECRL a pour priorité la communication à des fins d’inclusion sociale, de mobilité et de diversité linguistique. Il préconise une approche actionnelle, c’est-à-dire une démarche qui entraîne nos élèves à accomplir des tâches authentiques, qui correspondent à la vie réelle, à l’aide de l’outil linguistique. La tâche devra être orientée vers un résultat concret, et conçue de telle sorte que les élèves puissent mettre en œuvre un ensemble de compétences, notamment celle de communiquer. En d’autres termes, les élèves apprennent par l’action, en construisant les compétences langagières en fonction des besoins. Le CECRL préconise également un travail en groupe pour favoriser la communication. En 2008, une langue étrangère est instaurée dès le CP, comme une « première sensibilisation ». L’oral est prédominant. Les BO de 2012 apportent quelques modifications sur les progressions que doivent faire les enseignants dans le cas des langues vivantes. L’oral est encore une fois favorisé. Les nouveaux programmes de 2016 mettent en avant de manière générale les langages et valorisent l’oral. Le programme en langues vivantes est mis à jour.

L’oral est maintenant la priorité. La langue orale s’organise autour de tâches simples. Les élèves travaillent la compréhension, la reproduction et progressivement la production. Un premier contact avec l’écrit peut être utilisé si la situation langagière le justifie. C’est pendant le cycle 2 que les élèves vont développer des attitudes indispensables à l’apprentissage d’une langue vivante étrangère : curiosité, écoute, attention, mémorisation, confiance en soi. Les élèves doivent pouvoir s’exercer à parler sans crainte ni réticence. Un climat de confiance est donc capital. C’est grâce à la répétition et à la régularité, et pourquoi pas même la ritualisation d’activités quotidiennes, que les élèves vont être mis en situation de progression et de réussite. Les programmes préconisent des activités ludiques. L’accent est mis sur le fait que le travail sur la langue est indissociable de celui sur la culture. Les programmes différencient les approches culturelles et les activités langagières. Les trois éléments concernant les compétences langagières s’intitulent ainsi dans les programmes :
– Comprendre l’oral
– S’exprimer oralement en continu
– Prendre part à une conversation .

Dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture de 2015, les langues étrangères apparaissent dans la compétence 1 : les langages pour penser et communiquer. La communication est mise en avant, d’où l’importance de l’oralisation en classe. Il est intéressant de noter que les langues vivantes et la langue françaises ne sont plus séparées comme dans le socle commun de 2006. Les langues apparaissent alors comme des éléments de pluralité et de diversité des répertoires langagiers des élèves.

Didactique d’apprentissage des langues étrangères

Chaque discipline a une didactique spécifique en fonction de différents facteurs :
– Les visées : culture, citoyenneté, communication, etc.
– Les fonctionnements institutionnels
– Les composantes structurelles : organisation, exercices, modalités de travail
– Les espaces
– Les effets de la discipline : contenus, rapport aux contenus .

Les langues étrangères tendent à être enseignées de plus en plus tôt. Ce phénomène résulte de diverses études montrant qu’il existerait une période dite «critique » pour apprendre plus facilement les langues étrangères. Le cerveau après cette période critique, située entre 6 et 15 ans, deviendrait plus rigide et l’apprentissage d’une langue nouvelle serait alors beaucoup plus complexe pour l’apprenant. Selon Gaonac’h (2006), lui-même s’appuyant sur les travaux de Penfield (1959), « l’apprentissage des langues serait plus « analytique » après cet âge, et ce mode d’apprentissage ne peut avoir l’efficacité d’une méthode « directe » ». Cependant, des études plus récentes, comme le dit Jonhstone (2002) dans son article, viennent infirmer cette théorie, affirmant que d’autres facteurs entreraient en jeu, comme le milieu scolaire ou familial, la motivation, les contextes d’apprentissage. Il est expliqué que les chercheurs ayant prouvé l’existence de la période critique ont commis trois erreurs. Ces erreurs sont de l’ordre de l’interprétation, de l’attribution et de l’accentuation. Au niveau de l’interprétation, les erreurs proviennent du fait qu’un enfant n’apprend pas plus vite, mais au prix «d’efforts importants ». L’erreur de l’ordre de l’attribution réside dans le fait d’avoir lié l’apprentissage langagier uniquement au fonctionnement du cerveau à un âge donné sans avoir pris en considération les fonctions cérébrales des bilingues tardifs. Enfin, l’erreur d’accentuation dont il est question reflète le fait que les apprenants à l’inverse des locuteurs natifs, n’ont pas à leur disposition le matériel nécessaire qui pourrait les amener à un niveau de langue proche du locuteur natif. Le temps imparti, la motivation ou encore le soutien lors de la formation sont des exemples qui peuvent expliquer les différences de niveau sans prouver l’existence d’une période critique.

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Table des matières

1. Introduction
2. Cadre théorique
2.1. Contexte professionnel
2.2. L’évolution de l’enseignement des langues vivantes dans les programmes
2.3. Didactique d’apprentissage des langues étrangères
2.4. Le jeu à l’école primaire
2.5. Créer un climat de communication
3. Cadre méthodologique
3.1. Description du dispositif
3.2. Objectifs
3.3. Méthodologie
3.4. Description des séquences
3.4.1. Séquence 1 : Family
3.4.2. Séquence 2 : Food
4. Résultats, analyse et discussion
4.1. Données et résultats
4.2. Analyse et discussion
4.3. Limites et perspectives
5. Conclusion
6. Annexes
7. Bibliographie

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