Le festival comme légitimation et médiation artistique : retour sur les performances

Une histoire des festivals

Les festivals ont longtemps été délaissés par les historiens. Les géographes, les économistes et les sociologues sont les premiers à s’y intéresser. Les sociologues par exemple, étudient l’espace et le temps festivalier par des enquêtes centrées sur la composition du public et son évolution. Ce premier travail ouvre la voie aux historiens qui comprennent la richesse de ce sujet. Les festivals permettent de saisir à la fois des enjeux culturels, politiques et sociaux dans une société. L’année 2011-2012 témoigne d’une avancée puisque deux événements scientifiques concernant les festivals sont réalisés : le colloque « Pour une histoire des festivals (XIXe-XXIe siècles) » en 2011 organisé par le Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines et les deux journées d’études en 2012 à l’Université de Bourgogne « Festivals et sociétés en Europe (XIXe-XXIe siècle) ». Ces journées d’études et les publications qui les suivent témoignent de la place croissante du sujet dans le domaine de la recherche mais aussi de la richesse du thème puisque l’équipe est transdisciplinaire et les domaines des festivals sont variés. Une définition du terme « festival » et son évolution sont réalisées . Le festival, terme anglais signifiant « jour de fête », n’est au départ qu’un simple rassemblement de chorales à connotation religieuse. Il se généralise ensuite et évolue jusqu’à former des rassemblements plus importants et plus nombreux sur la scène internationale et sans aspect religieux. C’est un événement où d’après la définition de Pascal Ory, « il s’agit bien de célébrer par un rite, généralement à vocation périodique, un groupe social mobilisant son énergie festive autour d’un objet commun» . Les participants se regroupent donc autour d’un art ou d’une thématique. Un festival est différent d’un concert. Le festival de musique est un véritable défilé d’artistes qui se succèdent les uns après les autres sur la scène pendant plusieurs jours. Les festivaliers cohabitent et forment une communauté éphémère. Il est désormais question d’une « festivalomanie » propre au XXe et aux XXIe siècles . Ces premiers travaux ne cherchent pas simplement à faire un état des lieux des festivals. Il s’agit aussi de dévoiler aux chercheurs des méthodes de travail et de mettre en évidence la richesse du sujet et les diverses recherches à faire. Les festivals de musique restent peu étudiés et les festivals en général se limitent à des monographies comme l’histoire du festival d’Avignon réalisée par Emmanuelle Loyer et Antoine de Baecque en 2007. Les monographies sont possibles mais il faut prendre en compte les diffusions et les échanges. C’est ce qu’entreprend l’ouvrage de Caroline Moine Cinéma et guerre froide : histoire du festival de films documentaires de Leipzig (1955-1990) . Caroline Moine cherche à comprendre le rôle des festivals de cinéma dans la Guerre Froide. Les festivals soulignent la circulation qui se fait entre l’Est et l’Ouest et dévoilent qu’il n’existe pas seulement une confrontation entre les deux espaces mais que des échanges existent entre les deux blocs aux idéologies différentes. Il ne s’agit pas d’étudier les festivals sous une approche bilatérale comme l’histoire l’a souvent fait pour la Guerre Froide mais de comprendre son caractère transnational notamment au moyen du cinéma, un média de masse. Les festivals de cinéma soulignent les interactions entre différents espaces mondiaux. Les festivals doivent se penser en interactions avec d’autres festivals même si une étude monographique peut être faite. Par exemple, dans son étude Caroline Moine mentionne le festival tchèque ainsi que le festival de Cannes. Une approche comparative est utilisée. Ce travail montre donc l’intérêt nouveau pour les festivals comme révélateurs d’échanges et de diffusions et qui malgré l’aspect monographique, peuvent aborder une approche comparative. Ce travail est un modèle méthodologique et historiographique pour notre étude. Les journées d’étude sont des invitations à aller plus loin dans ce domaine. Notre recherche tentera donc de répondre à cette invitation en apportant à un domaine encore incomplet, une réflexion sur les festivals de musique pop.

