Le fonctionnement cognitif du conducteur automobile

Le fonctionnement cognitif du conducteur automobile 

Une activité cognitive complexe : la conduite automobile

Analyser au mieux l’activité de conduite automobile ne peut se faire sans s’appuyer sur une compréhension générale de l’activité cognitive humaine. La question des relations entre perception et action connaît depuis peu un regain d’intérêt notable. On redécouvre à l’appui de nouveaux indicateurs la force du couplage actif entre l’expérience perceptive et la situation concrète. Cette conceptualisation des relations entre action, perception et situation est pertinente pour rendre compte des phénomènes dynamiques particulièrement complexes présents dans l’activité de conduite (Villame, 2004). La psychologie cognitive, dont l’objet d’étude est la façon dont les êtres humains acquièrent des connaissances, les conservent et les utilisent dans les situations auxquelles ils sont confrontés (Bastien et Bastien-Toniazzo, 2004), est une clé d’entrée pour expliquer le comportement du conducteur. Conduire une automobile suppose un déplacement dans un environnement en constante évolution. Ce déplacement est orienté vers des buts, soumis à différentes règles explicites et implicites et il s’effectue au moyen d’un outil particulier, le véhicule (Neboit, 1982). Le caractère dynamique de la conduite automobile implique une évolution permanente des caractéristiques de l’environnement, même indépendamment des actions de l’opérateur (Carrerras, 1999 ; Cellier, 1996). Or, les situations dynamiques sur lesquelles l’homme n’exerce qu’un contrôle partiel sont connues pour être des occasions privilégiées de voir à l’œuvre les mécanismes adaptatifs de la cognition humaine (Amalberti, 2001a). L’étude des représentations et des stratégies élaborées par le conducteur ainsi que des processus impliqués au cours de l’activité de conduite ne peut qu’enrichir les connaissances générales en psychologie cognitive. Autrement dit, la conduite automobile est une activité dont les caractéristiques (monotonie de certaines tâches ou au contraire profusion d’informations) constituent une source privilégiée d’approche située des mécanismes cognitifs, dans un environnement présentant par ailleurs des contraintes spatiales et temporelles spécifiques.

La représentation mentale du conducteur 

La représentation mentale est au cœur de l’activité cognitive. Elle se fonde sur les interactions entre l’homme et son environnement pour créer des connaissances individuelles (Richard, 1990 ; Wilson, 2002). Elle est finalisée en fonction des objectifs et n’est jamais une copie conforme à la réalité. C’est le résultat d’une reconstruction guidée à la fois par des activations ascendantes (le caractère saillant, intense, nouveau des informations présentes dans la scène) et descendantes (les connaissances de l’individu et ses buts). La représentation mentale de la situation est donc toujours lacunaire, partielle : elle met en avant les éléments centraux et inhibe les moins pertinents pour l’objectif poursuivi.

La représentation mentale est au centre du modèle de la conscience de la situation (Endsley, 1988, 1995) souvent utilisé pour décrire l’activité du conducteur (Bailly, 2004 ; Koustanai, 2005). Trois mécanismes participent à son élaboration : la perception de l’environnement, la compréhension de l’environnement et l’anticipation des états futurs. Tout d’abord l’opérateur prélève les informations pertinentes en fonction de l’objectif poursuivi. Puis il interprète et comprend la situation en maintenant en mémoire les informations préalablement sélectionnées. Enfin il se projette sur les divers états futurs possibles ce qui nécessite d’anticiper les évènements susceptibles de se produire. Ces trois étapes (perception, compréhension et anticipation) sont dépendantes les unes des autres. Par exemple, le conducteur automobile, immergé dans un environnement dynamique et soumis à une forte pression temporelle, doit prendre des décisions rapidement pour s’adapter aux exigences de la situation. Cette adaptation permanente nécessite une mise à jour continuelle de la représentation mentale de la situation. Elle est basée à la fois sur les éléments pertinents de la situation de conduite (trajectoire et vitesse des véhicules, signalisation, environnement, état de la route, météo…) et les connaissances en mémoire du conducteur. Ce dernier comprend et interprète la situation en intégrant non seulement la dimension descriptive des éléments pertinents, mais également les relations fonctionnelles que ces éléments entretiennent entre eux et avec les connaissances en mémoire. Sur la base de cette représentation mentale, le conducteur va anticiper les possibles évolutions de la situation. Imaginons un conducteur qui arrive à une intersection marquée par un feu tricolore : il possède en mémoire la connaissance de règles de signalisation liées à un feu tricolore. Si le feu est orange, le conducteur va tout d’abord intégrer les différents éléments de l’environnement (le feu orange, l’intersection, la position et vitesse des autres véhicules) puis mettre en lien ces divers éléments entre eux pour anticiper l’évolution de la situation (le feu va passer au rouge) et réguler son comportement (s’arrêter au feu).

