Introduction
Au cours de ces premiers mois d’enseignement au collège Felix Del Marle à Aulnoye Aymeries, l’observation que j’ai pu faire des élèves de 5ème et de 4ème rend compte d’un domaine de difficultés qui touche beaucoup de collégiens : celui de la motivation. Le manque de celle-ci se fait d’autant plus sentir lors des activités de production écrite. L’écriture : voilà un sujet qui fâche les adolescents. En effet, cette tâche est souvent perçue comme purement « scolaire » et cela ne semble pas intéresser les élèves. Ce manque de motivation peut être causé par divers facteurs que j’ai pu observer moi-même, mais qui revenaient aussi lors de discussions en concertation d’équipe : le manque de confiance en soi, une mauvaise estime de soi et un manque de références culturelles. Ces causes sont d’autant plus flagrantes lorsque chaque besoin particulier des élèves s’y ajoute.
De plus, l’écriture est aussi perçue comme une tâche demandant de tels efforts que cela reviendrait à de la souffrance. En effet, l’écriture est un acte complexe qui demande autant de compétences physiques par la motricité fine, que linguistiques par la langue française et cela demande aussi et surtout de s’exposer à l’autre en mettant à nu ce que nous pensons, ce que nous sommes. C’est aussi un acte très important par sa nature car, comme le définit Jacqueline Peugeot, « L’écriture est le propre de l’Homme et de la civilisation. Activité spécifique qui matérialise le langage parlé, elle permet l’acquisition, la conservation des connaissances et la communication indirecte, hors de la présence de l’interlocuteur. ». Aussi, comme le souligne Evelyne Lenoble, pédopsychiatre et psychanalyste de l’enfant et de l’adolescent : « le passage langue orale / langue écrite ne va pas de soi, même s’il paraît se mettre en place naturellement pour la majorité des enfants », et ce « à tous les niveaux de la scolarité (maternelle, primaire, secondaire). »
Par cet écrit, je souhaiterai alors permettre aux élèves de surmonter leurs difficultés liées à l’écriture pour qu’ils puissent s’exprimer en toute liberté.
Pour tenter de réconcilier les élèves de 5 ème et 4 ème SEGPA avec ce sujet, je me suis remise en question afin que mon enseignement soit plus attrayant, rendant la production écrite motivante et inspirante, tout en répondant à leurs besoins afin d’éliminer les obstacles qu’ils peuvent rencontrer. Quoi de plus attrayant, motivant et inspirant que le jeu ? Se pose alors la problématique suivante : En quoi le jeu peut aider les élèves de SEGPA à se motiver dans le domaine de la production écrite, en répondant à leurs Besoins Éducatifs Particuliers ? Le jeu permettrait alors aux élèves de se construire des références culturelles et d’apporter les adaptations nécessaires pour répondre aux différents besoins éducatifs particuliers. De mes recherches, ressortent plusieurs documents qui alimenteront cet écrit, en suivant le plan suivant : Nous présenterons dans un premier temps, les élèves de SEGPA et leur rapport à l’écrit. Nous verrons ensuite les liens entre la motivation et la production écrite et nous terminerons par les réponses adaptées aux besoins des élèves apportées par le jeu dans la mise en pratique du projet.
Les élèves de SEGPA et la production écrite
Dans cette première partie, je souhaiterai montrer les constats et observations que j’ai pu effectuer de mes élèves lorsqu’ils sont en activité d’écriture, pour ensuite justifier la place de ma séquence dans les programmes.
Constats, difficultés et points d’appui
Je me suis intéressée au rapport que les élèves entretiennent avec l’écriture. En effet, lorsqu’il s’agissait de se lancer dans toute activité nécessitant l’écriture, cela devenait rapidement problématique pour les élèves. Pour comprendre ce phénomène, j’ai cherché à savoir ce qui leur posait problème en créant un questionnaire. Ce dernier me permet de cerner les trois composantes qui sont, selon moi, importantes pour réussir une activité : La liberté dans la tâche, le sentiment de compétence, et le désir de réaliser la tâche demandée. Nous reviendrons sur ses composantes dans les pages suivantes
La motivation et la production écrite
Nous venons de voir la manière dont la production écrite était perçue par mes élèves de SEGPA et par les programmes de l’Éducation Nationale. Dans ce contexte, j’ai alors pu remarquer une certaine démotivation de la part des élèves, qui est peut-être la conséquence de la prise en compte de tous ces obstacles. Faisons maintenant le lien avec la motivation : L’amotivation est-elle un obstacle à l’écrit ? Si oui, quelles en sont les sources et comment le surmonter ?
