Le fumeur comme obstacle à son arrêt et comme acteur de son arrêt : sa dépendance et le syndrome de sevrage 

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Le sevrage en tabac : une étape importante et complexe

La cigarette comme objet néfaste

La fabrication et la composition de la cigarette

La cigarette est issue d’une plante faisant partie de la famille des solanacées, dont les feuilles sont cueillies et séchées pour subir une fermentation leur permettant d’acquérir les caractéristiques que l’on retrouve dans le tabac. L’étape suivante, grâce à des additifs solides puis gazeux dans la fumée, consiste à réguler son goût, son pH de fumée et sa concentration en nicotine afin de se démarquer des autres marques concurrentes.
Parmi ces additifs, toxiques pour la plupart, on relèvera :
• l’ammoniaque : entraîne une élévation du pH de la fumée et ainsi augmente l’absorption de la nicotine par les alvéoles pulmonaires
• le gaz carbonique (CO2) et le monoxyde de carbone (CO)
• le cyanide d’hydrogène (dérivé du cyanure)
• les hydrocarbures polyaromatiques / les goudrons (cancérigènes)
• les métaux (nickel, plomb, mercure, polonium 210)
• la nicotine
Nous avons volontairement écarté les autres composants car ceux-ci sont moins connus du grand public et donc moins utilisables comme arguments par les professionnels de santé pour expliquer la nature toxique de la cigarette. A noter qu’il existe plus de 4000 composants identifiés dans la fumée de cigarette5.
La nicotine est une substance psycho- active de la famille des alcaloïdes. Son absorption dépend du pH de la fumée de tabac. Si ce pH est acide (tabac blond de cigarette), la nicotine est sous forme ionisée et passe difficilement les membranes, ce qui rend son trajet jusqu’aux alvéoles pulmonaires nécessaire pour une absorption optimale. Si ce pH est basique (tabac à pipe ou à cigare), la nicotine est facilement absorbée par les membranes (y compris les premières rencontrées dans la bouche et le nez) : l’inhalation n’est donc pas nécessaire.
Cette molécule atteint le cerveau en 7 à 10 secondes par le système veineux. Sa demi-vie moyenne d’élimination est de 2 heures. Elle est dégradée principalement par le foie, qui la transforme en cotinine, dosable dans le sang et les urines. Elle accroît au niveau cérébral la libération de dopamine (neurotransmetteur qui fait partie du cycle de récompense), de noradrénaline (neurotransmetteur qui fait partie du processus d’éveil et de vigilance), de monoamine oxydase B (neurotransmetteur ayant un effet anti- dépresseur). Ces processus sont associés et provoquent chez le fumeur une sensation aiguë de plaisir appelée hight. Avec les années de tabagisme, il existe un changement sous-jacent dans les circuits cérébraux qui peut persister au-delà de la désintoxication. Cela explique la difficulté souvent rencontrée par les anciens fumeurs après arrêt en entraînant des rechutes.
Par son action sur le cytochrome P450, le tabac agit comme inducteur enzymatique et détermine ainsi le catabolisme de nombreux médicaments, dont les psychotropes à métabolisme hépatique, et diminue leur demi-vie6.
Le taux sanguin et la vitesse d’absorption de la nicotine varient en fonction des individus et selon le nombre de bouffées, leur intensité, leur durée, leur profondeur. Ils changent aussi selon le degré de dilution de la fumée avec l’air7.
Le tabac existe sous différentes formes, permettant toutes l’absorption de nicotine. Il peut être fumé (cigarette, cigare, pipe, tabac à rouler, tabac à narguilé appelé également chicha), mis en bouche (chique, snus), sniffé (tabac à priser appelé également snuff) ou chauffé (ploom). Les cigarettes représentent plus de 90% de l’usage mondial de tabac/nicotine.
Globalement, on retiendra (en terme de substances rencontrées) que :
• 1 cigare = 1 cigarillo = 2 cigarettes = 2 cigarettes roulées
• 1 pipe = 5 cigarettes
• 1 chicha = 10 cigarettes
Un autre dispositif appelé IQOS (I-Quit-Ordinary-Smoking) existe et correspond à un produit dérivé du tabac reposant sur un stylo dans lequel est introduit une cigarette filtre raccourcie qui, en chauffant, va produire de la vapeur. Il n’y a donc aucune combustion mais des chercheurs de l’Université de Californie – San Francisco ont conclu, en étudiant le phénomène, à une persistance d’atteintes pulmonaires et d’inflammations corporelles8. La nicotine qui est respirée atteint très rapidement le cerveau ce qui rend le phénomène particulièrement addictif.

