Le granulé de bois
Malgré le fait que l’hydroélectricité soit une énergie renouvelable et coûte moins cher que le mazout, se pourrait-il qu’il soit néanmoins préférable de ne pas se tourner vers cette forme d’énergie pour le chauffage? En effet, il se pourrait qu’il s’avère plus profitable de consacrer l’hydroélectricité à d’autres secteurs d’activités, soit parce qu’ils sont plus énergivores, telle la production d’aluminium, soit parce qu’ils pourraient s’avérer plus rentables, comme l’exportation d’hydroélectricité, ou soit parce qu’ils permettent de réduire les GES et les achats de produits pétroliers du Québec, telle dans l’électrification des transports. Les deux volets de cette question seront abordés, soit l’aspect de l’efficacité de l’hydroélectricité et l’aspect économique.
L’autre élément d’analyse est celui de la rentabilité pour le Québec de créer de l’activité économique avec l’hydroélectricité plutôt que de s’en servir pour créer de la chaleur. C’est le cas lorsqu’on attire des investissements de production d’aluminium très énergivore, mais créatrice d’emplois. Aussi, l’exportation de l’énergie du Québec est une activité pesant positivement sur la balance commerciale. Finalement, un autre aspect prometteur pour l’avenir est l’électrification des transports, puisque chaque litre de pétrole substitué par une énergie produite au Québec est aussi une source d’enrichissement pour celui-ci, en plus de générer des aspects positifs pour l’environnement.
Hydroélectricité et production d’aluminium:
La production d’aluminium au Québec s’explique en grande partie par son potentiel hydroélectrique. Dans la mesure où la production de ce métal nécessite beaucoup d’électricité, une croissance de la demande mondiale de ce métal offre des opportunités pour le Québec, à condition d’être en mesure d’y répondre. Tentons de dégager des perspectives d’avenir pour l’aluminium.
Perspective Rio Tinto Alcan:
Toujours dans le but de dégager des perspectives d’avenir pour l’aluminium, les signaux que peuvent envoyer les dirigeants des grands producteurs de ce métal sont des éléments à considérer. À cet égard, le 13 octobre 2010, devant le Conseil des relations internationales de Montréal, la chef de la direction de Rio Tinto Alcan, Mme Jacynthe Côté, a fait valoir que l’abondance de l’hydroélectricité, la qualité de la main-d’œuvre et la stabilité des milieux socio- économiques faisaient du Québec un endroit idéal pour la production d’aluminium sur la scène mondiale pour les prochaines décennies et que Rio Tinto Alcan entendait maintenir ses investissements dans la province pour en profiter.
Exportation d’électricité:
Exporter l’hydroélectricité du Québec a deux conséquences positives, l’une économique et l’autre environnementale. Économiquement, exporter signifie faire entrer des devises par la vente d’électricité aux États-Unis. Cela a un impact positif sur la balance commerciale du Québec et du Canada. En 2009, les exportations nettes d’Hydro-Québec ont compté pour seulement 10 % du volume des ventes, mais ont généré 22 % du bénéfice net de l’entreprise . Pour la seule année 2008, les revenus d’exportation ont atteint 1,9 milliards $ . La société d’État prévoit d’ailleurs verser 9,2 milliards au gouvernement du Québec23 pour la période 2009 – 2013. Bien que l’exportation d’électricité soit une opportunité économique intéressante, il est possible qu’il soit tout de même plus rentable de produire de l’aluminium avec l’électricité du Québec et d’exporter le produit fini par la suite. L’objectif de ce chapitre n’est pas d’identifier le meilleur débouché pour l’hydroélectricité québécoise, mais plutôt de souligner certaines possibilités d’envergure.
