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CRITÈRES DE CHOIX DE LA ZONE D’ÉTUDE ET DES SITES D’ENQUÊTE
Le choix de la zone d’étude repose sur le contexte de développement durable, selon une acception forte de la durabilité, où il y a existence de différents acteurs intervenant dans l’exploitation de la ressource. Le littoral ouest de Madagascar a été jugé satisfaisant ce choix. En effet, cette zone est devenue le terrain d’action de trois acteurs ayant directement chacun un intérêt sur les ressources marines et côtières, mais des intérêts certes divergents.
D’abord, cette zone intéresse les conservationnistes, partisans de la durabilité forte, qui veulent y implanter des zones de conservation et de protections des ressources marines et côtières du fait des richesses de la biodiversité qu’elle abrite et qui subissent de fortes pressions anthropiques. Ensuite, il y a la présence des pêcheurs industriels exploitant de crevette, cette dernière est devenue un produit phare pour l’économie de Madagascar depuis une trentaine d’année. Enfin, c’est une zone où la base de subsistance des communautés locales dépend encore et fortement de ’exploitation, traditionnelle, des ressources naturelles. La coexistence de ces trois entités dans cet environnement et la façon dont évolue la gestion de la ressource entre dans le cadre de notre étude et satisfait pleinement l’objet de notre recherche.
Nous avons déterminé trois sites, les deux premierssites localisés dans la région du Menabe sont respectivement le village de Lovobe au sud de Morondava et celui d’Ambakivao au nord de Morondava dans le delta du Tsiribihina. Ces deux sites se diffèrent par le caractère du village où Lovobe estreconnu tel un village ancien donc plus stable et organisé selon une logique héritée des ancêtres et Ambakivao, un village nouveau de front pionnier où se côtoient différents exploitants ayant diverses cultures. La différenciation significative entre ces deux sitesnous donnera beaucoup plus d’information sur l’organisation et l’exploitation des ressources par les pêcheurs traditionnels. Un troisième site, le littoral du Fiheregna (entre Toliary et Morombe), a été identifié comme primordiale par rapports aux deux sites car les migrants dans la région du Menabe proviennent de cette zone qui est localisée dans la côte sud-ouest de Madagascar. Les études menées dans cette zone nous amèneront à comprendre les raisons qui poussent les pêcheurs traditionnels à migrer dans la région du Menabe.
PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL ADOPTÉE
La méthodologie se basera sur une logique comparative. On part de la comparaison des petites unités, par exemple des sites villageoises. De cette comparaison, le noyau du problème émergera et contribuera à expliquer un problème ou un fait à un niveau hiérarchique supérieur. Au fur et à mesure que la comparaison des études et la diversité des analyses s’approfondit, des informations de plus en plus précises apparaîtront et nous permettra de mener l’étude à son terme.
Méthode de vérification des hypothèses
Elle part de la considération que le passage d’une question spécifique de recherche à l’hypothèse va de l’abstrait au concret. Les concepts opératoires de l’hypothèse rendent plus concrets les concepts théoriques contenus dans la question spécifique de recherche. Mais le processus de traduction des énoncés contena des concepts opératoires en des 20
énoncés contenant des référents empiriques passe rpal’établissement du cadre opératoire. Ce dernier comporte deux types de référents empiriques que sont la variable et l’indicateur. Selon cette démarche, l’on suppose que l’hypothèse se traduit par une relation de cause à effet comportant au moins deux variables dont l’une dépendante et l’autre indépendante. Mais l’opérationnalisation de la variable nécessitela détermination des indicateurs (Hufty, 1998, cité par Rabemananjara, 2007).