Les sources de la motivation
Tout d’abord, il est judicieux de rappeler les sources de la motivation pour ensuite en faire le lien avec la séquence créée. Pour cela, voici le schéma de la motivation selon Rolland VIAU.
Selon l’auteur, la dynamique motivationnelle se définit comme « Un phénomène qui tire sa source dans des perceptions que l’élève a de lui-même et de son environnement, et qui a pour conséquence qu’il choisit de s’engager à accomplir une activité pédagogique qu’on lui propose et de persévérer dans son accomplissement, et ce, dans le but d’apprendre. » . Cela montre que la motivation varie en fonction de nombreux facteurs qui lui sont à la fois externes et internes : la perception que l’élève a de l’activité, de ses compétences et de sa contrôlabilité.
En tant qu’enseignante, je me suis alors demandé comment devais-je procéder pour remplir efficacement ces critères :En ce qui concerne la perception de la valeur de l’activité, l’élève doit se demander, « pourquoi écrire ? » Il est donc important pour l’élève que les objectifs de la séquence et des séances soient explicités afin qu’il sache ce que j’attends de lui, la raison pour laquelle nous faisons ce travail.
L’élève découvrira en effet que la tâche demandée est importante puisque cela répond à la finalité d’un projet commun à la classe et que l’écriture est une manière de s’exprimer pour autrui, qui répond à un code, et que ce dernier doit être travaillé en classe.
Ensuite, pour ce qui est de la perception de l’élève sur ses propres compétences, ce dernier doit se demander « Suis-je capable de réaliser ce qu’on me demande de faire ? ». Cela revient à se questionner sur l’aide apportée pour chaque besoin afin de savoir si l’activité proposée répond à chacun. Reprenons alors chaque besoin afin d’en donner une réponse. Parmi les besoins cités dans la première partie de cet écrit, nous avions celui d’alléger l’écrit pour pouvoir se concentrer sur les idées. Dans mon activité, la réponse à ce dernier se traduit par l’aide écrite apportée par le binôme et le support utilisé qui est le fichier informatique. En effet, pour écrire leur récit, les élèves sont par groupe de deux, et l’un d’entre eux a le rôle de secrétaire à l’ordinateur. Dans les autres groupes, ce rôle pourra être partagé, mais dans ce cas précis, Ryan oralisera principalement ses idées. La construction des groupes répond alors à deux critères majeurs : des groupes hétérogènes (niveau âge ou compétence) pour répondre aux besoins de chacun, ou bien des groupes homogènes qui favoriseront l’autonomie des élèves dans leur travail.
Puis, en ce qui concerne l’aide apportée pour structurer l’écrit de Léa, il s’agit d’apporter les éléments clés : les connecteurs logiques. Grâce aux dés prévus à cet effet, le récit sera structuré en trois parties, correspondantes aux parties d’un récit d’aventure. De plus, ces parties sont codées par des couleurs qui aideront à la structuration. De cette manière, les idées seront organisées et ordonnées et les phrases seront connectées entre elles. Pour répondre plus particulièrement au besoin de Léa, les dés pourront être jetés plusieurs fois afin de donner une suite logique à l’histoire.
Enfin, j’avais aussi relevé le besoin de passer par l’oral pour corriger les phrases syntaxiquement, notamment pour Alexandre. L’aide indirecte apportée par son binôme lui permettra de se rendre compte si la phrase qu’il souhaite écrire est correcte. La relecture du groupe sera alors bénéfique et favorisera les échanges. Ainsi, Alexandre devra automatiquement proposer son idée à son camarade à l’oral, pour pouvoir ensuite la taper à l’ordinateur.
Quant au manque de références culturelles pour Ryan, j’y ai répondu par la création d’un réseau littéraire, construit de livres, d’images, de documentaires et d’œuvres cinématographiques.
