Le HAMAC et le nouveau monde

Le hamacméso-et sud-américain:mobilier endémique devenu phénomène mondial

En 1492, Christophe Colomb donne déjà, dans ses récits, le nom de hamaca à cet objet et le terme va perdurer jusqu’à aujourd’hui dans la langue espagnole. Ce terme d’origine caribéenne est à l’origine des différentes déclinaisons suivant les langues. Hamac en français, hammock en anglais, amaca en italien, hangmak en hollandais et Hängematte en allemand par exemple. Historiquement, il est possible de voir le terme orthographié, dans les ouvrages du XVIème siècle, de la façon suivante : amache, amacca, hamacque puis hamat au XVIIème siècle. La première mention francophone, répertoriée avec l’orthographe actuelle, date, quant à elle, du milieu du XVIIème siècle2. Dès son introduction en Afrique au XVIème siècle, le terme se voit décliné sous les formes de hamaka, hamanka ou simplement maca3. Le terme « hamac » fait, selon le Larousse en ligne, référence à un « rectangle de toile ou de filet suspendu à ses deux extrémités, dans lequel on s’allonge pour dormir ou se reposer ». Le CNRTL en ligne parle quant à lui d’un « rectangle de toile ou filet suspendu horizontalement par ses extrémités et qui sert de lit notamment dans les régions tropicales et à bord de certains navires ». Ces définitions permettent de mettre en évidence, outre la position, le moyen de fixation, les fonctions* principales et les lieux où ils sont utilisés. Les termes récurrents cernent les caractéristiques fondamentales des hamacs : c’est un textile suspendu.

Terminologie : La description des parties constitutives d’un hamac n’est pas aisée puisqu’il n’existe pas de vocabulaire francophone établi. Néanmoins, dans le cadre de ce travail, l’usage d’une telle nomenclature semble indispensable et sera présentée ci-après. Ces termes sont principalement issus et traduits du glossaire quadrilingue (portugais, espagnol, allemand et anglais) qui se trouvent dans l’ouvrage commun de Köpf et Seiler-Baldinger4 tandis que les autres ont été imaginés pour ce travail (Figure 1, p. 10). Le corps correspond à la partie dans laquelle l’usager s’allonge. Cette partie, si elle est mise à plat, a une forme rectangulaire. Les bras de suspension sont fixés de part et d’autre du corps dans le but de réduire sa largeur en un point et donner sa forme concave au hamac. Les bras sont constitués de plusieurs fils* de suspension. A l’extrémité ponctuelle des bras se trouvent des boucles de suspension qui permettent aux hamacs d’être suspendus à des crochets, à des structures ou à des cordes. Certains corps peuvent être ornés de bordures pendantes sur les côtés. Dans d’autres cas, il n’y a pas de bras de suspension et c’est le corps qui est prolongé et réduit en largeur par les trames*, qui le composent, jusqu’aux boucles de suspension. Les boucles de suspension sont parfois remplacées par des bâtons ou des os. Ces derniers viennent s’insérer dans des boucles préalablement attachées à un support. Sur certains objets, il n’y a qu’un corps donc les extrémités sont rassemblées en un point par un lien qui est à l’origine de leur concavité. La fonction de ce type d’objets en tant que hamac est discutée ; il s’agirait plutôt de sacs selon les dires de Mme Annemarie Seiler-Baldinger, ethnologue, et M. Martin Schultz, conservateur en charge des collections ethnographiques africaines et américaines du MHB. Enfin certains hamacs peuvent comporter des traverses en bois percées au niveau de la jonction entre le corps et les bras de suspension.

Un objet multifonction

Objet prestigieux et fort symbole hiérarchique durant la période précolombienne en Mésoamérique et dans le Nord des Andes, le hamac s’est démocratisé et s’est répandu dans la région du bassin amazonien et des forêts tropicales sud-américaines déjà avant le XVème siècle car, lorsque les premiers explorateurs occidentaux accèdent à la forêt amazonienne, le hamac est déjà utilisé comme moyen de couchage par toutes les couches sociales. Aujourd’hui encore, il sert communément à certains indigènes8 non seulement pour dormir ainsi que pour d’autres activités décrites ci-dessous9. Malgré la diversité des objets présents dans le quotidien des populations familières à l’usage* de hamacs, ces derniers se distinguent par leur large diffusion parmi tous les membres d’une société*, indifféremment du sexe, de l’âge ou du statut social de leurs membres. Certaines exceptions existent toutefois, et certaines seront présentées dans les paragraphes suivants. Le hamac est un meuble qui peut être qualifié d’universel. La qualification de meuble provient du sens premier du terme qui fait référence à la mobilité de l’objet puisque le hamac bouge et qu’il peut être déplacé facilement. L’universalité du hamac provient aussi de sa facilité d’adaptation pour diverses tâches (Figure 4, p. 14).