Les conséquences somatiques de la cigarette

La cigarette est responsable de plusieurs pathologies somatiques, allant du problème de santé aigu  à la pathologie chronique et invalidante. En Normandie, toutes pathologies confondues, elle est responsable de 223,1 décès pour 100 000 habitants chez l’homme entre 2013 et 2015 (contre 200,5 en France) et de 73,3 décès pour 100 000 habitants chez la femme sur la même période (contre 69,3 en France). Ces différentes conséquences sont utilisables lors des entretiens médicaux avec les fumeurs, et à adapter à chaque patient :
• Les pathologies cancéreuses :
◦ Le tabagisme actif est responsable de 90% des cancers broncho-pulmonaires tandis que le tabagisme passif est responsable de 25% de ces cancers chez le non-fumeur5. Chaque cigarette augmente de 7% le risque d’avoir un cancer bronchique. Elle est aussi un facteur de risque de cancers des voies aéro-digestives supérieures (cavité buccale, larynx, pharynx, œsophage), de la vessie, du pancréas, du rein, du col de l’utérus, du colon et du rectum.
◦ Le risque de développer un cancer de la cavité buccale lors d’une consommation conjointe d’alcool et de tabac est multiplié par 137.
◦ En Normandie, en 2017, l’incidence du cancer du poumon (en taux annuel, standardisé sur la population mondiale, brut d’incidence, de 2007 à 2016 et pour 100 000 personnes-années) est de 56,9 chez l’homme (contre 51,8 en France) et 17,2 chez la femme (contre 17,9 en France)1. Le nombre de décès calculé selon la même méthode s’élève à 41,1 chez l’homme (contre 38,2 en France) et à 10,9 chez la femme (contre 11,1 en France).
◦ Fumer après le diagnostic de cancer augmente le risque de second cancer primitif tandis que l’arrêt du tabac le diminue. C’est intuitivement que dès le premier diagnostic 30 à 60% des patients arrêtent spontanément de fumer9. Ce pourcentage augmente après entretien médical orienté, expliquant qu’une poursuite du tabagisme dans ce cas augmente le risque de complications péri-opératoires et réduit l’efficacité des traitements anti-cancéreux en augmentant leurs effets secondaires.
◦ En terme de dépistage du cancer-broncho-pulmonaire, de récentes études menées et répertoriées par l’HAS en 2016 ne montrent pas un intérêt significatif du scanner thoracique (risque de faux positifs important avec une faible spécificité, exposition aux rayons X, etc.).
• Les pathologies cardio-vasculaires :
◦ Le tabac augmente le risque de thrombose artérielle, de spasmes artériels, d’altération de la vasomotricité artérielle et de création de plaques d’athérosclérose.
◦ Il représente le deuxième facteur de risque d’infarctus du myocarde derrière les dyslipidémies7. Il augmente le risque de décès par cardiopathie ischémique par environ 5,5 chez l’homme de 30 à 44 ans7.
◦ Il augmente le risque d’AVC de 1 à 3 fois, chez l’homme et selon l’âge7.
◦ Il a également un rôle non négligeable dans l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs puisque 90% des patients atteints par cette pathologie déclarent fumer7.
◦ La nicotine augmente la fréquence cardiaque et la tension artérielle.
• Les pathologies de la sphère pulmonaire et respiratoire :
◦ La BPCO survient chez 85% des fumeurs ou des anciens fumeurs10. Elle concerne donc environ 3,5 millions de personnes (dont 2/3 l’ignorent), soit 1 fumeur sur 5, et 17 000 décès chaque année en France10.
◦ Les recommandations du Collège National des Enseignants de Pneumologie conseillent d’explorer toute toux chronique de plus de 3 mois pendant deux années consécutives, chez les fumeurs, par des EFR (calcul du rapport de Tiffeneau reliant le Volume Expiratoire Maximal par Seconde à la Capacité Vitale ; score < 70% chez les patients avec une BPCO). Cette maladie chronique peut être traitée de différentes façons, notamment grâce aux bronchodilatateurs et aux corticoïdes inhalés.
◦ Il existe un lien entre le tabagisme, les exacerbations d’asthme et son mauvais contrôle, sans qu’il y ait de lien entre l’incidence de l’asthme et le tabagisme chez l’adulte.
◦ Un article de niveau de preuve 4 de synthèse en 2007 de Peiffer et Mathern9 place le tabac comme facteur de risque de ronflements et d’apnées obstructives du sommeil : combiner la prise en charge du syndrome métabolique avec l’arrêt du tabac semble à cet effet essentiel. Il est d’ailleurs prouvé que la prise de gommes nicotiniques avant le coucher diminue le nombre d’apnées dans les deux premières heures de sommeil.
• Les pathologies cutanéo-muqueuses :
◦ Le tabagisme est un facteur de risque de maladies parodontales, de caries, de pertes de dents et de leucoplasies de la muqueuse buccale (risque multiplié par 3).
◦ Il provoque aussi plus d’acnés sévères, de vieillissements accélérés de la peau, de retards de cicatrisation et de consolidation osseuse après chirurgie.
◦ Il augmente le risque d’ulcérations buccale, œsophagienne, gastrique ou duodénale.
◦ Il explique aussi l’agueusie et l’anosmie présentes chez de nombreux fumeurs.
• Les pathologies ophtalmologiques :
◦ La consommation de tabac est un facteur de risque de DMLA et de cataracte et donc parfois de cécité.
◦ Les porteurs de lentilles de contact qui fument s’exposent au risque de kératite.
• Les pathologies spécifiques à la femme et liées à la fertilité :
◦ Le tabagisme, pendant la grossesse, expose la mère et le fœtus à diverses complications. Il augmente le risque d’hématome rétro-placentaire (le tabagisme en serait la cause dans 25% des cas), de rupture prématurée des membranes (risque multiplié par deux), de prématurité, de retard de croissance intra-utérin, de réduction du périmètre crânien, de mort fœtale in utero, d’hémorragie de la délivrance, de survenue d’une délivrance artificielle.
◦ Il est responsable chez la femme d’un retard à la conception, d’un avancement de la ménopause.
◦ Chez l’homme, il s’agit plutôt d’un risque de dysfonction érectile et d’une altération possible des paramètres spermiologiques.
◦ La combinaison du tabagisme à une contraception hormonale à base d’œstrogènes augmente le risque de complications cardio-vasculaires, surtout après 35 ans où elle devient une contre-indication relative.
• Les pathologies générales :
◦ Le tabagisme accroît de 30 à 40% le risque de développer une intolérance au glucose puis un diabète. La méta-analyse publiée en 2007 par Willi and al a montré que, comparativement au non-fumeur, le risque relatif de diabète pour le fumeur était de 1,61 à partir de 20 cigarettes par jour (IC95% = 1,43-1,80) et de 1,29 en dessous de 20 cigarettes (IC 95% = 13-1,58)9.
◦ Il augmente le risque infectieux, qu’il soit viral ou bactérien, en perturbant le système immunitaire.
◦ La mortalité, toutes causes confondues, chez les patients séropositifs pour le virus de l’immunodéficience humaine est 4,4 fois plus élevé que chez les patients atteints mais non-fumeurs.
◦ Le tabagisme augmente aussi par 2 le risque de développer une maladie de Crohn et, chez le malade, le nombre et la fréquence des poussées7.
• Le tabagisme passif :
◦ Le tabagisme passif est responsable d’environ 900 000 décès par an dans le monde, surtout par l’intermédiaire des cardiopathies ischémiques (risque multiplié par 1,27), des cancers broncho-pulmonaires (risque multiplié par 1,27) et des cancers des voies aéro-digestives supérieures (risque multiplié par 1,60 après 15 ans d’exposition)7.
◦ Il augmente de 62% le risque d’infarctus du myocarde pour une exposition de plus de 22 heures par semaine9.
◦ Chez les nourrissons, il augmente le risque de mort subite, d’infection respiratoire basse, d’otite moyenne aiguë et d’asthme .
◦ Il augmente le risque de développer un trouble du comportement et/ou un trouble psychiatrique.
◦ La passivité existante du tabagisme est due à la présence de plusieurs courants de fumée de tabac :
• le courant primaire est le courant d’inspiration initié par le fumeur
• le courant secondaire qui correspond à la fumée émise par la cigarette en combustion ; c’est le courant le plus toxique car il s’agit d’une combustion incomplète et à plus basse température
• le courant tertiaire est le courant d’expiration initié par le fumeur.

