Le jeu en lui-même une véritable source d’apprentissages

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Le jeu en lui-même une véritable source d’apprentissages

Le jeu, prenons-le au sens d’activité ludique, a, dans sa plus simple utilisation déjà beaucoup de conséquences sur les connaissances, les attitudes et les habilités du joueur. C’est un véritable vecteur d’apprentissages, une véritable activité développant de nombreuses compétences transversales.
« Dans de réelles situations ludiques, l’enfant guidé par le plaisir de la recherche et de la découverte, vivra de multiples expériences dans lesquelles ses potentialités mentales, perceptives, motrices et sociales seront sollicitées. »51
Premièrement, le jeu, particulièrement à la maternelle, permet à l’enfant de devenir élève. « Le jeu ne se contente pas d’être un moyen de défoulement, il tempère et règle le comportement, l’exubérance, pour provoquer au contraire la concentration, l’attention. »52 Selon les Instructions Officielles, comme nous l’avons vu précédemment, il constitue ainsi un passage progressif vers l’exercice en donnant goût à l’effort, à la difficulté et permet le développement du vivre ensemble. Cette faculté de socialisation du jeu me parait primordiale et ceci tout au long de la scolarité. En effet, grâce à celui-ci, les élèves apprennent à jouer ensemble, à confronter leur point de vue et donc à communiquer, à se contrôler, à partager, à attendre leur tour, à trouver leur place au sein d’un groupe. Il favorise le développement affectif et relationnel tout en permettant l’apprentissage des règles de vie. Par ailleurs, des compétences relatives à l’instruction civique sont aussi travaillées. L’élève apprend à respecter des règles, à comprendre la nécessité de celles-ci, à agir avec les autres, à prendre des décisions et donc développer son autonomie et son esprit d’initiative, à gérer ses frustrations aussi. Il apprend à se confronter aux autres lors de jeux de compétition mais aussi à collaborer dans les jeux de coopération où les décisions doivent être prises en commun pour pouvoir gagner le jeu. Ces jeux coopératifs, dans lesquels le but est de parvenir à un objectif commun, contribuent à développer l’esprit d’équipe. En effet, ils sont tous gagnants ou tous perdants comme dans le jeu « Si on faisait la paix »53 dans lequel il est nécessaire de mettre en place une stratégie collective pour résoudre des conflits (guerres, manifestations, altercations) et venir signer la paix avant que le méchant ait causé des ravages. Ce jeu est très intéressant pour la régulation de la vie de classe. Le jeu permet donc l’acquisition de compétences sociales et civiques.
Ces effets du jeu sur le comportement et la socialisation sont d’ailleurs les raisons pour lesquelles M. Coué, le directeur de l’école que j’ai pu rencontrer, a choisi, avec son équipe, le jeu comme thème de l’année. Les relations étant conflictuelles dans sa classe, certains élèves étant exclus, il souhaitait à travers des jeux rassembler ses élèves ou du moins leur apprendre à se respecter, à se découvrir. On comprend ici que le choix des jeux peut être très large car c’est plutôt la situation de jeu en elle-même qui nous intéresse. Le jeu développe donc bien un ensemble de savoir-être que l’on retrouve dans les Instructions Officielles.
Ensuite, le jeu est une approche culturelle riche. Les élèves se constituent une culture ludique qui fait partie de notre patrimoine culturel. Des compétences liées à la culture humaniste et à l’histoire sont développées. Les élèves peuvent découvrir des jeux d’autres pays, des jeux traditionnels d’une région, d’une époque. Cela peut d’ailleurs s’inscrire dans un beau projet de découverte du monde (étude de l’Awalé et des différents jeux africains puis des jeux d’autres régions du monde). Le jeu offre une multitude de possibilités, ici par exemple à partir du jeu peut naître un échange avec les enfants d’autres pays sur le thème du jeu ou plus simplement un échange interclasse où les élèves s’expliquent mutuellement les règles du jeu rencontré et jouent ensemble. Un véritable travail de socialisation et de verbalisation est alors fait en s’amusant. Les nombreuses situations de communication créées au sein même du jeu à plusieurs favorisent le développement langagier. Le jeu parait ainsi être un bon support transversal. Dans l’école qui a pour thème de l’année, le jeu, il est ainsi utilisé. Histoire, français, instruction civique sont mêlés. Les élèves ont parfois la possibilité de créer leurs propres règles et travaillent alors avec plaisir leur expression écrite pour ensuite les faire connaitre aux autres. Il développe leur imagination et leur créativité.