Le hamac peut avoir plusieurs fonctions au fil de la vie d’un individu, de sa naissance à sa mort. Dans certaines tribus du Venezuela, d’Equateur, du Brésil et de Bolivie, les femmes accouchent assises dans un hamac et s’y reposent pour un certain temps. Le père, quant à lui, prend part à la coutume de la couvade qui veut que le père s’étende dans un hamac et reçoive les mêmes soins que sa femme en couche. Cette coutume permet d’impliquer le père dans le processus de parentalité et ainsi de renforcer les liens entre les parents et l’enfant nouveau-né La couvade dure en de manière générale jusqu’à ce que le cordon ombilical du nouveau-né tombe10. Les nuits des premières années de l’enfant se passent dans le hamac de sa mère mais en grandissant, il ira dormir par terre ou récupérera d’anciens hamacs11. Le hamac peut jouer un rôle dans certains rites de passage, notamment à la puberté. Ces rites, qui permettent aux enfants de devenir adultes, peuvent prendre la forme d’un isolement ou d’une retraite dans un hamac. Les filles, au moment de leurs premières menstruations, sont mises à l’écart du regard des hommes dans un hamac, placé dans une cabane dédié cet effet ou suspendu en dessus d’un feu. Dans ce second cas, la fumée continuelle du feu permet de purifier la jeune femme et symbolise aussi la viande grillée prête à être consommée, comme si la jeune femme était prête à être « consommée » par son futur mari.

Dans le cadre d’autres rites, les jeunes (filles et garçons) sont isolés dans leur hamac en hauteur sous les toits des maisons communautaires. Il sert alors de lieu ou s’opère la transformation enfant-adulte, qui peut être imaginée comme une sorte de mort et de renaissance. Pour les filles, c’est aussi le moment qui est choisi, par leur mère et les autres femmes de la société, pour leur apprendre l’art du tissage ainsi que par extension, celui de faire des hamacs12. En ce qui concerne le mariage, beaucoup de sociétés ne le ritualise pas. Le fiancé ou la fiancée vient rejoindre son conjoint dans son habitation en installant son hamac proche du sien. Parfois, durant les premiers temps, ils emploient un hamac plus large, qui puisse les accueillir tous les deux13. En cas de séparation, le seul fait de retirer son hamac suffit14. Chez les Urubu, de l’Est brésilien, le mariage est proclamé par le chef du village alors que le couple est assis dans un hamac, leurs deux têtes enveloppées dans un tissu15. Dans la région caribéenne, le hamac a aussi servi quelques fois de dotes16.

Lorsqu’une personne décède, son corps est placé dans un hamac en position foetale ou couché. Le hamac représente l’utérus ou le placenta de la terre. Les Wayana de Guyane et du Brésil pensent que l’âme du défunt quitte le corps puis suit les attaches du hamac jusqu’au toit de la maison. Le hamac est suspendu à deux poteaux ou arbustes plantés dans une fosse et les objets personnels du défunt sont déposés autour de lui. La fosse peut être creusée sous une cabane miniature créée à cet effet ou dans la hutte du défunt. Cette dernière est ensuite généralement abandonnée et parfois incendiée. Chez les Yanomamis, au nord du Brésil, les défunts sont incinérés dans leurs hamacs puis sont enterrés17. Outre ces étapes ponctuelles de la vie, le hamac est utilisé de manière quotidienne par les indiens*. Bien évidemment, on y dort, on y paresse ou encore on y fait des siestes. Il permet notamment de se protéger des animaux qui pourraient se glisser dans la maison pendant la nuit, s’ils ne sont pas effrayés par le foyer à proximité. Il est aussi utilisé pour travailler à la fabrication de toutes sortes d’objets. Les femmes cuisinent depuis leur hamac et les enfants jouent dedans. Le soir venu, les hommes y siègent pour se raconter leur journée ou des histoires, parfois à plusieurs dans le même hamac. Lorsqu’ils veulent s’isoler du reste des membres de la société, les indiens vont se réfugier dans leur hamac et quand ils sont malades, ils y reçoivent les soins. Les actes sexuels sont, quant à eux, pratiqués à l’écart des habitations, à l’abri des regards, sur le sol des cultures ou des forêts. Le hamac est toujours à portée de main de son propriétaire. Lorsqu’il part en voyage, chasser ou travailler, il en emporte toujours un avec lui18.