Le fumeur comme obstacle à son arrêt et comme acteur de son arrêt : sa dépendance et le syndrome de sevrage

Le tabac a le potentiel addictif le plus important devant l’alcool, le cannabis et la cocaïne. Celui-ci est dû principalement aux trois neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline et monoamine oxydase B), sécrétés en excès à cause de la nicotine, provoquant un sentiment de bien-être qui s’encre dans la mémoire moléculaire du patient.
Ce potentiel addictif est repris dans la définition de l’OMS : « ensemble des phénomènes comportementaux, cognitifs et physiologiques dans lesquels l’utilisation du tabac entraîne un désinvestissement progressif des autres activités ». Il correspond au désir plus ou moins puissant, de consommer du tabac ou de prendre une autre substance contenant de la nicotine (y compris les médicaments qui en contiennent). A cet effet et à titre d’exemple, une dépendance au cannabis comporte une sous-dépendance qui est commune avec le tabagisme.
Dans le DSM-5, un trouble de l’usage du tabac est caractérisé par la présence d’au moins deux des manifestations suivantes au cours d’une période de 12 mois :
• désir persistant de contrôle ou efforts infructueux d’arrêt
• beaucoup de temps passé à des activités nécessaires pour obtenir ou utiliser du tabac
• besoin impérieux (craving) d’utiliser du tabac
• usage répété conduisant à l’incapacité de remplir des obligations
• usage continu malgré les problèmes interpersonnels ou sociaux
• activités sociales, professionnelles ou de loisirs abandonnées ou réduites
• usage dans des situations potentiellement dangereuses
• usage poursuivi bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique
• tolérance (besoin de quantité de tabac notablement plus forte pour produire le même effet ou effet notablement diminué à quantité égale)
• syndrome de sevrage
À noter que l’item « Problèmes judiciaires liés à l’utilisation de la substance » a été supprimé entre le DSM-IV et le DSM-5.
On considère que le risque de dépendance est d’autant plus grand que l’âge d’initiation au tabagisme est jeune. La dépendance est d’ordre physique (liée à la nicotine), comportementale (rituel et habitude) et psychique (gestion des émotions par le tabagisme)5.
Il existe différents types de comportements dans la consommation du tabac d’après l’OMS, ce qui relie le patient et la substance par sa dépendance :
• l’usage simple qui est un mode d’usage non préjudiciable à la santé
• l’usage nocif qui est un mode préjudiciable pour la santé en entraînant des complications physiques et psychiques
• la dépendance, alias addiction, qui implique un usage nocif poursuivi malgré la présence de problèmes significatifs liés à la consommation
Le syndrome de sevrage tabagique, présent à l’arrêt de la consommation de tabac, est définit selon le DSM-52 par la présence d’au moins 4 symptômes dans les 24 heures suivant un arrêt brutal de la consommation de tabac chez un patient ayant une consommation quotidienne de tabac pendant au moins plusieurs semaines, avec pour conséquence une altération sociale, professionnelle ou dans tout autre domaine important, ceux-ci n’étant pas dus à un autre trouble (mental, iatrogène). Parmi ces symptômes on retiendra :
• l’irritabilité
• l’anxiété
• l’augmentation de l’appétit
• la fébrilité
• le manque de concentration
• l’humeur dépressive
• l’insomnie
Un des principaux arguments avancés par les fumeurs pour montrer leur difficulté à arrêter de fumer est la prise de poids à l’arrêt. En effet, la nicotine contenue dans le tabac diminue l’appétit, augmente les dépenses énergétiques et ralentit le stockage des graisses. Il existe plusieurs astuces cependant pour « Retrouver la forme, pas les formes » (un des slogans du « Moi(s) sans tabac ») : la prise de poids consécutive à un arrêt n’a pas lieu une fois sur trois et, chez les autres patients, elle n’est en moyenne que de deux à quatre kilos au cours de la première année. Par ailleurs, une prise en charge pour lutter contre cette complication est possible, et mettra en avant les substituts nicotiniques, l’activité physique régulière et la fabrication de menus-plaisir équilibrés. Quelle que soit la réduction dans la prise de poids après arrêt, celle-ci est toujours associés à une réduction du risque de maladies cardio-vasculaires chez les sujets sans diabète9.