La pop music et le rock, des objets d’études encore discrets

« Popanalia », « Progressive Music Festival », aucun doute, les festivals de l’été 1970 s’inscrivent dans la culture pop. En étudiant ces festivals, nous analysons un aspect de la musique pop et de la culture pop de la fin des années 60 et début des années 70. Cette musique anglo-saxonne arrive en France dans les années 60 et remporte un succès grandissant. Elle ne modifie pas les paroles anglaises contrairement aux « yéyés » qui reprennent les chansons en français, mais elles gardent leur version d’origine. Les Français s’approprient le pop sans le modifier et créent eux aussi des groupes pop. Ces thèmes restent très peu étudiés en histoire alors qu’ils mobilisent davantage les historiens de l’art, les sociologues, les journalistes ou les musicologues. Les rares ouvrages sur la musique pop sont considérés comme des ouvrages de « musique » et sont pensés indépendamment de leur contexte social, culturel ou politique. Les journalistes se rapprochent d’un travail d’historien en étudiant les groupes de rock. Il faut d’ailleurs souligner la qualité de certains travaux journalistiques comme les hors-séries du mensuel spécialisé Rock&Folk . C’est Bertrand Lemonnier et son ouvrage L’Angleterre des Beatles : une histoire culturelle des années 1960 en 1995, qui présente la culture pop et sa musique comme un objet propice à une étude d’histoire légitime et sérieuse. Au moyen d’un groupe de pop, Les Beatles, il fait une histoire culturelle, économique et sociale de l’Angleterre des années 60. La culture pop et la musique peuvent donc être considérées comme des sujets scientifiques. L’histoire du rock peine à trouver sa place à l’Université. Le séminaire d’histoire sociale du rock dirigé par Florence Tamagne (IRHis) et Arnaud Baubérot (CRHEC) est l’unique séminaire qui lui est consacré.
L’ajout en 2015 des Beatles au programme de l’option musique du concours de l’Ecole Normale Supérieure affirme à nouveau la nécessité de considérer cette musique comme un objet d’étude légitime. En nous intéressant aux festivals de musique pop, nous nous inscrivons dans la lignée de Bertrand Lemonnier qui conclut son ouvrage en insistant sur la nécessité d’étudier la culture de masse qui n’est pas une « sous-culture » mais qui au contraire représente une majorité de la population. Le travail de Bertrand Lemonnier représente pour nous un modèle historiographique. Les recherches sur la culture pop évoluent, cependant il nous a été difficile de trouver des ouvrages d’histoire concernant la musique pop en France.
En 2015, l’historien américain de l’Indiana University Northwest, Jonathyne Briggs publie Sounds French, Globalization, Cultural communities and Pop Music in France, 1958-1980 , qui dresse un panorama de la musique pop en France. Il est pertinent de constater que la culture pop intéresse un historien américain ; tout comme la culture pop anglaise est étudiée par Bertrand Lemonnier, historien français. Jonathyne Briggs explique notamment sa volonté de décentrer le regard de l’historien qui est trop national. La culture pop constitue encore un milieu à découvrir pour les historiens.

