Le griffonnage, machine à ralentir le temps 

Des traces de griffes

Le félin sort ses griffes lorsqu’il est heureux, apaisé ou contrarié. Mais le fait d’évoquer les griffes apparait souvent dans un cadre agressif. En effet, la plupart les animaux qui en possèdent le sont, et laissent parfois des traces. Des traces de griffes. En zoologie, des griffes sont des ongles pointus. Les griffes que nous possédons nous, humains, sont les instruments graphiques. Les stylos, pinceaux et autres crayons sont des griffes qui laissent des traces. Dans un autre terme plus familier, la griffe peut désigner une personne possédant un talent ou une force lui permettant d’exercer une activité ; on dit par exemple d’un écrivain ou d’un dessinateur qu’il possède une certaine griffe . Le griffonnage serait alors une succession de traces de griffes, de trait, reflétant un de nos talents cachés ou inconscients enfuis en nous mais qui n’a pas pour vocation de véritablement créer. Libre à nous de tirer ce geste vers un domaine artistique.
Les images de pensée que sont les griffonnages traduisent-elles notre personnalité ?Dans le cas de certains griffonneurs, leurs dessins paraissent le plus souvent figuratifs ; dessiner des visages connus de tous comme par exemple la tête de Mickey reflète d’une personnalité qui cherche une figure apaisante et reconnaissable et qui « aimerait communiquer avec plus d’aisance autant dans sa vie sociale que dans l’expression de sa sexualité ». Pour d’autres, les griffonnages laissent voir des formes abstraites ou plus personnelles : des croix, des droites, des motifs empilés, des chemins, des accumulations de signes, … Ceux-ci se basent sur une situation moins liée à vie sociale ; en effet, mon cas ne représente aucun lien avec une quelconque solitude. Un profond désintérêt pour les études que j’ai suivies au lycée m’a inculqué le besoin de recréer un autre monde contre celui qui m ’ennuyait.

Les Doodle Artistes et leur réseau de griffonneurs

Intéressons-nous au Doodle Art , et à un site en particulier joignable sur www.doodlersanonymous.com, réunissant les « doodle artistes » s’étant inscrits sur celui-ci et construisant un véritable réseau de dessinateurs. Ainsi, les membres de ce réseau peuvent pa rtager les photos de leurs travaux, en discuter, les apprécier et en débattre. Je vais donc montrer et analyser certains artistes afin de comprendre leurs intentions de dessiner autant, mais aussi de les partager sur internet. Je compte aussi poser le problème de la place du papier (ou de la toile) face aux outils informatiques dans le domaine de l’art.
Ce qui m’intéresse sur ce site, c’est le fait que les artistes y figurant sont exclusivement des dessinateurs qui dessinent pratiquement chaque jour et qui n’ont besoin de l’internet que pour y diffuser leurs œuvres. Des œuvres qui d’ailleurs ne dépendent d’aucun outil informatique pour créer ; seuls le papier et les instruments pour dessiner sont nécessaires.
Mais pourquoi ces artistes ne font-ils pas le pas afin d’exposer dans des galeries? Le Doodle Art peut être une forme d’art qui attire les artistes en mal d’occupation et essayant de contrer l’ennui; il se pourrait donc que ces dessinateurs soient purement amateurs et que leurs démarches ne soient que simple envie de tuer le temps. L’idée d’exposer leurs travaux dans des galeries ne serait donc pas leur préoccupation première, ni même d’ailleurs la nécessité de les montrer sur internet. Néanmoins, le concept de diffuser ce genre de travaux artistiques monomaniaques sur la toile résulte à créer un véritable réseau, un groupe réunissant le plus de Doodle artistes possibles. Ce site en fait partie. On y trouve autant des dessinateurs qui ne peuvent s’empêcher de dessiner tous les jours que des artistes qui s’obstinent à réaliser un seul et même travail long, précis et laborieux. Mais ce que l’on y trouve le plus sont des artistes qui réalisent des travaux sur des carnets de croquis, le plus souvent remplis de dessins que ceux-ci tiennent à remplir totalement de leur motifs ou figuration singulière.
Ci-dessus, l’artiste Anikadessine tous les jours un motif différent sur chaque page de son petit carnet. Où pourrait-elle trouver le temps d’avancer ce projet sinon par exemple pendant un trajet quotidien et long comme les transports en commun ? Une réalisation et une idéetoujours similaires mais un résultat toujours différent sont le fruit d’un travail et d’une recherche semblables à un écrivain ou à un archiviste. Nous verrons par ailleurs que mes travaux suivent à peu près la même logique, si bien que je dessine toujours le même motif, mais je m’efforce à remplir ceux-ci de différentes manières pour éviter la monotonie. Le format est également présent et important afin que l’artiste jouisse d’un confort optimal et d’un processus de création assez simple. Le fait de dessiner un motif par jour pourrait être le remède contre l’ennui dans les transports en commun, occupant de fait l’aller et le retour. Je suis très impressionné et intéressé par le travail et le projet d’Anika car elle insiste à ne jamais se répéter dans les motifs mais elle résiste à la tentation de dessiner sur des supports différents. En fait, le cahier fait en partie la force de son œuvre.