Le rôle primordial des professionnels de santé

L’INPES a prôné jusqu’en 2016 une aide au sevrage tabagique pour rendre cette étape de la vie du fumeur la moins désagréable possible, en mettant en avant la consultation médicale, qui est un moment propice aux échanges. Il faut ici favoriser l’expression du patient sans le culpabiliser sur ses consommations, afin de créer une relation médecin-patient de confiance et en lui laissant la possibilité de le revoir lors d’une autre consultation.
Cette écoute est également mise en avant dans le dispositif « Tabac Info Service » développé en « 2.2.4.2 ».
L’HAS a réitéré en 20149 son avis de groupe de travail en terme de dépistage du tabagisme, en rappelant que tous les professionnels de santé sont légitimes pour parler du tabac avec leurs patients (y compris les dentistes, les infirmiers scolaires, le personnel de pharmacie, les travailleurs sociaux, etc.) afin de, au minimum, récupérer le statut tabagique de ce patient et de réaliser une intervention courte impliquant conseils et discussion.
Le dépistage de l’usage du tabac doit faire partie de l’interrogatoire de la première consultation, en théorie, de tout professionnel de santé, en n’oubliant pas les autres formes d’utilisation du tabac (prisé, mâché, cigare, pipe, narguilé, …).
Il convient de détecter le statut tabagique des parents d’un mineur, et de respecter la confidentialité de tout mineur souhaitant en discuter en consultation. Les femmes enceintes représentent une autre population à risque à cibler par ce dépistage, y compris en post-partum afin d’éviter les rechutes. Chez les fumeurs connus, la consultation peut quant à elle se focaliser sur le dépistage des complications liées au tabac évoquées en « 2.2.2 » : c’est la prévention secondaire.
Les modalités de prise en charge pour dépister et prendre en charge le tabagisme sont résumées en « Figure 1 » (test de Fagerström) et « Figure 3 » (Échelle de Q-MAT adaptée au stade motivationnel) ci-dessous.
Le professionnel de santé devra, chez le fumeur, déterminer la quantité fumée en paquets-années (nombre de paquets consommés par jour multiplié par le nombre d’années pendant lesquelles la personne a fumé cette quantité). Cette notion de paquet-année n’est néanmoins pas un bon évaluateur du risque encouru par le fumeur et peu déjà apparaître pour certains praticiens comme obsolète : la quantité de tabac augmente le risque de développer un cancer avec un facteur à la puissance carrée, alors que la durée de l’exposition le multiplie avec un facteur à la puissance 4. Il n’est donc pas du tout équivalent de fumer 10 cigarettes par jour pendant 20 ans et fumer 20 cigarettes par jour pendant 10 ans, alors que pourtant les deux correspondent à 20 paquets-années. Le dépistage des tentatives d’arrêt est un autre point à ne pas omettre.
Le professionnel de santé doit aussi évaluer les comorbidités anxieuse et dépressive. Le tabagisme, et c’est d’autant plus vrai dans la population psychiatrique, est utilisé comme un moyen de contrôler les troubles anxio-dépressifs par automédication. Paradoxalement pour eux, il est avéré que les troubles anxieux s’améliorent à l’arrêt du tabac, mais cet arrêt est souvent plus difficile pour cette population (dépendance plus forte, manque d’habileté à gérer le sevrage).
Le professionnel de santé devra consacrer également du temps à l’évaluation des co-addictions, car celles-ci rendent les prises en charge de sevrage plus complexes. Par exemple, la co-addiction tabac-cannabis montre une dépendance plus importante au cannabis que s’il était consommé seul, et une présence plus importante de problèmes psychologiques.
Le professionnel de santé aura comme autre objectif de mettre en avant, dans tous les cas, les conséquences positives de l’arrêt du tabagisme, afin d’être encourageant en plus d’être empathique. Parmi celles- ci on peut citer en reprenant plusieurs fois ci-dessous les slogans de quelques campagnes du Ministère de la Santé :
▪ « Une opération se vit mieux sans tabac » (brochure INPES): le tabagisme augmente le risque de complications péri-opératoires comme les problèmes respiratoires, le risque infectieux, le retard de cicatrisation et prolonge donc inutilement les hospitalisations. Le professionnel de santé devra conseiller à ses patients une réduction de la consommation de tabac de 6 à 8 semaines avant l’opération jusqu’à 3 mois après l’opération (cicatrisation et consolidation) tout en expliquant que même un arrêt 12 à 48h avant cette opération est bénéfique.
▪ « Qu’est-ce qu’on gagne à arrêter de fumer ? » (brochure INPES d’août 2016) : les gains sont multiples et successifs dans le temps :
• retour à la normale de la pression artérielle et du rythme cardiaque (20 minutes)
• baisse de moitié de la quantité de monoxyde de carbone dans le sang (8 heures)
• risque d’infarctus du myocarde divisé par deux et élimination du mucus (24 heures)
• amélioration du goût et de l’odorat (48 heures)
• amélioration de la fonction respiratoire et poussée d’énergie (72 heures)
• baisse de la toux et de la fatigue, reprise normale de la marche (2 semaines à 3 mois)
• repousse des cils bronchiques et baisse de l’essoufflement accentuée (1 à 9 mois)
• risque d’infarctus divisé par deux et risque d’AVC égal à celui du non-fumeur (1 an)
• risque de cancer du poumon quasiment divisé par 2 (5 à 10 ans)
▪ Un gain d’espérance de vie : il est estimé à 3 ans chez un fumeur arrêtant à 60 ans, à 6 ans si celui-ci arrête à 50 ans et à 9 ans si celui-ci s’arrête à 40 ans. On parle bien ici d’arrêt et pas de diminution seule car celle-ci, bénéfique dans un premier temps, n’agit pas dans un second temps sur ce gain d’espérance de vie.
Le professionnel de santé devra également utiliser des règles de base de communication en n’oubliant jamais que tout changement chez un patient n’arrive que si sa motivation vient de lui-même. Il s’agit d’un principe de l’entretien motivationnel. Crée dans les années 1980 par William Miller et Stephen Rollnick, ce concept américain demande une implication réelle du patient, en admettant que le patient n’arrivera à des changements que s’il est lui-même à l’origine de sa motivation. Cette donnée sera d’ailleurs essentielle dans notre projet de thèse présenté ci-dessous. Il permet de mettre en avant l’autonomie du patient par une habileté rhétorique que nous allons développer en 5 règles d’or11 :
◦ induire une dissonance cognitive entre ce que le patient est et ce qu’il souhaite être
◦ faire preuve d’empathie pour percevoir avec justesse les raisonnements et les émotions du patient (éléments important dans la balance décisionnelle)
◦ explorer l’ambivalence du patient (coexistence de certains désirs et motivations contradictoires, en lien avec l’attraction et l’évitement)
◦ intégrer les résistances du patient (tension dans la relation médecin patient)
◦ soutenir le sentiment d’efficacité du patient et sa croyance en ses capacités de changement
Pour ceci, le soignant devra plutôt utiliser des questions ouvertes, valoriser les expériences passées de changement positif, reprendre en écho ce qu’il vient d’entendre en reformulant voir synthétisant (cf. « Figure 2 »).
Des méta-analyses ont permis d’évaluer plus précisément l’efficacité de l’entretien motivationnel et certaines ont même montré une efficacité relative de 14 à 20 comparativement à des groupes témoins sans aucun traitement ou en liste d’attente9.
Par ailleurs, et pour compléter les règles de l’entretien motivationnel, le discours du professionnel de santé devra être différent en fonction du stade de motivation du patient (modèle de Prochaska et DiClemente), pour définir un score de motivation (par exemple grâce à l’Échelle Q-MAT) :
◦ 1) Stade de pré-intention ou pré-contemplation
Pour le patient, le tabac n’est pas un problème : un simple conseil d’arrêt est suffisant, avec clarté ; explication possible sur les traitements en montrant un soutien et une ouverture au dialogue. Il existe une possibilité de proposer une réduction de la consommation pour commencer. Il convient d’avoir une écoute bienveillante et empathique.
• 2) Stade d’intention ou de contemplation
Le tabagisme commence à devenir un problème pour le patient et il pense à arrêter de fumer dans les 6 mois : on peut évaluer sa dépendance à la nicotine, l’aider à explorer son ambivalence, ses craintes, et le conseil d’arrêt sera clair et adapté. Il convient d’avoir une écoute bienveillante et empathique.
• 3) Stade de préparation ou de décision
Le tabagisme est un problème pour le patient, et il a l’intention d’arrêter dans le mois. En plus des éléments précédents, il faut inclure le patient dans l’élaboration d’un plan de changement en fixant une date d’arrêt et en informant le patient sur les thérapeutiques et le sevrage. Il convient d’avoir une écoute bienveillante et empathique.
• 4) Stade d’action
Le patient arrête de fumer. La prise en charge citée ci- dessus doit rester adaptée et les problèmes rencontrés doivent être évoqués. L’encouragement est une priorité et il faut anticiper ici les difficultés possibles.
• 5) Stade de maintien ou de liberté
Le patient a arrêté de fumer depuis plus de 6 mois. Il doit rester vigilant face au risque de rechute en revenant sur les anciennes difficultés mais aussi les plus récentes.
• 6) Stade de rechute
Il s’agit d’une étape commune à de nombreux fumeurs. Il convient d’approfondir les causes de la reprise en essayant de les effacer, avec ou sans aide thérapeutique. Un discours positif et insistant sur les bénéfices ressentis lors du stade de maintien sont à mettre en avant, sans dramatiser la situation.

