Le J.T. comme dispositif de médiation scientifique et technique Problématique et questionnement

Le journal télévisé comme dispositif de médiation scientifique et technique 

Médiation des savoirs et pratiques scientifiques et techniques à la Télévision entre 1954 et 1984

A scientist is a white male who wears a white lab coat with a pocket full of pens and pencils. He’s middle aged and is either bald or has wild hair framing his myopic eyes.

Très grossièrement, les savoirs scientifiques et techniques se forgent à l’aide de matériaux variés et complexes dans des lieux dédiés -laboratoires universitaires et industriels- selon un mode de production économique et politique différent et singulier au grès des époques et des pays, puis sous des formes et par des canaux divers se diffusent dans la société. La Télévision est l’un de ces canaux de diffusion ou de médiation. Cette problématique des sciences à la Télévision a été longuement discutée dans diverses disciplines des sciences humaines et sociales –SIC, sociologie, STS, histoire, linguistique, sciences de l’éducation, etc.- mais, à notre connaissance, peu de travaux se sont préoccupés, au risque d’essentialiser le dispositif télévisuel, de l’étudier dans la durée de sa triple contextualisation historique : celle de l’histoire de l’institution –politique, administrative, technique et rédactionnelle- celle de l’histoire du monde et celle de l’histoire des sciences et des techniques. On pourrait très rapidement classer ces études en deux périodes, identifiées par Igor Babou et Eric Fouquier, comme d’abord, les années très critiques vis-à-vis des médias, qui seraient celles « d’un fonctionnalisme sociologique » et plus tard, une période analytique fondée sur celle du discours ; en France – Eric Fouquier, Eliséo Véron, Bertrand Jurdan, Suzanne de Cheveigné.

Avant d’examiner plus précisément ces études qui prennent comme sujet les savoirs scientifiques et leur médiation télévisuelle, il nous semble nécessaire de rappeler le contexte plus général dans lequel le problème se pose. La circulation, l’appropriation, la légitimation et le partage social d’éléments de connaissance S&T, auxquels on adjoint, aujourd’hui, la coconstruction des savoirs. Les relations entre savoirs académiques et savoirs profanes, ont constitué et constituent une question politique d’importance qui, depuis plus d’un siècle, préoccupe autant une communauté de chercheurs en sciences sociales en particulier que les gouvernants et les associations plus généralement. Les rapports réguliers des instances politiques, Parlement et Sénat, les déclarations publiques de scientifiques, séminaires, colloques et journées d’étude, ainsi que les études savantes témoignent toutefois de l’écart entre le développement des S&T et leur appropriation par le plus grand nombre. Bien qu’elle ait changé de nom au cours des temps -vulgarisation, médiation, appropriation, partage, co-production des savoirs- la question ne semble pas réglée pour autant et les changements d’appellation masquent ce qu’Olivier Las Vergnas voit comme un « problème relationnel profond et chronique entre les S&T et l’ensemble de la population ». Et de s’interroger :

« […] malgré l’institutionnalisation de la ‘fête de la science’, le développement d’un réseau de centres de culture scientifique en France et la multiplication des actions et structures locales […] comment expliquer que l’intérêt pour les sciences et l’esprit scientifique ne progresse pas plus ? Comment expliquer que les sciences et leurs méthodes n’occupent pas une part plus importante dans l’éducation populaire, la vie quotidienne, bref la culture de tous ? […]. »  Pour Bernadette Bensaude-Vincent : « Au fil des décennies, on teste périodiquement le niveau de compréhension du public (public understanding of science) et l’on déplore le degré catastrophique d’ignorance du public. » Pour Marcel Thouin, les obstacles à la vulgarisation semblent si fondamentaux que « l’enjeu apparaît moins comme un problème de transmission et d’acquisition que comme un problème de relation entre la science et la société, les scientifiques et la société. » Mais quel est l’enjeu? Est-ce pour la seule raison formelle de faire partager culturellement des connaissances, « pas de citoyenneté sans partage des savoirs » , afin de donner, éventuellement, au public une capacité de contrôle –y compris économique- de l’activité scientifique et technique ou bien de légitimer les savoirs construits en laboratoire ? Jean-Marc Lévy-Leblond, inverse la proposition, car au fond dit-il : « le problème que nous avons à résoudre est non tant celui d’un hiatus de savoir qui séparerait les profanes des scientifiques, que celui du hiatus de pouvoir qui fait échapper les développements technoscientifiques au contrôle démocratique. » B. Bensaude-Vincent a-t-elle raison de penser que « d’autres modèles de rapports entre science et public sont pensables et possibles », que « le lien entre choix scientifiques ou technologiques et choix politiques étant enfin reconnu, le modèle de participation du public porte en lui un potentiel qui pourrait profondément changer la nature du travail scientifique, le rôle des citoyens et le jeu démocratique. Bref, une approche ‘cosmopolitique’ devient pensable qui pourrait mettre un terme aux guerres de la science contre l’opinion. » ? Pour M. Thouin, « les obstacles à la vulgarisation semblent si fondamentaux qu’il est préférable d’abandonner l’illusion de rendre les savoirs scientifiques accessibles à tous » et se référant à « L’œuvre ouverte » de U. Eco, propose que « la vulgarisation scientifique pourrait donc se définir comme une forme de communication ouverte visant à présenter la connaissance scientifique et technique de façon personnelle et subjective. » .

Avec E. Fouquier et E. Véron, nous pensons que l’audiovisuel en général et la Télévision en particulier pourraient en être sans doute de bons vecteurs, sinon d’apaisement, au moins d’une meilleure connaissance de comment les savoirs se constituent. Car selon eux « s’il fallait produire une théorie signifiée de cette forme de divulgation scientifique, il ne pourrait s’agir ni d’un modèle général de la traduction, ni d’un modèle de la trahison, mais d’un modèle de la construction, rendant acte à la télévision d’élaborer à partir d’un discours scientifiqueorigine, un produit radicalement autre.»  Utopie ?