Le temps de l’ennui

Nous vivons actuellement dans une société où tout est à portée de main. Tout est à disposition de l’homme soucieux de posséder des besoins quelconques où d’appartenir à quelque chose. Ennui et temps sont deux termes qui se complètent ; quelqu’un qui s’ennuie fait irrémédiablement face au temps, et ce temps parait trop long. De même, le propre de l’« ennuyé » est de chercher constamment du divertissement matériel ou spirituel. De fait, le divertissement est comme une sorte d’échappatoire à une vie cherchant à éviter ce malaise qu’est l’ennui.Le temps passé devant un écran sans réel but, cherchant désespérément une occupation est déjà signe d’ennui. C’est en cela que la modernité pousse l’individu à chercher de plus en plus de chose à faire, en oubliant l’essentiel : le temps n’est pas à son service ; c’est à l’individu de le gérer afin qu’il ne soit pas une menace. « Une personne qui regarde la télévision quatre heures par jour ne voudra pas admettre qu’elle s’ennuie, mais pourquoi passerait-elle sinon un quart de son temps éveillé devant l’écran? Par paresse, me direz-vous. Mais la paresse libère encore plus de temps dont on ne sait que faire, et la télévision n’a pas son pareil pour tuer le temps. Il n’y a, tout bien considéré, aucune raison pour passer plusieurs heures le soir devant la télévision que de vouloir se débarrasser d’un temps jugé superflu ou dés agréable».