Les aides au sevrage du tabac

Les aides médicamenteuses

Les traitements nicotiniques substitutifs sont utilisables en première intention sous plusieurs formes (voie transdermique en patch ou timbre, voie orale en gomme à mâcher ou pastille à sucer, spray buccal, inhaleur). Cette prescription augmenterait, selon une étude de Stead et al en 20129, les chances d’arrêter de fumer de 50 à 70% par rapport au groupe témoin sans aide. Ils proposent une délivrance plus ou moins rapide de nicotine, mais toujours plus prolongée et douce qu’avec la cigarette. Ils permettent ainsi d’éviter l’effet-shot de la cigarette, responsable de l’effet de manque.
Les principaux effets secondaires des TNS sont les céphalées, la dysgueusie, le hoquet, les nausées7,9. Pour la forme en patch, il existe des intolérances cutanées nécessitant un changement de site de pose régulier, sur zone sèche et non pileuse. Pour la forme à mâcher, il est conseillé de la laisser lentement ramollir (30 minutes) avant de la mâcher afin d’éviter les brûlures d’estomac et le hoquet.
Les différents dosages disponibles sont 7 ; 14 et 21 mg de nicotine par 24h ou 10 ; 15 et 25 mg par 16h pour les formes transdermiques, 1 ; 1,5 ; 2 ; 2,5 et 4 mg pour les formes à sucer, 2 et 4 mg pour les formes à mâcher, 10 mg pour les inhaleurs). Les différentes formes sont associables entre elles, notamment pour les gros fumeurs. Afin de savoir quel dosage de nicotine délivrer au patient, il faut garder la règle suivante en tête : « 1 cigarette = 1 mg de nicotine »
Les TNS ont été initialement exclus des remboursements. De novembre 2016 à mai 2018 l’assurance maladie a commencé à les prendre en charge à hauteur de 150 euros par an et par personne, pour depuis permettre un remboursements de certaines formes à 65% par la sécurité sociale depuis janvier 2019. L’un des objectifs actuels est d’étendre ces remboursements en terme de nombre de molécules et de pourcentages.
Les TNS sont autorisés pendant la grossesse et permettent d’ailleurs d’assurer la prolongation d’un sevrage chez la femme enceinte après l’accouchement.
Nous ne ferons ici que citer les autres molécules utilisables dans le sevrage en tabac : la varénicline et le bupropion sont les plus célèbres, avec de nombreux effets secondaires psychiatriques connus (dépression, comportements suicidaires, auto-agressivité, hostilité, agitation) ; la cytisine, la lobéline, la clonidine, les antagonistes sélectifs des récepteurs cannabinoïdes de type 1, les antagonistes des récepteurs nicotiniques, le Nicobrevin et les médicaments anxiolytiques quand à eux n’ont pas montré un rapport bénéfice/risque favorable dans l’aide à l’arrêt du tabac.