Conception de l’industrie musicale et des festivals pop

« Qu’est-ce que c’est d’après toi la pop music ? – C’est un éventail de toutes les musiques qui peuvent être et qui doivent être commerciales […] c’est de la musique tout court en fait, et commerciale puisqu’elle vend » . Cette définition du journaliste de Pop Music Frank G.Lipsik attire l’attention sur ce lien entre pop music et commerce. Selon lui, cette musique se définit avant tout par sa capacité à vendre et son succès. Dans les années 1970, la pop music rencontre un succès notable. Cette musique apparaît donc comme un bon investissement pour les maisons de disques qui cherchent à la récupérer. Cependant, cette récupération par les maisons de disques et donc un monde dit « commercial» entre en contradiction avec un idéal plus underground et émancipé voulu par certaines personnes qui l’écoutent. Cette lutte contre l’univers de l’argent se fait aussi ressentir au sein des festivals qui sont des scènes où se produisent des groupes appartenant à des maisons de disques. Les maisons de disques sont souvent les organisateurs (à Biot par exemple avec le label Byg Actuel). Assimilée alors à un mouvement de contre-culture comme on peut le voir en Amérique, la société de consommation est dénoncée par l’exemple du festival utilisé pour faire de l’argent. À l’intérieur de la pochette du vinyle À Cause du pop, film qui retransmet le festival d’Aix, sont disposées à côté des photographies de la foule, des photographies de régimes totalitaires tels que le régime chinois ou nazi . Une photographie d’une gare à l’heure de pointe avec une foule autour d’un train est présente avec pour légende « le troupeau se rassemble pour vénérer ce qui le symbolise : son Dieu consommation ». Ces photographies dévoilent un aspect contre-culturel présent. Simple vision d’un cinéaste ou témoignage d’un aspect politique manifesté durant le festival ?
C’est donc les motivations des organisateurs qui sont questionnées : sont-ils là juste pour se faire de l’argent à un moment propice pour la vente de la musique pop ? Les festivals pop doivent-ils s’émanciper de ce monde de l’argent en étant gratuit par exemple ?
Les festivals font polémique à cause des interdictions avant même d’avoir commencé.
Les polémiques ne sont pas prêtes de s’arrêter puisque c’est désormais les participants qui soulèvent une question primordiale. Le festival est-il un véritable festival « pop » ? Le festival d’Aix est concerné par ce questionnement. Au centre des débats : l’organisateur Claude Clément et l’organisation de ce festival. Premièrement, la personnalité du Général Claude Clément dérange. Il faut dire que le passé du Général sème le doute. Ancien Général de l’O.A.S (Organisation de l’Armée Secrète) contre De Gaulle et les généraux putschistes en Algérie qui ont après été mis en prison, on lui prête des idées d’extrême droite. Ses valeurs sont loin de celles des jeunes admirateurs de musique pop. Il faut rappeler que même Joan Baez refuse de chanter à Aix, alors que le cachet y est intéressant car elle est suspicieuse de ce Général . Cette personnalité assez atypique dans le monde de la musique pop intéresse les médias. Il se fait connaître par son face à face avec le maire puisque la télévision l’interroge suite au communiqué. Il bénéficie d’un intérêt médiatique très fort comparé aux autres organisateurs qui ne sont presque jamais interrogés. Par la suite, il est aussi interrogé par la télévision pendant le festival pour connaitre son avis sur le déroulement. Les médias essayent de comprendre ce Général qui semble loin d’un univers pop. La presse lui prête des surnoms « Le papa Pop », « le Général Pop » avec plus ou moins d’ironie. Le Figaro s’amuse aussi de l’image de ce général en le comparant au Général « Cambronne » en référence à sa défaite à Waterloo proche de l’échec du festival d’Aix et du mot célèbre prononcé par le Général napoléonien devant l’ennemi anglais. Le journal expose aussi les doutes concernant son attachement à la musique qui se prouverait uniquement dans le fait de porter un collier de fleurs et en disant « I love You » aux passants . Le Canard Enchainé se moque d’ailleurs du Général, présenté comme défenseur de la musique pop avec deux caricatures: A.D. Marseille, 135 W 492, Le Canard Enchainé, 06/08/1970, « Le pop qui fait Pschitt ».
Première caricature du Général « Le contestataire contesté de la semaine : Le Général Mirabeau. Nous sommes ici (pas assez nombreux hélas !) par la volonté du pop nous n’en sortirons que par la forces des baïonnettes ». Le Général est représenté chevauchant une clef de sol et brandissant sa baïonnette, guitare dans le dos.
Deuxième caricature : Le Général Clément en short à fleurs avec autour de son cou un collier à fleurs. Il crie « Feu » en brandissant une guitare à l’envers.