L’attente du nouveau

Chercher à tuer le temps serait alors un prétexte pour mettre son envie à l’épreuve; en admettant que l’envie soit une cousine proche de l’ennui, il parait de fait assez difficile d’en échapper. L’ennui serait donc un moment fastidieux qui passe avec le temps dont celui-ci ne sera battu qu’avec la découverte d’un divertissement nouveau? Par ailleurs, cette constante recherche du nouveau nous pousse parfois à réinterpréter la réalité comme le roman À rebours de Joris Karl Huysmans, publié en 1884, qui relate l’expérience de l’ennui du comte Des Esseintes qui au fil du livre met en scène son environnement afin de le contrer. Le comte, s’étant efforcé à s’enfermer dans sa demeure afin de vivre l’expérience de l’ennui, de la lassitude et de l’oisiveté en y lisant ses ouvrages préférés, en jardinant et en admirant ses quelques tableaux, aura engendré la notion d’antihéros, individu extérieur au dogme de la vie accélérée , de la performance, lors d’une époque de révolution industrielle.
Le problème de l’ennui peut refléter la mort ; en effet, « l’ennui est apparenté à la mort mais c’est une parenté paradoxale : tandis que l’ennui profond est une sorte de mort, la mort apparait comme l’unique rupture totale avec l’ennui ». D’où le dicton s’ennuyer «à mourir ». De même que le roman La route nous cache la cause de la fin du monde couvrant alors le mystère et peut rejoindre le récit de George Bernanos citant le fait que si le genre humain disparait, ce sera de lassitude, d’ennui.
En fait, l’ennui et l’envie sont liés. Effectivement, le manque d’envie crée parfois l’ennui, et l’ennui peut créer le manque d’envie. En tant que surveillant dans un collège, j’ai souvent en face de moi des élèves qui veulent à tout prix accélérer le temps, tout en étant lassés des tâches à accomplir. Prenons l’exemple d’un élève dont le professeur est absent et qui ne peut pas sortir du collège car il a cours à l’heure d’après. Cet élève sera alors obligé de se rendre en salle de permanence, lieu où je devrai le surveiller et l’aider pour ses devoirs. Il sera tellement désabusé par l’envie d’accélérer le temps qu’il fera tout pour le faire, quitte à faire des bêtises au lieu de faire ses devoirs, s’il en a. Mettonsen scène un dialogue récurant qui arrive très souvent dans une salle de permanence.

L’oubli du faire

« L’habitude, c’est la volonté de commencer à se répéter soi-même»

À la base, le fait de dessiner ce motif était un prétexte pour échapper à l’ennui lors de ma période lycéenne, face à un temps trop long à cause de certains cours qui ne m’intéressaient pas. Par conséquent, je me suis approprié mon propre geste avec les instruments et les supports à ma disposition à cette époque, et de toute évidence, le divertissement quel qu’il soit était un remède à l’ennui. Ma pratique m’a alors aidé à passer le temps parfois trop long alors qu’étrangement, sa vitesse ne varie pas ; les secondes ne ralentissent ni n’accélèrent, seule notre perception du temps nous fait croire à une vitesse changeante.
L’habitude est un facteur prédominant dans ma pratique. Une habitude gestuelle due à l’oubli même du geste, de la même manière qu’on oublie de penser nos gestes quotidiens comme par exemple le simple fait de se brosser les dents. Selon Bachelard, l’habitude est signe de progrès. Effectivement, le perpétuel recommencement des gestes nous pousse à améliorer, à perfectionner nos actions par le biais notamment de la rapidité et le la précision.
Avec l’habitude et l’expérience, ma pratique n’obtient que le strict nécessaire d’un point de vue gestuel et temporel afin d’assouvir mon processus de création. Les traits sont plus simples, les courbes plus lisses. L’habitude change-t-elle alors notre perception de la vitesse du temps ? Des gestes plus maitrisés, plus rapides, plus précis, nous permettent-ils de d’accélérer notre rythme ? J’ai voulu créer un moyen d’accélérer le temps en premier lieu afin de remédier à mon ennui. Puis, au fil du temps et de l’ennui disparu, ma pratique artistique s’est transformée en machine à ralentir le temps. En une machine à but répétitif où seule la volonté de remplir un espace peut l’arrêter. En une machine qui nous rappelle l’horloge imperturbable, toujours sous un même rythme ; mais le fait de fixer et de se concentrer sur une horloge en marche ne fait que ralentir notre perception du temps.

