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La réussite sportive, un facteur de mobilité sociale.
Le sport est un facteur de mobilité sociale. En effet, un sportif d’un milieu défavorisé peut, par l’accès à l’élite sportive, changer de statut social. Autrement dit, le sport permet au champion ou au meilleur joueur de s’élever dans la hiérarchie sociale.
Bernard Jeu, un analyste français du phénomène sportif, a déjà souligné le fait que la perception des fonctions du sport varie selon les catégories socioprofessionnelles. Pour les classes sociales défavorisées, le sport est perçu comme une occasion d’ascension sociale possible, mais pour les familles aisées, il n’a qu’une fonction hygiénique ou de loisir.
A ce propos, on prend souvent le cas du quintuple vainqueur du Tour de France, Bernard Hinault, dont le père était poseur de railset lui-même n’avait qu’un modeste diplôme de Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP) d’a justeur. Dans cette optique, ce grand cycliste français a atteint des objectifs sociaux q ue ses parents eux-mêmes n’avaient pu réaliser. Toute proportion gardée, des cas similaires existent également à Madagascar, où de nombreux sportifs arrivent à sortir de leur conditi on sociale misérable grâce au sport, quoique le professionnalisme ne soit pas encore développé ansd notre pays.
A l’étranger, du moins dans les pays industrialisés, la prouesse physique est source de richesses matérielles. Personne ne discute qu’un sportif plus doué ou plus travailleur qu’un autre en retire des revenus supérieurs. D’ailleurs, une idole sportive doit être riche pour être socialement reconnue et admirée. Les téléspectateurne perdraient pas leur temps devant leur téléviseur pour regarder des gens qui ne gagnent même pas correctement leur vie. Un Jordan, un Ronaldo, un Schumacher, ou un Tyson ne feraient pas rêver les jeunes s’ils n’étaient pas suffisamment riches. D’ailleurs, ce qui fait le succès des sports professionnels (tennis, football, boxe, cyclisme, basket-ball, sport automobile,…) par rapport aux petits sports amateurs (escrime, karaté, lutte, tir à l’arc,….).
Caractéristiques de la réussite sportive
La réussite sportive se distingue des autres réussites sociales sur un certain nombre de points. La réussite sportive est une réussite acquise, précoce et fugitive. Le sport permet de sortir de l’anonymat, et ce, de manière rapide, précoce et peut-être éphémère.
En effet, les gens qui occupent le devant de la scène dans notre société sont rarement des jeunes. D’une manière générale, la notoriété d’undividu ne vient qu’à partir d’un certain âge (de 40 à 60 ans) sauf pour les sportifs, et éve ntuellement les artistes. Cette précocité de l’âge de la réussite est l’une des spécificités dela réussite sportive, alors que les autres 10 réussites sont généralement plus tardives. On ne devient pas amiral, et encore moins cardinal à 22 ans, alors qu’un grand joueur de football peut être mondialement connu à cet âge. Succès dans le domaine de la création littéraire, découvertes scientifiques, ou victoires politiques ne proviennent qu’après plusieurs années de pratique.
La réussite sportive, avons-nous souligné, est un acteurf de mobilité sociale. On distingue traditionnellement deux types de mobilitésociale. Il y a d’abord la mobilité sociale intergénérationnelle(par exemple, la mobilité des fils par rapport auxpères). Le fils d’ouvrier ou de paysan qui devient ingénieur connaît une mobilité sociale ascendante. Il en est de même pour le fils d’instituteur qui devient professeur d’université. Le proverbe malgache dit : « Ny adala no toa an-drainy ». C’est-à-dire : «Est idiot celui qui a la même situation sociale que son père ». La logique malgache veut donc que le fils réussisse mieux que le père.
