Le fonctionnement de la mémoire

Consolidation et rappel des informations

On parle de trace mnésique pour nommer l’empreinte laissée par une information mémorisée dans la mémoire à long terme. Il s’agit d’une modification du tissu nerveux constituant la base neurophysiologique de la conservation du passé dans la mémoire . Selon Croisile (2009), une information représentée par une trace mnésique solide sera plus aisément récupérée en mémoire qu’une trace mnésique estompée. La qualité de la trace mnésique est en premier lieu conditionnée par le codage initial. Celui-ci est favorisé par une attention soutenue et une comparaison en profondeur de l’information à enregistrer par rapport à ce qui est déjà su. Les émotions peuvent également faciliter la mémorisation en agissant comme des catalyseurs : des informations associées à un événement positif (par exemple une naissance ou un mariage) ou négatif (décès, accident) seront mieux retenues que des informations neutres. Ceci est en particulier valable lorsque ces émotions nous concernent directement : on se rappelle plus de son mariage que de celui d’un ami. Nos souvenirs, surtout s’ils sont positifs et agréables, seront mémorisés sur la durée. Ce phénomène est dû à une augmentation de l’activité de l’hippocampe qui se produit lorsque nous apprenons des informations à fort contenu émotionnel (Taconnat, 2012). La mémorisation à long terme d’une information passe par la consolidation de la trace mnésique associée. Cette étape de consolidation d’une trace mnésique fraîche commence dans l’heure qui suit le premier apprentissage. Le sommeil contribue ensuite à la consolidation à long terme sous forme d’une réactivation des circuits neuronaux impliqués lors de l’apprentissage au cours de la journée précédente.

Mais le véritable secret de la mémoire réside dans la répétition des apprentissages; des informations récemment et régulièrement utilisées seront mieux consolidées et donc plus rapidement retrouvées : ainsi, « se rappeler fréquemment un savoir ou un souvenir revient à les réapprendre » (Croisile, 2009). Au moment de récupérer une information en mémoire, notre cerveau réagit différemment selon la qualité de l’encodage initial (Croisile, 2009). En effet, « plus une information aura été élaborée, organisée, structurée, plus elle sera facile à retrouver » (Croisile, 2009). En ce sens, une étude de de 1999 (Bower, Clark, Lesgold, & Winzenz) a démontré que l’organisation en catégories hiérarchisées facilite grandement le rappel d’un nombre élevé d’informations. Au cours d’une expérience de mémorisation de 112 mots, certains sujets les ont appris mélangés au hasard, tandis que d’autres les ont appris sous une forme logique hiérarchisée (par catégories). Après 3 essais, 100% des mots ont été rappelés par le groupe « organisé », contre seulement 47% pour le groupe « mélangé ».

Toujours selon Croisile (2009), Le rappel d’une information en mémoire peut prendre trois formes : rappel libre, rappel indicé, et reconnaissance parmi plusieurs solutions proposées. Lors de la phase de mémorisation, on incite le sujet testé à faire un lien entre chaque mot et sa catégorie (par exemple : « girafe est un animal»). Dans le cas d’un rappel libre, le sujet cherche à se rappeler le terme en tentant de se remémorer quels étaient les mots. On parle de rappel indicé lorsqu’un indice lié à la catégorie est fourni : « il y avait un nom d’animal ». Enfin, la reconnaissance implique de reconnaître le mot mélangé à des éléments distracteurs, par exemple dans une liste : lion / buffle / girafe. Au final, « l’efficacité du rappel est, par ordre décroissant, le rappel libre, le rappel indicé, et enfin la reconnaissance » (Croisile, 2009). Le cas du rappel libre sera discuté plus en détails lors du chapitre traitant du testing effect.