Les aides non médicamenteuses

L’entretien motivationnel, précédemment cité en « 2.2.3 », est un élément central de communication qui va relier le soignant et son patient tout au long de la relation thérapeutique.
En plus de cette technique centrale, il existe des techniques de support média (outils structurés permettant la tentative d’arrêt). En métropole, c’est l’INPES (qui fait partie depuis 2016 de l’Agence Nationale de Santé Publique) qui assure le rôle de production et de diffusion de ce genre d’outils. Concernant le tabac, un exemple de regroupement d’outils et de kits d’aides au sevrage est le « Moi(s) sans tabac » crée en 2016. Il sera développé en « 2.3.5 ».
Une revue de la littérature de Hartmann-Boyce et al.12 de 2014 a évalué l’efficacité de différents outils, avec comme critère de jugement principal l’arrêt du tabac après un suivi d’au moins 6 mois. Les résultats de 11 d’entre eux ont été légèrement significatifs en leur faveur (n=13241, RR=1 IC 95% = [0,80-1,18]).
La création de la ligne téléphonique « Tabac Info Service » en 1998 représente une autre source d’écoute des patients demandeurs de conseils pour diminuer ou arrêter leur consommation de tabac. Elle est joignable par téléphone au 39 89 (0,15 €/minute du lundi au samedi de 8h à 20h) et sur internet sur Tabac-Info-Service.fr où les patients peuvent prétendre également à un accompagnement personnalisé.
L’étude de Ferguson et al. En 2012, qui comparait les effets sur l’abstinence de TNS gratuits et/ou d’un conseil téléphonique proactif en plus d’un traitement standard d’aide à l’arrêt du tabac, a montré une efficacité de cette aide téléphonique (niveau de preuve 2) et une probabilité d’arrêt d’autant plus importante que l’assistance est intensive en terme de nombre d’appels (niveau de preuve 2).
Sur le versant psychiatrique, les TCC présentent de nombreuses victoires à leur actif. Elles sont réalisables individuellement ou en groupe. Elles permettent de s’adapter aux besoins individuels des patients tout en leur permettant d’exprimer un vécu et des croyances sur le tabagisme. Elles permettent, par interaction, pédagogie et collaboration, à tout patient en souffrance de prétendre retrouver un mode de vie autonome s’il est suffisamment motivé13.
Elle explore des situations d’inconfort émotionnel (pour lutter contre l’intolérance à la frustration) et des distorsions cognitives (« je suis malade psychiatriquement, je ne pourrai arrêter de fumer que une fois guéri psychiatriquement et comme je ne peux pas guérir je ne pourrai pas arrêter de fumer »). Ce style de prise en charge relationnelle est facilement acceptable par les patients, d’autant plus qu’elle met en avant les progrès réalisés afin d’augmenter la confiance des patients en eux tout en leur apprenant la « défume » (« vous fumiez bien avant d’être malade psychiatriquement, donc vous n’êtes pas obligé de ne plus être malade pour arrêter de fumer »)13.
L’hypnose, l’acupuncture et l’activité sportive ont pu être citées à plusieurs reprises mais les études qui les ont analysées n’ont pas montré de réelle preuve de leur efficacité à cause de faibles effectifs.