Capacités d’interconnexion
Une interconnexion permet d’acheminer de l’électricité sur des réseaux à l’extérieur des frontières du Québec. Grâce à ses 16 interconnexions, le Québec a accès à plusieurs marchés. En plus des lignes donnant accès à l’Ontario et aux Maritimes, tout le nord-est des États-Unis demeure un marché disponible (figure 16). Par exemple, le Vermont achète environ un tiers de son énergie à HydroQuébec27 et, depuis 1980, la Nouvelle Angleterre achète environ la moitié des exportations d’Hydro-Québec . Même l’ouest de l’État de New York peut être alimenté par des opérations de transit par les interconnexions d’Hydro-Québec avec l’Ontario. Il serait intéressant d’approfondir le fait qu’une partie de la production d’électricité aux États-Unis soit faite à partir du gaz et que celui-ci semble atteindre des prix peu élevés. Il faudra en voir les conséquences sur les exportations du Québec .
Prévisions pour la demande américaine en électricité
Le « World Energy Outlook 2008 » a publié un scénario d’avenir de la demande énergétique des États-Unis jusqu’en 2030 (tableau 6). La dernière colonne du tableau (2006-2030) indique le pourcentage annuel d’augmentation de la consommation pour chaque type d’énergie. Ainsi, dans le cas de l’électricité, elle devrait croître de 1,3 % par année, passant de 277 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2006 à 376 Mtep en 2030.
Les tendances d’électrification des transports:
La voiture électrique a longtemps été davantage un rêve qu’une réalité. C’est maintenant quelque chose de bien réel. L’année 2010 a laissé place à de nombreuses initiatives de production de voitures électriques de différents constructeurs automobiles. Le Salon de l’auto de Détroit 2010 en a d’ailleurs fait le thème de son événement annuel sous le nom de « Electric Avenue ». Une vingtaine de modèles y étaient exposés avec des noms de voiture bien connus tels BMW et son Concept Active E avec des accumulateurs lithium ion qui se rechargent en trois heures, l’Audi e-Tron, la C30 électrique de Volvo, la i-MiEV de Mitsubishi, la LEAF de Nissan, la Prius hybride rechargeable de Toyota et finalement la Chevrolet Volt, commercialisée en septembre 2010 aux États-Unis .
Le Québec:
En tant que quatrième producteur mondial d’hydroélectricité derrière les ÉtatsUnis, la Chine et le Brésil30 , le Québec a une possibilité intéressante de réduire sa consommation de pétrole par le biais de l’électrification des transports. Pour les pays qui produisent leur électricité à partir de carburant fossile, l’avantage de passer du moteur thermique au moteur électrique est principalement de réduire le smog urbain, sans toutefois réduire la consommation d’énergie non renouvelable.
Pour le Québec, le transfert du thermique à l’électrique offrirait l’opportunité de réduire directement sa consommation de pétrole, ce qui signifie que plutôt que de rouler avec une énergie provenant de l’extérieur de ses frontières, on consommerait l’hydroélectricité produite ici. Mme Nathalie Normandeau, alors ministre des Ressources naturelles, a d’ailleurs affirmé que d’ici 2020, l’objectif est de faire passer de 38 % à 32 % la part du pétrole dans le bilan énergétique du Québec . C’est aussi pour la province une opportunité de réduire ses émissions de GES puisque le secteur des transports représentait 43 % des émissions de GES du territoire en 2008 .
LE GRANULÉ DE BOIS:
L’hydroélectricité n’est donc peut-être pas la meilleure alternative au mazout. D’une part, les besoins de production d’électricité augmentent au moment de l’année où la demande est déjà à son plus fort, occasionnant pour Hydro-Québec le défi de gérer cette pointe hivernale et même d’envisager de s’approvisionner à l’extérieur des frontières du Québec. D’autre part, il est possible de produire davantage d’activité économique à valeur ajoutée plutôt que de la simple production de chaleur.
