Dans le cadre de ma première année de Master Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation mention premier degré (MEEF 1er degré), j’ai eu l’occasion d’intégrer le séminaire de recherche « Jeu et/ou apprentissages ». Au cours de mon cursus universitaire, j’ai eu la chance d’effectuer différents stages d’observations au sein de classes de différents niveaux. J’ai pu me rendre compte notamment de l’importance de l’utilisation de supports d’apprentissages stimulants pour l’élève, afin d’accroître sa motivation et de maintenir son attention. Le jeu est prépondérant dans la vie d’un enfant et paraît être un outil à explorer pour générer des apprentissages et favoriser l’envie et la curiosité des élèves. Cependant, si le jeu est largement plébiscité dans les programmes de l’école maternelle (cycle 1), on parle notamment d’ « apprendre en jouant » , il tend à disparaître peu à peu des programmes des cycles 2 et 3. Le jeu apparaît seulement dans le cadre de l’éducation musicale avec les jeux vocaux notamment ainsi qu’en éducation physique et sportive lors de jeux collectifs. Il n’est pas une préconisation, tout du moins dans les programmes à partir du CP.
A 6 ans, âge moyen d’entrée en Cours Préparatoire, les élèves sont jeunes et le jeu fait toujours partie de leur quotidien tout comme il l’est en CM2 voire au-delà, mais sous des formes différentes. Il serait donc nécessaire de s’interroger sur sa place dans les apprentissages et les bénéfices qui pourraient en être tirés pour le développement des élèves. Le jeu a-t-il de réels effets sur la motivation des élèves ? Peut-il impacter leur attention ? Est-il un véritable vecteur d’apprentissages ? Voici autant d’interrogations qui ont suscité ma curiosité sur la thématique du jeu. Malgré tout, j’avais la volonté d’axer ma recherche sur une discipline particulière afin de comprendre comment le jeu pourrait servir ou non cette dernière. Mon expérience en stage m’a permis d’affiner cette réflexion.
Qu’est-ce que le jeu ?
Dans la plupart des définitions proposées dans les dictionnaires, le jeu est présenté comme ayant pour seul but le divertissement et le plaisir. On parle d’ailleurs « d’activité d’ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s’adonne pour se divertir, en tirer un plaisir» (Larousse en ligne, s.d ). Le jeu n’aurait donc pas d’utilité. Cependant, ici nous allons plutôt penser le jeu comme un outil établit par un ensemble de règles et qui va orienter les élèves vers un objectif d’apprentissage. Chamberland et al, le définisse de la manière suivante : « Interaction des apprenants dans une activité à caractère artificiel, où ils sont soumis à des règles et dirigés vers l’atteinte d’un but ».
Qu’est-ce que l’attention ?
L’attention fait partie des quatre piliers de l’apprentissage présentés par Stanislas Dehaene dans son ouvrage Apprendre !: Les talents du cerveau, le défi des machines. Parmi, l’engagement actif, le retour sur l’erreur et la consolidation qui sont les 3 autres piliers, l’attention se définit comme le moyen de sélectionner une information appropriée et de la mettre en relief. Ainsi, les éléments négligeables sont mis de côté pour ne focaliser l’apprentissage que sur ce qui est important à un moment précis. L’attention est à distinguer de la concentration. Elle permet d’engager l’individu sur un temps relativement court contrairement à la concentration qui correspond à une implication « en vue d’une production sur une longue durée. » (Heyman, 2021, p. 25) .
