Le Fond diffus cosmologique
La cosmologie est l’étude de l’Univers dans son ensemble, notamment son organisation et son évolution. . . depuis que l’on sait qu’il en a une. L’un des bouleversements scientifiques majeurs du vingtième siècle fut en effet la découverte que l’Univers a une histoire, durant laquelle les formes d’existence de la matière ont été variées.
Certaines phases de ce mouvement sont maintenant connues, grâce d’une part à des observations célestes et des expérimentations physiques de plus en plus précises, et d’autre part aux théories issues d’autres domaines de la physique et des mathématiques. Il est ainsi possible de retracer, dans les grandes lignes et parfois même avec précision, certaines étapes de l’évolution cosmique datant de plusieurs milliards d’années.
Un élément fondamental dans cette compréhension de l’Univers est le Fond diffus cosmologique, dont l’acronyme anglais est CMB (pour Cosmic Microwave Background). Sa découverte en 1965 a validé la théorie d’un Univers en expansion à partir d’un état extrêmement chaud et condensé, qui est aujourd’hui le modèle standard de la cosmologie. Depuis cette découverte, l’observation du CMB est l’objet d’un effort considérable de la communauté scientifique, comme en témoignent les nombreuses expériences passées et programmées dont il sera question plus loin.
Les données issues de ces observations sont maintenant tellement nombreuses et précises qu’elles permettent, au-delà de la validation d’un modèle théorique général, d’estimer les paramètres de ce modèle, avec une incertitude descendant parfois jusqu’à quelques pour cents, au point que les cosmologistes n’hésitent pas à parler de l’entrée dans l’ère de la cosmologie de précision.
Chronologie de sa découverte et importance dans l’histoire de l’Univers
Du modèle standard . . .
Le modèle standard, qui s’est développé tout au long du vingtième siècle, est né dans les années 1920 d’une observation et d’un cadre théorique : l’observation de la récession des galaxies et la théorie de la relativité. A cette époque en effet les astronomes établissent, grâce à des télescopes toujours plus puissants, que les “nébuleuses” qu’ils observent depuis longtemps sont en réalité des galaxies semblables à la nôtre, sujet discuté depuis Kant. De plus, Hubble mesure le spectre lumineux de ces galaxies et montre que les longueurs d’onde qui nous parviennent sont d’autant plus grandes que les galaxies sont lointaines. Si l’on admet que la matière (en l’occurrence les atomes dont on mesure les raies d’absorption et d’émission) a partout les mêmes propriétés physiques, alors ce décalage vers le rouge des spectres lumineux des galaxies peut être interprété comme un effet Doppler. Partant de ceci, Hubble met en évidence une tendance linéaire entre la vitesse d’éloignement des galaxies et la distance qui les sépare de nous (le rapport de proportionnalité est depuis appelé constante de Hubble et noté H0). Si l’on admet le principe cosmologique selon lequel il n’y a pas de lieu ni de direction privilégiés dans l’Univers , cette observation suggère un mouvement général d’expansion.
Si cette découverte est à l’origine d’une transformation de notre vision du monde, c’est parce qu’elle a pu s’inscrire dans un modèle théorique permettant la description du mouvement à l’échelle de l’Univers. Ce cadre théorique, la relativité, est mis au point par Einstein quelques années auparavant. Il permet à Friedmann, puis à Lemaître, dans les années 1920, d’établir des équations décrivant un Univers en évolution, en fonction de son contenu. Plus explicitement, et à titre d’illustration uniquement, introduisons le facteur d’échelle a qui est une fonction du temps intervenant à chaque instant comme un coefficient multiplicatif des coordonnées d’espace.
Jusqu’en 1965 et l’annonce de l’observation du CMB, ce qui deviendra le modèle “standard” de la cosmologie est encore controversé. Certains scientifiques (dont Einstein dans un premier temps) préfèrent à ce modèle de “gros boum” celui d’un univers stationnaire sans évolution d’ensemble, c’est-à-dire sans histoire. Mais les modèles d’univers stationnaires proposés nécessitent, pour rendre compte des observations, des hypothèses problématiques comme la création continue de matière. Surtout, ces modèles ne permettent pas d’expliquer le Fond diffus cosmologique (ni l’abondance d’éléments légers). L’observation en 1965 du CMB qui, à l’inverse, avait été prédit par la théorie de l’Univers en expansion, a rallié la majorité des physiciens à cette théorie.