La cigarette électronique

La cigarette électronique, régulièrement décrite comme 95% moins toxique que la cigarette de par sa composition théoriquement pauvre en molécules cancérigènes, est depuis avril 2006 en Europe un outil utilisable par les fumeurs pour arrêter de fumer. En Normandie, en 2017, elle a été expérimentée par 32,9% des interrogés (chiffres identiques en France) et est utilisée quotidiennement par 3,9% d’entre eux (contre 2,7% en France)1.
Chez les jeunes français de 17 ans, près de la moitié ont expérimenté l’ « e-cigarette » (chiffre stable depuis 2014) alors que le vapotage quotidien reste rare (1,9%)14.
Ces cigarettes électroniques appelées également « e- cigarettes » sont conçues pour diffuser de la nicotine dans les voies respiratoires en étant mélangée au propylène-glycol ou au glycérol : c’est l’inhalation. Ces deux substances sont mélangées ensemble dans des fioles de « e-liquide » (nicotine ou non, propylène glycol, arômes). Elle est constituée d’une pile (ou batterie), d’un microprocesseur régulant la chaleur, d’un atomiseur dans lequel une résistance chauffe le liquide et le vaporise à l’aspiration, d’un capteur qui détecte les aspirations du fumeur, d’une cartouche contenant le e-liquide et d’un embout sur lequel le fumeur pose ses lèvres.
En France, ces dispositifs doivent suivre les normes AFNOR.
Malgré le peu de recul la concernant, quelques études de grande ampleur ont pu être réalisées et on retiendra parmi elles9 :
• l’étude de Dawkins et al (2013, niveau de preuve 3) qui conclut sur 6 mois à un taux de 74% de fumeurs n’ayant pas fumé de tabac grâce à la cigarette électronique. Elle conclut également à une réduction du craving pour la cigarette conventionnelle de 91%. Au niveau des effets secondaires, 70% des participants rapportaient une diminution des problèmes de toux et de respiration mais une présence d’irritation de la bouche dans 27% des cas et de la gorge dans 23% des cas
• l’étude de Vardavas et al. (2012) qui rapportait une diminution de la fraction de monoxyde d’azote de l’air expiré de 16% en moyenne pour une utilisation de 5 minutes
• l’étude de Carponetto (2013), orientée vers la population de psychiatrie, qui rapportait une réduction de 50% du nombre de cigarettes fumées par jour chez un patient sur deux ainsi qu’une abstinence totale à 52 semaines chez deux d’entre eux. Il n’avait été noté aucun changement positif ou négatif sur la pathologie psychiatrique
• l’étude de Goniewicz et al. (2013) qui se chargeait de répertorier les substances toxiques et cancérigènes de la vapeur des cigarettes électroniques : elle montrait la présence de 6 d’entre elles, en concentration 9 à 450 fois moins importante que dans la fumée de cigarette
• l’étude de Watkins SL et al. (2013-2015) qui a montré que 4,6% des mineurs américains interrogés (cohorte de 10 000 jeunes de 12 à 17 ans) ont subi un effet-passerelle de la cigarette électronique vers la cigarette
• l’étude Hajek P et al. (2019) publiée dans le New England Journal of Medicine qui montrait un nombre d’arrêt à un an deux fois plus important chez les fumeurs ayant utilisé l’e-cigarette que chez les fumeurs sous TNS (18% vs 9,9%)9,3.
Initialement, les autorités sanitaires françaises recommandaient de ne pas utiliser de cigarette électronique, celle-ci ne disposant d’aucune AMM et donc d’aucune autorisation de vente en pharmacie (communiqué de presse de l’AFSSAPS/ANSM du 30 mai 2011). Elle contient une molécule considérée comme très toxique par l’OMS (la nicotine) et est capable d’entraîner des effets graves d’ingestion chez les plus jeunes, voir de la dépendance à plus long terme.
Le Haut conseil de la santé publique a actualisé en 2016 son avis sur le sujet en la considérant comme une aide possible pour arrêter ou réduire sa consommation de tabac mais en n’oubliant pas qu’elle peut représenter une porte d’entrée dans le tabagisme, notamment chez les plus jeunes. Elle peut être utilisée en association avec les substituts nicotiniques pour faciliter le sevrage en tabac.
Elle est interdite dans les établissements scolaires, les moyens de transport collectifs et les lieux de travail fermés (ou couverts à usage collectif). Elle reste autorisée dans les autres lieux publics (restaurants, etc.) mais les responsables restent libres de l’interdire. Dans ce cas, depuis le 1er octobre 2017, une signalisation d’interdiction doit être mise en place et un non-respect du règlement peut exposer le vapoteur à une amende de 150€15.
Plus récemment, les autorités sanitaires de plusieurs états américains ont émis un avis plus négatif sur la cigarette électronique, en l’accusant par exemple le vendredi 6 septembre 2019 d’être directement responsable de la mort de plusieurs personnes dans le Minnesota et en Californie16,17. Ils titrent leur article « États -Unis : cinq décès et 450 maladies liées aux cigarettes électroniques ». Le message y est synthétisé sous forme générique et relie clairement cigarette électronique et mort alors qu’à la lecture de l’article rien ne semble pour le moment lier une molécule en particulier et ces décès. Il s’avère au final que les consommateurs de ces cigarettes avaient inhalé des substances dérivées du THC ou avaient de graves comorbidités en amont17,18. De plus, les dosages maximum de nicotine ne sont pas là-bas limités à 20 mg/mL comme en France, ce qui ne rendra pas forcément leurs conclusions applicables à la population française.
Ils évoquent la possible complication de pneumonie lipidique (pénétrance d’huile de vitamine E dans les poumons) mais sans preuve concrète pour le moment.
Encore plus récemment, le Président des États-Unis Donald Trump a fait une déclaration officielle sur la cigarette électronique le 13 septembre 2019 en évoquant son souhait d’interdire son commerce dans tout le pays, sur l’argument qu’elle « crée plein de problèmes »18. L’état de New-York a été un des premiers à l’interdire, et à une échelle plus importante, l’Inde devient le 18 septembre 2019 le premier pays à interdire la production, l’import, l’export, le transport, le stockage et la vente des cigarettes électroniques19. Face à cette montée d’inquiétude, la France décide le 18 septembre 201920 de mettre en place un dispositif de veille sanitaire coordonné par la CVAGS et les ARS, et consultable sur https://signalement.social-sante.gouv.fr/psig_ihm_utilisateurs/index.html#/accueil, afin de surveiller de manière attentive l’état de santé des vapoteurs en France et de rapporter d’éventuels cas d’intoxications, tout en surveillant l’entrée de jeunes vapoteurs dans le tabagisme actif. L’étude menée par le médecin Brandon Larsen, de l’hôpital Mayo Clinic Arizona, parue dans la revue médicale « New England Journal of Medicine », proposera une conclusion en excluant l’hypothèse initiale de pneumonie lipidique et en précisant que des brûlures pulmonaires avaient au final été la cause du décès des patients vapoteurs, ce qui crée un lien potentiellement avec les substances illégales qu’ils avaient pu ajouter dans les e-liquides21.