De plus, le jeu permet le développement cognitif des élèves. Il développe, par exemple, les capacités de mémorisation des élèves avec des jeux de Memory mais aussi et surtout leurs capacités de raisonnement. Ils mettent en place des stratégies comme dans les jeux d’échecs ou de dames ou encore le Mastermind54. Ces stratégies reposent sur un ensemble de décisions issues de raisonnements dans lesquels l’élève doit prendre en considération ce qu’il a le droit de faire ou non dans le jeu et doit trier et sélectionner les informations pertinentes. Cela revient à « construire de l’information avec les informations existantes, inférer de l’information du comportement des autres joueurs, spéculer sur l’information disponible, ou sur les coups des joueurs, donc anticiper. »55 A travers le jeu, l’élève apprend donc à traiter l’information, il procède à des raisonnements hypothético-déductifs. « Les jeux ont un impact positif parce qu’ils permettent aux apprenants de développer la logique requise pour résoudre un problème tout en vivant l’expérience de ce dernier dans un environnement d’apprentissage amusant et une atmosphère détendue. »56
Par ailleurs, le jeu permet aux élèves d’expérimenter sans crainte, sans peur de l’erreur. L’enfant fera différents essais jusqu’à réussir et ainsi intégrer des connaissances. Selon Sabine De Graeve, « ce type d’apprentissage se structure comme suit : problème -> tentative de solution -> échec -> nouvelle tentative -> solution -> intégration de l’idée (=apprentissage). »57 On peut y voir ici un parallèle avec la démarche expérimentale utilisée en sciences. Il est d’ailleurs intéressant de travailler la problématisation dans ce genre de pratique et pas seulement la résolution comme le relève Michel Fabre58. En effet, ces problèmes sont souvent prétextes à l’apprentissage et oubliés dès que la solution est trouvée or selon lui les savoirs ne peuvent pas être détachés des questions qu’ils engendrent. L’élève doit réellement prendre conscience du problème et ainsi répondre à une question qu’il se pose lui-même. Sabine de Graeve précise que la connaissance ainsi obtenue sera intégrée de façon solide car il l’aura élaborée par lui-même. « La charge émotionnelle véhiculée par le jeu accentue la trace. »59 Louise Sauvé, Lise Renaud et Mathieu Gauvin dans leur analyse déclarent que « les jeux favorisent la structuration des connaissances, c’est-à-dire qu’ils permettent à l’apprenant la construction et l’organisation de schémas ou de représentations afin de comprendre un concept ou une situation donnée. Ainsi, les jeux améliorent et renforcent la connaissance de la matière à l’étude. »60 Ils ajoutent que le jeu permet au joueur « d’établir le lien entre des connaissances acquises mais qui demeurent abstraites et des connaissances concrètes. » Il permet donc la concrétisation des apprentissages.
Au niveau du développement moteur, le jeu permet l’amélioration de la motricité avec les jeux d’adresse comme le Mölkky61 par exemple. Cet aspect est totalement intégré à l’école car de nombreux jeux sont utilisés en éducation physique et sportive sans que cela pose les mêmes problèmes que dans les autres matières.
Bien sûr l’un des atouts indiscutables du jeu est la motivation qu’il apporte. Les enfants aiment et ont besoin de jouer, la forme ludique les attire très rapidement. Lorsqu’ils jouent, les enfants sont complètement absorbés par le jeu, ils s’y investissent pleinement, l’attention est soutenue. « Persévérance et courage sont exploités au mieux. »62. Nicolas Pelay dans sa thèse sur le jeu et les apprentissages mathématiques montre que « le jeu est un moteur de la dévolution. » De nombreuses situations problèmes en mathématiques sont d’ailleurs exposées sous forme de petites devinettes pour attirer l’élève, lui donner envie de chercher, accepter l’apprentissage. Pour lui, « en jouant, la personne s’investit aux niveaux intellectuel et affectif. Elle agit et se sent responsable de trouver par elle-même (ou en équipe) de nouvelles stratégies pour réussir, si bien que le jeu favorise l’implication de la personne. »63 Il permet à l’élève d’être acteur de son apprentissage. De plus, il permet d’impliquer tous les élèves, même les plus en difficulté qui devant la gratuité de leur action, la non-évaluation ressentie performent d’ailleurs parfois aussi bien que les bons élèves habituels. Ainsi, « le plaisir de jouer, le défi, l’aspect compétitif, l’interaction entre les joueurs, l’effet d’entrainement et la possibilité de gagner des points, l’excitation et l’enthousiasme suscités par la participation au jeu »64 sont de réels facteurs de motivation, indispensable à l’apprentissage.