Ensuite, la littérature sociologique parle également de mobilité sociale intra-générationnelle,c’est-à-dire celle qui se produit au cours de la v ie d’un individu. Un vendeur de lait devenu président de la République connaît, par exemple, une mobilité intra-générationnelle ascendante. En ce qui concerne la éussiter sportive, elle est à la fois intergéné-rationnelle et intra-générationnelle. A condition,bien entendu, que ladite réussite soit réelle, c’est-à-dire que l’individu arrive vraiment au somm et de la hiérarchie sportive.
Du point de vue sociologique, la réussite sportive n’est jamais une position sociale assignée,c’est une position acquise. Une position est dite assignée lorsque l’individu ne peut pas y échapper, c’est-à-dire qu’elle est imposée, soit par la nature, soit par la société. Tandis qu’une position acquise est celle que l’on peut cho isir, acquérir ou même conquérir au cours de son existence. Etre un homme ou une femme constitue une position assignée à laquelle on ne peut rien changer, tandis que devenir champion du monde dans une discipline sportive 11 relève d’une position acquise. On ne naît pas champion, on le devient. Pour cela, de nombreux facteurs interviennent et se combinent pour engendrer le passage vers l’élite sportive, y compris les facteurs sociologiques. Nous y reviendrons ultérieurement.
Les facteurs de réussite sportive
Dans le domaine sportif, comme dans le domaine intellectuel, le problème épineux de l’ innéet de l’ acquis se pose à nouveau. Ici, le débat sur l’influence prédominante de l’hérédité ou du milieu social n’est pas encore clos.
Nous retrouvons ici les mêmes adversaires :
– D’une part, les héréditaristes qui affirment que les différences d’aptitudes intellectuelles et physiques renvoient essentiellement, voire en totalité à l’hérédité. C’est, par exemple, la thèse extrême de Jensen de l’universitéde Harvard, en 1969. Suivant cette thèse, l’individu naît génie, ou naît champion.
– D’autre part, les environnementalistes qui mettent l’accent sur le rôle de l’éducation et du milieu environnemental dans la réalisation des performances intellectuelles ou physiques. C’est le cas des philosophes et psychologues empiristes et behavioristes.
– Une troisième et dernière position consiste à affirmer l’existence d’une interaction
entre la génétique et l’environnement mais cette interaction n’est pas figée. Elle évolue au cours du développement personnel de l’individu.
A ce propos, la domination des Noirs (notamment américains) dans les épreuves de sprint, la force des Africains de l’Est (Kenyans, Ethiopiens) ou des Maghrébins
(Marocains, Algériens) dans les épreuves de fond, ’hégémoniel des Brésiliens dans le monde du football sont-elles d’origine physiologique, psychologique, ou culturelle ? Difficile à dire.
L’étude des facteurs explicatifs de la réussite sportive a été réalisée dans un ouvrage exceptionnel de Raymond Thomas intitulé « La réussite sportive, PUF, 1975. ». Tout au long de ce travail, nous reviendrons assez souvent sur cet auteur et sur cet ouvrage de référence. Il convient de retenir que la réussite sportive est due à un ensemble de facteurs en interaction mutuelle. Voici une présentation sommaire de ces facteurs.
– Les facteurs biologiques tels que la morphologie, la taille, la longueur de l’enfourchure, l’habileté, le pourcentage de fibres rouges et de fibres blanches dans les muscles, etc.
– Les facteurs économiques tels que la qualité des infrastructures, la qualitédu matériel et de l’équipement sportifs, la quantitéet la qualité de l’alimentation, etc.
– Les facteurs politiques tels que la politique sportive de la nation, l’idéologie du pays (par exemple, dans les ex-pays de l’Est communistes), etc.
– Les facteurs psychologiques tels que la motivation, la patience, la persévérance, l’estime de soi, etc.
– Les facteurs sociologiques tels que le milieu familial, la culture micro et macro- sociale, la classe sociale ou la catégorie ocioprofessionnelle, etc. Dans le présent travail, nous laisserons de côté les autres facteurs pour nous insister davantage sur les facteurs psychosociologiques de la réussite sportive.