Par ailleurs, de nombreux facteurs liés à l’activité et/ou à l’opérateur médiatisent la relation entre conscience de la situation et performance. D’une part, le contexte de présentation des informations oriente la sélection d’une stratégie adéquate via l’élaboration de la représentation mentale de la situation. D’autre part, l’expérience et la pratique, de par la diversité des situations rencontrées, sont également des facteurs d’enrichissement de la représentation mentale. Ainsi, les conducteurs novices sont susceptibles d’élaborer des représentations mentales appauvries comparativement à celles des conducteurs expérimentés (Bailly, 2004). Ils identifient les éléments de la scène routière indépendamment les uns des autres et présentent des difficultés pour faire des liens entre ces différents éléments. Ils manifestent par ailleurs des capacités mnésiques inférieures à celles des conducteurs expérimentés (Bailly, ibid) et ont des difficultés à réaliser des projections futures de leurs comportements et de ceux des autres véhicules (Endsley, 2000). Ces résultats confirment de précédents travaux qui laissaient supposer des capacités d’anticipation limitées pour les conducteurs novices (Lestina et Miller, 1994 ; Neboît, 1982). La pauvreté de la représentation mentale des conducteurs novices peut aboutir à une conscience de la situation erronée ou incomplète. Or, la qualité des décisions ainsi que l’adéquation des actions entreprises sont dépendantes de la conscience de la situation (Bailly, Bellet et Goupil, 2003).

La conscience de la situation s’inscrit dans une approche située de la cognition puisqu’elle est déterminée en partie par les buts et les attentes de l’opérateur et qu’elle va par la suite orienter son attention, sa prise de décision et ses actions. Dans la mesure où nous envisageons la connaissance comme une construction contextuelle et individuelle, l’intérêt de l’approche située de la cognition, adoptée dans ce travail, réside dans sa capacité à rendre compte des différences intra et interindividuelles au sein d’activités finalisées. Dans ce cadre, nous allons tenter de décrire et d’expliquer les mécanismes d’apprentissage d’habiletés complexes mises en œuvre dans la conduite automobile.