En outre, le jeu permet aussi à l’enseignant d’observer ses élèves, de mieux repérer leurs difficultés pour mieux y pallier ensuite. Il permet aussi de répéter, de réutiliser des notions sans être trop rébarbatif. L’enseignant peut également utiliser le jeu pour remédier à des difficultés rencontrées par certains élèves suite à une leçon. Cela lui permettra d’offrir une approche différente et de préserver plus facilement leur motivation pour affronter les difficultés rencontrées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les orthophonistes ont recours au jeu. En effet, le jeu « soutient positivement l’estime et la confiance en soi, l’engagement, le désir de persévérer et d’accomplir une tâche. »65 C’est aussi un moyen d’auto-évaluation pour l’élève car s’il perd il réalise qu’il n’a pas encore tout compris.
Jouer c’est donc vivre des temps d’apprentissages autrement. Le jeu peut répondre pleinement aux exigences des IO et permet cela dans un contexte d’amusement. Il offre une coupure dans la suite habituelle des activités de la journée scolaire et le rapport souvent frontal avec l’enseignant, ce qui remobilise les élèves face à l’apprentissage. En résumé, le jeu tout en motivant l’élève lui permet de structurer, consolider et même intégrer des connaissances. Il permet la résolution de problèmes et favorise la coopération, la communication et ainsi influence les relations sociales. Mon hypothèse selon laquelle le jeu permet l’apprentissage et à toute sa place à l’école est donc confortée théoriquement. Après avoir étudié les impacts du jeu sur les apprentissages en général, intéressons-nous plus particulièrement à son utilisation en sciences.

L’exemple de son apport en sciences

Lorsque je parle de sciences, je considère ici les mathématiques et les sciences expérimentales et technologiques.
Tout d’abord, à mon sens, le domaine des mathématiques est le plus propice au jeu et c’est d’ailleurs dans ce domaine que les enseignants l’utilisent le plus d’après ce que j’ai pu observer lors de mes stages en classe de MS-GS, CP-CE1 et CM1-CM2. En effet, les mathématiques étant souvent difficiles pour les élèves à cause de leur caractère abstrait font l’objet d’activités ludiques diverses. Le jeu « favorise la pratique, passe souvent par le concret, tient l’esprit en recherche et propose un espace récréatif dans un domaine considéré, parfois à tort comme ardu, carré, fermé ».66 Le jeu les aide à concrétiser, visualiser, donner du sens. Raymond Jegou, cité par les membres de l’association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public67, remarque que par le jeu les enseignants arrivent à intéresser, à captiver les élèves les plus réfractaires aux mathématiques et que d’ailleurs ils se retrouvent aussi bons que les « bons » élèves habituels.
Les jeux du commerce comme les Dames, les Echecs, le Mille bornes, … peuvent être de très bons jeux pour travailler les compétences mathématiques. L’enfant compte sans vraiment le réaliser, il comprend la nécessité de savoir compter, calculer et de trouver des méthodes pour le faire plus vite, comme la multiplication. Dans un jeu comme le Mille bornes68, le calcul est omniprésent. L’enfant effectue les calculs pour pouvoir continuer et avancer dans le jeu, il n’est pas bloqué par une quelconque évaluation car il est pleinement dans le jeu et ne voit plus que ça. Tous les sous-domaines mathématiques peuvent faire appel au jeu, que ce soit le domaine :
– « nombre et calcul » avec des jeux comme le Rummikub69 où le but est de faire des suites ou des collections avec des nombres ou Le compte est bon70 où le but est de trouver un résultat imposé, à partir de 5 nombres donnés au départ et les opérations de son choix. Cela permet de travailler l’organisation des calculs pour trouver un résultat par calcul mental ou posé. Ce jeu à l’avantage de pouvoir être adapté en fonction du niveau des élèves ;
– « géométrie » avec des jeux de pions pour se repérer dans un plan ou des jeux de repérage comme Quarto71 où le but est de réussir à faire des lignes comme au Puissance 472
sauf que celles-ci peuvent être des lignes de couleur (pièces claires ou foncées), de forme (pièces rondes ou carrées), de taille (pièces hautes ou basses) ou un alignement de pièces pleines ou creuses. D’autres jeux de reconnaissance de polyèdres à la façon du Qui est-ce ? peuvent aussi être utilisés pour travailler sur les propriétés de ceux-ci au cycle 3 et sur le vocabulaire spécifique (face, arête, sommet) ;
– « grandeurs et mesures » avec des jeux de reproduction de figures dans lesquelles ils devront utiliser des instruments pour mesurer des longueurs, reproduire des angles, etc.
– « organisation et gestion de données » avec des jeux comme la bataille navale où il va falloir être capable de lire les coordonnées d’un point ou placer un point dont on connait les coordonnées (compétences cycle 3), ou des jeux comme Le carré de chocolat empoisonné73, La course à 2074, jeux dans lesquels on procède à une analyse pour trouver la stratégie. Ce sont de véritables problèmes pour chercher au travers de jeux plus que motivants pour les enfants, que je mettrai en place dans la suite de ce travail afin de montrer que jeu et apprentissage sont loin d’être antinomiques.