– Les autres facteurs tels que les tricheries, le dopage, la violence, le hasard et la chance, contribuent également à la réussite sportive. Mais ils ne peuvent pas être pris en considération à cause de leurs caractères ponctuel et anti-sportif. Nul ne peut compter uniquement sur ces facteurs pour devenir un grand sportif de manière permanente.
Les différents types de pratique sportive .
On distingue aujourd’hui trois différentes formes de pratique sportive : sport de masse, sport de haut niveau (ou sport d’élite), et sport – loisir.
La réussite sportive, comme nous l’avons vu précédemment, se présente sous forme d’une pyramide. Le sport de haut niveau est constitué des champions participant aux compétitions internationales et nationales les plus élevées. Lesport de masse regroupe les licenciés des fédérations classiques, c’est-à-direcelles qui organisent des compétitions dans les disciplines traditionnelles (athlétisme, football, basket-ball, etc).
Le sommet de la pyramide sportive constitue un lieu enviable qu’il faut tenter d’atteindre. C’est l’objectif de tout sportif digne de ce nom. L’ascension au sommet de la pyramide est significative d’une réussite personnelle, d’une mobilité sociale ascendante. Mais tout pratiquant n’a pas forcément l’intention de devenir une élite sportive. Certains sujets pratiquent le sport juste pour s’amuser ou se faire plaisir.
Le sport- loisir est pratiqué par des personnes ne s’inscrivant pas dans un club sportif mais se livrant à des activités physiques suivant leur temps libre. Font partie de cette dernière catégorie ceux que l’on appelle habituellement les « coureurs de dimanche ».
Les détracteurs de la pratique sportive.
La culture sportive de chaque pays reflète les grandes lignes culturelles du pays considéré. Mais à Madagascar comme ailleurs, de nombreux courants exaltés critiquent le sport, en particulier le sport de haute compétition. Certes, le sport de haut niveau, surtout professionnel, est souvent un métier dur et dangereux en soi. Des boxeurs meurent sous les coups, des cyclistes perdent la vie à l’issue de ch utes fatales, etc. Mais c’est le risque à prendre dans le milieu sportif professionnel. Les détracteurs de l’activité sportive se fondent urs ces idées dedangerositéet de futilité du sport pour dissuader la pratique sportive. A une époque et dans une société où seules les professions intellectuelles semblent dignes d’estime, s’impliquer corps et âme dans une activité sportive se présente comme futile.
José Ortéga y Gasset montre de façon saisissante l’opposition entre, d’une part, les activités nécessaires (les efforts « admirables » du soldat et de l’ouvrier, par exemple), et d’autre part, les activités superflues (le sport, par exemple). « De cet effort obligé, pour la stricte satisfaction d’une nécessité, l’exemple typique est ce que l’homme appelle communément le travail. De l’effort superflu, l’exemple le plus clair est le sport (sic) ». Une telle affirmation va à contresens de la pratique sp ortive. En d’autres termes, le sport n’est pas considéré comme l’activité la plus élevée, la plussérieuse et la plus importante de la vie.
Le Moyen-âge chrétien est, par excellence, l’époque de la négation du corps. Aujourd’hui encore, certaines religions chrétiennes (celles que l’on appelle les sectes) ont tendance à dissocier l’âme du corps, et affichent a insi un total mépris du corps en n’assurant que le salut exclusif de l’âme. Cette forme fondame ntaliste du christianisme considère le sport comme un culte du corps, indigne d’un vrai serviteur de Dieu. Le sport est perçu ici comme une idolâtrie, contraire au salut de l’âme. Galien (131-201), au II è siècle, s’applique constamment à caricaturer les athlètes professionnels, à dénoncer leur nullité intellectuelle ou à critiquer leurs activités qui, selon lui, n’apprennent pas à labourer, ni à chasser ni à comb attre. Revenons encore sur cette « nullité intellectuelle » des sportifs dénoncée par le grandmédecin grec.
