Le fluor en chimie organique. L’utilité des fluorures allyliques en chimie médicinale

Généralités sur le fluor

La chimie du fluor est une chimie ancienne qui prend racine à la fin du 19ème siècle avec les travaux de Swarts sur la synthèse de composés fluorocarbonés . Il fut le seul à s’attacher à la synthèse de tels composés jusque dans les années 30. Le domaine a dès lors subi un accroissement régulier pour atteindre 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 1992 aux États-Unis. Cet engouement pour les molécules fluorées contraste fortement avec celles présentes dans la nature. Aujourd’hui, plusieurs milliers de composés naturels organohalogénés ont été identifiés.Parmi eux, seulement une vingtaine comporte un fluor , même si de nouveaux sont découverts chaque année .

Dans cette vingtaine, près de la moitié (8) sont des homologues d’acides gras fluorés provenant de la même plante. Cette faible représentation de molécules naturelles contenant du fluor pourrait provenir de la faible disponibilité de cet élement.En effet, bien qu’il soit le 13eme élément le plus abondant de la croûte terrestre, la majorité se trouve sous forme de minéraux insolubles . À titre de comparaison, la concentration de fluor dans l’eau de mer est d’environ 1,3 ppm lorsque celle du chlore est de 19000 ppm. En chimie pharmaceutique, il a fallu attendre les années 50 pour voir émerger des composés contenant du fluor. Une nouvelle classe d’anesthésiques voit le jour, le Fluothanet, et remplace ceux jusqu’ici utilisés, l’éther diéthylique et le chloroéthane avec les risques qui leurs étaient propres.

Les stéroïdes corticoïdiens furent les premiers médicaments commercialisés et développés en faisant appel à une modification des propriétés d’un composé biologiquement actif par ajout de fluor. Devant ce succès, cette approche a connu un intérêt très important. À tel point qu’aujourd’hui, entre 20 et 40% des produits agrochimiques sur le marché possèdent au moins un atome de fluor dans leur structure. Deux exemples frappants : 9α-fluorohydrocortisone (anti-inflammatoire) et 5-fluorouracile (anticancéreux) mis sur le marché dans les années 50, sont des exemples de composés où un seul atome de fluor a été intégré à un composé naturel, leurs propriétés pharmacologiques s’en sont trouvées drastiquement améliorées.

Depuis, l’incorporation d’un atome de Fluor lors des phases de « drug discovery » est devenue un outil fondamental pour l’optimisation des propriétés pharmacologiques des composés pharmaceutiques et agrochimiques. Aujourd’hui, chaque programme de développement pharmaceutique envisage à un moment ou à un autre l’apport du fluor lors des phases de « drug discovery ». Deux des médicaments à plus haut revenu en 2006 dans le monde, le Lipitor de Pfizer/Astellas (14,4 milliards de dollars par an) et l’Advair de GlaxoSmithKline (6,1 milliards de dollars par an) comportent respectivement 1 et 3 atomes de fluor .

Généralement, l’atome de fluor est incorporé à la place d’un groupement hydroxyle ou d’un atome d’hydrogène. La plupart du temps, entre 1 et 3 atomes de fluor remplacent ces motifs. C’est le cas par exemple de l’Efavirenz, traitement pour le VIH qui contient le motif -CF3 , les acides shikimiques fluorés des antibactériens contenant les motifs -CHF et -CF2 ou encore un analogue fluoré de l’epitholone B, un anticancéreux contenant un motif CF3.

Quelques composés contiennent même entre 6 et 9 atomes de fluor. Le torcetrapib de Pfizer, inhibiteur de la protéine de transfert des esters de cholestérol possède trois groupements -CF3 ou le sitagliptin de Merck, un antidiabétique de type 2 comporte 3 atomes de fluor et un groupement -CF3 .

Afin de pouvoir incorporer des atomes de fluor à souhait sur des molécules biologiquement actives, il est nécessaire de développer des méthodes robustes et efficaces de fluoration. De nombreux motifs sont encore difficiles à atteindre de manière rapide, c’est pourquoi il y a aujourd’hui une forte demande de building-blocks fluorés variés et de méthodes de fluoration directes permettant d’accéder à une diversité de substrats.

Effet « block »

La liaison C-F est aussi plus forte que la liaison C-H. De ce fait le remplacement d’un hydrogène bien choisi par un fluor peut totalement bloquer le catabolisme de molécules, notamment les processus métaboliques d’hydroxylations de liaisons C-H mis en jeu par les cytochromes P450. Cet effet « block » est très largement utilisé afin d’augmenter la stabilité métabolique in vivo.

L’hydroxylation de la chaîne latérale de la vitamine D3 en position 24 est une étape cruciale de désactivation de la molécule, juste avant excrétion . Deux fluors ont donc été introduits à cette position bloquant effectivement le métabolisme du composé. De plus, le composé difluoré démontre une activité supérieure à son homologue non fluoré.