Il peut être très intéressant comme j’ai eu l’occasion de le voir, de fabriquer des livrets souvent appelés plans de travail, constitués de toutes sortes de ces jeux, que l’élève pourra utiliser après avoir fini une activité par exemple. L’accès à ces jeux est alors complètement libre pour l’élève même s’il devra quand même avoir terminé ce livret à la fin de l’année mais cela ne pose aucun soucis car l’élève ne le laisse absolument pas de côté tellement il y prend plaisir. Dans celui que j’ai eu l’occasion de regarder, de nombreux Sudoku75, des quadrillages pour reproduire des figures symétriques, des devinettes étaient présents.
Tous ces jeux permettent d’aborder ou de fixer de nouvelles notions. Par exemple, les jeux de devinettes sur les polyèdres permettent d’aborder les différentes familles existantes pour que les questions pour le trouver soient moins nombreuses, plus pertinentes et donc que l’on trouve plus facilement. L’enseignant pense à un polyèdre et les élèves doivent poser le moins de questions possible pour trouver duquel il s’agit. Au bout de plusieurs manches, ils comprennent qu’il faut utiliser le classement des polyèdres pour être sûr plus rapidement (cylindre, cône ou pyramide, prisme droit, etc.) Ils ont donc cherché, organisé leur recherche, trouvé des méthodes de recherche. En même temps, ces jeux de devinettes permettent de fixer le vocabulaire en utilisant à répétition les mots arête, sommet, face, etc. Le choix d’un jeu mathématique est fonction de ses caractéristiques et des compétences que l’on souhaite travailler.
Par ailleurs, en mathématiques, le jeu est aussi un excellent outil de remédiation. Par exemple, de nombreux jeux de cartes existent pour travailler sur la comparaison, le rangement et l’encadrement des nombres comme des jeux de bataille, de nombreux jeux de sept familles aussi pour travailler sur les différentes familles de dizaines (famille des 10, famille des 20, etc.) ou sur les opérations (famille des 8 : carte 4×2 ; carte 4+4 ; etc.).
« Le jeu favorise le développement d’habiletés en résolution de problèmes. Il permet le développement chez l’apprenant de stratégies et l’amélioration de ses capacités à prendre des décisions, à comprendre un problème, à poser des hypothèses de solutions et à solutionner un problème étudié »76 selon Louise Sauvé, Lise Renaud et Mathieu Gauvin. Il semble donc avoir toute sa place en mathématiques mais en sciences expérimentales et technologie aussi où la démarche expérimentale occupe une grande place.
Pourtant, en sciences expérimentales et technologie, le recours au jeu est beaucoup moins présent et même la plupart du temps absent. Dans le Bulletin Officiel du 19 juin 2008, il est dit que « les sciences expérimentales et technologies ont pour objectif de comprendre et de décrire le monde réel, celui de la nature et celui construit par l’Homme, d’agir sur lui et de maîtriser les changements induits par l’activité humaine. »77 Il est ensuite précisé que « observation, questionnement, expérimentation et argumentation sont essentiels pour atteindre ces buts ; c’est pourquoi les connaissances et les compétences sont acquises dans le cadre d’une démarche d’investigation qui développe la curiosité, la créativité, l’esprit critique et l’intérêt pour le progrès scientifique et technique. » Le jeu peut donc tout à fait être propice aux apprentissages scientifiques. Sabine De Graeve, en parlant de sa catégorie des jeux expérimentaux en maternelle, affirme que « c’est dans l’interrogation active, la découverte de situations problèmes que les enfants construisent les premiers concepts et les formes de raisonnement qui leur permettront d’accéder ensuite aux savoirs scientifiques et mathématiques. »78 En maternelle comme en élémentaire, le jeu permet donc aux enfants de découvrir le monde. « Le jeu permet à l’enfant d’agir, de mettre en place des gestes justes, de découvrir les propriétés des matières, les outils et leur fonction, les techniques et leur utilité.»79
N’est-il pas possible de retirer des apprentissages liés à la biodiversité, à l’écologie, en jouant à poule, renard, vipère80 ? Il est certain que les interventions de l’enseignant pour faire réfléchir à ce qu’ils ont compris dans le jeu sont indispensables mais il est aussi fort probable que les enfants comprennent mieux que lors d’une leçon classique et surtout retiennent mieux. De plus, cela aura permis l’interdisciplinarité. En effet, en partant d’un jeu en éducation physique et sportive, les enfants font des sciences.