Techniques de collecte de données
Comme déjà annoncé implicitement plus haut, les techniques de collectes sont basées sur la prise de notes avec un carnet de terrain et l’utilisation d’un dictaphone numérique lors des entretiens. La combinaison des deux est plus pratique lors des interviews car avec deux supports, on est plus sûr de n’avoir omis des informations surtout avec l’aide du dictaphone. En effet, dans une discussion bien engagée, le chercheur n’a pas la capacité de tout noter en même temps. Donc pour éviter une perdition d’information, l’enregistrement est la méthode la plus adéquate pour s’assurer d’avoir le maximum de données. Un autre avantage de l’enregistrement est aussi la possibilité d’effectuer plusieurs écoutes lors du traitement des données. Une phase qui pourrait ressortir des éléments clés de l’analyse.
L’identification des personnes à interviewer
C’est une étape très importante dans les enquêtes arc les informations que l’on obtiendra des interlocuteurs seront les bases de la recherche et de la compréhension de la situation que nous voulons appréhender. Ainsi, en débarquant sur le terrain, le contact avec le « chef du fokontany » est toujours nécessaire pour les chercheurs afin d’être dans les normes administratives. Un contact demandant une autorisation d’enquêter auprès du chef traditionnel est aussi nécessaire si le cas est évoqué. Le critère des personnes à enquêter est basé sur les thèmes d’études. Les personnes enquêtées sont donc constituées des chefs de lignages, les vieilles personnes ayant des connaissances sur les pratiques traditionnelles et des jeunes ayant effectués des migrations ou non . Le choix des personnes à interviewer découle alors des premiers contacts. En effet, après un bref exposé de l’objet de l’étude et descriptions des caractéristiques des personnes à enquêter, déjà préétablies, le chef fokontany et/ou le chef traditionnel du village sont les premiers informateurs clés pour l’orientation du choix des personnes à interviewer. Mais les choix peuvent changer au cours de l’avancement de la recherche car l’adaptab ilité et la flexibilité est importante pour effectuer une étude qui se veut d’être pertinente.
La gestion des biais de terrain
L’enquête qualitative de terrain a ses propres biais comme dans les enquêtes quantitatives. L’objectif du chercheur est alors de tenter de minimiser, maîtriser et contrôler ces différents biais. On peut citer comme exemple de biais l’insertion inévitable dans une clique1, la subjectivité du chercheur et la représentativité des données.
L’insertion inévitable dans une clique est présenté par Sardan de la manière suivante. « L’insertion du chercheur dans une société ne se fait jamais avec la société dans son ensemble, mais à travers des groupes particulie rs. Il s’insère dans certains réseaux et pas d’autres. Ce biais est redoutable autant qu’inévitable. » (Olivier de Sardan, 2003). Cette insertion peut engendrer un double inconvénient. D’une part, le chercheur peut être amené dans la logique de son ménage ou institution adoptif et par conséquent en reprendre les points de vue. De l’autre, il est possible que les portes des autres (ménages /institution) locales s’enferment à cause de son arrangement chez l’autre.
Au sujet de la subjectivité du chercheur, la personne même du chercheur est une ressource mais peut aussi constituer un biais pour la recherche. « La plupart des données sont produites à travers ses propres interactions a vec les autres, à travers la mobilisation de sa propre subjectivité, à travers sa propre “mise e n scène” » (Olivier de Sardan, 2003). Ces données incorporent donc un facteur personnel non négligeable. Ce biais inévitable ne peut qu’être contrôlé, parfois utilisé, parfois même minimisé. Pour se contrôler, le chercheur peut avoir recours à son journal de terrain qui a p our rôle aussi d’aider le chercheur à gérer sur le terrain même ses subjectivités. Le travail ne équipe est aussi avantageux afin de gérer la subjectivité. En effet, la collaboration tela complémentarité est aussi un moyen de se contrôler mutuellement même si c’est relatif mais elles ont déjà leur rôle dans la correction du biais.
