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Quand un site historique de la banlieue d’Athènes est en passe de devenir un bien privé.
La Grèce, berceau de la civilisation occidentale est aujourd’hui le royaume de l’endettement avec un taux de 181,6% (en 2016) par au rapport au PIB (pour référence, à la fin 2016, la France avait un taux d’endettement par rapport au PIB de de 96 %). Afin de mieux comprendre les raisons qui poussent l’État à se séparer de l’ancien aéroport international d’Helliniko, il faut se replonger dans le contexte économique de la Grèce durant les dernières décennies.
La Grèce connaît un endettement important depuis de nombreuses années. En effet, en 2000, le pays devait déjà 107 milliards à ses créanciers. Avant la crise mondiale de 2008, les conditions de prêt étaient très favorables aussi bien pour l’État que pour les particuliers. La Grèce a donc profité de ces avantages en se finançant sur le marché des obligations. Les obligations Grecques rencontraient beaucoup de succès auprès des investisseurs ainsi que des banques commerciales, notamment du fait de la stabilité apparente du pays et à sa bonne cotation par les trois agences de notation, Fitch, Standard & Poors et Moody’s. Grâce aux différents prêts, la Grèce connaît une croissance de 4% entre les années 2000 et 2008. Malheureusement, ses recettes financières ne lui permettent pas de rembourser ses différents créanciers.
La crise mondiale de 2008 fait émerger les difficultés économiques de la Grèce et plonge ainsi le pays dans une période de récession. Afin d’éviter la faillite des différentes banques Grecques, l’Union Européenne, le Fonds Monétaire International ainsi que la Banque Centrale Européenne apportent une aide financière au pays. Malheureusement, celui-ci ne parviendra pas à rembourser les prêts de sauvetage engagés par ces trois organismes. La crise Grecque a fait naître la « Troïka » qui désigne le regroupement de la Commission Européenne, la Banque centrale Européenne et le Fonds monétaire international. Son rôle est de superviser les plans de sauvetage en Europe et notamment en Grèce. On peut donc comprendre par ceci, que le pays ne possède plus d’entière liberté en matière d’économie publique. Afin de pouvoir rembourser les différents créanciers, la Grèce se voit obligée d’appliquer des plans d’austérité.
L’ampleur de la dette Grecque est découverte en 2009, lorsque Georges Papandréou (premier ministre Socialiste) arrive au pouvoir. Avant cela, le parti de droite, au pouvoir, avait dissimulé l’importance du déficit Grec. Georges Papandréou avait établi avant son élection un plan pour relancer l’économie Grecque à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Suite à la découverte du déficit, il se concentre sur l’établissement de différentes mesures d’austérité afin d’abaisser la dette de 12,7 % à 3% en 2013.
La première mesure d’austérité vise à réduire les dépenses publiques de 10% par :
– le gel du recrutement des fonctionnaires possédant des revenus supérieurs à 2000 euros,
– le rétablissement de l’impôt sur les successions et sur les grandes fortunes foncières et,
– la privatisation de certaines propriétés de l’État.
Ce premier train de mesures est mis en place durant l’année 2009.
Au cours de l’année suivante, de nouvelles mesures d’austérité sont décidées à la suite de la pression exercée par les créanciers auprès du premier ministre. Ces mesures concernent notamment l’augmentation de la TVA, la taxation du tabac et de l’alcool, le gel des pensions versées aux retraités du privé et de la fonction publique ainsi que la réduction des primes de fin d’année accordées aux fonctionnaires.
C’est au cours de la même année que l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International établissent un plan de sauvetage, à destination de la Grèce, de 110 milliards d’euros à rembourser dans un délai de 3 ans. Cette somme était divisée ainsi :
– 80 milliards prêtés par les États membres de la zone Euro et,
– 30 milliards financés par le FMI.
Durant la même période, le Fond Européen de Stabilité financière (FESF) est mis en place afin de venir en aide aux pays qui font face à des difficultés financières.
Au cours des années suivantes, des plans d’austérité vont se succéder.
L’année 2012 est marquée par la démission du premier ministre Georges Papandréou. Cela survient à la suite de sa proposition concernant la mise en place d’un referendum qui propose l’effacement de la dette contre un contrôle accru de la part de la Troïka sur la politique budgétaire du pays. Au cours des années suivantes, plus d’une dizaine de plans d’austérité vont se succéder. D’après Konstantinos Goulas, ingénieur civil à Athènes, la crise Grecque perdure essentiellement à cause de la corruption qui sévit en Grèce. Il déclare, par ailleurs, « Tous les ans, tu penses que ça va aller mieux et au final, c’est pire. ». Cette réflexion illustre la résignation du peuple Grec face à une dette insurmontable.
On peut donc en conclure que la Grèce a vécu et vit encore aujourd’hui une grande période de récession économique. Les différents plans d’austérité mettent à mal la situation économique du pays, le remboursement de la dette le privant de ressources. Ces plans d’austérité sont supervisés par la Troïka. L’État a donc l’obligation d’appliquer les mesures sinon il risque de ne pas percevoir les tranches du plan de sauvetage qui lui sont attribuées. Ces plans d’austérité visent essentiellement la mise en place de taxes ainsi que la privatisation de biens publics.
