Le jeu de rôle sur table, qu’est-ce à dire ?

Le jeu de rôle sur table, qu’est-ce à dire ? 

Nés d’un croisement entre les wargames et les univers fantastiques et de science fiction, les jeux de rôle sur table (JdR ) ont été formalisés pour la première fois en 1974, lors de la publication de la première version de Dungeons & Dragons par Tactical Studies Rules. En 1973 Gary Gigax et Don Kaye, de jeunes amis férus de wargames, fondent Tactical Studies Rules (TSR), une association de joueurs qui deviendra une entreprise de création de jeux, et éditent Chainmail, le premier wargame à simuler des batailles médiévales. En développant le système de jeu, l’équipe de TSR met notamment en place un système d’arbitrage et un système de caractéristiques plus avancé. Nourrit par de nombreux emprunts au monde de la Terre du Milieu de John R. R. Tolkien, Chainmail se tourne peu à peu vers un système s’inscrivant dans un monde de fiction où ce ne sont plus seulement des groupes humains qui se battent entre eux mais où l’on peut jouer les conflits entre elfes, hommes et orcs que l’on trouve chez Tolkien [Partage, 1998 ; Caïra, 2007]. De plus, l’individualisation des personnages – que l’on retrouvera dans les jeux de rôle – donne à l’équipe de TSR tous les ingrédients pour créer le jeu de rôle tel qu’on le connaît aujourd’hui. Depuis 1974, les JdR ont beaucoup évolué, un nombre incalculable de titres sont publiés et sortent encore chaque année.

Dans la majeure partie des cas, les JdR sont joués par un groupe comprenant entre trois et sept participants , constitué d’un Maître de Jeu (MJ) et de joueurs . En résumé, le rôle du MJ consiste à préparer un scénario, à décrire l’environnement autour des personnages, à jouer des personnages-nonjoueurs (PnJ) et cadrer les actions des joueurs. Les joueurs quant à eux incarnent des personnagesjoueurs (PJ). Ils leur prêtent leur voix, les font agir afin de faire avancer le scénario créant ainsi un récit collectif. Cette immersion, les actions et discours qui en découlent est ce qu’on appelle le role play . Au cours de la partie est créé un récit dialogique improvisé à partir de données diégétiques et de règles – le MJ qui prépare le scénario doit lui aussi improviser la plupart des descriptions, des interactions et, bien souvent, la tournure inattendue que prennent les événements.

Les jeux de rôle sont des jeux durant lesquels les participants, joueurs comme MJ, travaillent, investissent et créent des univers diégétiques dont certains sont issus d’œuvres fictionnelles. Pour ce faire, ces jeux sont dotés d’un panel de règles qui peut être particulièrement conséquent. Ces règles ont le rôle de réguler les actions des joueurs en jeu comme hors-jeu, mais mettent aussi à disposition des composantes facilitant l’inscription des joueurs dans la fiction. Ainsi les règles et la nature du jeu induisent des manières de jouer particulières, c’est ce qu’on appelle le gameplay.

Le hasard – matérialisé par des dés à multiples faces (4, 6, 8, 10, 12, 20, 100 ), est une composante essentielle du JdR. En effet, au cours de la partie, les joueurs et le maître du jeu tirent aux dés les actions que l’on appelle « tests » ou « actions problématiques ». Il s’agit d’actions que les personnages-joueurs (PJ) ou les personnages-non-joueurs (PnJ) ont des chances de ne pas réussir. Ces chances sont tirées aux dés en fonction des caractéristiques des personnages. Les parties de JdR durent généralement entre trois et une dizaine d’heures. Elles sont jouées dans deux cadres principaux : les one-shot et les campagnes. Un one-shot est le nom donné aux parties non-reconductibles, qui comportent un début et une fin au sein d’une même session. Les joueurs jouent généralement à un one-shot avec des personnages-joueurs pré-créés par le MJ. Les campagnes sont constituées de parties reconduites d’une session à l’autre. Le plus souvent les joueurs créent leurs personnages au début et les voient évoluer au fil des scénarii et des intrigues auxquels ils sont confrontés. Les campagnes peuvent n’être constituées que de quelques scénarii ou s’étendre sur des dizaines de séances et des années. Une campagne courte – c’est-à-dire composée de deux à cinq ou six scénarii est appelé un burst. Le jeu de rôle sur table se distingue d’autres productions ludiques (jeux vidéo, livres-dont-vousêtes-le-héros) par l’importance du roleplay, par la nature du gameplay et le caractère collectif du jeu. Ces éléments font de lui un loisir non seulement immersif mais aussi collectif dont le produit est un récit co-créé [David, 2016]. De plus, dans le jeu de rôle sur table, outre les règles du jeu et de respect de la cohérence diégétique de l’univers de fiction, seule l’imagination des joueurs est une limite. Tout y est théoriquement possible.