Les moyens de s’assurer de la fiabilité des données
Pour s’assurer de la fiabilité des données récoltées sur le terrain, le chercheur doit toujours faire attention à ce que les informations dont on lui donne soient véridiques. Pour ce faire, des procédés de recoupement des informations obtenues doivent être entrepris. Ce procédé est connu sous le nom de « triangulation ».Le croisement des informateurs libère le chercheur de l’emprise d’une seule source. On pe ut aussi, par la triangulation complexe, varier les informateurs en fonctions de leur rapport à la situation étudiée. C’est une stratégie de recherche sur la quête de différencessignificatives. Il ne s’agit donc plus de « recouper » ou de « vérifier » des informations pour arriver à une « version véridique », mais bien de rechercher des discours contrastés, des’appuyer sur les variations plutôt que de vouloir les gommer.
Approche et vérification des hypothèses
Chaque hypothèse se traduit par une relation de cause à effet, sa vérification sera alors abordée par la décomposition de l’hypothèse ne variable dépendante et indépendante. Ces variables seront contrôlées avec des indicateurs qu’on déterminera. Les méthodes employées pour la collecte des données se référeront aux méthodes de collecte des données annoncées plus haut selon le cas qui se présente.
Vérification de l’hypothèse n°1
Hypothèse n°1 : « Les pêcheurs traditionnels ont pour subsistance de base l’exploitation des ressources marines et côtières, mais pas uniquement parce que l’histoire du peuplement indique que ce sont des agriculteurs convertis à la pêche qui ont gardé leurs anciennes traditions à différents degrés en fonctio des écosystèmes qu’ils exploitent.
L’écosystème étant diversifié par niche écologique,cette variation entraîne une différenciation entre paysans-pêcheurs et marins-pêcheurs.»
L’hypothèse est liée par un lien de cause à effet et comporte deux variables dont l’une indépendante et l’autre dépendante. Relatif à cette hypothèse d’adaptation du mode de vie traditionnelle à la diversité de l’écosystème, la variable indépendante « diversité de l’écosystème par niche écologique » sera vérifiéearpl’inventaire des différentes niches écologiques marines et côtières, la reconnaissance des zones exploitables et l’identification des produits exploitables.
A propos de la variable dépendante « différenciatio entre paysans-pêcheurs et marins-pêcheurs », cette variable sera indiquée parles techniques et moyens de productions, l’histoire du peuplement, la sédentarité et les migrations économiques récentes, l’organisation de la société, la connaissance du milieu naturel et de l’exploitation par les pêcheurs, les alternatives possibles d’exploitations et de productions.
Vérification de l’hypothèse n°2
Hypothèse n°2 : « Le développement important du marché de la filière crevette entraine l’industrialisation de sa pêche à Madagascar. La présence des pêcheurs industriels crevettières dans la zone d’exploitation traditionnelle entraine une nouvelle organisation de la pêche traditionnelle dans la gestion des ressources marines et côtières à savoir sa disparition saisonnière et son remplacement par la revente du bycatch. »
Nous partons toujours de la base de l’hypothèse qui a une relation de cause à effet. Cette relation sera plus explicite avec la classification en variable indépendante et dépendante. Et ces deux variables seront à leur tour justifiée par des indicateurs. Dans la deuxième hypothèse, la variable indépendante « industrialisation de la pêche crevettière dans la zone d’exploitation traditionnelle » sera estimée à partir de l’importance du marché de la crevette, la politique nationale de pêche, ladélimitation des zones d’exploitation, effort de pêche déployé, l’importance du by catch,l’évolution du nombre de chalutier. La variable dépendante « apparition d’une nouvelle organisation de la pêche traditionnelle » sera évaluée avec l’évolution des techniques et moyens de productions, le système d’économie existant, l’organisation sociale, les rapports de la pêche traditionnelle avec les chalutiers de crevette, le rôle du bycatch.