Un phénomène social et culturel des années 60-70

Les festivals sont des lieux de convivialité et de sociabilité éphémère. Le public et ses représentations doivent être étudiés afin de mieux identifier la dimension sociale des festivals.
Les festivals permettent aussi de mieux comprendre une situation sociale propre à une période précise, les années 60-70. C’est plus particulièrement l’apogée de la culture jeune et donc le choc générationnel avec les parents qui caractérise cette période. La pratique du festival pop, qui apparaît comme propre aux jeunes puisque la pop est la musique des jeunes, symbolise à la fois cette culture jeune et ce choc générationnel. Il est donc question d’étudier un changement social. La représentation de la jeunesse donnée à la fois par les médias et les autorités est à analyser. La jeunesse et son lien avec la politique, la contre-culture et la contestation sont à questionner. C’est aussi la pratique même du festival qui est à étudier. Le festival qui apparaît à la fois comme une expérience et un voyage, est le lieu où la jeunesse décide de vivre ses idéaux et sa musique. Les festivaliers viennent pour vivre ensemble, se retrouver et partager.

Les publics des festivals : représentation Sex, Drugs and Rock’n’Roll

Après nous être intéressés aux organisateurs et aux artistes participants, il est impératif d’étudier un acteur majeur des festivals : le public. Nous avons essayé de déterminer la composition de ce public. Malheureusement, nous n’avons pas disposé de documents nécessaires pour pouvoir le définir précisément. Premièrement, le public n’est pas exclusivement français. Dans Le Figaro et à France Inter, il est question d’un public de toutes les nationalités . Le reportage télévisé du JT de 13h du 03/08/1970 de la chaîne interroge d’ailleurs une festivalière de nationalité anglaise. Elle explique qu’elle fait la tournée des festivals de musique pop . Mais plus que la nationalité, c’est davantage l’âge des festivaliers qui attire notre attention. En effet, le public des festivals pop se caractérise par sa jeunesse. Le mot « jeune » fait partie de la majorité des documents traitant des festivals. Il est d’ailleurs utilisé presque comme synonyme du mot « spectateurs ». La jeunesse est clairement reliée à la culture pop. Ce sont essentiellement les jeunes qui écoutent cette musique aux paroles anglaises, difficilement assimilables pour les adultes. Dans les documents trouvés aux archives nationales (rapports de police) et aux archives départementales , la plupart des personnes inscrites sur les documents pour des raisons judiciaires ont en moyenne une vingtaine d’années. Cependant, ces renseignements sont très peu représentatifs car peu de noms et d’âges sont relevés dans les documents d’archives et tous sont en lien avec une interpellation policière quelconque. Dans les rapports de police trouvés aux archives nationales, il est question d’une mineure arrêtée car elle avait fugué pour se rendre au festival.
Pourtant, les jeunes ne sont pas les seuls participants des festivals. L’article du Figaro du 06/08/1970 fait mention d’un public de tout âge . Des enfants sont aussi présents aux festivals. Nous avons contacté un spectateur qui avait deux ans lors du festival et venait donc en famille. Dans le reportage du journal télévisé de 20h le 29/03/1970 sur le festival du Bourget, on peut notamment apercevoir des enfants . Le fait de venir assister à un festival pop en famille est une caractéristique développée dans le film documentaire Woodstock. Une séquence entière est dédiée aux enfants du festival. D’ailleurs tout est prévu pour accueillir un public de bas âge à Aix comme le mentionne l’article de Pop Music du 30/07/1970 «Tout est prévu pour les bébés pop » . L’article fait mention de dispositifs nécessaires en cas d’accouchement avec en mémoire l’accouchement qui a eu lieu à Woodstock. L’article du Provençal « Cette pop music » précise qu’il s’agit d’un public d’âge moyen vingt-ans mais qu’il est aussi présent une petite fille de six ans. L’article dévoile aussi que des adultes et des personnes âgées se joignent aussi au festival. L’article décrit une grand-mère dansant sur Dynastie Crisis « je n’avais jamais vu une grand-mère danser sur cette musique » . Dans le film La Michetonneuse, la mère du jeune homme qui accueille l’héroïne à Aix s’est aussi rendue au festival. François Jouffa nous explique qu’il a fait cette scène pour montrer que même une mère, une adulte, peut aller à un festival pop. Christian Oliva, spectateur d’Aix que nous avons interrogé, a même croisé son oncle par hasard au festival. Mais pour lui les adultes étaient là par curiosité avant tout . Le public se compose donc de personnes de tout âge bien que la majorité entre dans la catégorie « jeune », c’est-à-dire environ une vingtaine d’années.
Est aussi présent au festival de Biot, un intellectuel : Joseph Kessel. Pop Music insiste d’ailleurs sur sa présence au festival . Cette venue est placée en première page du numéro du 20/08/1970 en insistant bien sur l’appartenance intellectuelle du journaliste « de l’Académie française » accompagné d’une photographie. Ceci montre qu’un festival de musique pop peut être fréquenté par des intellectuels et n’est pas seulement le monopole d’une culture jeune jugée feignante et abrutissante (alors que les jeunes fréquentent souvent l’Université). C’est une stratégie de légitimation qui joue sur un registre qui n’est pas celui de la contre-culture.