Le mécanisme de l’oubli

Même avec la meilleure volonté du monde, toute information finit par être oubliée si elle n’est pas réactivée en mémoire (Thornbury, 2002). L’oubli est rapide au départ, puis diminue progressivement, selon la courbe conceptualisée par Ebbinghaus et présentée plus haut. On estime que pendant les 24 heures qui suivent l’apprentissage, environ 80% de l’information est perdue. Ainsi, la mémoire à long terme peut être vue non pas comme un espace de stockage homogène comme on pourrait le penser, mais plutôt comme un continuum allant du « vite oublié » au « jamais oublié » (Thornbury, 2002), le grand défi pour les apprenants étant de transformer la matière de la première catégorie à la seconde. Pour palier cet oubli massif, il a été démontré qu’il est possible de réduire drastiquement la quantité d’informations oubliées via des rappels périodiques (Nicolas, 1992). Dans le cadre de l’apprentissage du vocabulaire en langues secondes, Thornbury (2002) a démontré que les apprenants ont besoin de multiples expositions aux mots pour les mémoriser et que les mots qui sont appris sur plusieurs sessions espacées sont mieux retenus. De plus, pour être retenus, les mots doivent être extraits régulièrement de la mémoire de l’apprenant.

Un sujet d’étude centenaire

L’idée d’utiliser les tests comme outil d’apprentissage en salle de classe remonte au début du XXe siècle avec notamment les travaux de Gates en 1917, mais Jones fut le premier chercheur à transférer les découvertes de laboratoire dans une salle de classe en 1923-1924. Alarmé par la faible rétention du contenu de ses cours, il fit passer un test court composé de lacunes à compléter et de réponses courtes immédiatement après un cours d’une heure, puis effectua des tests similaires après des délais variant de 3 jours à 8 semaines, afin de mesurer la quantité d’informations oubliées. Les résultats montrèrent que la quantité d’informations retenues après 8 semaines dans le cas d’un test préalable était plus grande qu’après seulement 3 jours si aucun test n’avait été effectué en amont. Jones en conclut que les tests étaient une méthode efficace pour augmenter la rétention de contenu de cours et précisa que ceux-ci devraient être effectués juste après afin d’en maximiser les effets (Spitzer, 1939).

Par la suite, de nombreuses études investiguèrent les avantages du testing effect. Elles suggéraient que les tests en milieu scolaire influençaient positivement la rétention à long terme de contenu de cours, et cela dans de nombreuses disciplines, notamment la physique ou l’apprentissage des langues (Semb & Ellis, 1994). Apparemment, les effets de ces tests augmentent avec le nombre de tests passés et lorsque ceux-ci comportent du feedback, sous la forme d’indications en réponse à des réponses erronées (Roediger & Karpicke, 2006b). Concernant le feedback, de meilleurs résultats sont obtenus lorsqu’il est différé par rapport à un feedback immédiat (Roediger & Karpicke, 2006b). Ces études furent critiquées car aucune ne manipulait les tests comme une variable indépendante tout en contrôlant les variables confondantes (méthode expérimentale) ; en effet, le fait de conduire les études dans de vraies classes entraînait de nombreux facteurs incontrôlés, par exemple la possibilité d’étudier la matière endehors du cadre scolaire. Quelques études expérimentales en laboratoire manipulèrent les tests comme variable indépendante, cependant avec des contenus très simples, tels que des listes de mots (Butler & Roediger, 2007).

Ce n’est qu’en 2007 que McDaniel et al. conduisirent une étude similaire sur du contenu complexe, à savoir un cours universitaire sur le fonctionnement du cerveau. Il en résulta que la rétention était supérieure en effectuant un test de réponses courtes juste après le cours, par rapport aux groupes ayant eu un questionnaire à choix multiples ou des phrases clés à lire. Un problème de cette étude était cependant que les étudiants étaient jugés seulement sur des faits périphériques en lieu et place de la matière centrale qui était testée dans le cadre du cours, ceci en raison de craintes relatives au potentiel impact des tests sur les notes des étudiants (Roediger III et al., 2011). En 2007 également, Butler & Roediger menèrent une étude sur les avantages d’effectuer des tests dans un environnement scolaire simulé. L’idée était de combiner le contrôle expérimental d’un laboratoire avec la matière d’un cours universitaire, en l’occurrence un cours d’histoire de l’art.