Cependant, il est vrai qu’en sciences, il peut être plus difficile de trouver des jeux. De plus, les enseignants ont déjà beaucoup recours à l’expérience pour rendre les apprentissages plus vivants et concrets et pratiquer la démarche d’investigation scientifique qui est au cœur des programmes. Mais je me suis posée la question d’un éventuel rapprochement entre l’expérience et le jeu dans le sens où, comme on a pu le voir dans les citations ci-dessus, le jeu aussi permet de mettre en place la démarche d’investigation, de manipuler, d’expérimenter, de faire des hypothèses, les valider ou non, argumenter et de découvrir différentes propriétés scientifiques. D’ailleurs souvent les expériences, je parle bien ici de celles faites par les enfants et non celles réalisées par l’enseignant devant eux, sont souvent présentées sous forme de jeux aux enfants. Le jeu est un lieu d’expérience pour l’enfant. Il est vrai qu’elles apportent un certain côté ludique qui explique certainement l’utilisation de ce terme mais il est nécessaire de ne pas oublier les autres caractéristiques du jeu pour ne pas tout dénommer ainsi. Par exemple, l’une des différences est que dans le jeu, l’imaginaire du monde comme l’invention de ses lois est toujours possible.
Ensuite, malgré le fait que les programmes ne mentionnent pas véritablement cette utilisation du jeu hormis en maternelle, comme nous l’avons soulevé précédemment, il est à noter qu’en 2011, le Ministère de l’Education nationale donne une place plus importante au jeu dans son plan de rénovation sciences et technologies : « L’apprentissage de règles du jeu parfois complexes, la démarche par essais et erreurs, les recherches de causalité, d’équivalence, de temporalité sont assez semblables dans les jeux et les situations de séquences scolaires, tout particulièrement dans le domaine des enseignements scientifiques. » « Le jeu permet d’installer un environnement favorable à l’apprentissage en liant travail et plaisir. »81
Le jeu en sciences semble donc peu à peu convaincre de sa place à l’école même s’il n’est pas toujours évident de le mettre en œuvre et que, comme toute pédagogie, il a ses limites.

Les limites et la place de l’enseignant dans ces jeux

La première limite à prendre en compte lors de l’utilisation des jeux à l’école porte sur le fait que le jeu ne constitue pas à lui seul une leçon. Il ne fait pas tout. Il demande parfois un après-jeu s’il a servi à aborder une notion ou un avant-jeu s’il est utilisé pour fixer des notions et nécessite toujours des pauses au cours de celui-ci pour que les élèves analysent ce qu’ils l’école. Repéré à  font. En effet, « une phase de formalisation des connaissances est nécessaire, dans laquelle l’enseignant mettra en évidence les apprentissages réalisés et les validera comme des savoirs légitimes. »82 Durant cette phase, les élèves peuvent, par exemple, analyser les stratégies mises en place pour élaborer et comprendre les stratégies gagnantes, comme dans le cadre d’un jeu tel que la course à 2083. Il est à noter que même si le jeu n’est pas une leçon à part entière, il n’est pas une perte de temps. Un des points souvent relevés quant à la non-utilisation des jeux à l’école est que les programmes sont très chargés et donc il n’y a pas de temps pour les jeux. Cependant, une situation de jeu ne s’ajoute pas à une autre situation de découverte de la notion par exemple, elle constitue elle-même cette découverte. De même, elle ne s’ajoute pas à un autre temps de fixation de la connaissance, elle constitue ce temps. Il ne vient donc pas en plus du temps prévu à telle ou telle leçon. En pratique, il peut être cependant plus difficile de trouver des jeux permettant d’aborder de nouvelles notions que des jeux permettant d’exercer des compétences, de mobiliser des connaissances pour les fixer.
De plus, la pédagogie du jeu n’est pas la panacée à tous les apprentissages comme toute autre pédagogie. Je ne prône pas une utilisation permanente du jeu et de tous les types de jeu car il est certain que l’on ne peut pas tout apprendre par le jeu et que les enfants se lasseraient de ce fonctionnement permanent, voulant au bout d’un moment « travailler » car, pour eux, même s’ils apprennent à travers le jeu, ce n’est pas du travail comme l’explique Sabine De Graeve84. Il serait inadapté d’utiliser une seule méthode d’enseignement. Cependant, comme je l’ai montré théoriquement et comme j’essaierai de le prouver à travers mes mises en œuvre dans des classes, le recours à cette pédagogie est fort intéressant et se doit d’être développé. Il permet de rompre avec le quotidien de la classe tout en confortant ou développant les apprentissages et les acquisitions et en favorisant la participation de tous, même des plus passifs habituellement ou des plus en difficulté.