Jeunesse politisée ou peur du jeune ?

Le public des festivals semble être un microcosme pour décrire la jeunesse des années 1970 alimentée par tous les clichés tirés des faits divers, des mouvements hippies ou de la jeunesse américaine. Les jeunes sont nudistes, hippies, cheveux longs, drogués et surtout révolutionnaires. Dans notre entretien avec François Jouffa, celui-ci nous indique qu’en 1970, « un petit jeune à cheveux longs c’était : un casseur, donc un gauchiste, donc un opposant à la politique réactionnaire, on peut le dire, gaullienne, et trois un drogué» . Les propos du journaliste rejoignent d’ailleurs l’article de François-René Cristiani dans Rock&Folk «Parce qu’un amateur de rock, c’est évidemment un lanceur de bombe en puissance. Et puis ça se drogue ! C’est sale, c’est crasseux, et ça porte les cheveux longs, ça doit même être un peu gauchiste » dit-il ironiquement pour pointer ce jugement très péjoratif à l’égard de la jeunesse dans les années 60 . La jeunesse est donc assimilée à une idée politique ce qui est d’ailleurs contredit dans une lettre adressée au maire d’Aix, Félix Ciccolini « Comprenez Monsieur le préfet, qu’une jeunesse passionnée par la nouvelle musique n’agit ni dans un but politique, ni dans un but destructif» . Elle est représentée comme étant contre le gouvernement, porteuse de revendications et rebelle. Les lois « anti-casseurs » mises en place le 8 juin 1970 par le ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin, condamnent toutes personnes qui participent à une manifestation ou à un groupe suspect dans le but de « commettre des violences contre les personnes ou des dégradations de biens ».
Ces lois visent avant tout cette jeunesse assimilée à Mai 68. En réalité, les autorités n’ont pas attendu Mai 1968 pour avoir les jeunes dans le collimateur. C’est depuis la Nuit de la Nation organisée par Salut les Copains le 22 juin 1963 que la propagande anti-jeune a débuté . La diabolisation de cette jeunesse trouve simplement son acmé après Mai 68. Pour Claude Chastagnet, le rock est une musique qui s’écoute collectivement et qui peut fédérer la foule. Il suffit d’un seul groupe politisé et mal intentionné pour que par un mécanisme de mimétisme, des violences s’enclenchent . C’est exactement ce que craignent les autorités : un soulèvement de la foule. Le festival fait peur pour son public et pour la musique écoutée. Le pop et le rock sont souvent liés à un imaginaire de la violence à l’image du concert de Rolling Stones à Altamont. Le lien violence et rock fait partie de son mythe. Le fait que cette musique est aussi responsable de la peur des festivals par les autorités est justifié par le fait que le festival du Bourget peut exister à condition qu’il ne se nomme pas festival « pop » . Stéréotypes entretenus par les médias et la polarisation avec Mai 68 qui créent un climat presque enclin à la paranoïa. Woodstock n’était qu’amour et paix et les slogans à Aix-en-Provence sont repris. Si le mouvement pop est défini comme « une utopie antitotalitaire, opposée aux pouvoirs (parents, professeurs, politiciens, hommes d’Eglise » par Bertrand Lemonnier , ces revendications n’ont pas eu d’écho politique ou réellement contestataire durant les festivals de l’été 1970.