L’estime et la confiance en soi
Passons maintenant à un domaine que j’ai pu rencontrer assez fréquemment mais aussi différemment chez les élèves : le besoin de se faire confiance, d’améliorer son estime personnelle pour pouvoir se lancer dans l’activité. Pour cela, je m’appuie sur deux documents. D’abord, pour tenter de comprendre ce qui diffère l’estime et la confiance en soi, je me repose sur un document de Christian André et François Lelord, intitulé « Les visages quotidiens de l’estime de soi ». Ce dernier me permet de dire que la confiance en soi fait partie de l’estime de soi, c’est « Croire en ses capacités à agir efficacement ».
Selon ce même document, le manque d’estime de soi peut toucher plusieurs élèves car cela s’étend à « Se satisfaire de ses actes », « Ne pas douter de ses compétences et points forts, quel que soit le contexte », « Défendre ses points de vue et ses intérêts face aux autres » etc. Nous comprenons alors que l’estime de soi est un large concept qui représente beaucoup de besoins éducatifs particuliers pour les élèves de SEGPA, s’expliquant notamment par la mauvaise connaissance de soi et les échecs rencontrés durant leur parcours scolaire.
Agir sur les facteurs de la motivation
Selon moi, certaines pratiques pédagogiques favorisent la motivation d’un élève. En effet, pour favoriser celle-ci, l’enseignant peut agir sur l’un des facteurs externes qu’est l’environnement de la classe. Il est donc important de savoir que la démotivation chez l’élève n’est pas exclusivement liée à l’enseignant. Je me dois alors de mettre l’accent sur les activités pédagogiques afin qu’elles suscitent une dynamique motivationnelle positive. C’est ce que Rolland Viau appelle une « dynamique fonctionnelle » où l’élève sait que la tâche lui sera utile, qu’il a les compétences nécessaires pour la réaliser et qu’il pourra la réaliser comme il le désir.
De cette manière, l’élève sera proche de la réussite.
Pour continuer cette réflexion, je m’appuie sur un document de Benoît Galand, dans l’écrit conjoint avec Etienne Bourgeois : (Se) motiver à apprendre. Dans son chapitre 13 « Pratiques d’enseignement et adaptation scolaire des élèves », il se pose la problématique suivante : « Pourquoi telle élève s’engage-t-elle avec enthousiasme dans une activité d’apprentissage tandis que tel autre élève s’en désintéresse ? » . Je m’intéresse alors aux paramètres d’une activité d’apprentissage afin que celle-ci suscite une dynamique motivationnelle chez les élèves. Pour tenter de résumer ce chapitre, j’ai créé un tableau qui compare deux pratiques pédagogiques qui engendrent un comportement opposé de la part de l’élève face à une activité.
Ces deux pratiques reposent sur les buts de maitrise où l’élève entre dans l’activité par plaisir personnelle d’une part et les buts de performance où l’élève entre dans l’activité pour la reconnaissance d’autrui et non pour lui-même d’autre part.
Les réponses du jeu
Mais cela a-t-il suffit afin que les élèves surmontent les obstacles liés à leurs besoins éducatifs particuliers ? Aux vues de l’avancée du projet, cette analyse réflexive n’est pas terminée. Il serait intéressant d’évoquer la question plus en détail le jour de l’entretien.
Cependant, voici déjà ce que je peux en dire.
La structuration du récit pour Léa semble en bonne voie. En effet, le code couleur ainsi que les connecteurs logiques l’aident beaucoup. Cependant, j’ai ressenti le besoin général de pouvoir faire le point sur les étapes de leur récit. Pour cela, nous avons construit ensemble un schéma que nous avons intitulé « Les phases de mon récit » : Ce dernier leur sert de repère.
La situation initiale est représentée par une ligne car c’est le moment où les personnages et la situation sont décrits. Puis, un élément vient perturber l’histoire, ce qui perturbe la ligne. Le héros vit alors des aventures, avec des « hauts et des bas » pour reprendre les termes des élèves.
Enfin, le dénouement est représenté par un fil qui se dénoue car l’histoire est en train de résoudre, puis l’histoire se termine par un élément joyeux (vers le haut) ou triste (vers le bas).
Ce schéma est complété par les éléments de l’histoire par chaque groupe et permet aux élèves d’avoir un point de repère et de vérifier, ce qu’ils ont fait et ce qu’il leur reste à faire.