Mais aussi, afin de ne pas nuire au plaisir de jouer, le jeu ne doit pas être une évaluation directe. Certes, l’enseignant voit si les notions sont acquises à travers celui-ci puisque le joueur doit être capable de justifier ses choix mais aucune note ne doit découler directement du jeu car l’un de ses principaux atouts est de permettre aux élèves de ne pas être stressé par ce regard évaluateur. « L’évaluation conduit à perdre la dimension frivole de la situation et donc à casser la dimension ludique. »85 On peut cependant parfois la rendre ludique. Par exemple, dans un jeu comme les bidules de Dominique Valentin86, l’évaluation a lieu implicitement lors de l’échange des jetons contre le bon nombre de bidules correspondants (un jeton bleu vaut 2 bidules, un jeton vert en vaut 5, etc., l’objectif est d’associer une quantité à la valeur d’un élémentaire, en grande section). Ensuite, le jeu demande un temps de préparation très important à l’enseignant. En effet, il doit réfléchir à l’objectif visé puis, pour y répondre, parfois créer le jeu et donc faire preuve d’imagination. Il est essentiel qu’il le maîtrise parfaitement pour le proposer. Malgré cela, un lot d’incertitudes reste présent notamment au niveau du temps à prévoir. Il peut s’avérer difficile d’estimer le temps nécessaire pour que les élèves comprennent le jeu et atteignent l’objectif fixé. Un jeu non terminé par les enfants avant de devoir passer à autre chose est souvent à l’origine de frustration. Il faut aussi faire attention à ne pas proposer un jeu trop compliqué qui détournerait rapidement les enfants du plaisir et ne serait donc plus un jeu et plus du tout efficace. Le choix du jeu est donc essentiel. « On peut en effet très bien ennuyer nos élèves à propos d’un jeu, et les enthousiasmer à propos d’exercices classiques. »87 D’ailleurs un bon jeu est un jeu aux consignes simples, un jeu qui donne envie de s’y engager et qui privilégie la manipulation directe. Claude Hebting88 explique que les difficultés doivent être apportées au fur et à mesure du jeu mais la situation de départ doit être simple pour que les élèves entrent facilement dans le jeu et que cela les encourage à poursuivre. La variété des jeux proposée est nécessaire pour éviter que les enfants se lassent et que l’on perde les vertus du jeu. Il est aussi important qu’il donne aux élèves l’intention de ce qu’ils font, à un moment donné. Il doit faire réaliser aux élèves l’efficacité du jeu dans l’apprentissage.
De plus, l’enseignant doit repérer à quels moments il est bon d’intervenir. Sa place dans le cadre du jeu est modifiée par rapport au contexte habituel mais reste primordiale. Dans un jeu comme la course à 2089, il doit savoir se mettre en retrait, se taire et laisser les élèves réfléchir tout en saisissant les bons moments pour leur demander de faire de petits bilans sur les stratégies employées, de prendre du recul et ainsi avancer l’analyse au fur et à mesure. Il est surtout observateur et n’intervient que si l’élève demande son aide. Son observation doit d’ailleurs être discrète. En effet, certains auteurs comme Nicole De Grandmont90 soutiennent que l’observation de l’adulte casse le jeu. Il est vrai que certains élèves peuvent ne pas tester leurs hypothèses comme ils l’auraient fait s’ils ne s’étaient pas sentis observés. A l’opposé, on peut soutenir que la participation de l’enseignant en tant que joueur peut aider l’élève un peu en difficulté face à ce jeu à s’y mettre pleinement et y trouver ainsi du plaisir.
Une autre des raisons données pour expliquer le faible recours au jeu est la peur de perdre le contrôle de la classe, du bruit trop intense, etc. Mais si les règles de conduite sont établies dès le départ, ce souci n’en est plus vraiment un. Le rôle de l’enseignant au niveau de l’encadrement est très important. Il doit mettre en place un climat favorable pour que les élèves aient accès aux apprentissages proposés et les intègrent tout en s’amusant. Une tolérance au bruit est tout de même indispensable. Le jeu apporte le plaisir, il est donc normal que celui-ci soit exprimé. Cependant l’enseignant doit savoir faire quelques retours au calme en rappelant les limites fixées pour que tout le monde puisse jouer sans devoir hurler, pour respecter les classes juxtaposées et pour que les apprentissages du jeu soient bénéfiques. Il faut savoir arrêter le jeu si les règles de conduite ne sont pas assez prises en compte.
Laisser jouer n’est donc pas du tout contradictoire avec le rôle de l’enseignant et demande au contraire un fort investissement et une bonne maîtrise. D’après Marie Musset et Rémi Thibert91, dans certains pays comme le Danemark où la pédagogie du jeu occupe une grande place, les enseignants reçoivent une formation pour mieux utiliser les jeux, le but étant que les élèves travaillent en s’amusant et pas seulement qu’ils s’amusent. Le jeu permet de rendre les enfants acteurs de leurs apprentissages tout en les motivant alors même s’il présente quelques limites, il est utile d’y recourir quand les objectifs visés le permettent.