Idiorythmie

Il existe une peur du temps. Sans pitié et défilant sans regarder en arrière, le temps ne se soucie pas de nos peurs de ne pas accomplir tous nos vœux et de nos probables erreurs. Mais interprétons-nous le temps de la même manière ? Le défilement du temps est-il le même pour tous ?
Nous venons de voir que le temps défile différemment selon nos occupations. Une personne très occupée verra son temps défiler à toute vitesse, alors qu’un oisif le trouvera particulièrement long. L’interprétation des sciences sociales de Pascal Michon met en avant le rythme dans notre société contemporaine en rapport avec l’environnement. À partir de simples observations, il constate que le rythme d’un individu évoluant dans un milieu urbain fera défiler le temps aussi vite que son allure, sa façon de marcher : « observons les citadins dans le métro parisien et notons qu’ils sont toujours pressés. Pressés d’aller au travail le matin et pressés de rentrer chez eux le soir ». À l’opposé, une personne vivant dans un milieu rural semble ne pas avoir de soucis de gestion du temps. Ceci émet une sorte de paradoxe de l’individu urbain n’ayant pas le temps mais possédant tous les moyens afin d’en gagner et l’individu rural sans transport ni commerce mais jouissant de ce temps si envié.
La notion de rythme serait la répétition d’un motif de manière ordonnée. Un rythme réussi est également un rythme que tout le monde suit ; en musique, lorsqu’un rythme est ordonné par le batteur, les autres musiciens le suivent, tout comme dans le métro parisien où la cadence d’un individu pressé peut en faire naitre nombre d’autres. Il existe alors une émulation comportementale. De même que le geste de masse existe dans notre société contemporaine.
La façon de marcher, de s’exprimer sont des gestes, des comportements désormais de masse.
J’ai voulu faire l’expérience de rechercher des images concernant l’ennui sur internet via un moteur de recherche (Google, taper « ennui »). Le résultat est tel que je l’imaginais: on y trouve en majeure partie des photos d’individus utilisant leur main comme repose-tête, mais surtout des dessins de toutes sortes. On constate donc que l’ennui peut être déclencheur de créativité. Ce sont des dessins réalisés dans la souffrance, dans une bulle dont l’ennui nous empêche de percer. De fait, l’ennui peut être une pathologie bénéfique pour un artiste car il peut aider à nous rapprocher plus de nous-mêmes et de nous déconnecter du monde extérieur.
Ce qui m’intéresse donc face à ce mal qu’est l’ennui, c’est qu’il peut aussi être un bien, un plaisir venant d’une souffrance. ↑oilà ma motivation : accepter l’ennui et l’utiliser à des fins artistiques.
La société d’aujourd’hui s’instaure en faveur d’une population avide de gains de temps, car trop occupée à trouver tous les moyens possibles afin de ne pas le perdre. Cette recherche de temps précieux est facilitée par les accès rapides à l’information, aux tâches ménagères et à la consommation. Les individus de ce monde contemporain peuvent ainsi se procurer assez de temps à mettre en œuvre quotidiennement des tâches dénuées de corvées. Le domaine du travail prenant de plus en plus de place, notre société nous favorise à réévaluer le temps perdu ; tout est libre, facile et rapide d’accès.
Par analogie, on remarque que notre population a tendance à s’ennuyer très vite une fois ces tâches rapides effectuées. Comment lutter contre l’ennui lorsque tout es t à portée de main ? Plus précisément, un artiste, si solitaire soit-il, a-t-il besoin de l’ennui pour créer? Le temps gagné à ne rien faire n’est-il pas justement du temps perdu ?
Nous constatons que nous sommes pratiquement tous des personnes victimes de notre société de consommation. En effet, nous ne luttons pas contre les accès rapides aux corvées car de nature paresseuse, nous aimons que les choses que nous n’apprécions guère se fassent vite. Si nous ne voulons pas cuisiner, nous courons à la restauration rapide. Si un programme télévisé ne nous plait pas, nous zappons et nous offrons un divertissement à la demande. Tout est facile d’accès selon notre degré de désir. Quel ennui!
Il est vrai que pour la plupart d’entre nous, le temps est précieux. Mais qu’en est-il de ceux qui en ont à revendre ? L’ennui est-il une fatalité à laquelle on ne peut échapper ? En ce qui me concerne, ma solution contre l’ennui a été le dessin. Un dessin automatique, monoma-niaque et habituel. Je dessine un motif bien à moi, intemporel et immortel à mes yeux. Je le dessine partout et le plus souvent possible lorsque je m’ennuie. Le geste spontané me prend à chaque fois que l’ennui m’envahit.
L’ennui est un sentiment qui touche de plus en plus de monde dans notre société contemporaine. Une société où pratiquement tout est accessible facilement et où l’effort est devenu une action à éviter. Un désœuvrement que chacun d’entre nous a pu éprouver dans un instant de notre vie. Pour moi, l’ennui peut s’apparenter à la mort. C’est une peur que l’on veut tous contrer, une crainte de temps perdu à ne rien faire, symbole de gâchis.
Par ailleurs, cet ennui nous ramène souvent à un tabou, à une gêne que l’on ne veut pas partager ou révéler. Peu importe notre expérience ou notre âge, l’ennui est une prison dans laquelle on ne sort qu’en y ayant la clé de l’occupation de notre esprit ou de notre corps.