Cette situation se traduit notamment par la vente d’îles, de plages, de ports ou bien encore d’infrastructures publiques. L’objectif financier de toutes ces privatisations est de réunir 9,5 milliards d’euros. Cette mesure s’applique notamment pour l’ancien site de l’aéroport International d’Athènes. En effet, celui-ci est à vendre depuis 2010. Ce site a été sélectionné car il n’a connu aucune fonction officielle depuis sa fermeture en 2001. L’avenir de ce site est laissé au libre choix des investisseurs. Néanmoins, certaines règles sont imposées comme la création d’un grand parc au sein du futur projet. L’État compte obtenir 915 millions d’euros de la vente de ce terrain. Ce montant a subi une augmentation. En effet, il était auparavant inférieur de 25%, soit 687 millions d’euros. Le prix proposé actuellement représente un coût au mètre carré de 150 euros à l’achat. Cela peut paraître convenable étant donné le contexte économique Grec. Cependant, le prix du mètre carré à Helliniko et ses alentours est estimé à environ 400 euros actuellement. Cela représente donc une différence de 250 euros au mètre carré, soit un manque à gagner de 1,55 milliards d’euros pour l’Etat.
Ce prix de vente a provoqué des contestations, notamment de la part de certains habitants d’Helliniko, de la part des associations et aussi du parti des conservateurs-socialistes en Grèce qui a manifesté son désaccord sur la vente de ce bien public car ils considèrent le prix bien trop faible. Ce mécontentement s’est aussi ressenti lors de mon entretien avec Fereniki Vatavali, chercheuse au laboratoire universitaire d’Athènes. Celle-ci déclare « Ce lieu aurait pu répondre à des besoins sociaux ! » ou bien encore, quand nous avons abordé le sujet du futur projet, elle a mis en évidence le manque d’informations concernant le statut du futur projet, à savoir si celui-ci allait être ouvert à toute la population ou bien simplement aux occupants, bien que la notion d’ouverture à tout public n’existait pas à ses yeux au sein d’un projet organisé par des investisseurs privés.
L’État pense, par ailleurs, pouvoir dégager des bénéfices, sur ce projet à long terme, qui s’ élèveraient, selon leurs estimations à 10 milliards d’euros en 25 ans, grâce aux futurs emplois qui seront créés. Ce projet pourrait contribuer à l’augmentation du Produit Intérieur Brut de 0,3%. Cette future opération représenterait alors le plus important projet de développement immobilier de la région méditerranéenne.
L’opération de vente de l’ancien aéroport d’Helliniko est orchestrée par différents acteurs.
-L’acteur majeur de ce projet est en premier lieu l’Etat Grec. Celui-ci est représenté par la société Hellinikon SA, créée à l’occasion de cette privatisation.
Hellinikon SA est une société publique, créée le 31 mars 2011 par l’État afin d’assurer la gestion de l’ancien site de l’aéroport International d’Athènes. Sa mission consiste notamment à développer et à gérer le terrain ainsi que les infrastructures présentes. Cette société est composée d’ingénieurs, d’architectes ainsi que d’élus locaux. Les missions attribuées concernent essentiellement la vente du terrain à des investisseurs privés. En effet, cette administration représente le premier interlocuteur des investisseurs. Elle veille notamment à ce que dans le projet des investisseurs privés, soient respectés les différents points établis par leur soin, dont notamment la création d’un parc métropolitain pour l’épanouissement de la population d’Athènes, l’intégration du projet dans le tissu urbain existant, la rentabilité du projet pour l’État, l’intégration de la dimension de développement durable dans le projet ainsi que la gestion des piétons et des transports publics sur le site. Outre le management du futur projet, ils ont comme mission de « nettoyer » le site de tous ces occupants. Ces propos m’ont été dictés par Vassilis Kyriakopulos, architecte et ingénieur au sein de la société Hellinikon SA. Comme il m’a fait remarquer à plusieurs reprises, « le site n’est pas vide ». En effet, comme dit précédemment, plus de 350 bâtiments y sont occupés dont certains sont encore en activité. Cette entité, Hellinikon SA, représente donc la voix de l’Etat.
-Le second organisme jouant un rôle majeur dans cette opération de vente est HRDAF (The Hellenic Republic Asset Development Fund) appelé aussi « TAIPED » en Grec.