Vérification de l’hypothèse n°3
Hypothèse n°3 : « La pêche traditionnelle sur la côte ouest de Madagascar a une certaine notoriété dans la définition de l’identitévezo. Une identité qui varie cependant en fonction de l’histoire du peuplement. De ce fait, l’organisation de l’économie marine et côtière dans chaque zone est, au même temps que l’histoire du peuplement avec laquelle elle se confond dans le cas des fronts pionniers, un des facteurs déterminants de l’évolution de cette identité ethnique. »
Toujours avec l’approche de relation de cause à eff et, la variable indépendante de la troisième hypothèse « la pêche traditionnelle sur a l côte ouest de Madagascar définit l’identité Vezo » sera identifiée par le fondementde la « vezoité », culture et traditions, système d’alliance et d’intégration à l’identité vezo, l’identification des pratiques ancestrales associées à la ressource, la performance et prédation dans l’exploitation, la relation vezo/mer et l’histoire du peuplement. La variable dépendante « l’organisation de l’économie marine et côtière est un facteur déterminant de l’évolution de cette identité ethnique» sera examinée à partir des formes de migrations, la place de la monnaie dans la société, les moyens de reproduction de la ociété,s l’histoire politique de chaque zone, les référents d’appartenance de chaque groupe.
Traitement et analyse des données
Notre recherche utilise différentes méthodes pour al récolte des données, ce qui implique différents traitements. D’abord, pour la recherche sur les sites, nous avons utilisé un carnet de terrain pour noter les observations, un dictaphone numérique (sur Mp3) pour enregistrer les entretiens. Des cartes villageoises réalisées conjointement avec le chef fokontany ou selon nos observations sur les lieux. Des photocopies et gravures des données numériques auprès des institutions en ville.
Ces méthodes organisent alors le traitement et l’analyse des données comme suit. Pour les données notées sur le carnet de terrain, neu transcription en malgache suivie d’une traduction a été effectuée dans un premier temps. nsuite,E nous avons retranscrit les traductions pour donner un sens aux données. Pour ce faire, nous avons eu recours aux procédés de l’analyse thématique. Au sujet des données enregistrées lors des entretiens, des heures d’écoute avec transcription a débuté le travail. Après cette étape, nous avons traduit les transcriptions et c’est seulement après que l’on a procédé à l’analyse thématique des informations recueillies. Il est à noter que le tra itement des données enregistrées est le plus difficile à réaliser et à supporter. Mais l’ensembl e des textes issus des traductions sont trop volumineux, ils ne peuvent donc être annexés dans el présent mémoire mais ils sont toutefois consultables auprès de l’auteur.
Pour le traitement des cartes participatives, nous avons utilisé le logiciel Google Earth pour nous apporter plus de précisions sur lesinformations retenues sur les cartes et sur les terrains où nous sommes passés. En effet, ce moyen de navigation donne des informations assez précises sur les zones d’études et donc est primordiale pour le traitement des cartes. La combinaison des deux cartes constitue les cartes qui illustrent le travail. Le traitement des données numériques et papiers obtenues auprès des institutions se basera aussi sur l’analyse thématique.
Mais il est à noter que nous avons eu aussi à faire appel à la mathématique et la statistique pour traiter les données quantitatives recueillies. En effet, durant les entretiens, des informations quantitatives ont été obtenues tele niveau de prix des différents produits, les dépenses journalières d’une famille etc. Les données obtenues auprès des institutions, contiennent aussi des données quantitatives.
