Le grand mariage : tradition et reforme a la grande-comore (union des comores)

D’après Karl JASPERS, le philosophe c’est celui qui ne se contente pas uniquement et simplement des réponses, mais plutôt celui dont l’esprit est animé par la recherche continuelle, entre autres par des questionnements. Ces dernières lui permettent à la fois de comprendre le monde, mais aussi de se comprendre lui même.

Aujourd’hui, plus que jamais, la culture comorienne devient un sujet de préoccupation majeure des intellectuels, des politiciens et même des moralistes. Cette préoccupation est liée à la célébration du « Grand Mariage » devenue l’identité des Comoriens en général et des Grande-Comoriens en particulier, ceux de Foumbouni. Ils sont fiers de ce grand mariage, car il permet à l’individu d’assurer traditionnellement le passage d’une classe sociale jugée inférieure à une autre classe sociale considérée comme superieure. La classe inférieure, en langue locale s’appelle Wanamdji et la supérieure Wandruwadzima. Littéralement le mot wanamdji signifie en français les « enfants du village » c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas encore commencé, ni même réalisé toutes les étapes du « Grand mariage ». Par contre, les wandruwadzima ce sont ceux qui ont parachevé toutes les étapes du « Grand mariage » et sont appelés également les notables ou « hommes complets ».

LE REGIME MATRIMONIAL DE LA GRANDECOMORE 

DEFINITION ET DIFFERENTES SORTES DE MARIAGES A LA GRANDE-COMORE

Dans la langue juridique, le mot mariage se définit comme une « union stable de l’homme et de la femme résultat d’une déclaration reçue en forme solennelle par l’officier d’état civil qui a reçu auparavant les consentements des futurs époux, en vue de la création d’une famille et d’une aide mutuelle dans la traversée de l’existence. Ce terme désigne également l’acte juridique créateur de l’union » (code civil, articles 114 et suivants).

A partir de cette définition, nous comprenons que le mariage, est d’une certaine manière, l’officialisation d’une relation homme-femme dans les cas prévus par la loi. Elle est donc l’union de l’homme et de la femme de manière à être reconnue par la société. Cependant, le concept de mariage s’étend sur plusieurs domaines, entre autres le domaine traditionnel, social et religieux. Et puis notre travail s’inscrit dans une dimension purement ethnophilosophique, nous bornerons notre réflexion sur les différentes formes et célébrations de mariage qui existent aux Comores et en particulier à la Grande-Comore. En effet, à la Grande-Comore comme à Foumbouni d’ailleurs, qui est notre terrain d’étude, il existe trois modes de mariage. En d’autres termes, l’union de l’homme et de la femme est célébrée suivant trois modalités différentes ayant tout de même un même objet : le mariage. Pour cela, il y a le mariage « en petite maison », ensuite le mariage à la « DARWESHI » et enfin le « Grand mariage » ou « Aada ».

LE MARIAGE A LA « DARWESHI » 

L’emploi du mot « DARWESHI »renvoie à une confrérie musulmane des Comores dont la figure de proue est SAÎD Mohamed bin Cheik EL-MAAROUF. Issu de la noblesse SAÎD Mohamed bin Cheik, c’est un musulman fervent qui enseignait à ses concitoyens les vertus de l’Islam. Ces vertus étaient surtout la « charia » ou droit musulman, la méditation, l’amour d’Autrui et la Contemplation de Dieu. Ainsi, la confrérie assimilée à l’expression « darweshi » c’est la « Shadhuliyi ». Elle était ferme dans l’application des règles religieuses fondées à partir de l’islam.

De ce fait, se marier à la darweshi, c’est se marier conformément aux prescriptions religieuses et surtout islamiques liées à l’enseignement dispensé par la confrérie shadhuliyi. C’est en ce sens que le mariage à la darweshi se détache du « Grand mariage », car il n’engage pas le couple dans des dépenses ostentatoires, ni gigantesques, mais, c’est une simple officialisation et légitimation des relations, compte tenu des directives religieuses. Par ailleurs, l’histoire a montré qu’il fut un temps où les adeptes de cette confrérie et en l’occurrence leur chef ont tenté de critiquer le mariage coutumier. Car selon ce chef, le mariage coutumier s’avère incompatible avec la religion, en ce sens qu’il entraîne beaucoup de dépenses, ce qui est tout à fait en contradiction totale avec l’islam.