En jeu, les participants improvisent leurs discours et actions, dialoguant et voguant entre leurs personnages, les règles, les structures du jeu et la trame narrative. La nature du groupe de jeu de rôle et de l’activité des participants, le rapport à la fiction, aux règles, au hasard, aux autres joueurs et personnages marquent non seulement le ton du récit et participent à sa création, mais constituent aussi la particularité du jeu de rôle sur table par rapport aux pratiques ludiques qui lui sont apparentées (jeux vidéo, jeux de rôle grandeur nature, jeux de société). Il apparaît alors non seulement comme une forme d’écriture originale mais aussi comme une manière particulière de faire groupe et de pratiquer un loisir.

État de la recherche

Le champ des études portant sur les jeux de rôle sur table est restreint. Au sein de sciences sociales, peu de chercheurs ont porté leur intérêt sur cette pratique et ont échangé au cours de séminaires et, lorsque ce fut le cas, ces groupes d’études ont eu une durée de vie relativement courte et ne sont aujourd’hui plus en activité .

L’étude des JdR a commencé par le travail ethnographique réalisé par Gary Alan Fine, chercheur en sociologie à l’université de Chicago. Son ouvrage Shared Fantasy : Role-Playing Games as Social Worlds [Fine, 1983] appréhende les jeux de rôle tels qu’ils étaient pratiqués dans les années 1980 à partir du corpus de la sociologie interactionniste de l’école de Chicago.

Peu d’études ont suivi cette publication. Ce n’est qu’à partir des années 2000 que des chercheurs en littérature ou inscrits dans les game studies se sont appropriés le JdR en façonnant deux courants majeurs qui sont la Théorie de la Fiction et l’approche ludologique [Cover, 2010]. Le premier courant, créé à partir de l’apport de la littérature, appréhende le JdR comme un exercice de création collective. Au cours du jeu est alors construit un récit (narrative) dont la nature permet de remettre en question la notion d’auteurité (authorship) [Cover, 2010 ; Cristofari, 2010 ; David, 2016]. Les chercheurs prônant une approche ludologique tendent davantage à travailler les notions de groupe, de jeu et de jeu collectif [Aarseth, 2003 ; Montola, 2007]. À partir de comparaisons avec les jeux vidéo et les jeux de rôle grandeur nature (GN) ils décrivent et analysent les manières d’être et de jouer ensemble. Sont alors pris en compte la nature des jeux eux-mêmes qui modélise les interactions, le gameplay et le roleplay des joueurs [Montola, 2009 ; Jara, 2013].