CONCLUSION
Afin de bien mener à terme notre étude, nous sommes partis de la formulation des hypothèses de travail qui est une étape primordiale. C’est à partir de ces hypothèses que nous allons basés les questionnaires et/ou guides d’entretiens à administrer avec les interlocuteurs sur les sites d’enquêtes. Et les informations dont nous voulons obtenir auprès des interviewés déterminent alors la nature des enquêtes à mener et les moyens à y parvenir. Comme notre étude a pour ambition d’expliquer la gestion des ressources marines et côtières ainsi qu’appréhender le rôle de la pêche traditionnelle dans cette gestion. Il est important de comprendre l’organisation locale, le point de vue des pêcheurs traditionnels, leur perception de l’environnement ainsi que la représentation de celui-ci. Ce qui nous a amené à nous pencher sur la méthodologiequalitative. Certes, les méthodes qualitatives offrent une panoplie de procédure maisface à la réalité et les situations sur les terrains d’études, des révisions des guides d’entretiens on dû être entrepris. Mais ceci, tout en respectant les thèmes définis dans les guides afin de toujours répondre aux questionnements de recherche. Nous avons été confrontés à de telles situations, ce qui a demandé une reformulation des guides ayant plus de souplesse avec ceux déjà préétablis. Nous pensons donc que la confection des guides d’entretiens doit avoir une certaine flexibilité afin de mieux s’adapter sur des situations imprévisibles. Cette phase d’élaboration de la question de recherche et des hypothèses y afférentes est la plus importante de toute étude qui se veut être scientifique car elle déterminera le cheminement de la recherche et des résultats dont nous allons en ressortir.
Après ce premier chapitre qui montre les méthodes te moyens pour aboutir à notre étude, nous allons maintenant entrer dans la phasede restitution des résultats. Nous allons donc aborder le thème écosystème et modes de vie sur la côte ouest de Madagascar.
ÉCOSYSTÈMES ET MODES DE VIE SUR LA CÔT E OUEST DE MADAGASCAR : LE CONTEXTE ÉCOLOGIQUE ET HISTORIQUE D’UNE ENQUÊTE SUR LA PÊCHE TRADITIONNELL E
La pêche traditionnelle est une des activités assurant la vie à des milliers de personnes occupant les zones côtières de la grande île de Madagascar. Certes le quotidien de ces habitants est lié à l’écosystème où ils évoluent mais étudier cette relation et la façon dont ces personnes s’organisent et utilisent leur espace nous apportera plus de renseignements. L’objectif de ce premier chapitre est d’exposer la relation entre l’écosystème et le mode de vie sur la côte sud ouest de Madagascar. Il est à préciser ici que la côte ouest dont nous allons parler durant notre travail se réfère aux zones côtières partant de Salary dans la région du sud ouest jusqu’à Maintirano (région du Melaky) en passant par la région du Menabe.
Dans la première section, nous aurons une description générale de la côte ouest selon une conception académique et par contraste à cela une vision du littoral ouest suivant la perception des pêcheurs traditionnels connus sou la dénomination Vezo sera aussi avancée. Une présentation des sites étudiés suivantle contexte écologique et historique couronnera cette première section. La deuxième section consacrée au fondement écosystémique de la distinction entre paysans-pêcheurs et marins-pêcheurs se basera sur l’analyse du concept du terroir et territoire qui nous amènera à définir les différences entre les pêcheurs, qu’il soit paysan ou marin. Une troisième section en guise de conclusion achèvera ce deuxième chapitre.
DESCRIPTION GÉNÉRALE DE LA CÔTE OUEST DE MADAGASCAR
Une description générale de la côte ouest de Madagascar peut être consultée dans plusieurs livres et articles qui sont consacrés à cela. Dans cette section, c’est une description émanant des personnes habitants et exploitants journalièrement ce littoral qui sera présentée.
La conception du littoral et de l’espace halieutique dans la côte ouest de Madagascar selon les pêcheurs traditionnels.
Cette section consiste en la description du littoral selon la vision traditionnelle des pêcheurs Vezo, ce sera une description recouvrant out le littoral sud ouest (de l’Onilahy au delta du Tsiribihina au Menabe).