L’enseignement des langues étrangères à l’école primaire
Contexte historique
Aujourd’hui, la découverte et l’apprentissage d’une langue vivante étrangère dans le parcours scolaire des élèves français est indispensable. Ils permettent aux jeunes de prendre conscience du monde dans lequel ils vivent, dans toute sa diversité linguistique. Partout dans le monde, environ 7 000 langues sont utilisées pour communiquer, s’exprimer et échanger. Une pluralité dont les élèves devraient avoir connaissance dans le but de comprendre l’importance de l’apprentissage d’au moins une langue étrangère dans leur scolarité primaire. Le marché du travail s’ouvre de plus en plus à l’international. Apprendre à communiquer dans une autre langue que le français devient alors un outil nécessaire afin de permettre à ces futurs adultes de s’insérer, de la meilleure des façons, dans la vie professionnelle. Durant de nombreuses décennies, beaucoup de questions se sont posées concernant l’âge à partir duquel il serait judicieux de débuter l’apprentissage d’une langue étrangère. Officiellement, cet apprentissage a démarré en 1961 avec le concours de l’Ecole normale supérieure de Saint Cloud. Ensuite, à partir de 1964, l’enseignement de l’allemand s’est instauré dans quelques écoles maternelles. « La circulaire de 1972 précisa les modalités d’enseignement : période de «sensibilisation » à la maternelle, « d’approfondissement » au CP et au CE1, et de « structuration » au CE2, au CM1 et au CM2» (Bablon, 2004, p. 12). Jusqu’en 1989, l’enseignement des langues étrangères fut limité jusqu’à être presque supprimé dans les écoles normales. Ce n’est que dans les textes de 1989-1990, que la décision de relancer cet enseignement fut proposée. Tout d’abord, il s’agissait uniquement d’une sensibilisation et par la suite, d’un véritable apprentissage. « Dès la rentrée 2002, l’enseignement d’une langue vivante devient obligatoire au cycle 3 [CE2, CM1 et CM2], bénéficiant du même coup d’un statut équivalent aux autres domaines enseignés à l’école primaire » (Bablon, 2004, p. 17). A présent, il débute dès le CP, soit à partir du cycle 2, selon les programmes du Ministère de l’Education Nationale. Cependant, un « éveil à la diversité linguistique » 4 sous forme de jeu débute dès la maternelle. L’objectif pour ces jeunes enfants est de « découvrir l’existence de langues, parfois très différentes de celles qu’ils connaissent. » .
Un plan de rénovation de l’enseignement des langues vivantes étrangères a été mis en place en 2005 dans les écoles élémentaires, les collèges et les lycées. C’est à partir de celui-ci, notamment, que l’acquisition de compétences principalement orales en primaire, ont été mises en avant en accord avec le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL). Comme nous l’avons vu précédemment, ce type de projet naît de la volonté de développer davantage les savoirs, les capacités et les compétences des élèves dans le but d’une « ouverte européenne et internationale » (Belleville, s. d., p. 1).
Pourquoi apprendre une langue étrangère ?
L’école est un milieu riche du point de vue de la diversité qu’elle soit culturelle, sociale ou linguistique. Elle permet ainsi une ouverture d’esprit et une compréhension du monde pour les élèves. L’enseignement d’une langue étrangère dès le CP, permet d’enrichir les connaissances et les compétences des élèves en leur permettant de découvrir le monde dans lequel ils vivent. Voir au-delà des frontières pour comprendre comment vivent les populations à l’étranger, quelles sont leurs cultures, leurs traditions, autant de points qui participent à l’épanouissement de l’élève et à son développement. « Cette approche des diversités culturelles doit amener l’élève à s’interroger sur sa propre culture et la comparer avec d’autres. En s’intéressant à la langue d’autres pays, il aura un autre regard sur sa propre langue et arrivera à la construire sur des bases encore plus solides » (Chauvel et al., 2019, p. 9).
Apprendre une langue étrangère ne se résume pas uniquement au cadre scolaire et normalisé de la syntaxe ou du lexique. Cela va bien au-delà. Apprendre une nouvelle langue, c’est prendre conscience de l’autre, de la personne qui ne parle pas comme soi et des difficultés de communication. Malgré des écarts importants dans la manière de s’exprimer, des points de convergence peuvent apparaître. Ils sont source de rencontre et de partage. C’est dans ce sens, que l’enseignement des langues vivantes est caractérisé dans les programmes scolaires.
Quels enjeux ?
Pour le cycle 1
Le cycle 1, qui correspond aux différents niveaux de maternelle n’est pas concerné à proprement parlé par l’enseignement des langues étrangères. En revanche, il est tourné vers l’apprentissage du vivre ensemble. On sait que les classes sont composées d’élèves issus d’origines culturelles variées, il semble donc primordial de travailler l’éveil à la diversité linguistique. Il s’agit pour l’enseignant de faire « découvrir l’existence de langues, parfois très différentes » de celles que les élèves peuvent connaître et entendre au quotidien. L’enjeu majeur est de développer la conscience phonologique.