Des connaissances aux compétences 

L’apprentissage de la conduite automobile s’apparente dans un premier temps à un apprentissage par instruction, notamment dans le cadre de la formation à la conduite avec un moniteur professionnel et/ou un adulte expérimenté. Toutefois, elle relève par la suite d’un long apprentissage au fil des années d’acquisition d’expérience et de compétences. En psychologie cognitive, l’apprentissage est envisagé comme un enrichissement du répertoire de comportements, par ajout de nouvelles connaissances ou par modification des connaissances antérieures en fonction de la diversité des contextes rencontrés. Il se traduit par une transformation de la nature même des connaissances : les connaissances générales, transmises par l’instruction se transforment au travers des différents contextes rencontrés en une connaissance fonctionnelle, activée automatiquement dans le contexte donné (Bastien et Bastien Toniazzo, 2004). Autrement dit, la construction d’une connaissance est guidée par l’usage qui en sera fait et dépend donc de la nature de la tâche (Richard, 1990). Les différences entre les novices et experts trouvent donc leur origine, au moins en partie, dans l’organisation des connaissances en mémoire et dans la façon dont celles-ci vont guider les actions.  Dans tous les apprentissages explicites, les performances s’améliorent indéniablement au fil des essais en automatisant une partie des processus mobilisés. Par exemple, lorsqu’un enfant apprend à lire, il doit porter toute son attention sur l’identification des mots au détriment parfois de l’accès au sens. Ce traitement contrôlé nécessite du temps et consomme une grande part des ressources attentionnelles. En revanche, pour le lecteur adulte, l’identification ne mobilise quasiment aucune ressource, elle devient automatique et très rapide. Il en va de même pour l’apprentissage de la conduite automobile. Cette dernière est composée de différentes sous tâches impliquant la coordination simultanée de compétences motrices, perceptives et cognitives. L’ensemble de ces compétences évolue énormément dans les premiers mois qui suivent l’obtention du permis.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. LE FONCTIONNEMENT COGNITIF DU CONDUCTEUR AUTOMOBILE
1. UNE ACTIVITE COGNITIVE COMPLEXE : LA CONDUITE AUTOMOBILE
1.1. La représentation mentale du conducteur
1.2. Des connaissances aux compétences
1.3. Les modèles du fonctionnement cognitif du conducteur automobile
2. LES PROCESSUS ATTENTIONNELS
2.1. L’orientation de l’attention
2.2. L’attention sélective
2.3. L’attention divisée
2.4. Le contrôle attentionnel
3. LE CONTROLE DE L’ACTIVITE
3.1. Le modèle SRK (Skills-Rules-Knowledge)
3.2. Le contrôle cognitif
4 : UNE POPULATION SPECIFIQUE : LES JEUNES CONDUCTEURS NOVICES
4.1. Les « jeunes conducteurs novices »
4.2. Caractéristiques des jeunes conducteurs novices
5. PROBLEMATIQUE
2. EXPERIENCES
1. EXPERIENCE 1 : DETERMINANTS DE LA PRISE DE RISQUES AU VOLANT POUR LES JEUNES CONDUCTEURS FRANÇAIS
1.1. Méthode
1.2. Analyse statistique
1.3. Résultats
1.4. Discussion
2. METHODOLOGIE DES EXPERIENCES 2 & 3
2.1. Participants : Une question de vocabulaire
2.2. Matériel : Le simulateur de conduite
2.3. Procédure : le protocole de double tâche
3. EXPERIENCE 2 : IMPACT D’UNE DOUBLE TACHE SUR LES PERFORMANCES DE CONDUITE EN FONCTION DE L’EXPERIENCE
3.1. Participants
3.2. Procédure
3.3. Variables dépendantes & Analyses statistiques
3.4. Résultats
3.5. Discussion
4. ETAT DE L’ART : IMPACT DE L’ALCOOL SUR LE FONCTIONNEMENT COGNITIF DU CONDUCTEUR AUTOMOBILE
4.1. Neurobiologie de l’intoxication aiguë d’alcool
4.2. Données épidémiologiques
4.3. Données expérimentales
4.3.2. Les expériences en simulateur de conduite
4.3.4. Impact de l’alcool en fonction du BAC
4.3.5. Impact de l’alcool en fonction de la courbe absorption-élimination
4.3.6. Impact de l’alcool en fonction de la complexité de la tâche
4.3.7. Impact de l’alcool en fonction de l’expérience sur la tâche de conduite
4.3.8. Impact de l’alcool en fonction de la nature des processus cognitifs invoqués
5. EXPERIENCE 3 : IMPACT DE L’ALCOOL SUR L’ATTENTION DIVISEE DU CONDUCTEUR EN FONCTION DE L’EXPERIENCE DE CONDUITE
5.1. Participants
5.2. Matériel
5.3. Procédure
5.4. Résultats
5.5. Discussion
3. DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION
4. BIBLIOGRAPHIE
5. ANNEXES

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