Pratique sportive et recul intellectuel.
Le jeune sportif met en balance le coût de la pratique sportive et le gain qu’il est en droit d’attendre de celle-ci. Son choix dépend de différentes contraintes qui impliquent entre autres le milieu social d’origine. On dit souvent que sport et études ne peuvent pas aller ensemble, donc il faut faire un choix. Ce constat est sujet à discussion, nous dirions même qu’une telle conception n’a aucune base rationnelle . Toutefois, de nombreux parents d’élèves interdisent la pratique sportive à leurs enfants à cause de cette idée erronée.
L’opposition classique entre travail manuel et travail intellectuel, l’opposition traditionnelle entre prolétariat et bourgeoisie, sont à l’origine d’une telle croyance. A Madagascar, l’héritage colonial y est également pour quelque chose. Car la France, pays de Descartes, a toujours mis l’accent sur le travail de l’esprit, l’intellectuel prime encore sur le manuel dans la société. Il n’est pas étonnant doncde voir certaines catégories sociales sous-estimer, sinon mépriser les ouvriers, les travailleurs manuels et physiques, y compris les sportifs.
Par ailleurs, le stéréotype du sportif ne jouepas toujours en sa faveur. Dans la société malgache, comme dans d’autres pays, on colle au sportif de haut niveau un stéréotype de « fort en muscle, faible en esprit ». Ancien spécialiste du culturisme, Arnold Schwarzenegger est devenu gouverneur de l’Etat de Californie, aux Etats-Unis. Le Président cubain Fidel Castro s’est permis de lancer une pique à son endroit par voie de presse. Le Lider maximo se pose la question de savoir si le cerveau du gouverneur californien, fraîchement élu, est « aussi musclé que son corps ». Une telleboutade nuit à l’image du sportif, comme si celui-ci n’avait pas le droit de réussir dans d’autres domaines. Le baron Pierre de Coubertin (1863-1937), initiateur des Jeux Olympiques modernes, n’était pas un détracteur de la pratique sportive.Bien au contraire, il avait consacré sa vie au sport et à l’éducation des jeunes. Pourtant, dans un document qu’il appela La charte de la réforme sportive(1930), Pierre de Coubertin avait pris conscience des dangers qui guettaient le sport. Reproduisons textuellement une partie de ses déclarations : « Ce que l’on reproche au sport se ramène à trois ordres de griefs : surmenage physique, contribution au recul intellectuel, diffusion de l’esprit mercantile et de l’amour du gain.
On ne peut nier l’existence de ces maux, mais les sportifs n’en sont pas responsables. Les coupables sont : les maîtres, les pouvoirs publics et accessoirement, les dirigeants de fédération et la presse». Fin de citation.
Personnellement, nous sommes plutôt d’accord avec c ette affirmation. Il est curieux, de la part de ce grand personnage du mouvement sportif, de stigmatiser ainsi le sport comme « une contribution au recul intellectuel ».
Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’une intellectualisation du monde sportif s’avère nécessaire. De nombreux exemples montrent que, à Madagascar comme à l’étranger, il est possible de combiner sport et travail intellectuel. Mieux, études supérieures et sport d’élite ne sont pas incompatibles. Les parents et les éducateurs de tous genres devraient le comprendre au lieu de s’acharner contre la pratique sportive.
Mais qu’en pensent donc les sportifs eux-mêmes ? Nous avons posé aux athlètes de Toamasina la question suivante : D’après vous, les études et la pratique sportive sont- ils compatibles ? 95% d’entre eux ont répondu OUI contre 5% de NON. Ainsi, la compatibilité de la pratique sportive avec le cursus scolaire ne fait pas de doute chez les pratiquants. Pour eux, la prétendue contradiction entre les deux activités n’est qu’un faux problème.