Dans un souci de réalisme, un intervalle de rétention relativement long (1 mois) a été utilisé, ce délai représentant plus ou moins le temps pendant lequel des étudiants sont appelés à se rappeler des informations avant une épreuve. Deux groupes furent examinés en parallèle : un groupe contrôle et un groupe test. L’objectif de l’étude était d’investiguer dans quelle mesure différents types de tests (questionnaires à choix multiples et questions courtes) et la communication d’un feedback (réponses correctes communiquées ou non) augmenteraient la rétention de la matière des cours. Les résultats de l’étude furent convaincants. Butler & Roediger démontrèrent que le fait d’effectuer une activité d’apprentissage, peu importe laquelle des 3 proposées, résultait en une meilleure rétention de la matière. Le test le plus bénéfique fut le test de réponses courtes, qui produit une meilleure rétention de la matière que l’étude d’un résumé du cours ou le passage d’un questionnaire à choix multiples. Néanmoins, l’inconvénient de cette étude résultait dans le fait qu’elle se déroulait en laboratoire et non dans une véritable salle de classe.

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Table des matières

I. RESUME
II. MOTS-CLES
III. LISTE DES TABLEAUX
IV. LISTE DES FIGURES
V. LISTE DES ANNEXES
INTRODUCTION
1. PROBLEMATIQUE
1.1 POINT DE DEPART DE LA REFLEXION
1.2 DEFINITION ET IMPORTANCE DE L’OBJET DE RECHERCHE
1.3 ETAT DE LA QUESTION
1.3.1 Le fonctionnement de la mémoire
1.3.1.1 Types de mémoires
1.3.1.2 Consolidation et rappel des informations
1.3.1.3 Le mécanisme de l’oubli
1.3.1.4 Stratégies de mémorisation à long terme
1.3.2 Le testing effect
1.3.2.1 Un sujet d’étude centenaire
1.3.2.2 Le testing effect dans un environnement scolaire réel
1.3.2.3 Importance du feedback
1.3.2.4 Conclusions sur le testing effect
1.3.3 Les quiz dans l’apprentissage des langues
1.3.3.1 Présentation
1.3.3.2 Avantages des quiz
1.3.3.3 L’apport de l’informatique
1.3.3.4 Conception des quiz et définition des items
1.4 QUESTIONS ET OBJECTIFS DE RECHERCHE
2. PREMIERE PARTIE
2.1 METHODOLOGIE
2.1.1 Fondements méthodologiques
2.1.2 Nature du corpus
2.1.2.1 Choix de la branche d’enseignement
2.1.2.2 Population
2.1.2.3 Contenu didactique
2.1.2.4 Procédure et protocole de l’expérience
2.1.2.5 Différences par rapport à l’étude de base
2.1.3 Méthode de collecte des données
2.2 ANALYSE
2.2.1 Ecarts de performance entre les 3 types de questions
2.2.1.1 Analyse des moyennes en ligne pour chaque question
2.2.2 Incidence du dispositif sur la performance des élèves
2.2.3 Ecart de performance selon les catégories d’élèves
2.2.4 Discussion
3. DEUXIEME PARTIE
3.1 METHODOLOGIE
3.1.1 Fondements méthodologiques
3.1.2 Nature du corpus
3.1.2.1 Population
3.1.2.2 Procédure et protocole de l’expérience
3.1.2.3 Problématique de l’accès à Internet
3.1.2.4 Accès aux quiz
3.1.2.5 Disponibilité des téléphones portables des élèves
3.1.3 Méthode de collecte des données
3.2 ANALYSE
3.2.1 Résultats et changements apportés
3.2.2 Evolution des questions posées
3.2.3 Discussion
4. PISTES D’AMELIORATION DU DISPOSITIF
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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