Le J.T. description du dispositif. Mise en scène de l’information

A la télévision, les choses ne nous touchent guère […]. A la télévision, on est placé devant les faits définitifs, en quelque sorte assimilés. A la télévision, on voit tant de choses qui entourent les événements présentés que le fait en soi ne nous touche plus de la même façon. Dans ce sens la télévision démobilise les faits.

Accolé à « journal télévisé », l’usage du terme « dispositif », que nous avons déjà beaucoup utilisé, ne va pourtant pas de soi. Il est temps et il importe de dire ce que nous entendons par là et surtout de rappeler qu’il a une histoire au sein même de celle de la Télévision. Dans un article de 1999, Guy Lochard retrace la trajectoire du concept, appliqué à l’audiovisuel, depuis les années 1960 jusqu’aux années 1990, aussi bien dans les études sur la Télévision que sur celles du cinéma. Il suffira de rappeler qu’il est d’abord utilisé par l’ingénieur et compositeur Pierre Schaeffer qui fonde et dirige le Service de la recherche de la RTF en 1961 puis de l’ORTF, avant, nous dit Lochard, que le terme n’apparaisse dans les études cinématographiques. D’après lui, P. Schaeffer s’en sert pour décrire des situations dans lesquelles « le terme apparait interchangeable avec d’autres vocables, ne semblant relever d’aucune nécessité théorique. D’autres, correspondent pleinement à des enjeux heuristiques. […]. Le théoricien du cinéma Jacques Aumont le définit comme « l’ensemble de déterminations qui englobent et influencent tout rapport individuel aux images », tandis que pour le critique de cinéma S. Daney « la télévision n’est au fond qu’une suite de dispositifs plus ou moins heureux ». C’est là d’ailleurs pour Daney un point de démarcation essentiel entre télévision et cinéma où « le produit fini [au cinéma, contrairement à la télévision] est toujours plus important que le dispositif, auquel il ne se réduit jamais  » (Daney, p. 39). »  Ce qui nous intéresse, ici, c’est la conclusion de Lochard « en résulte un emploi accru, dans les études sur la télévision, de cette notion qui peut rendre compte de la prégnance, des contraintes dictées aux acteurs de la production par les institutions télévisuelles. » Le dispositif lui-même est ici, comme le suggère Michel Foucault, le réseau que l’on peut établir entre ses éléments, en l’occurrence l’ensemble des parties qui le constituent à l’intérieur d’un dispositif qui le comprend -la Télévision elle-même- et celles qui composent le pouvoir politique. A y regarder de près, il s’agit, dans ce cas, d’un enchâssement de dispositifs dont nous verrons, plus loin, les tensions qui en résultent.

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Table des matières

Introduction
Première partie : Le J.T. comme dispositif de médiation scientifique et technique Problématique et questionnement
I.1- Médiation des savoirs et des pratiques scientifiques et techniques à la télévision entre 1954 et 1984
I.1.1 – Problématique et questions
I.2 – Le J.T. description du dispositif. Mise en scène de l’information
I.3 – Evolution historique du J.T., des années 1930 aux années 1980
I.4 – Une étude de cas : médiation par le J.T. des savoirs et des pratiques scientifiques et techniques issues de l’actualité spatiale par temps de Guerre froide
I.4.1 – Questionnement sur une étude de cas
I.5 – Guerres, conflits, décolonisation : Guerre froide, Algérie, Vietnam, Suez, etc
I.6 – Le J.T. « une fenêtre » sur le monde et sur l’espace ?
I.7 – Comment, à travers l’actualité spatiale, le J.T est devenu un vecteur majeur de diffusion et des savoirs scientifiques et techniques. Vulgarisation et/ou propagande?
Deuxième partie : Méthodologie et travail de constitution du corpus
II.1 – Enjeux théoriques et méthodologie
II.1.a – Constitution d’une boite à outils
II.1.2 – La nature de l’objet audiovisuel : la télévision et le J.T
II.1.3 – Mais qu’est-ce qu’une archive audiovisuelle ?
II.2 – Les Sources
II.2.1 – Stratégie de constitution du corpus
II.3 – Protocole de classement systématique des sources et d’analyse du corpus
II.3.1- Récolte des données et classification
II.3.2 – Les archives textuelles
II.3.3 – Les archives audiovisuelles
II.3.4 – Classement archivistique
II.3.5 – Un spectacle cinématographique
II.4 – Méthode d’analyse filmique d’archives audiovisuelles
II.4.1 – Procédure technique avant analyse
II.4.2 – Analyse d’archives hétérogènes
II.4.3 – Rappel de l’activité spatiale dans sa relation avec la Guerre froide
Troisième partie : L’Espace au J.T de 1954 à 1984 [étude de cas]
III.1 – Un prologue au récit (1954-1957)
III.2 – Le J.T. découvre l’espace et le général de Gaulle (1958-1960)
III.3 – Objectif Lune. Un récit émerveillé (1961-1969)
III.3.1- La politique trouble le jeu et l’analyse du récit
III.3.2 – L’arrivée du « spécialiste » et de la vulgarisation (1964)
III.3.3 – Le climax : les premiers pas sur la Lune (1969)
III.4 – La fin de l’ORTF et du rêve spatial (1970-1974)
III.5 – Changement de style dans le J.T et dans la « Course à l’espace » (1975-1984)
Conclusion
C.I – « La Course à l’espace » réifiée et dépolitisée. Entre émerveillement et effroi
C.II – La télévision dispositif de diffusion de savoirs non discutables
Bibliographie

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