Il faut cependant relativiser ces résultats de l’enquête au moins pour deux raisons. D’abord, les athlètes enquêtés sont en majorité desélèves du secondaire, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas encore arrivés au bout de leurs études. Etils n’ont pas encore réussi dans le domaine du sport non plus. Leur jugement « prématuré » surla compatibilité des études avec le sport est donc sujet à caution. Ensuite, cette attitude d es athlètes tamataviens n’est qu’un réflexe de défense, c’est une manière habile d’obliger leurs parents à accepter ce qu’ils font. Puisqu’ils aiment l’athlétisme, il leur incombe de convaincre leurs parents que celui-ci ne nuit guère à leurs études.
De tout ce qui précède, il faut déduire que le passage à la pratique sportive n’est pas automatique. Pour des raisons diverses, plusieurs personnes se mettent à l’écart de l’activité sportive en préférant rester dans leur édentarités. Le fait d’avoir la volonté ou le courage de faire quelques minutes de jogging une fois par semaine constitue déjà un exploit en soi. Un filtre social sélectionne donc les individus, surtout les jeunes malgaches en matière de pratique sportive.
Une fois passé le cap de la pratique, le choix de la discipline sportive s’impose d’elle-même. Là aussi, les facteurs d’ordre sociologique jouent un rôle non négligeable dans la détermination de la discipline à pratiquer.
LE FILTRE SOCIAL DU CHOIX DE LA DISCIPLINE SPORTIVE
Est-ce le pratiquant qui choisit sa discipline ou la discipline qui choisit le pratiquant ? Pourquoi Naivo joue-t-il au football au lieu de taper sur une balle de tennis ? Nous essayerons, dans ce chapitre, de répondre à ce type de questions.
Les facteurs d’influence sur le choix d’une discip line sportive sont multiples. Il n’est pas facile ici de faire la part du biologique et celle du social. On constate toutefois que la tendance théorique récente privilégie le facteur social, et néglige progressivement l’influence du facteur biologique. Mais d’abord, une distinction s’avère nécessaire entre discipline, épreuve et spécialité sportives.
Discipline, épreuve et spécialité sportiv.es
Pour mieux cerner la différence entre ces notions très voisines, il convient de revenir sur la traditionnelle distinction entre sport individuel et sport collectif. Un sport est dit « individuel » lorsqu’il peut être pratiqué par unseul individu, contrairement au sport « collectif » qui suppose l’existence d’une équipe ou d’un groupe d’individus.
Les sports collectifs sont des sports de victoire (football, basket-ball, rugby…) alors que les sports individuels sont le plus souvent des sports de performance (athlétisme, natation,…) ou de combat (judo, boxe, lutte, karaté..).
L’ épreuve sportive est une subdivision qui se trouve à l’intérieur d’une discipline, surtout dans les sports de performance (athlétisme, natation,…). Plus concrètement, le football est donc une discipline sportive. La natation est également une discipline sportive tandis que le 100 m papillon et le 200m brasse sont des épreuves de natation. De même, l’athlétisme est une disciplinesportive tandis que le 100m et le saut en longueur sont des épreuves d’athlétisme. La spécialitéest une expression générique qui s’assimile tantôt à la notion d’épreuve, tantôt à c elle de discipline.
Du point de vue sociologique, on s’accorde à dire q ue les disciplines sportives, voire les épreuves, n’ont pas le même prestige social. Ce quiconfirme l’idée selon laquelle le choix de la discipline sportive à pratiquer n’est jamais un acte sociologiquement neutre.
L’échelle de prestige des disciplines.
En Europe, les gens de la rue disent que « le football est un sport de gentlemen pratiqué par des voyous, et le rugby, un sport de voyous pratiqué par des gentlemen ». Cette façon de parler signifie que les disciplines sportives n’ont pas le même grade social. En Occident donc, le footballeur est censé « moins intelligent » quele rugbyman, mais à Madagascar, on serait tenté de penser et de dire le contraire. En tout cas, ce qu’il faut retenir ici, c’est que chaque discipline sportive est étiquetée par des stéréotypes psychosociologiques dont le pratiquant ne peut pas toujours se débarrasser.