Il existe d’autres formes d’énergie pour le chauffage des bâtiments et le granulé de bois pourrait être celle à privilégier. Ce chapitre présentera la popularité de cette forme d’énergie en Europe, analysera le fait que le Québec en produit abondamment et finalement, prouvera que c’est une énergie renouvelable et neutre sur le plan des émissions de GES. D’abord, un bref regard sera porté sur les autres énergies renouvelables pouvant être utilisées pour le chauffage .
Autres énergies renouvelables pour le chauffage:
Avant de penser aux meilleures formes d’énergie, il importe d’abord de s’assurer de l’efficacité énergétique des bâtiments. Cela passe bien sûr par l’optimisation de l’isolation de l’enveloppe des bâtiments ainsi que par l’utilisation judicieuse de l’énergie .
Tout comme l’hydroélectricité, l’énergie électrique éolienne est produite par une turbine, mais alimentée par la force du vent plutôt que celle de l’eau. Bien qu’il s’agisse d’énergie renouvelable, le questionnement quant à la pertinence de son utilisation pour le chauffage demeure le même que dans le cas de l’hydroélectricité, puisque peu importe la source, il est probablement plus judicieux d’utiliser l’électricité produite à d’autres fins que le chauffage.
Lorsqu’on parle de l’énergie solaire, il importe de bien faire la distinction entre les différentes variantes de cette forme d’énergie renouvelable. Il y a tout d’abord la production d’électricité à partir de cellules photovoltaïques. Dans un contexte où l’on parle de production de chaleur, le scénario est le même que pour l’hydroélectricité et l’éolien, car il est question de production d’électricité. Le solaire thermique quant à lui consiste à des capteurs vitrés dans lesquels circule un liquide caloporteur réchauffé par le rayonnement solaire. Dans ce cas, il est question uniquement de production de chaleur, ce qui est pertinent pour le chauffage de bâtiment. Cette approche est d’ailleurs très complémentaire à d’autres systèmes chauffant de l’eau.
Le granulé de bois:
Le granulé de bois, communément appelé granule au Québec et pellet dans le reste du monde, est issu du compactage des sous-produits de la première transformation du bois, comme la sciure. Son diamètre varie entre 6 et 8 mm et sa longueur entre 15 et 25 mm. Son taux d’humidité est inférieur à 10 %, ce qui en fait un combustible au pouvoir calorifique pouvant atteindre autour 4 900 kWh/t. Il y a environ autant d’énergie dans une tonne de granulés que dans 500 litres de mazout .
Bien que solide et trois fois plus volumineux que le carburant fossile, sa popularité est liée à sa capacité d’être facilement emmagasiné dans des réservoirs, d’être transportable par des systèmes automatiques et même d’être livré par camion souffleur .
Production et consommation de granulés de bois:
Portrait régional
Afin d’obtenir des statistiques sur la capacité de production régionale de granulés, M. Ken St-Gelais, contrôleur administratif chez Granules LG de SaintFélicien, a été interrogé en novembre 2010. Il a indiqué que la capacité de production de l’usine est de 120 000 tonnes annuellement. Dans le contexte de la crise forestière, les fermetures d’usine de sciage ont cependant réduit considérablement les possibilités d’approvisionnement en planure, matière première pour la production de ce biocombustible de bois. En mai 2009, Granules LG de Saint-Félicien a acquis un séchoir afin de pouvoir recevoir de la matière humide telle que des copeaux et ainsi diversifier ses sources d’approvisionnement. En octobre 2009, l’entreprise a ajouté un broyeur afin de pouvoir déchiqueter de grosses pièces de bois. Toujours selon M. St-Gelais, ce processus permet même d’utiliser des arbres de forêts brûlées de 3 à 5 ans. Plutôt que de se décomposer lentement dans la nature, la régénération forestière est accélérée par la libération des troncs brûlés sur les parterres.
De plus, durement touchée par la crise, l’industrie forestière de prélèvement du bois en forêt est sollicitée économiquement par cette récupération. Cependant, au moment de l’entrevue avec M. St-Gelais, l’abondance de résidus de scierie ne rendait pas nécessaire l’approvisionnement de bois déchiqueté. Il est d’avis qu’il en sera ainsi encore quelques années dans la mesure où il semble se dessiner un surplus de copeaux, soit jusqu’à un million de tonnes en 2011.