D’abord pour circonscrire le domaine de pêche, il s’étend jusqu’à la limite du plateau continental, dans la limite où on arrive encore à a percevoir les repères côtiers. Plus loin à l’ouest, l’absence de ces repères visuels rend difficile la navigation. C’est une zone qui n’est plus fréquentée par les pêcheurs traditionnels. Ceci a été confirmé par un de nos interlocuteurs à Lovobe en assurant que : « Quand o n pêche, il y a toujours des repères sur la terre ferme qu’on suit depuis la mer, on ne va pas au-delà de ces repères. » (Lovobe, ME-Note8)
A part cette étendue d’eau maritime exploitée quotidiennement, les îlots sont appréciés par les pêcheurs pour la diversité desssourcesre qu’ils abritent ainsi que les zones récifales. Suivant l’écosystème, les zones peuplées de mangroves ainsi que les embouchures sont aussi exploités par ces pêcheursDurant. nos séjours, nous avons aussi observé que l’activité de pêche est répartie spatialement selon le sexe de l’individu. La haute mer est quasi exclusivement fréquentée par les hommes, qui dès le plus jeune âge en font l’apprentissage en accompagnant leurs aînés alors que les femmes exploitent souvent les abords des côtes à l’intérieur des barrières récifaux (dans les lagunes) et/ou des chenaux et ou des palétuviers selon le contexte.
Une similarité dans le patronyme de l’espace halieutique au corps humain
Les Vezo ont une manière de représenter le littora qui est souvent apparenté à l’anatomie du corps humain. C’est avec une représentation très simpliste de la zone d’exploitation que les vezo décrivent l’espace côti ère en se référant aux parties du corps humain. Ils attribuent à chaque portion caractéristique de l’espace une partie du corps humain en considérant le milieu naturel, en occurrence ici la mer, comme un être humanoïde. Cette description est transmise de génération en génération.
Pour la morphologie du littorale, les vezo ont une nette distinction et de perception de l’espace maritime. Les portions de rivage convexes sont baptisées handritany (front de terre) tandis que les parties concaves, protégées esd vagues déferlantes, sont désignées sous le nom de lovoke. Le tehezantany que l’on peut traduire littéralement côte de la terre est le passage intermédiaire entre ces deux lignes de cote convexe et concave. Il est le plus exposé à l’agressivité des vagues. Les passes menant à une lagune (jonction du chenal avec la mer) est dénommévavasaha (Chartier C. et Henry P., 1998)
Dans la désignation de l’organisation de l’espace maritime des pêcheurs traditionnels Vezo, on distingue une similarité dans la dénomination de l’espace entre les pêcheurs traditionnels vezo de Toliara et ceux du Menabe mais évoquant différentes limites. Nous supposons que ceci découle de la nette différenciation de l’écosystème entre les deux zones.
La zone côtière de Toliara s’étend du village d’Androka au sud de Toliara jusqu’à Morombe. Elle est caractérisée par la régularité sderécifs et une certaine présence de palétuviers à certains endroits mais qui ne sont pas aussi caractéristique et dominant. L’environnement côtier des Vezo du sud ouest est al ors décrit comme suit : la zone de haute mer est baptisée ambohone, c’est une zone imprévisible et dangereuse car elle est déjà située bien au-delà des récifs et où les vagues sont plus fortes. Les hauts fonds coralliens sont connus sous le nom d’ andriva. Le lagon situé entre la barrière récifale et le rivage est appelé communément antrone, c’est la zone qui renferme la nourriture quotidienne et qui est à la fois proche et familière. Il ne subit pas une exploitation à outrance car n’est exploité que lors des périodes de marées basses de vives eaux en raison de cinq marées toutes les deux semaines (Marikandia, 2001).
Par contre, la côte de la région du Menabe longe le canal du Mozambique sur une longueur de 350 km. Le littoral est surtout formé de mangroves et nombreux sont les îlots et bancs de sable qui séparent la côte de la haute mer (MAEP-Menabe, 2003). Dans la région, les noms attribués à l’espace marine et côtière sont un peu ressemblant à ceux des vezo du sud ouest. Ils distinguent alors le littoral comme suit. Après avoir franchie la zone des vagues littorales, le premier secteur que les Vezo distinguent est l’andohariake ou littéralement tête de la mer qui est une zone peu rofonde,p à peu près 5 m. Suivant cette zone, ils distinguent l’ ambohondriake (dos de la mer) caractérisé par des eaux vertes et d’une profondeur comprise entre 5 et 10 m. La limite extrême ouest de cette zone par rapport à la côte est distante d’à peu près 5 km. S ur un intervalle de 5 à 25 km des côtes, nous rencontrons l’ ampondriake ou cœur de la mer et qui s’étend jusqu’à l’extrémi té du plateau continental. La couleur de l’eau y est bleue et c’est un secteur capital pour les pêcheurs. Cette zone qui est capitale pour les pêcheurs est découpée en plusieurs unités. Au sein de cette vaste étendue se distingue alors les hamaiha ou zones de hauts fonds et où les lieux favorables à la pêche sont lesriva.