Des événements médiatiques ?

« Ce qui « fait événement » obéit au moins à deux critères : la rupture avec l’ordinaire des choses et le retentissement. Un événement est porteur de nouveauté, parfois d’exception. il capte l’attention publique parce qu’il se détache sur le fond de la banalité quotidienne, des occurrences sont ainsi connues et vues de tous parce que les événements médiatiques sont avant tout des événements publics. »
Selon Jocelyne Arquembourg-Moreau, une manifestation attire l’attention des médias et devient événement médiatique par sa nouveauté. Cette nouveauté établit une véritable rupture avec le quotidien . Mais qu’est-ce-qu’un événement ? Pour Patrick Champagne, c’est « ce qui arrive et qui a une certaine importance pour la société ou pour certaines catégories de la population » . C’est donc la répercussion sur un public qui définit un événement. Mais le moment mentionné est-il en lui-même « événement » ? La question se pose pour les festivals de musique qui bénéficient d’un traitement médiatique plus ou moins fort. Comme le précise François Jouffa, l’été est une période creuse pour les actualités donc tout est bon pour faire les gros titres. Jocelyne Arquembourg-Moreau s’interroge aussi sur cette notion : « Est-ce que parce qu’un événement est important qu’il focalise l’attention des médias ou est-ce parce qu’il est médiatisé qu’il devient retentissant ? » . Ce sont les journalistes qui opèrent un choix et font d’un événement, un événement médiatique en le diffusant à la fois par des images et un récit. Cependant, pour devenir événement médiatique, il faut que la nouvelle suscite le débat, la discussion, l’indignation ou l’adhésion d’un public. Pour cela, la nouvelle doit être traitée pas uniquement par un média mais par un nombre important de médias. La synchronisation est donc primordiale pour faire d’une actualité un événement médiatique.
L’événement médiatique se construit à la fois par les journalistes et le « constructeur caché » le public. C’est ce travail et cette implication des médias qui attire notre attention, notamment en cherchant à comprendre le rôle dans les festivals, en adoptant une approche quantitative mais aussi étudiant le récit médiatique qui est diffusé massivement. Pour les personnes qui ne sont pas présentes aux festivals, les médias sont les seuls moyens de se faire une opinion.
Notre recherche s’inscrit aussi dans l’histoire des médias puisque nos sources sont médiatiques et que nous étudions les différents moyens et la place accordée à des festivals dans les médias. Les sources médiatiques sont utilisées dans la totalité du mémoire pour obtenir des informations sur le déroulement mais aussi pour étudier cette représentation d’une jeunesse qui peut être diabolisée ou défendue. Il ne s’agira pas de revenir dans les détails de cette représentation. Les médias peuvent être diffuseurs comme acteurs des festivals. Ils peuvent être représentés par des spécialistes comme des journalistes standards. Les festivals peuvent aussi faire les gros titres ou être traités de manière allusive. Il faut aussi mesurer la durée médiatique des festivals : Font-ils parler d’eux avant leur ouverture et après la clôture ?
Un festival dure un temps très court, c’est pourquoi ce temps de médiatisation est primordial.
Ces critères dépendent des médias ciblés. Il s’agit aussi d’avoir un aperçu sur la profession de journaliste pour traiter de manifestations culturelles.