Le tabagisme en psychiatrie

Les différents individus présents dans les EPSM n’échappent pas à l’exposition au tabagisme.
On peut même parler de surexposition.
En dehors des arguments évoqués en « 3.4. Étape 4 » concernant les patients-même, certains arguments environnementaux peuvent expliquer la difficulté à arrêter : la configuration pavillonnaire et la multiplicité des lieux de soins multiplient les informations nécessaires pour la mise en place des protocoles. A cela s’ajoutent les anciennes traditions asilaires (le tabac était donné au patient comme une monnaie d’échange) et la longueur des hospitalisations.
La question de la population hospitalisée d’office ou en chambre d’isolement ouvre un débat éthique et déontologique. Cela peut amener les fumeurs à être pris plus ou moins en charge au niveau du tabac et à voir se laisser imposer un sevrage non voulu selon leur mode d’hospitalisation22.
La population d’individus dans un centre d’hospitalisation psychiatrique se compose de deux sous -populations : les patients et les non-patients, ces derniers répondant par la suite à la dénomination de « soignants » (et incluant également les personnes sans compétence médicale mais travaillant dans ces murs).
Cher les soignants, il est recommandé et nécessaire qu’ils soient actifs dans la recherche de diminution du risque tabagique. Cela inclut de ne pas les alimenter en cigarettes, de ne pas faciliter les achats de cigarettes et de ne pas fumer en leur présence. Les soignants fumeurs en psychiatrie ont d’autant plus de mal à arrêter leur consommation qu’il définissent eux-même le tabac comme un levier thérapeutique, comme une façon de gérer l’anxiété ou comme une façon de récompenser le patient. Ils sous-estiment les conséquences sanitaires et ne le définissent pas comme un facteur de risque. Une étude a même montré que 80% des interactions chez les patients hospitalisés sont centrées sur le tabac23. Le principe de la « cigarette horaire », crée initialement pour faire gagner du temps aux soignants et réguler la distribution, est délétère dans le sens où elle maintient les patients en état de sous-dosage nicotinique permanent.
Chez les patients, trois sous-groupes principaux peuvent être définis par rapport à trois catégories de pathologies psychiatriques : le trouble anxieux, le trouble de l’humeur et la schizophrénie (et autres psychoses) :
• troubles anxieux :
◦ la prévalence du tabagisme est plus importante, sauf chez la population de patients atteints de TOC
◦ le sevrage en tabac augmente le niveau d’angoisse dans les 15 jours suivant l’arrêt ; une rechute est synonyme d’exacerbation de l’angoisse (ce qui justifie parfois la prescription de certains anti-dépresseurs IRS)
◦ le métabolisme des anxiolytiques est peu perturbé par les composants de la fumée du tabac
◦ l’arrêt du tabagisme est, paradoxalement pour le patient, synonyme à terme de baisse de l’anxiété
• troubles de l’humeur :
◦ le tabagisme débuté à l’adolescence est associé à un doublement du risque d’état dépressif à la majorité24
◦ les fumeurs ayant un de ces troubles sont plus exposés au risque de décompensation à l’arrêt
◦ la poursuite et la reprise du tabac ont des effets négatifs sur l’évolution du trouble bipolaire et sur l’efficacité de son traitement
◦ l’arrêt du tabac a peu d’impact sur le métabolisme des anti-dépresseurs tricycliques
◦ la prise en charge repose principalement sur la prescription de TNS, notamment les formes orales qui complètent les formes cutanées, afin de soulager le symptôme dépressif chez le patient
• schizophrénie et autres psychoses :
◦ il existe une très forte proportion de fumeurs chez les psychotiques (une méta-analyse de 42 études a retrouvé un pourcentage de 62%)9
◦ il existe un faible taux d’arrêt du tabagisme chez les psychotiques
◦ il existe des surconsommations de tabac chez les fumeurs psychotiques, ce qui multiplie leur risque de mortalité cardio-vasculaire par 6 et de mortalité respiratoire par 5 (par rapport à la population générale)25
◦ les TNS (et notamment la forme transdermique) semblerait améliorer certaines fonctions cognitives chez le schizophrène sevré9
Le tabagisme représente un des nombreux facteurs de risques cardio-vasculaires existant et s’applique ici sur une population psychiatrique souffrant de maux avec une espérance de vie déjà 20% inférieure à la population générale25. La première cause de surmortalité est le suicide mais les étiologies somatiques de maladies et de décès restent surreprésentées (cf. « Tableau 1 »). Le focus des médecins psychiatres sur les comorbidités psychiatriques rend très intéressante la présence de médecins généralistes, afin de ne pas oublier les maladies aiguës et chroniques retrouvées à l’extérieur dans une population qui met souvent son corps de côté.
La iatrogénie est présente aussi dans cette population, notamment au niveau cardio-vasculaire : allongement du QT pour les antipsychotiques responsable de certaines arythmies ventriculaires avec torsade de pointe et prise de poids pour les patients sous clozapine, olanzapine, thymorégulateurs, antidépresseurs tricycliques, mirtazapine, paroxétine.
Tous ces risques impliquent un examen clinique de tout patient entrant en EPSM dans les 24 heures suivant son arrivée (loi du 5 juillet 2011).

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Table des matières

1 INTRODUCTION 
2 GÉNÉRALITÉS
2.1 Les données épidémiologiques sur le tabac en France
2.2 Le sevrage en tabac : une étape importante et complexe
2.2.1 La cigarette comme objet néfaste
2.2.1.1 La fabrication et la composition de la cigarette
2.2.1.2 Les conséquences somatiques de la cigarette
2.2.2 Le fumeur comme obstacle à son arrêt et comme acteur de son arrêt : sa dépendance et le syndrome de sevrage
2.2.3 Le rôle primordial des professionnels de santé
2.2.4 Les aides au sevrage du tabac
2.2.4.1 Les aides médicamenteuses
2.2.4.2 Les aides non médicamenteuses
2.2.4.3 La cigarette électronique
2.3 Le tabagisme en psychiatrie
2.4 La prévention du tabagisme
2.4.1 Connaître les stratégies marketing de l’industrie du tabac
2.4.2 Mettre en place une stratégie de marketing social
2.4.3 Les campagnes de prévention du tabac en France entre 1976 et 2014
2.4.4 La législation autour du tabac
2.4.5 « Hôpital sans tabac » et « Lieu de santé sans tabac »
2.4.6 « Moi(s) sans tabac »
3 MATÉRIEL ET MÉTHODE
3.1 La technique du groupe nominal
3.2 Le lieu : le Centre Psychothérapique de l’Orne à Alençon (Préfecture de l’Orne)
3.3 Le groupe
3.4 Les séance
3.4.1 Les séances de préparation
3.4.2 Séance 1 : présentation du projet, du thème et des participants et activité n°1
3.4.3 Séance 2 : activité n°2 et détermination de la phrase « choc » de l’affiche
3.4.4 Séance 3 : activité n°3 et détermination du paragraphe explicatif de l’affiche
3.4.5 Séance 4 : activité n°4 et détermination de l’illustration de l’affiche
4 RÉSULTATS
4.1 Séance 1
4.2 Séance 2
4.3 Séance 3
4.4 Séance 4
4.5 Questionnaire de satisfaction
5 DISCUSSION
5.1 Le résultat principal et son implication majeure
5.2 Les points positifs : points forts et effort de prévention
5.3 Les points négatifs : limites et biais de l’expérience
5.4 Les hypothèses pour expliquer les résultats
5.5 Les changements à venir et à espérer obtenir
6 CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES 

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