Cette analyse théorique des écrits portant sur le jeu me permet de maintenir mes hypothèses à savoir que le jeu à sa place à l’école et qu’il favorise l’apprentissage. Afin d’éclairer ces propos et de valider mes hypothèses, j’analyserai, dans la suite de ce mémoire, plusieurs situations de jeux proposées à des CM2, en m’appuyant sur des questionnaires remplis par les élèves et sur des observations au cours de jeux.

Mise en place de jeux dans des classes de CM2

Un jeu de poupées russes pour apprendre à classer les animaux

Choix des jeux et mise en place

Afin de montrer que le jeu peut être un véritable support pédagogique en sciences, j’ai d’abord cherché un jeu permettant de mettre en œuvre des connaissances liées à la physique mais comme je l’expliquais précédemment, ce sont surtout les expériences qui sont utilisées dans ce domaine. J’ai alors cherché dans les programmes un thème en sciences particulièrement propice à l’utilisation de jeux et mon choix s’est porté sur la présentation de la classification du vivant. Plusieurs raisons expliquent cela. Il s’agit d’une partie du programme compliquée à comprendre pour les élèves et qui est souvent abordée de manière transmissive, ce thème ne permettant pas vraiment d’expérience. J’ai donc voulu proposer une façon plus interactive et ludique de l’aborder en rendant les élèves acteurs de leurs apprentissages pour qu’ils s’approprient le concept de classement. De plus, elle me parait propice à un apprentissage par le jeu car elle repose sur le thème des animaux, thème souvent ludique pour les élèves. Une fois le thème choisi, il fallait que je crée un jeu qui réponde aux apprentissages souhaités. J’ai donc construit une séquence sur la présentation de la classification du vivant s’adressant à une classe de CM2. Les objectifs de cette séquence, travaillés notamment à travers deux jeux, sont :
– Rechercher des différences et des ressemblances entre les espèces vivantes
– Connaitre les caractéristiques spécifiques à quelques groupes d’animaux : vertébrés, tétrapodes, mammifères, oiseaux, arthropodes, insectes.
– Construire et comprendre la classification des animaux : savoir que les caractères partagés par les animaux d’un groupe sont l’héritage d’un ancêtre commun qui possédait ces mêmes caractères.
Pour cela, les élèves vont devoir développer des compétences méthodologiques :
– Observer et comparer des organismes pour mettre en évidence les points communs et les spécificités
– Mettre en relation des données et en faire une représentation schématique
– Savoir utiliser des informations de nature différente.
Ainsi cette séquence permet de développer des compétences du socle commun relatives à la culture scientifique et technologique :
– Pratiquer une démarche d’investigation : savoir observer, questionner ;
– Manipuler et expérimenter, formuler une hypothèse et la tester, argumenter ;
– Mettre à l’essai plusieurs pistes de solutions ;
– Exprimer et exploiter les résultats d’une mesure ou d’une recherche en utilisant un vocabulaire scientifique à l’écrit et à l’oral ;
– Maîtriser des connaissances dans divers domaines scientifiques.
Elle développe aussi des compétences en maîtrise de la langue :
– S’exprimer à l’oral comme à l’écrit dans un vocabulaire approprié et précis ;
– Comprendre des mots nouveaux et les utiliser à bon escient.
Des compétences sociales et civiques seront aussi travaillées :
– Prendre part à un dialogue : prendre la parole devant les autres, écouter autrui, formuler et justifier un point de vue ;
– Coopérer avec un ou plusieurs camarades.
Ainsi que des compétences relatives à l’autonomie et l’initiative :
– Respecter des consignes simples en autonomie ;
– Montrer une certaine persévérance dans toutes les activités.
Cette séquence se déroule en 2 séances de 1h30 et une séance d’évaluation. Les notions d’espèce, de critères qui définissent les êtres vivants, comme le régime alimentaire, le milieu de vie, auront été vues auparavant.