Identifications et rôles de médias

Les médias sont des acteurs et des vecteurs de ces festivals. Premièrement des acteurs, car pour deux des festivals, la radio et la presse sont des partenaires. Pour le festival d’Aix enProvence, la chaîne de radio privée Europe n°1, Radio Monte Carlo et Pop Music sont partenaires. C’est ce dont témoignent les affiches du festival où apparaît le logo d’Europe n°1. La chaîne de radio Europe n°1 propose déjà des programmes sur la musique pop. L’émission Campus créée par François Jouffa en 1968, diffuse des interviews de Bob Dylan, des Beatles ou encore des Rolling Stones . Europe n°1 propose aussi la retransmission de concerts pop à l’Olympia. Europe n°1 est une chaîne de radio privée mais dont l’Etat possède une partie du capital depuis 1959 par l’intermédiaire de la SOFIRAD qui a racheté des parts. La situation est donc paradoxale puisqu’une chaîne de radio qui a des liens avec le gouvernement, diffuse et sponsorise un festival interdit par les autorités. Le quotidien spécialisé Pop Music est aussi très impliqué dans le festival d’Aix-en-Provence puisqu’il organise des départs groupés des festivaliers avec la SNCF . Lors de notre entretien, Catherine Ribeiro, chanteuse du groupe Alpes, nous a indiqué qu’elle a été contactée par deux journalistes de Pop music pour venir clôturer le festival d’Aix. Elle n’était pas prévue sur la programmation mais elle a été invitée la veille . Cet épisode dévoile à nouveau le rôle important de Pop Music. Le festival de Biot est aussi sponsorisé par une chaîne de radio privée. C’est R.T.L qui s’occupe de produire l’événement et qui retransmet en direct le festival à la radio. BYG Records et Actuel sont les partenaires. La chaîne de radio R.T.L diffuse de la pop music notamment grâce à l’émission de Jean-Bernard Hebey Poste Restante (1968). Le festival permet aussi de lancer une nouvelle ère de l’hebdomadaire underground Actuel. Etre partenaire permet aussi d’obtenir des financements. Jean Karakos demande un prêt à R.T.L. pour le financement du festival de Biot.
C’est Jean-Bernard Hebey, journaliste à R.T.L. qui fait la demande à Jean Farran directeur de la radio . Les radios n’ont pas comme seule vocation de fournir des fonds. Elles diffusent aussi les festivals de musique en direct.

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Table des matières
Introduction
Une histoire des festivals
La pop music et le rock, des objets d’études encore discrets
La jeunesse et l’identité jeune
Les sources et les méthodologies
Des sources diverses
Un jeu d’échelles nécessaire
Justification et annonce du plan
Une histoire culturelle…
…sous différents angles d’étude.
I. La naissance difficile des festivals de musique pop
1. Les portraits des organisateurs et les conditions nécessaires pour réaliser un festival
2. Les interdictions, leurs raisons et les résistances qui s’en suivent
3. Des enjeux politiques à différentes échelles
II. Esthétique et conception de la musique pop
1. Analyse de la programmation : diversité et contestation
2. Le festival comme légitimation et médiation artistique : retour sur les performances
3. Conception de l’industrie musicale et des festivals pop
III. Un phénomène social et culturel des années 60-70
1. Les publics des festivals : représentation Sex, Drugs and Rock&Roll
2. Jeunesse politisée ou peur du jeune ?
3. Vivre ensemble : entre village éphémère et voyage spirituel
IV. Des événements médiatiques ?
1. Identifications et rôles des médias
2. Une approche quantitative
3. Entre défenseurs des festivals et responsables des échecs
V. Un phénomène transnational
1. L’obsession « woodstockienne »
2. Faire l’histoire des premiers festivals de musique pop italiens en 1970
3. Une étude par les médias : entre modernisation et tradition
Conclusion
L’échec des festivals ? Le temps des bilans
Un avenir pour les festivals pop ?
Pour une histoire des festivals

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