Chaque riva possède sa spécificité concernant la nature des fonds et l’ichtyofaune qui les fréquente. On distingue alors lesrivampotake qui sont des fonds vaseux ou boueux, les rivambato (fonds rocheux), les rivampase pour dénommer les fonds sableux et enfin les rivankatsabato ayant des fonds couverts de graviers et de blocs. A l’extrémité d’ ampondriake se placent les îles ou nosy autour desquelles s’opère un zonage circulaire.
La première zone sableuse immergée est désignée soule terme antsarake. La zone suivante formant un halo à fond corallien est nommée ankavandana. L’eau y est transparente, sans doute à cause du corail qui en c onstitue le fond. (Henry Chartier C. et Henry P., 1998). Le teva ou précipice qualifie la forte pente du talus continental au-delà des îles. La profondeur dans cette partie oscille entre 200 à 1700 m A partir de là on quitte le domaine familier des Vezo et on entre dans le secteur des andrivabe. Une figure qui illustre cette description du littoral par les Sakalava vezo est disponible en annexe.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 : HYPOTHÈSES ET MÉTHODES DE VÉRIFICATION
A. LES HYPOTHÈSES DE TRAVAIL
1. Hypothèse générale
2. La formulation des hypothèses spécifiques
B. CRITÈRES DE CHOIX DE LA ZONE D’ÉTUDE ET DES SITES D’ENQUÊTE
C. PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL ADOPTÉE
1. Méthode de vérification des hypothèses
2. Méthodes de collecte de données
a. L’approche par observation
b. L’approche par entretien
c. La cartographie participative
3. Techniques de collecte de données
a. L’identification des personnes à interviewer
b. La gestion des biais de terrain
c. Les moyens de s’assurer de la fiabilité des données
4. Approche et vérification des hypothèses
a. Vérification de l’hypothèse n°1
b. Vérification de l’hypothèse n°2
c. Vérification de l’hypothèse n°3
5. Traitement et analyse des données
D. CONCLUSION
CHAPITRE 2 : ÉCOSYSTÈMES ET MODES DE VIE SUR LA CÔTE OUEST DE MADAGASCAR : LE CONTEXTE ÉCOLOGIQUE ET HISTORIQUE D’UNE ENQUÊTE SUR LA PÊCHE TRADITIONNELLE
A. DESCRIPTION GÉNÉRALE DE LA CÔTE OUEST DE MADAGASCAR
1. La conception du littoral et de l’espace halieutique dans la côte ouest de Madagascar selon les pêcheurs traditionnels.