Dans son ouvrage « La réussite sportive, PUF, 1975, chapitre I », R. Thomas affirme que, selon leur catégorie socioprofessionnelle, lesindividus pratiquent plutôt telle discipline que telle autre. Mieux, il existe, selon lui, une véritable échelle de prestige des sports. Il énonce à ce propos une échelle de prestige social de certaines disciplines sportives pratiquées en France. La boxe étant située au degré zéro, voicles coordonnées de certaines disciplines : Boxe o- Cyclisme 0,26- Football 0,33- Lutte 0,38- Haltérophilie 0,4 – Handball 0, 84 – Aviron 0 , 93 – Athlétisme 0, 95 – Escrime 0 , 99- Hockey 1,02- Volley ball 1,04- Natation 1,10-Basket ball 1,14-Yachting 1,92-Equitation 2,76.
De toute évidence, une telle échelle ne saurait être valable à Madagascar, car elle varie d’un pays à l’autre. D’ailleurs, la liste précédente est loin d’être exhaustive. Il n’en reste pas moins qu’il existe toujours une corrélation étroiteentre catégorie sociale et discipline sportive pratiquée. A Madagascar, on constate aisément que al boxe et le rugby sont réservés aux jeunes sportifs des bas quartiers de la capitale, et que le judo et le tennis sont l’apanage des jeunes plus aisés. A ce propos, il serait intéressa de lire ce qu’a écrit RANDRIAMARO. J.R (2005) dans « L’expression du politique par le populaire : l’exemple du rugby à Madagascar » in Revue Historique de l’Océan Indien, N°01, La Réunion, AHIOI, Imprimerie Graphica, p. 312 – 323.
Nous dirions même que les épreuves à l’intérieur ’uned discipline sportive n’ont pas le même prestige. En athlétisme, par exemple, l’arrogance du sprinter est manifestement en contraste avec la modestie ou l’effacement du coureur de fond. Car il faut avouer que le prestige social du sprint court (100m) est supérieu à celui du 10.000m, par exemple.
Bref, le prestige social de la discipline, qui est une notion très relative, entre en jeu dans le choix du pratiquant. Devenir boxeur, pour un fils de bourgeois malgache, serait perçu comme un comportement atypique, voire indigne.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – GENERALITE SUR LA REUSSITE SPORTIVE
A. La notion de réussite
B. La réussite sportive
C. La réussite sportive, un facteur de mobilité sociale
D. Caractéristiques de la réussite sportive
E. Les femmes de réussite sportive
CHAPITRE II – LE FILTRE SOCIAL DU PASSAGE A LA PRATIQUE SPORTIVE
A. Madagascar est-il un pays sportif ?
B. Les différentes types de pratique sportive
C. La fonction des sports
D. Les détracteurs de la pratique sportive
E. Pratiques sportives et recul intellectuel
CHAPITRE III – LE FILTRE SOCIAL DU CHOIX DE LA DISCIPLINE SPORTIVE
A. Discipline, épreuve et spécialité sportives
B. L’échelle de prestige des discipline
C. Sur la rationalité du choix de la discipline
D. Choix sportif et habitus de classe
E. Choix sportif et sélection soco-économique
CHAPITRE IV- LE FILTRE SOCIAL DE L’ENTREE DANS LE SYSTEME FEDERAL
A- Le système fédéral
B- La licence sportive
C- La problématique de la détection
D- La modèle de la pyramide
CHAPITRE V – LE FILTRE SOCIAL DE L’ACCESSION A L’ELITE SPORTIVE
A. le principe de la singularité de l’individu
B. les trais psychologique du champion
C. réussite sportive et climat familial
D. sur la politique sportive de l’Etat
E. le champion, un robot ou un être humain ?
F. Hasard, chance, tricheries et dopage
CONLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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