En France, Olivier Caïra est le seul sociologue à avoir proposé une étude poussée du JdR sur table. Dans son ouvrage Les Forges de la fiction [Caïra, 2007] il décrit et analyse la façon dont sont montées et jouées des parties de JdR. Il propose une ethnographie « au ras de la table » en utilisant des données de parties auxquelles il a participé ou qu’il a lui-même mené au cours de son enquête et plus largement de sa vie de joueur. En effet, tous les chercheurs travaillant sur les jeux de rôle s’avèrent être rôlistes, ayant dans la plupart des cas un important passif de joueur. Ceci les aide à appréhender cette pratique ludique dans sa complexité notamment en fournissant à toutes les études des données ethnographiques de première main [Bowman, 2010 ; Cover, 2010 ; White, 2011]. Outre les universitaires, le champ des JdR est en majeure partie construit par des amateurs, des professionnels du JdR  et des productions associées, notamment l’écriture romanesque, la création et l’édition de jeux de plateaux ou de jeux vidéo . De nombreuses contributions notamment les deux collectifs coordonnés par l’équipe de Lapin Marteau  Mener des parties de jeu de rôle [Caïra et al., 2016] et Jouer des parties de jeu de rôle [Caïra et al., 2017] dispensent des conseils et des outils aux joueurs comme aux meneurs et construisent une réflexion sur le JdR avec le but principal d’améliorer l’expérience ludique et sociale des joueurs. On retrouve sur Internet d’autres contributions semblables. Il existe des podcasts audios , des blogs, des forums et des chaînes de vidéos YouTube  qui partagent le même but.

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Table des matières

Introduction générale
1. Le jeu de rôle sur table, qu’est-ce à dire ?
2. État de la recherche
3. Trolls de Provence : retour sur les analyses présentées dans le M1
4. Présentation de la démarche actuelle
5. Présentation du corpus ethnographique
6. Présentation de la méthode d’enquête et point réflexif
7. Question de recherche
8. Annonce de plan
Chapitre 1 : construire et habiter les univers fictionnels à travers l’exercice du JdR
1. Introduction
2. Construire un JdR
2.1. Univers fictionnels
2.2. L’attitude et l’interprétation ludique
2.3. Les références : une source, un outil et un jeu
3. Habiter un JdR
3.1. Le JdR et l’imaginaire
3.2. L’immersion dans des univers fictifs et ludiques dans le cadre du JdR
3.3. De la cohérence au détail : apprendre dans un JdR
4. L’anthropologie, la littérature et la linguistique
4.1. L’impact du JdR sur la narratologie
4.2. Le jeu de rôle comme jeu de langage
4.3. JdR et rituels
4.4. Le JdR sur table : une performance ludique
5. Conclusion
Chapitre 2 : Les Pas Supers-Normaux, construire un scénario de jeu de rôle
1. Introduction
2. Scénario d’initiation : Little Big Man
2.1. Mise en situation : Les Pas Supers-Normaux
2.2. Événement 1 (introduction) : Rencontre fortuite à l’épicerie de nuit
2.3. Événement 2 : Bienvenue à zombieland ?
2.4. Événement 3 : Les créatures attaquent !
2.5. Événement 4 : Remonter la piste des créatures
2.6. Événement 5 : La maison du Créateur
2.7. Événement 6 : Julien Rouquet, 6 ans
2.8. Fins
3. Conclusion : Quels récits pour quels jeux ?
4. Diagramme descriptif du scénario
Chapitre 3 : Les Pas Supers-Normaux, la partie
1. Introduction
2. Mise en situation : la création de personnage
2.1. La table Montmajour : Mafalda Tonks, Jean Papé et Jacqueline Sansovino
2.1.1. Le personnage de Susanne : Mafalda Tonks
2.1.2. Le personnage de Louise : Jean Papé
2.1.3. Le personnage de Marjolaine : Jacqueline Sansovino
2.2. La table Pardoux : Flavius Clavinicus et Joe Latouillette
2.2.1. Le personnage de Morgane : Flavius Clavinicus
2.2.2. Le personnage de Tilda : Joe Latouillette
3. La table Montmajour : jouer sur des tonalités différentes
3.1. Jouer entre copines
3.2. Le refus de la proposition ludique
4. La table Pardoux : Apprendre, réagir et s’attacher dans un JdR
4.1. Événement 1 : Découverte et apprentissage du JdR
4.2. Événement 2 : L’introduction de l’intrigue scénaristique
4.3. Événement 3 : Monter et exécuter un plan
4.4. Événement 4 : Le paroxysme final
4.5. Conséquences du scénario sur la suite de la campagne
5. Conclusion
Conclusion générale

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