Par ailleurs, la motivation chez les élèves semble au rendez-vous. Benjamin par exemple, est investi dans l’activité et montre une certaine motivation lorsqu’il s’agit d’écrire son histoire. Cependant, lorsqu’il faut entamer la relecture afin d’améliorer l’écrit, la tâche lui semble insurmontable. En effet, il s’est donné tant de mal pour le premier jet, qu’il a des difficultés à revenir sur ce qu’il a fait pour l’améliorer. Pour répondre à son besoin d’engagement et de persévérance pour terminer l’activité, l’outil de relecture serait peut-être un nouveau défi qu’il accepterait de relever avec l’aide de son binôme.
Conclusion
Le jeu n’est donc pas un moment ludique mais un pur moment d’apprentissage. C’est un moment très codifié mais à la fois très libre dans la vie de classe. Il a été le cœur de ma séquence sur les chevaliers et le centre d’intérêt de cet écrit. Grâce aux mêmes questionnaires sur la motivation qui ont été distribué une seconde fois – lors de cette production écrite – nous pouvons affirmer que la moitié des élèves pensent « un peu » avoir une bonne note à leur production et l’autre moitié le pense « beaucoup ». Voilà l’une des remarques les plus fragrantes des résultats de ce questionnaire.
En effet, si l’on compare ces résultats avec les précédents, nous pouvons observer une nette amélioration car la moitié des élèves ne pensait « pas du tout » avoir une bonne note et l’autre moitié le pensait « un peu ». A cela s’ajoute le sentiment de compétences des élèves : 50% des élèves pensent être « un peu » capable de réaliser la tâche demandée et 50% le pensent « beaucoup ». Une nouvelle fois, l’hypothèse de recherche se vérifie : le jeu a aidé les élèves dans la tâche en leur donnant plus de motivation, notamment dans le sentiment de compétence, en leur apportant les aides nécessaires afin de surmonter leurs difficultés. En ce qui concerne les autres domaines de motivation (liberté dans la tâche et les aides apportées pour y parvenir), nous pouvons tout de même constater une progression positive, même si cela reste faible. Apparaissent alors deux points qui seront à retravailler lors d’un prochain projet afin de les améliorer.
Cependant, les limites du jeu apparaissent : même s’il a pour but d’améliorer le sentiment de compétence des élèves, il n’en reste pas moins que l’activité écrite finale fait l’objet d’une note. De plus, si l’on revient à la définition du jeu, il est évident que celui que nous avons créé n’implique ni de perdant ni de gagnant.
Pour finir, il me semble important de donner une certaine continuité à cette séquence dans la création d’un projet en lien avec les arts plastiques : les élèves devront construire un livre qui reprendra toutes leurs histoires. Celui-ci sera illustré d’enluminures et pourra être exposé aux autres élèves. Il est même question d’en faire la lecture aux plus petits, tout en jouant les aventures dans le théâtre des ombres : « Les SEGPA font leur cinéma ! ». Je remercie d’ailleurs Mme Jouniaux pour son implication en arts et Mme Blairon pour son implication en Histoire, ainsi que M. Brémont qui a poursuivi ce projet durant mes absences.
Cet écrit m’a permis de développer une des compétences primordiales pour l’enseignant spécialisé que je suis en train de devenir : exercer une fonction d’expert de l’analyse des besoins éducatifs particuliers et des réponses à construire. En effet, en adaptant les situations d’apprentissage, les supports d’enseignement et d’évaluation, je suis parvenue à répondre aux besoins des élèves tout en leur donnant le goût de s’engager dans une activité de production écrite. Ce travail de recherche m’a été très bénéfique car je me suis moi-même engagée à leur donner des réponses pour surmonter leurs difficultés en production écrite.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. LES ELEVES DE SEGPA ET LA PRODUCTION ECRITE
1. CONSTATS, DIFFICULTES ET POINTS D’APPUI
2. LES BESOINS ÉDUCATIFS PARTICULIERS RELATIFS A L’ECRIT
3. LA PRODUCTION ECRITE DANS LES PROGRAMMES
II. LA MOTIVATION ET LA PRODUCTION ECRITE
1. LES SOURCES DE LA MOTIVATION
2. L’ESTIME ET LA CONFIANCE EN SOI
3. AGIR SUR LES FACTEURS DE LA MOTIVATION
III. LE JEU COMME REPONSE AUX BESOINS EDUCATIFS PARTICULIERS
1. DEFINITION DU JEU
2. LA MOTIVATION PAR LE JEU
3. LES REPONSES DU JEU
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE (DANS L’ORDRE D’APPARITION DE CET ECRIT)
RESUME
MOTS CLES
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