Pour les cycles 2 et 3
Pour ce qui est de l’enseignement des langues vivantes au cycle 2 (du CP au CE2), l’accent est porté sur le développement du langage oral. Celui-ci se fait au travers de tâches simples et d’activités variées, ciblées sur les centres d’intérêts des élèves afin de les engager dans l’action sans crainte. L’entrée dans la langue étrangère se fait grâce à des actions tournées vers le quotidien de l’enfant que ce soit l’environnement de la classe ou bien encore de la famille. Il peut s’agir également d’une approche plus culturelle avec la découverte par exemple, des traditions du ou des pays dans lesquels est parlée la langue en cours d’apprentissage. « C’est dans ce cycle que se développent, en premier lieu, des comportements indispensables à l’apprentissage d’une langue vivante étrangère ou régionale : curiosité, écoute, attention, mémorisation, confiance en soi » (Chauvel et al., 2019, p. 6).
Concernant le cycle 3 (du CM1 à la 6ème), l’objectif à terme est d’atteindre le niveau A1 du CECRL dans les cinq activités langagières suivantes :
– Ecouter et comprendre
– Lire et comprendre
– Parler en continu
– Ecrire
– Réagir et dialoguer.
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Table des matières
Introduction
Définitions des concepts
1. Qu’est-ce que le jeu ?
2. Qu’est-ce que l’attention ?
Cadre théorique
I- L’enseignement des langues étrangères à l’école primaire
1. Contexte historique
2. Pourquoi apprendre une langue étrangère ?
3. Quels enjeux ?
3.1 Pour le cycle 1
3.2 Pour les cycles 2 et 3
4. La France : monolinguisme, multilinguisme ou plurilinguisme ?
5. Les conditions favorables et les méthodes utilisées
II. Le jeu
1. Le jeu et ses caractéristiques
2. Typologie des jeux
3. Classification des jeux
3.1 La classification de Roger CAILLOIS
3.2 La classification ESAR
4. Les jeux avec la langue
4.1 Les jeux de prononciation et de lexique
4.2 Les jeux de communication
5. Jouer et apprendre : compatibilité ?
6. Les avantages du jeu
6.1 Généralités
6.2 Les avantages spécifiques du jeu en langue étrangère
7. Les limites du jeu
8. L’impact du jeu sur l’attention des élèves
Conclusion du cadre théorique
Cadre Méthodologique
A. Le choix d’enquête
1. Le choix de la méthode utilisée lors des séances d’anglais
2. Présentation du terrain
3. Présentation des séances d’anglais menées en classe de CM2
a. La séance 7 – Lire et écrire les super-pouvoirs
b. La séance 8 – Préparer son défilé de Cosplay
B. Données et analyse
1. Le jeu « go fish » : deux groupes d’élèves et des approches du jeu différentes
1.1 Les règles du jeu et le matériel
1.2 Quelques précisions
2. Le temps de jeu dans la classe n°1
2.1 Description de la situation de jeu du groupe de la classe 1
2.2 Analyse de la situation de jeu du groupe de la classe n°1
3. Le temps de jeu dans la classe n°2
3.1 Description de la situation de jeu
3.2 Analyse de la situation du groupe de la classe n°2
4. Ce que l’on peut tirer du temps de jeu de ces deux groupes
5. Jeu collectif (le time’s up) : des élèves qui accrochent et des élèves qui décrochent ?
5.1 Les règles du jeu du Time’s up
5.2 Observations et analyses
Discussion des résultats
1. Le jeu : un « décontrôle contrôlé des émotions » ?
2. La place de l’enseignant dans les situations de jeu
3. Jeu en collectif et communauté discursive
3.1 Interlangue
3.2 Métalangage
4. Le sens donné par les élèves sur le jeu
4.1 La façon dont le jeu est présenté par l’enseignant
4.2 Le type de jeu (agôn, ilinx , mimicry, alea)
4.3 La personnalité et l’état émotionnel de l’élève au moment de jouer
4.4 La vision de l’école et du jeu
4.5 Les difficultés scolaires de l’élève
5. Jeux, séances et méthode de l’enquête : des améliorations possibles ?
5.1 Variante du jeu « Go fish »
5.2 La méthode et les compétences travaillées
Conclusion
Bibliographie
Annexes