Effet électronique

La très forte électronégativité de l’atome de fluor a un impact important sur les groupements fonctionnels environnants, induisant des changements dans leurs densités électroniques. Ceci a pour effet de généralement réduire leur pKa et d’augmenter leur caractère acide de Lewis. De très forts changements sont observés dans le cas des acides carboxyliques, alcools, et amines. Ainsi l’ajout d’un atome de fluor peut fortement jouer sur l’affinité d’un composé pour un site enzymatique, sur les activités biologiques et les paramètres pharmacocinétiques. Par exemple, le pKa de l’acide acétique est de 4,76 alors que celui de l’acide fluoroacétique décroît à 2,59 et celui de l’acide trifluoroacétique à 0,50. Cet effet est notable même lorsque le fluor est introduit en β de l’acide. L’effet est également important sur les alcools, la valeur du pKa de l’isopropanol à 17,1 alors que celle de l’hexafluoropropanol est de 9,3.

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Table des matières

Introduction
Le fluor en chimie organique. L’utilité des fluorures allyliques en chimie médicinale
I. Généralités sur le fluor
II. Utilité des fluorés allyliques en chimie médicinale
III. Projets de thèse
Chapitre I. Synthèse de Fluorures Allyliques Fonctionnalisés
I. État de l’Art : Méthodes de synthèse de fluorés allyliques
1. Utilisation de « buidling blocks » fluorés
2. Méthodes de fluorations nucléophiles
3. Méthodes de fluorations électrophiles
4. Le Selectfluor, un agent de fluoration puissant
II. Résultats et discussions
1. Introduction
2. Influence de la quantité de Selectfluor et de la température
3. Influence de l’agent de fluoration
4. Influence du groupement silylé
5. Influence de la nature de l’amide aminée sur la diastéréoselectivité
6. Étendue de la réaction
7. Impact sur le ratio diastéréoimosérique
8. Mécanisme proposé pour la réaction de fluoration électrophile déconjuguante
III. Conclusion
IV. Produits synthétisés au cours du chapitre 1
Chapitre II. Réactivité des Fluorures Allyliques par Métathèse Croisée et application à la synthèse d’analogues fluorés de la Symbioramide
I. Introduction sur les réactions de métathèse
9. La métathèse croisée
II. État de l’Art : Métathèse des fluorures allyliques
1. Réactions de métathèses cyclisantes (RCM)
2. Réactions de Métathèses Croisées
III. Réactivité des α-fluoroenamides par métathèse croisée
1. Influence de la nature du catalyseur
2. Influence de la charge catalytique
3. Cinétique de la réaction
4. Mécanisme proposé
5. Exemplification de la réaction
6. Synthèse de motifs fluoroallylsilanes
IV. Application à la synthèse de dérivés fluorés de sphingosines
1. Intérêt thérapeutique des céramides et des sphingosines
2. Les céramides et sphingosines fluorées
3. Rétrosynthèse de dérivés fluorés de la symbioramide
4. Synthèse de dérivés fluorés de la symbioramide
5. Rétrosynthèse corrigée des dérivés fluorés de la Symbioramide
6. Synthèse des fluorosymbioramides et hydrofluorosymbioramides
V. Conclusion
VI. Produits synthétisés au cours du chapitre 2
Chapitre III. Réactivité des Fluorures Allyliques Fonctionalisés par Catalyse aux Métaux de Transition
I. Introduction : Les γ-aminobutenamides en chimie médicinale
II. État de l’Art : Méthodes de synthèse de motifs γ-aminobutenamides
1. Méthodes stœchiométriques
2. Méthodes catalytiques
III. Le fluor allylique en tant que groupe partant
IV. Aminations catalysées au palladium et platine
1. Études préliminaires
2. Influence de la nature du solvant
3. Influence de la nature du catalyseur
4. Influence de divers nucléophiles aminés
5. Influence de la nature du catalyseur sur les dérivés d’acides aminés
6. Influence de divers nucléophiles aminés sur les dérivés d’acides aminés
7. Stéréosélectivité de la réaction
8. Influence de la nature de la chaîne amide
9. Influence du nucléophile aminé
10. Mécanisme proposé
V. Extension de la méthodologie en intramoléculaire
1. Retrosynthèse
2. Accès aux cycles à 5 chaînons
3. Accès aux cycles à 6 chaînons
4. Accès aux cycles à 7 chaînons
5. Synthèses existantes de la coniceine
6. Rétrosynthèse envisagée
7. Synthèse de la coniceine
8. Application à la synthèse de l’indolizidine 167B
VI. Conclusion
VIII. Produits synthétisés au cours du chapitre 3
Conclusion

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