La première séance a pour objectif de faire comprendre aux élèves que l’on classe les animaux en fonction de ce qu’ils possèdent. Les élèves devront prendre conscience des attributs communs de certains animaux et savoir observer et décrire un animal à partir de ses attributs. D’abord, j’ai fait une évaluation diagnostique me permettant de voir d’où les élèves partaient et ainsi, à la fin de la séquence, pouvoir mesurer l’impact des jeux proposés sur les apprentissages par une évaluation sommative comparée à celle-ci. Les élèves devaient classer des êtres vivants donnés en nommant les critères de classement. Ce classement se fait normalement à partir de caractères communs, ce que nous travaillerons pendant la séquence mais le but était ici de voir si les élèves le savaient ou non et si ce n’était pas le cas, quels critères ils utilisaient pour classer les animaux. Cette évaluation diagnostique m’a ensuite permis de montrer que, selon les systèmes proposés, les groupes n’étaient pas constitués des mêmes animaux et donc de faire constater la nécessité de fixer des critères pour obtenir une réponse commune. L’enseignante a alors expliqué aux élèves que les scientifiques ont choisi de classer les animaux en fonction de ce qu’ils possèdent, par exemple 4 membres ou des plumes et non en fonction d’où ils vivent ou de ce qu’ils mangent. Nous avons ensuite lancé le premier jeu. Il s’agit d’un jeu du portrait. Celui-ci doit permettre aux élèves de savoir observer et décrire un animal à partir de ses attributs. Les élèves reçoivent une feuille sur laquelle sont représentés plusieurs animaux92 et l’enseignante explique la règle du jeu : « Je pense à un animal qui est sur votre feuille et vous devez essayer de deviner de quel animal il s’agit en me posant des questions mais attention je ne répondrai qu’aux questions posées sur ce qu’ils possèdent. » La structure de la question peut être donnée aux élèves pour les aider « est-ce que je possède … ? ». Cette contrainte les oblige à repérer les attributs des animaux. Celui qui trouve l’animal gagne un point. Une fois l’animal trouvé, nous reprenons les différents attributs qui leur ont permis de trouver qu’il s’agissait de celui-ci. Ce jeu met en avant les caractères communs des animaux car à chaque question les élèves repèrent quels animaux pourraient répondre à ce que vient de répondre l’enseignante. Ils cochent sur leur feuille les animaux éliminés et sont amenés par l’enseignante à réfléchir à la pertinence de leurs questions au fur et à mesure des parties. Après quelques parties entre l’enseignante et les élèves mettant en avant les différents critères utilisables (poils, plumes, mamelle, bec, yeux, bouche,…), les élèves ont joué en binôme pour se les approprier. Nous avons alors insisté sur le fait que la personne qui faisait deviner devait jouer au muet quand la question ne commençait pas par « est-ce qu’il possède » et ne portait pas sur les critères utilisables présentés précédemment. Nous leur avons ensuite demandé comment nous pouvions appeler ces éléments afin d’amener le mot « caractère ». Nous leur avons expliqué que les scientifiques classent les animaux en cherchant des caractères communs. Suite à cette première phase de découverte des attributs des animaux à travers le jeu du portrait, ceci est réinvesti avec une nouvelle liste d’animaux. L’enseignante a expliqué aux élèves qu’ils allaient maintenant essayer de classer les animaux de la forêt du village. Pour cela, nous leur avons laissé un temps pour remplir le tableau d’identité des animaux à l’aide de photographies, de fiches outils et de fiches squelette par groupe de 4. Ce tableau regroupe les caractères des différents animaux, les élèves doivent cocher les cases correspondant aux caractères que l’animal observé possède. Il s’agit ici d’un exercice de réinvestissement du jeu précédent. Une fois que les groupes avaient terminé de remplir ces tableaux, nous avons fait une correction collective. Cet exercice a permis d’expliquer les termes de squelette interne, externe, membre, chélicère rencontrés dans les documents. Les autres caractères avaient été mis en avant et explicités lors du jeu. Nous avons demandé aux élèves ce que feraient ensuite les scientifiques pour arriver à l’idée de faire des groupes pour rassembler les animaux en fonction de ce qu’ils possèdent. Les élèves venaient alors piocher des étiquettes portant le nom des caractères, la fixaient au tableau et accrochaient les images des animaux possédant ce caractère. Ils entouraient alors le groupe formé. Ce groupe pouvait ensuite être séparé en plusieurs sous-groupes en fonction des autres caractères piochés ou au contraire être inclus dans un autre groupe.

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Table des matières

Problématique : Le jeu peut-il être un véritable support pédagogique à l’enseignement des sciences?
Introduction
I- Le jeu : un terme polysémique
A- Une définition complexe
B- De nombreux essais de classification
II- La place du jeu dans l’histoire de l’éducation
A- Une histoire ancienne et contrastée
B- Les Instructions Officielles de nos jours
III- Les enjeux de l’utilisation des jeux à l’école : jouer pour apprendre, apprendre en jouant
A- Jouer et apprendre : un paradoxe ?
B- Le jeu en lui-même une véritable source d’apprentissages
C- L’exemple de son apport en sciences
D- Les limites et la place de l’enseignant dans ces jeux
IV- Mise en place de jeux dans des classes de CM2
A- Un jeu de poupées russes pour apprendre à classer les animaux
1- Choix des jeux et mise en place
2- Méthodologie de recueil de données
3- Résultats et analyse de l’impact des jeux proposés
B- Le jeu des crayons : un véritable problème pour chercher
1- Présentation du jeu
2- Mise en place et méthodologie de recueil de données
3- Résultats et analyse des séances de jeux
Conclusion
Bibliographie

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