Le hamac renseigne aussi sur le statut de celui qui le possède. Dans le cas des maisons communautaires, son emplacement n’est pas laissé au hasard. Chaque famille possède une partie de la maison et leurs hamacs sont suspendus plus ou moins en triangle autour d’un foyer afin de délimiter une zone privée à laquelle les autres habitants ne peuvent accéder sans y avoir été invité. Les maisons communautaires peuvent avoir plusieurs formes au sol : ovales, rondes ou quadrangulaires. Les poteaux qui les constituent sont en général espacés d’une distance adaptée à recevoir un hamac. L’agencement intérieur de ces maisons est divisé entre la zone pour les familles, la zone du chef, la zone de vie et parfois la zone des garçons célibataires.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. LE HAMAC MÉSO- ET SUD-AMÉRICAIN : MOBILIER ENDÉMIQUE DEVENU PHÉNOMÈNE MONDIAL
1.1. DÉFINITION
1.2. TERMINOLOGIE
1.3. LE HAMAC ET LE NOUVEAU MONDE
1.3.1. Une histoire millénaire
1.3.2. Un objet multifonction
1.3.3. Valeurs culturelles associées par les indigènes
1.3.4. Techniques et matériaux de fabrication
1.4. DÉCOUVERTE, APPROPRIATION ET ADAPTATION PAR LES OCCIDENTAUX
1.4.1. Un objet qui intrigue
1.4.2. De l’Europe mobile et bourgeoise à l’Amazonie scientifique en passant par l’Afrique coloniale
1.4.3. Toujours d’actualité
2. LE HAMAC EN TANT QU’OBJET PATRIMONIAL
2.1. COLLECTION DE HAMACS SUD-AMÉRICAINS DU MUSÉE D’HISTOIRE DE BERNE
2.1.1. Présentation du corpus de hamacs
2.1.2. Valeurs culturelles associées par le musée
2.2. UN OBJET RÉPANDU DANS LES MUSÉES ETHNOGRAPHIQUES
3. LE HAMAC ET LA PROBLÉMATIQUE DU CONDITIONNEMENT
3.1. LE CONDITIONNEMENT EN CONSERVATION
3.2. PROBLÉMATIQUE LIÉE AU CONDITIONNEMENT DES HAMACS
4. CONDITIONNEMENT DES HAMACS SUD-AMÉRICAINS DU MUSÉE D’HISTOIRE DE BERNE
4.1. CONSTAT D’ÉTAT GÉNÉRAL
4.2. CONCEPTS DE CONDITIONNEMENT
4.2.1. Objectifs des conditionnements
4.2.2. Solutions existantes
4.2.3. Choix des conditionnements
4.2.4. Choix des matériaux
4.3. RÉALISATION DES CONDITIONNEMENTS
4.4. BILAN DES CONDITIONNEMENTS
4.5. RECOMMANDATIONS DE CONSERVATION
4.5.1. Environnement
4.5.2. Manipulation
4.5.3. Contrôle
5. PROTOCOLE DE CONDITIONNEMENT POUR LES HAMACS SUD-AMÉRICAINS
5.1. OBJECTIFS DU PROTOCOLE
5.2. ELABORATION DU PROTOCOLE
5.3. RÉSULTATS OBTENUS
DISCUSSION
CONCLUSION
GLOSSAIRE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
ANNEXES
ANNEXE 1 : FIGURES
1878.445.0001
1920.433.0002
1922.435.0085
1929.435.0088
1933.445.0123.02
1934.435.0210
1934.435.0211
1934.435.0212
2002.445.0054
Cartes
ANNEXE 2 : TABLEAUX
ANNEXE 3 : FICHES D’IDENTITÉ ET DESCRIPTIONS DES HAMACS
ANNEXE 4 : CONSTAT D’ÉTAT DES HAMACS
ANNEXE 5 : COMMUNICATION AVEC LES INSTITUTIONS
ANNEXE 6 : PROTOCOLE DE CONDITIONNEMENT
ANNEXE 7 : FOURNISSEURS

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