Cette entité publique a été mise en place en 2011 par l’État afin de gérer la privatisation des actifs appartenant à l’État Grec. Cette société est devenue privée en 2016 et appartient aujourd’hui à la société « Hellenic Corporation of Assets and Participations » qui fonctionne dans l’Intérêt public. Son statut a donc évolué dans le temps mais sa mission reste inchangée : privatiser les biens publics. Ce programme de privatisation a donc été mis en place à la suite de la crise de 2008 afin permettre à l’Etat Grec de rembourser ses créanciers. L’objectif de Taiped est donc l’optimisation de la vente du patrimoine grec. Cela se traduit par la recherche d’investisseurs privés, prêts à investir dans les infrastructures, l’énergie, l’immobilier ainsi que dans d’autres domaines. Au-delà de la recherche d’investisseurs, ils doivent penser à long terme, en cherchant à créer de l’emploi, moderniser ainsi qu’améliorer les infrastructures mises en vente. Ces opérations permettent donc à court terme de rembourser les créanciers et à plus long terme de bénéficier des retombées de ces projets, notamment par la création d’emplois. Ce fonds est constitué de multiples services comme un pôle juridique, bancaire, de gestion et d’audit. Par ailleurs, il fait également appel à des consultants externes à chaque nouveau projet de privatisation. Cet organisme travaille selon trois axes prioritaires qui sont la clarté de l’objectif, la transparence du processus de privatisation ainsi que la rapidité d’exécution.
Hellinikon SA ainsi que la société HRDAF-Taiped sont des sociétés étatisées. L’objectif principal pour ces deux sociétés est donc d’organiser le transfert d’un bien appartenant à l’État vers une entité relevant du domaine privé. Pour ce faire, en Décembre 2012 est mis en place une invitation aux investisseurs de manifester leur intérêt pour le site de l’ancien aéroport d’Helliniko.
En avril 2012, Taiped reçoit 9 candidatures et seulement quatre candidatures seront retenues :
-La première entreprise intéressée était « U.K-Based London & Regional Properties », qui possède des structures de promotion immobilière en Angleterre, en Irlande ainsi qu’au Panama,
-La seconde entreprise sélectionnée pour le rachat de l’ancien aéroport International d’Athènes était une société immobilière du Qatar « Qatari Diar Real Estate Investment and Co», sans orientation spécifique, réalisant tout type de constructions,
-La troisième société sélectionnée était « Israel’s Elbit Systems Ltd. ». Cette société n’est pas spécialisée dans la promotion immobilière. En effet, c’est une société Israélienne spécialisé dans la défense qui travaille essentiellement dans les domaines de l’aérospatiale, les systèmes numériques terrestre et naval entre autres,
-Et, enfin, la dernière société intéressée par le terrain situé à Helliniko est une société Grecque, Lamda Development, spécialisée dans le développement, l’investissement et la gestion de biens immobiliers. La société est leader dans son domaine en Grèce, ceci grâce à la diversification de ces investissements dans le secteur résidentiel et commercial. Le portefeuille de l’entreprise comprend des centres commerciaux, des immeubles de bureaux, des complexes résidentiels ainsi qu’une marina. La plupart de ces projets ont été réalisés en Grèce. Cette société a été créée en 2001 et fait partie du groupe Latsis, détenu aujourd’hui par Monsieur Spiro Latsis. Lors de la création de Lamda Development, ce groupe appartenait à son père, Yiannis Latsis. Cette entreprise familiale se concentre essentiellement sur le secteur bancaire et plus particulièrement celui des investissements financiers. Monsieur Spiro Latsis est classé 782ème plus grosse fortune mondiale en 2015 selon le classement Forbes, ce qui fait de lui la personnalité la plus riche de Grèce. La société Lamda dévelopment est cotée à la bourse principale d’Athènes et est divisée en 79 721 775 actions, réparties entre 5 différents types de financeurs suivant ce diagramme.
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Table des matières
Chapitre 1 : De l’évolution d’un aéroport abandonné, occupé de manière illégale, à des perspectives prometteuses
1.1 Quand un site historique de la banlieue d’Athènes est en passe de devenir un bien privé.
1.2 Quand un ancien terminal devient le refuge de milliers de migrants
1.3 Helliniko : un haut lieu associatif à caractère social
Chapitre 2 : Le futur d’un site imaginé par des investisseurs privés
2.1 Le contexte
2.2 Les ambitions du projet
2.3 Le programme
2.4 Planning et données économiques du projet
2.5 Les prémices du projet
Chapitre 3 : Une alternative contre la privatisation du site d’Helliniko
3.1 Les acteurs du contre-projet et leur vision du futur projet
3.2 Le concept et ses objectifs
3.3 Le programme, coût et résultats
3.4 Etude comparative « Tempelholf Airport » à Berlin
Conclusion
Médiagraphie
Annexes
A. Retranscription de l’entretien avec Fereniki Vatavali, chercheurse à l’université Ntua d’Athènes
B. Résumé de l’entretien avec Antonis Antonopoulos, Secrétaire Général de la municipalité d’Helliniko-Argyropouli
C. Retranscription de l’entretien avec Vasiliki Iliopoulou, Bénévole à la clinique sociale d’Helliniko
D. Retranscription de l’entretien avec Andreas Rallatos, salarié au centre sportif public d’Helliniko
E. Retranscription de l’entretien avec Konstantinos Goulas, ingénieur civil à Athènes
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