. . . au Fond diffus
Comme on le voit, le modèle standard, bien que partant d’hypothèses relativement simples, est un modèle riche. Les physiciens ont tenté de tirer de ce modèle le maximum d’implications, même du temps où il était controversé. C’est ainsi que dans les années 1940, l’étude ne se limite plus à une description géométrique de l’évolution de l’Univers. On étudie aussi la physique de l’Univers primordial. Le nom de Gamow est associé à la description des propriétés physiques que devait avoir l’Univers à une époque où le facteur d’échelle a(t) était très petit. Si l’Univers peut être modélisé par un gaz parfait, alors quand sa densité était plus grande sa température devait l’être aussi. Puis, comme un gaz qui se détend, il s’est refroidi avec l’expansion.
Ce raisonnement a de nombreuses conséquences. L’une d’elles, détaillée dans le prochain paragraphe, est l’émission, au moment où la température de l’Univers passe en dessous d’une certaine température critique, d’un rayonnement qui, se propageant dans tout l’Univers, doit être visible encore aujourd’hui. En effet, les photons émis à cette époque l’ont été de tous les endroits de l’Univers. Donc, ceux qui ont été émis à une distance de nous suffisante, après avoir voyagé depuis ce temps dans l’espace, doivent nous parvenir aujourd’hui.
Origine physique du rayonnement
Reprenons le raisonnement du paragraphe précédent sur l’histoire thermique de l’Univers pour expliquer le processus qui a produit ce rayonnement. Si l’on remonte suffisamment loin dans le passé, il doit exister une époque où l’Univers est suffisamment chaud pour que l’agitation thermique interdise l’existence d’atomes stables. La matière est donc ionisée : les électrons sont libres, non rattachés aux noyaux. Les physiciens parlent d’un plasma, au sein duquel les photons interagissent fortement avec les électrons et les noyaux d’hydrogène et d’hélium (sans parler des autres particules). Les photons sont absorbés et réémis continuellement par les électrons et les noyaux, avec un libre parcours moyen très faible, de sorte que toutes ces particules sont à l’équilibre thermique et évoluent dynamiquement ensemble. Cet équilibre est possible car la durée moyenne entre deux interactions photons – électrons ou photons – noyaux est courte devant l’échelle de temps de l’expansion, qui est aussi celle du refroidissement. En particulier, la matière ne peut pas se condenser sans entraîner le rayonnement. Or celui-ci possède une grande capacité de résistance à la compression. Sa présence empêche donc la formation d’étoiles ou de galaxies.
Lorsque la température baisse suffisamment (un peu plus de 3000 K), deux phénomènes modifient profondément et relativement brutalement l’organisation de la matière : la recombinaison et le découplage. La recombinaison désigne la fin de l’ionisation et la formation d’atomes neutres par l’association des électrons avec les noyaux, association que l’agitation thermique est maintenant insuffisante à casser. Alors, du fait de la chute de la densité des électrons libres et des noyaux ionisés, les photons n’interagissent plus avec le reste de la matière et se propagent librement dans l’espace. C’est le découplage. On dit que l’Univers devient transparent à son propre rayonnement, tandis que le plasma était auparavant opaque. Après le découplage, les atomes et le rayonnement vont évoluer (en première approximation) indépendamment. Les premiers, soumis à la gravitation, vont former les grandes structures (amas, galaxies) que l’on voit plus près de nous. Le rayonnement, au contraire, pourra désormais se propager librement à travers l’espace. Ainsi, le Fond diffus cosmologique est le rayonnement électromagnétique le plus ancien (et donc aussi le plus lointain) qui pourra jamais nous arriver. En effet, nul rayonnement plus ancien n’a pu se propager librement dans l’Univers avant le découplage. C’est donc la limite de l’Univers “visible”, ainsi qu’une trace de l’Univers antérieure aux premières étoiles et galaxies.
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Table des matières
INTRODUCTION
Introduction et plan
Présentation du sujet et des résultats
1 Le Fond diffus cosmologique
1.1 Chronologie de sa découverte et importance dans l’histoire de l’Univers
1.2 Ses fluctuations : origine et intérêt de leur étude
1.3 Données disponibles et conséquences pour l’analyse statistique
2 Analyse sur la sphère
2.1 Analyse harmonique dans L2 (S2, dξ)
2.2 Champs aléatoires sur la sphère
2.3 Ondelettes sphériques
3 Enjeux statistiques liés à l’étude du Fond diffus cosmologique
3.1 Modélisation du Fond diffus et des observations
3.2 Estimation du spectre de puissance angulaire
3.3 Extraction du Fond diffus (séparation de source)
3.4 Autres enjeux statistiques
4 Présentation des résultats obtenus
4.1 Optimisation non-asymptotique des needlets
4.2 Nouvelle méthode d’estimation spectrale
4.3 Applications au Fond diffus cosmologique
4.4 Note technique
4.5 Perspectives
CONCLUSION