Ralentir le temps

De quelle façon la perception du temps peut-elle être ralentie ou accélérée? Y a-t-il un facteur qui permet au temps de varier sa courbe, sa vitesse ? Nous avons vu que la période précédant notre vie d’adulte demande au temps de s’accélérer, dû à l’impatience de vivre une vie d’adulte, à l’impatience de rompre avec les interdits, d’accéder aux libertés sexuelles, monétaires et consommatrices.
L’adolescence passée, le temps se veut désormais trop rapide, il ne nous attend plus, et ceci est peut-être dû au fait que le passage à l’âge adulte exige davantage de responsabilités et donc plus de temps à s’attarder à ceux-ci. Par ailleurs, l’ennui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, disparait petit à petit. En effet, l’adulte constate qu’il n’a plus le temps de s’ennuyer ; le travail et les responsabilités quotidiennes ne laissent alors pas placeà l’ennui.
Le temps de l’adulte serait alors plus précieux, conscient qu’il passe bien plus vite qu’à l’adolescence. Mais l’adulte croit qu’il manque de temps parce qu’il a trop de choses à faire.
La cadence de la vie quotidienne comme les transports, le travail ou la consommation, oblige à faire de plus en plus de choix. Et ces choix réduisent de plus en plus notre temps. De plus, les accès constants aux machines et également à Internet nous privent de temps. Comment contrer alors cet effet d’accélération du temps? Karl Heinz Gassler nous propose de nous référer aux phénomènes naturels. Ce chercheur qui étudie notre rapport au temps et à la vitesse affirme qu’« il y a des choses qui ne s’accélèrent pas: il y a toujours sept jours dans la semaine et pas huit. Les années font toujours la même durée. Il y a toujours le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. […] Ce qui change, c’est ce que nous produisons».
L’adulte arrive-t-il donc à s’ennuyer ? Cette époque d’une vie consiste alors à ne pas laisser passer le temps mais de profiter de lui. Ma démarche artistique émet une relation entre le temps et le dessin ; je profite du temps qui m’est imparti sans pour autant le gâcher afin de ralentir le temps, en dessinant. Un geste long et minutieux, calme, qui permet au temps de s’installer et de ne pas se brusquer et de filer trop vite. En effet, si ma démarche étaiténergique, j’imagine que je ne pourrais pas profiter du temps, celui-ci étant susceptible à l’agression spirituelle. Dessiner le temps par la méditation et le calme de l’esprit me permet donc construire un frein temporel. Mon geste est d’ailleurs assez lent. Une lenteur qui s’allie avec le temps que je veux ralentir.
Il est autrement possible de ralentir le temps et vous pouvez en faire l’expérience. Munissez-vous d’un grand verre vide et d’une bouteille pleine. Percez le bouchon de la bouteille afin que l’eau ne se déverse que goutte par goutte. ↑ersez l’eau dans le verre par ce bouchon jusqu’à ce que le verre soit rempli. Cette expérience testera votre patience et votre volonté de voir le résultat d’un processus long, mais fera également ralentir considérablement votre perception du temps. Ce geste lent est par ailleurs apparenté à un rythme auquel je dois constamment respecter et
qui s’allie à une autre pratique: la musique ; en tant que batteur amateur, je suis conscient qu’un rythme lent et constant est assez difficile à réaliser. Un tempo lent est souvent victime d’accélération, soit par lassitude, soit par manque de concentration. Dessiner lentement serait alors pour moi un exercice de liberté de concentration en contradiction avec la pratique de la batterie. Rappelons que je dessine au stylo à bille noir, instrument indélébile et que je peux difficilement corriger. Il est impossible pour moi de retourner en arrière, non seulement dans le dessin, mais également (et comme tout le monde) dans le temps. En musique, le tempo est facilement critiquable lorsque celui-ci varie alors qu’il ne devrait pas; si le tempo oscille sans l’avoir voulu, celui qui écoute sort de l’univers musical, de l’histoire que ce dernier aurait souhaité émettre. En fait, c’est comme une faute d’orthographe dans un récit. Le lecteur la détecte, pense à elle et sort du texte.