a. Une similarité dans le patronyme de l’espace halieutique au corps humain
b. Les vents et marées et leurs fonctions dans la pêche traditionnelle vezo
2. Présentation générale du littoral du Menabe et des sites étudiés dans la région
a. La région côtière du Menabe et ses caractéristiques générales
b. Lovobe, un village de peuplement ancien
c. Caractérisation du site d’Ambakivao
3. Présentation générale du littoral sud ouest et caractérisation des sites dans le Fiheregna
a. L’écosystème typique du Fiheregna
b. L’histoire du peuplement de la côte sud ouest
c. La production dans le sud ouest et son organisation
B. LE FONDEMENT ÉCOSYSTÉMIQUE DE LA DISTINCTION ENTRE PAYSANS-PÊCHEURS ET MARINS-PÊCHEURS
1. Le concept de paysan pêcheur du terroir et migrant pêcheur du parcours selon Cormier-Salem M-C
2. Application du concept de marins-pêcheurs et paysans-pêcheurs aux pêcheurs traditionnelle de la côte ouest de Madagascar
a. Les similitudes entre la Casamance et la côte ouest de Madagascar
b. Les différences entre la Casamance et le littoral occidental de Madagascar
C. CONCLUSION
CHAPITRE 3 : L’ÉVOLUTION DE LA PÊCHE TRADITIONNELLE ET LE PHÉNOMÈNE DU BYCATCH
A. RAPPEL SUR LE SECTEUR DE LA PÊCHE MARITIME
1. Présentation des différentes pêcheries
a. La pêcherie maritime industrielle
b. La pêcherie maritime artisanale
c. La pêcherie maritime traditionnelle
2. Description des relations existantes entre les trois secteurs
B. LA SUBSTITUTION DU BYCATCH A LA PÊCHE TRADITIONNELLE DANS LA RÉGION DU MENABE
1. La potentialité crevettière de la bande littorale du Menabe
a. Le Menabe, une région prospectée pour son potentiel crevettier dans les années 1950
b. Un potentiel confirmé actuellement par le nombre de licence octroyé pour la zone.
2. Du rejet du bycatch à la formation d’un marché en haute mer
a. Les dommages occasionnés par la pêche industrielle à la pêche traditionnelle
b. Un marché en haute mer ou la rencontre de l’offre et de la demande au large
3. La disparition progressive de l’activité de pêche traditionnelle au profit du bycatch
C. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE GLOBAL DU BYCATCH DANS LES VILLAGES ÉTUDIÉS
1. L’organisation contemporaine de l’exploitation à Lovobe
2. Le contexte économique global du bycatch à Ambakivao
a. L’organisation contemporaine de la pêche à Ambakivao
b. Le système d’avance, base de l’organisation de la filière poisson salé-séché
3. De la valorisation de la filière poisson salé-séché à la naissance d’un front pionnier au Menabe
D. CONCLUSION
CHAPITRE 4 : LA FRONTIÈRE VEZO : IDENTITÉ ETHNOCULTURELLE ET FRONTS PIONNIERS
A. L’EXPLICATION DE L’IDENTITÉ VEZO COMME CONSTRUCTION HISTORIQUE DU PEUPLEMENT
1. La définition de l’identité vezo par l’histoire du peuplement de la côte sud ouest
a. L’origine du peuplement de la côte sud ouest de Madagascar
b. Habitat et organisation sociopolitique Vezo
c. Les autres aspects distinctifs des vezo du sud ouest
2. L’histoire du peuplement et référence identitaire au Menabe
a. Une identité basée sur l’ancien royaume de la dynastie Maroseraña.
b. Une identité à base commune mais distinctive suivant l’écologie
3. L’histoire, un cadre inopérant pour l’identité dans les fronts pionniers nouvellement formés
B. L’EXPLICATION DE L’IDENTITÉ VEZO EN TERMES D’ADAPTATIONS AUX ÉCOSYSTÈMES
1. La définition de l’identité vezo comme adaptation à l’écosystème selon Astuti
2. Confrontation de la définition aux exposés antérieurs
C. L’ADAPTATION DES IDENTITÉS TRADITIONNELLES AUX SITUATIONS DE FRONTIÈRE
1. Le rôle traditionnel de la mobilité et son évolution
a. Les raisons du tindroka traditionnel
b. L’évolution du tindroka traditionnel
2. L’installation dans les villages de fronts pionniers et adaptation des identités
a. L’organisation d’installation et adaptation identitaire à Maintirano
b. L’installation et l’adaptation des identités traditionnelles à Ambakivao
3. L’usage de la surnature pour fonder une identité dans l’absence de lignage
D. CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
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