A ce sujet, CHOUZOUR n’hésitait pas à noter que : « A défaut de pouvoir convertir ses concitoyens à des comportements plus conformes à la modestie, à la discrétion et à la règle du juste milieu prônée par l’islam, El-MAAROUF décida lui-même de se soustraire aux contraintes de la coutume, et engagea sa famille et ses disciples à en faire autant. Il provoqua ainsi le premier schisme dans le système coutumier. Les familles qui, aujourd’hui encore, se réclament de la doctrine d’ElMAAROUF, sont appelées les « DARWESHI ». Ceux-ci, suivant les enseignements du Maître, se conforment à un dispositif matrimonial simplifié, et d’où sont exclues les prestations somptuaires, les réjouissances qui les accompagnent et toute référence à une quelconque promotion sociale par le mariage ». Force est de constater que le mariage à la « DARWESHI » est socialement reconnu par la coutume ; on ne fait pas de dépenses ostentatoires au cours de ce type de mariage. Ce qui fait que ceux qui, par le choix religieux ou suivant une tradition familiale, se marient selon le mode des « darweshi », ne sont pas déconsidérés et sont, de ce fait, élevés à la dignité des wandruwadzima (les notables).

C’est dans cet esprit que lorsqu’il y a une célébration officielle du grand mariage, le dimanche, le darweshi ou ceux qui ont déjà fait leur mariage sous la forme des darweshi sont associés à un mdji (groupe coutumier) et bénéficient de l’argent distribué à cette occasion. Il y a de ce fait une certaine intégration, et d’une certaine manière, reconnaissance des darweshi par les notables, les hommes complets, donc ceux qui ont accompli le mariage coutumier. Cependant, vu la place actuelle du grand mariage dans la société comorienne, les darweshi perdent petit à petit leur principe au profit d’une imitation latente des rites liés au mariage coutumier. Face à cette situation, seuls les rares Comoriens qui ont fait des études dans le monde Arabe continuent à appliquer à la lettre les directives de l’enseignement de leur Maître, SAID Mohamed bin Cheikh El-Maarouf.

LE MARIAGE EN PETITE MAISON (MNADAHO) 

Selon les recherches que nous avons effectuées sur terrain, le mariage « en petite maison » ou mnadaho dans le parler grande-comorien est le premier type de mariage d’autrefois, car il n’existait que le grand mariage et le mariage en petite maison. Le mariage à la darweshi est en effet apparu avec l’arrivée massive des étudiants Comoriens qui ont fait leurs études dans le monde arabe. De ce fait, l’emploi de l’expression mariage en « petite maison » prête souvent à confusion, car elle suppose l’existence d’un « petit mariage ». Autrementdit, l’utilisation du mot grand mariage ou « aada » porte à croire que son contraire existe : le petit mariage. Cependant, force est de constater que ce n’est pas du tout le mariage qui est visé ici, mais plutôt la maison. Par ailleurs, il faut tout de même souligner qu’il y a une relation très significative entre l’appellation « mariage en petite maison », le mariage en tant que tel dans sa réalisation concrète ainsi que la maison. En d’autres termes, la maison n’est pas tellement considérée puisque le mariage est célébré avec très peu de festivités. En fait, l’islam recommande aux jeunes ayant atteint l’âge de la majorité de se marier, car elle interdit le concubinage et les autres relations sexuelles horsmariage. C’est la raison pour laquelle une fois arrivée à ce stade, les jeunes veulent se marier sans se soucier des exigences coutumières. Ce type de mariage se fait en la présence d’un Kadi, des parents de la mariée et du mari, et quelque fois de deux ou trois amis. Le mariage est réalisé dans la discrétion totale. C’est une petite cérémonie réalisée chez la mariée en l’espace d’une heure. Dans une chambre bien fermée, le Kadi commence par lire quelques versets du Coran, ensuite demande au mari s’il est d’accord pour prendre la main de la mariée représentée généralement par son père et son grand ou petit frère. Après avoir donné  son accord, le futur mari remet une enveloppe qui contient la dot qui peut être soit une somme d’argent, soit des pièces en or(Pawuni) que les Comoriens achètent en Arabie Saoudite. Après quelques prières collectives, la célébration tire à sa fin. Ce n’est après que la famille de la mariée se précipite pour offrir quelques goûtés aux invités et à toutes les personnes qui ont participé à cette festivité. C’est ce qui termine la célébration de ce type de mariage. A ce propos, Sophie Blanchy dit si bien que : « L’expression ndola nku (grand mariage) ne doit pas laisser supposer l’existence d’un petit mariage (la formule ndola ntiti n’existe pas). En l’absence de la célébration coutumière, c’est la maison où l’homme est venu se marier qui est petite et non le mariage ».