Les facteurs émotionnels

Le langage

À l’époque de l’art pariétal, le dessin était un langage à part entière. Des scènes de chasse, de prière ou même de vie quotidienne étaient retranscrites sur les murs, signes de communication, de messages, de témoignages. Un langage remplacé par l’écrit ure il y a environ 6000 ans en Mésopotamie et en Egypte mais qui perdure toujours aujourd’hui, sachant que certains langages ne peuvent être remplacés par l’écriture elle -même. La musique, le dessin, la danse, les expressions du corps sont des langages : « Langage nm 1. Faculté propre à l’homme d’exprimer ou de communiquer sa pensée par un système de signes vocaux (parole) ou graphiques (écriture). 2. Tout système permettant de communiquer : langage gestuel ; mode d’expression (symboles, formes artistiques, etc.). […] 6. Expression propre à un sentiment, une attitude : le langage de la raison. 7. Ensemble des règles permettant d’assembler des instructions élémentaires pour programmer un ordinateur ».
En outre, mes dessins reflètent mon propre langage, mon propre récit, mon propre vécu.

CARAMEL

Ce terme désigne « Conscience, Automatisme, Réflexivité et Apprentissage pour un Modèle de l’Esprit et du Langage ». C’est un modèle de traitement automatique des langues. Il est évident que le langage s’apprend et s’améliore avec l’expérience et que celui-ci n’a pour intérêt que de communiquer, de partager ; de la même façon qu’un bébé apprend à prononcer ses premiers mots, je me suis approprié mécaniquement un motif qui m’est propre, un langage personnel dont je suis pour l’instant le seul détenteur.
Cette notion de CARAMEL m’a interpelé car elle «est fondée sur des processus conscients (contrôlés) et des processus inconscients (subliminaux) ». Par conséquent, je commence à me rendre compte que ce motif qui m’est cher devient hors de mon contrôle tant il est devenu une obsession ; concrètement, mes griffonnages ont déclenché un raisonnement rationnel qui s’est transformé en reflexe, m’apportant l’apprentissage d’un processus automatique sur long terme.
Du primaire à l’articulé Au fil du temps, mon motif que je considère maintenant comme mon propre langage s’est amélioré ; face à quelques contradictions, des règles et des obligations se sont imposées. De toute évidence, un griffonnage ne dicte aucune règle précise. Libre à nous de griffonner comme on le souhaite. De par les miens, je me suis forgé ma propre pratique artistique, mon propre univers visuel. Avec l’expérience et la constante envie de dessiner ce motif, celui -ci s’est développé et a atteint un but auquel je ne peux plus en modifier la base. Par ailleurs, nous avons vu précédemment que l’habitude évoquée par Bachelard détient un rôle important dans l’amélioration et l’évolution d’une pratique. Notons que l’habitude de pratiquer le langage ne fait que l’améliorer ; l’exercice de l’articulation, de l’écriture, de la lecture , perfectionne notre langage, et c’est en ceci que les fautes, peu importantes soient-elles, s’amenuisent jusqu’à disparaitre.
J’ai voulu imager cette notion de langage en dessinant mon motif sur une grande feuille de papier, au stylo à bille noir, le but étant de dessiner mes « chemins » caractérisés par deux trais séparés par la même distance -environ cinq millimètres-, et suivant toujours la même directive : remplir la surface. L’image proposée est alors une succession de chemins blancs à bords noir, sur fond blanc.

La mémoire

Bien que m’étant adonné à d’autres pratiques artistiques comme la photographie et lapei nture, j’ai toujours gardé cette envie de dessiner et ce, depuis ma période lycée. Le dessin prenait une place importante dans les marges de mes cahiers de cours. Des motifs simples à la base qui se sont complexifiés au fil du temps et des programmes scolaires qui trop souvent freinaient mes intérêts. J’y ai trouvé quelques vestiges de cette époque (trousse, cahiers,…) qui confirment le fait que ma mémoire de ce motif est restée quasi intacte. Cette passion pour ce motif a commencé lors de profonds ennuis face à certains programmes scolaires, me poussant à griffonner avec ferveur et détermination. Un griffonnage qui s’avèrer a de plus en plus envahissant, me poussant à sortir du support classique de mes cahiers.

La mémoire kinesthésique : mémoire du geste

Le geste que j’ai acquis s’est amélioré avec l’entrainement. Comment se fait-il qu’un geste puisse devenir si automatique ? Les circonvolutions complexes du cerveau nous sèment le doute rien qu’en sachant qu’un individu atteint de la maladie d’Alzheimer ne pourra pas se servir de sa brosse à dent,mais sera capable de nous raconter un instant précis de son enfance.
Un souvenir plus marquant face à une action banale et quotidienne ? Est-il possible de créer sans mémoire ? Il en existe plusieurs sortes. La mémoire physique est la plus facile à garder et à archiver. En effet, nous constatons qu’il est particulièrement aisé de reconnaitre une personne que l’on a déjà vue ou que l’on connait déjà.Elle fait partie de la catégorie mémorielle à court terme. À l’opposé de la mémoire physique se trouve la mémoire épisodique. Notons qu’il est assez difficile de se remémorer par exemple, le plat que nous avons mangé il y aune semaine. Cette mémoire se présente comme étant une mémoire à long terme. Entre ces deux opposés mémoriels se trouvent la mémoire du travail qui constitue un effet d’assimilation gestuelle, et la mémoire sémantique qui aide à la compréhension du langage. Par conséquent, une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer pourra créer si sa mémoire physique lui permet de tenir son instrument, mais sera freiné par sa mémoire épisodique, quant au sujetqu’il voudra exprimer artistiquement.

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Table des matières
Introduction
I- Le griffonnage, machine à ralentir le temps 
1- Histoire du griffonnage
a- Le Mind Mapping
b- Des traces de griffes
c- Les Doodle Artistes et leur réseau de griffonneurs
2- Le temps de l’ennui
a- L’attente du nouveau
b- L’oubli du faire
c- Idiorythmie
3- Trop rapide ou trop lent
a- Accélérer le temps
b- Ralentir le temps
c- L’impact de l’instant
II- Méandres de l’esprit: cognition et finition
1- Les facteurs émotionnels
a- Le langage
b- La mémoire
c- Le raisonnement
d- La perception
e- La motricité
2- Le processus de création
a- Un début sans sortie
b- Un parcours intuitif
c- Une fin raisonnée
3- Une approche méditative
a- Le geste répétitif face à la douleur corporelle
b- Une épreuve mentale
c- Une idée de conquête
Conclusion

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