CONCLUSION:
Dans un contexte mondial d’accroissement de la population jumelé à une augmentation de la demande en énergie, s’interroger sur la pertinence d’une filière énergétique peu utilisée au Québec constitue une question sociale judicieuse. C’est encore plus vrai quand cette forme d’énergie est vouée presque exclusivement à la production de chaleur alors que le territoire québécois est très affecté par les rigueurs de l’hiver. L’analyse développée a permis de montrer que le granulé de bois dans le chauffage des bâtiments est une filière énergétique à privilégier, et ce, tant pour des raisons environnementales qu’économiques.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Contexte énergétique
1.1 Portrait énergétique international
1.2 Portrait énergétique québécois
1.2.1 Dépenses totales en énergie au Québec (1983-2008)
1.2.2 Dépenses des Québécois (particuliers) consacrées à l’énergie
1.3 Un pays d’hiver
Chapitre 2 : Problématique
2.1 Évolution des prix de l’énergie au Québec
2.2 Consommation de produits pétroliers au Québec
2.3 Prévisions des ventes d’électricité.
2.4 Stratégie du plan d’approvisionnement 2011-2020
Chapitre 3 : Question de recherche
3.1 Hydroélectricité et production d’aluminium
3.2 Perspective Rio Tinto Alcan
3.3 Exportation d’électricité
3.3.1 Capacités d’interconnexion
3.3.2 Prévisions pour la demande américaine en électricité
3.4 Tendances d’électrification des transports
3.4.1 Le Québec
3.4.2 Forum Urba 2015
3.5 Retour sur la question principale
Chapitre 4 : Le granulé de bois
4.1 Autres énergies renouvelables
4.2 Le granulé de bois
4.2.1 Historique
4.3 Production et consommation de granulés de bois
4.3.1 Portrait régional
4.3.2 Portrait canadien
4.3.3 Portrait européen
4.3.4 Marchés mondiaux
4.3.5 Prévision de production
4.4 Électricité versus chaleur
Chapitre 5 : Granulé de bois versus mazout : étude comparative
5.1 Situation canadienne et québécoise
5.2 Mazout et gaz à effet de serre
5.3 Comparaison théorique
5.4 Pourcentage d’efficacité
5.5 Comparaison économique théorique
5.6 Prix du granulé de bois
5.7 Émissions de GES pour le mazout
5.8 Émissions de GES pour le granulé de bois
5.9 Bilan énergétique et bilan de GES
5.9.1 Impact GES du transport
Chapitre 6 – Étude comparative pratique
6.1 Méthodologie de mesurage
6.2 Historique de ravitaillement en litres
6.3 Moyenne de consommation annuelle et passée de mazout
6.4 Température extérieure
6.5 Échantillonnage de mazout ,
6.5.1 Échantillonnage de mazout – Maison 1
6.5.2 Échantillonnage de mazout – Maison 2
6.5.3 Échantillonnage de mazout – Maison 3
6.5.4 Échantillonnage de mazout – Maison 4
6.5.5 Échantillonnage de mazout – Maison 5
6.6 Moyenne quotidienne des échantillons de mazout
6.7 Consommation quotidienne de granulés de bois
6.8 Comparaison réelle
6.9 Comparaison économique réelle
6.10 Émissions réelles de CO2 du mazout
6.11 Comparaison avec l’électricité
6.11.1 Le prix de l’électricité
6.11.2 Pourcentage d’efficacité de l’électricité
6.11.3 Émissions de GES de l’électricité
Chapitre 7 : Convivialité de la filière énergétique
7.1 Entreposage et ravitaillement
7.2 Gestion des cendres
7.3 Test de combustion
Conclusion
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