La société grande-comorienne accorde peu de considération à ce type de mariage jugé trop modeste. C’est en ce sens que les enfants issus du mariage en « petite maison » ne bénéficient pas de mêmes traitements ni des faveurs que ceux qui sont issus de la maison du grand mariage. Cette disproportion s’étend dans tous les domaines, notamment au niveau de l’héritage. En cas de partage des biens, les enfants issus de la famille du grand mariage doivent bénéficier des deux tiers des biens au détriment de ceux qui sont issus du mariage en petite maison qui ne doivent recevoir qu’un tiers des biens.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
PRESENTATION DU TERRAIN D’ETUDE
CHAPITRE I – SITUATION GEOGRAPHIQUE
I°-Présentation Générale de l’Archipel de l’Union des Comores
1-Carte de l’Union des Comores
II°-L’Ile de la Grande-Comore
1-Carte de l’Ile de la Grande-Comore
III°-FOUMBOUNI dans le Sud de la Grande-Comore
IV°-La structure de la ville de Foumbouni
1-Aspect géographique et Maritime
2-L’appareil Administratif : la police, la gendarmerie
La Préfecture et la Mairie
3-La Télévision, la radio et la Bibliothèque ou le CLAC (Centre de Lecture et d’Animation Culturelle)
4-L’Hôpital et les terrains
5-Les écoles, l’Action féminine dans la construction des foyers
CHAPITRE II-SITUATION HISTORIQUE
I°-Le peuplement de la Grande-Comore
II°-Origine de la ville de Foumbouni
III°-Du Sultanat au colonialisme
CHAPITRE III – CONTEXTE SOCIO-CULTUREL
I°-Sources de la société matrilénéaire de Foumbouni
II°-La résidence matricole (manyahuli)
III°-Le mode de vie des Foumbouniens
Aucune entrée de table des matières n’a été trouvée
LA CONCEPTION DE LA MORT A FOUMBOUNI
CHAPITRE I : LES PREPARATIFS
I°-Le malade et la mobilisation de sa famille
II°-La consultation du mwalimu
1-Acception du mwalimu
2°-Origine de la sorcellerie comorienne
3°-Les prescriptions du mwalimu
4°-La délivrance d’un nkanywa mwamba (sort jeté par un djinn)
5°-Les sacrifices et les amulettes
III°-La mort
CHAPITRE II : LES RITUELS FUNERAIRES
I°-La toilette et l’habillement
II°-Le cortège
III°-La prière
IV°-L’enterrement ou la mise en terre
V°-Les jours après l’enterrement
1-Du premier au sixième jour
2-Le neuvième jour
3-Le quarantième jour
VI°-Le rôle de la femme pendant cette période
VII°-Le deuil de l’épouse
CHAPITRE III : INTERDITS FUNERAIRES
I°-Les interdits relatifs à la cérémonie d’enterrement
1-Les interdits liés à la rupture de l’habituel
2-Les autres interdits
A-Les interdits temporaires
B-Les interdits liés à l’âge et au sexe
C-Les interdits liés à l’espace
II°-Les interdits liés à la religion musulmane
1-Les principes religieux
2-Pendant la toilette mortuaire
3-Le départ au cimetière
4-Après l’enterrement
CHAPITRE IV : PERCEPTION DES DEUX MONDES
I°-L’ambivalence de l’esprit des morts
1-Le côté ange
2-Le côté démon
II°-Le culte des morts dans les pratiques islamiques
1-Les formules de condoléances
A-La soumission de la volonté divine
B-Les lamentations
III°-Les complaintes
IV°-La notion de Djadi (Ancêtre ou Razana en Malagasy)
CONCLUSION GENERALE

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *