Le féminisme et ses mouvements
Méthodologie
Population
Ma recherche porte sur dix-sept élèves de 10VG de l’établissement secondaire de Gland. La classe compte neuf filles et huit garçons, qui ont tous entre 13 et 16 ans. J’y enseigne l’anglais à des élèves qui sont en phase d’acquérir le niveau A2.2 d’anglais.
Outil de récolte de données
Le recueil est effectué durant une séquence d’enseignement, au moyen de deux outils : des questionnaires qui guident l’analyse d’extraits d’épisodes d’une série télévisée et qui amènent les élèves à donner leurs opinions, pour finir avec la création d’un poster par groupes, autours des stéréotypes de genre.
Ma séquence13 s’est déroulée sur quatre périodes au mois de décembre. Les deux premières ont eu lieu au cours de la même semaine et les deux dernières avec une semaine d’intervalle.
Les deux premières étaient consacrées à l’introduction du sujet et à l’analyse des extraits de « Friends ». Comme introduction au sujet, j’ai choisi de commencer avec une image montrant un homme et une femme grimpant chacun à une échelle, l’homme étant supérieur à la femme.
En demandant aux élèves de décrire l’image dans un premier temps et d’essayer d’interpréter le message derrière cette image, j’ai amené les élèves à entrer dans le vif du sujet. Mes élèves ne connaissaient pas le terme stéréotype de genre, mais sont parvenus à donner des mots en lien, tels que « cliché » ou « différence homme-femme ». Une fois la description de l’image terminée, je leur ai donné une définition simple du genre et des stéréotypes de genre en anglais, puis je leur ai expliqué la définition également en français.
Ensuite, ils ont commencé l’observation et l’analyse des extraits de Friends. J’ai choisi cette série car elle est connue des élèves, qu’elle est drôle et qu’elle ne contient pas un vocabulaire trop étoffé. De plus, on y voit de nombreux stéréotypes de genre. J’ai montré deux extraits14, pour chacun d’eux, j’ai fait un découpage où j’ai moi-même sélectionné les scènes que j’estimais importantes pour analyser le stéréotype présent.
Le premier extrait dure deux minutes et c’est l’épisode quatre de la troisième saison de Friends. Dans cette vidéo, les élèves peuvent observer un stéréotype de genre masculin: Ross retrouve son petit garçon qui a une Barbie dans les mains. Il n’est pas content que son fils joue à un jouet qu’il considère comme féminin et il essaie de le faire jouer à d’autres jouets qu’il considère masculins: un camion, un dinosaure, G.I. Joe etc.
Le deuxième extrait dure trois minutes et vingt secondes et montre un contre stéréotype de genre où Monica joue au ping-pong contre le copain de Phoebe. Dans cette scène elle a une casquette à l’envers, elle est compétitrice, mauvaise perdante et agressive. De plus, elle se sent les aisselles et jure. Elle ne représente de loin pas l’image de la femme parfaite attendue.
Les réactions de son adversaire et de son copain (Chandler) indiquent qu’ils n’approuvent pas sa façon d’être et que d’après eux, elle n’est pas une femme lorsqu’elle agit de la sorte.
J’ai donc montré un stéréotype concernant chaque sexe et j’ai fait attention de choisir des extraits qui n’étaient pas porteurs de stéréotypes trop lourds pour mes élèves afin d’éviter de les mettre dans des situations inconfortables. J’ai mis les sous-titres en anglais, car les images supportaient bien le message.
Concernant les questionnaires des deux extraits de Friends, j’ai dans un premier temps posé des questions en anglais au sujet de ce qu’ils pouvaient observer, puis dans un deuxième temps des questions en français orientées sur les stéréotypes de genre et leurs opinions. Pour le premier extrait, je leur ai demandé d’identifier le stéréotype présent, quels jeux ils jouaient lorsqu’ils étaient enfants et si ces jeux étaient reliés au genre. Ensuite, ils ont dû exprimer leur opinion quant à la division des jouets par genre.
Pour le deuxième extrait, je leur ai demandé si Monica était conforme aux stéréotypes de genre et ce qu’ils pensaient d’elle. Puis je les ai questionnés sur le sport mixte à l’école et ce qu’ils pensaient des filles qui agissaient comme Monica en sport. Pour finir, je leur ai donné deux phrases présentes dans l’extrait qui soulignaient deux stéréotypes différents et je leur ai demandé de les identifier et de donner leur opinion à ce sujet. Pour chacune des parties, j’ai choisi de leur demander de repérer des stéréotypes de genre dans le but de savoir s’ils étaient capables de les identifier. De plus, en partant de ce qu’ils avaient observés, je leur ai demandé d’exprimer leurs opinions pour connaître leur posture face aux stéréotypes présentés. J’ai décidé de mettre la partie opinion en français car j’estimais qu’avec le niveau de mes élèves, ils ne parviendraient pas à s’exprimer aisément sur un sujet qui est nouveau et complexe pour leur âge. J’ai également fait une partie vocabulaire sur les adjectifs reliés au genre masculins et féminins. Je ne me suis inspirée d’aucune étude, ni pour le choix des adjectifs, ni pour celui des questions.
Lors des deux autres périodes, les élèves ont travaillé par groupe de deux ou trois. Ils ont choisi des images, parmi celles que j’avais sélectionnées, montrant des stéréotypes de genre et ont préparé un poster qui analyse le(s) stéréotype(s) visible(s) sur l’image. Pour les aider, je leur ai remis des questions qui les guident dans la création du poster. Par la suite, j’ai affiché les posters et les groupes ont pu les regarder. Néanmoins, les posters ne seront pas analysés dans ce travail, mais seront utilisés comme apport supplémentaire pour la défense orale de mon mémoire, ceci pour plusieurs raisons. Premièrement, les résultats obtenus grâce à l’analyse de Friends sont assez nombreux et donnent de la matière à analyser. Deuxièmement, les posters sont davantage un accompagnement pour ce travail de mémoire qu’une récolte de données. De plus, même si je leur ai donné une question finale pour savoir s’ils auraient créé leur poster différemment étant seul, je ne peux certifier l’exactitude de l’influence du groupe sur chaque élève.
Pour finir, ma séquence suit un enseignement basé sur le contenu et mon objectif d’enseignement est de sensibiliser les élèves aux stéréotypes de genre et les amener à développer une pensée critique. Lors de l’analyse des extraits vidéo, mes questions sont précises et orientent directement l’attention de l’élève sur des éléments spécifiques. Alors que par les activités d’expression orale ou de création des posters, les élèves doivent s’interroger sur les stéréotypes observés, les analyser et développer une pensée critique; ils sont dans un niveau supérieur de réflexion. Je n’ai pas mis l’accent sur la culture dans ma séquence, mais à travers Friends et les images, les élèves voient des stéréotypes de genre présents en Amérique et peuvent facilement faire des liens et des comparaisons avec la Suisse.
Biais
Mon travail comporte plusieurs biais. Premièrement, puisque les extraits et le vocabulaire sont donnés en anglais, il se peut que certains élèves aient été freinés par la barrière de la langue dans la compréhension des extraits. Deuxièmement, les élèves pouvaient facilement être influencés par leurs camarades, étant donné qu’ils étaient tous dans la même classe au moment de répondre aux questions. Troisièmement, je ne vais pas au bout de ce que les élèves pensent car je me contente du support choisi. Lors de mes discussions avec les élèves pendant la séquence, j’ai entendu des éléments très intéressants, que je n’ai pas toujours retrouvés dans leurs réponses écrites. Par ailleurs, ma recherche est composée d’un petit échantillon et ne peut, par conséquent, pas être considérée avec la même exactitude que d’autres études auxquelles je fais allusion dans ce travail. Finalement, je questionne la marge de liberté que les élèves s’octroient à cet âge-là, se sentent-ils libres de donner des réponses qui vont à l’encontre des normes et des attentes de la société ?
Plan d’analyse
J’ai récolté les questionnaires au début de la troisième période, puis j’ai transcrit les réponses. Je présente les résultats ci-dessous en respectant l’ordre des questions de ma séquence d’enseignement. J’ai créé des catégories selon les réponses obtenues afin de faire apparaître les résultats significatifs et de pouvoir les analyser dans la discussion15. J’ai séparé les résultats filles et garçons afin de pouvoir vérifier ma quatrième hypothèse.
Résultats
Extrait 1
Quel est le stéréotype présent dans cet extrait ?
Pour cette question, j’ai classé les réponses en trois catégories : faits observés, stéréotype formulé et opinion forte. 35% des élèves relatent simplement les faits qu’ils observent dans l’extrait. Dans la plupart des cas ils relèvent ce que Ross dit dans l’extrait ou restent descriptifs ; ils ne formulent pas clairement un stéréotype de genre. Par contre 65% des élèves parviennent à interpréter ce qu’ils ont vu dans l’extrait et émettent un stéréotype de genre, en avançant que les jouets pour filles ne sont pas pour les garçons. Parmi les stéréotypes énoncés, quelques élèves (24 %) ont exprimé une opinion forte en concluant que la raison pour laquelle Ross ne voulait pas que son fils joue avec un jouet de fille n’est autre qu’une crainte qu’il devienne homosexuel.
Certains des jouets sont nettement divisés selon le genre. C’est le cas de la Barbie par exemple où 88% des filles y jouaient contre aucun garçon, ou également la poupée avec 44% chez les filles et aucun garçon. Les peluches et les Pokémons ressortent aussi que chez les filles à 33%. Dans la liste des autres jeux cités, on retrouve des jeux de beauté (maquillage, coiffure) ou encore des jeux liés aux animaux (pets-shop, little poney). Du côté des garçons, aucun jeu ne ressort du lot, à part les petites voitures (37%). Certains citent également des jeux tels que cache-cache ou la bagarre. Pour finir, un certain nombre de jeux touchent les deux sexes : les jeux vidéos (DS, Wii) et les jeux de construction (Playmobil et lego).
A l’adolescence, les jeux sont moins diversifiés, la plupart des filles ne jouent à aucun jeu, elles regardent la télévision ou sont sur leur téléphone et leur tablette. Les garçons quant à eux sont attirés par les jeux vidéo tels que FIFA ou autres sports et les jeux de bagarre (Battle Field). Ils sont également plusieurs à rester sur leur téléphone ou leur tablette.
Est-ce qu’ils étaient /sont reliés au genre ?
Les réponses sont très diversifiées : il n’y a pas une majorité de oui ou de non.
Est-ce que tu penses que les jouets sont divisés par genre en Suisse ?
Une nette majorité (76%) des élèves pense que les jeux sont divisés par genre en Suisse (66% de filles et 88% de garçons).
Discussion
Dans cette partie, je vais discuter les résultats correspondant aux hypothèses que j’ai présentées dans la problématique.
Les adolescents et adolescentes ont peu conscience de la présence de stéréotypes de genre dans la société.
Ma première hypothèse porte sur la conscience qu’ont les élèves des stéréotypes de genre.
Dès le premier cours, je remarque que la plupart des élèves ne savent pas ce qu’est un stéréotype. Je crois en premier lieu qu’il s’agit d’une barrière due à langue, toutefois je me rends compte rapidement qu’ils ne connaissent pas la signification du mot en français ; et par conséquent, comprennent difficilement le terme « stéréotype de genre ». Certains élèves me demandent à plusieurs reprises de leur expliquer le mot et de leur donner des exemples. Je peux donc en déduire qu’avant ma séquence d’enseignement, les élèves n’étaient pas conscients des stéréotypes de genre. Après avoir parlé de la première image en plénière et avoir donné plusieurs définitions en anglais et en français, ils ont commencé à saisir le concept. Une fois celui-ci assimilé, ils ont répondu au questionnaire.
Il ressort de mon questionnaire que les élèves ont, pour une grande majorité, intégré les stéréotypes de genre sans en être forcément conscients. Ainsi, 66% des filles et 87% des garçons affirment que les jeux sont divisés par genre en Suisse, et une grande majorité des filles jouaient à la poupée ou à la Barbie lorsqu’elles étaient enfant. Cependant, seules deux d’entre elles répondent qu’effectivement les jeux qu’elles jouaient étaient reliés au genre. Il se peut que d’après mes élèves, la Barbie ne soit pas exclusivement réservée au sexe féminin, pourtant, aucun garçon ne jouait à la Barbie et de plus, cette dernière représente le mythe de la femme idéale et un objet exclusivement féminin (Aksu, 2005). Dans un sens, les élèves sont conscients qu’il existe une séparation des jeux selon le genre, mais de l’autre, ils ne parviennent pas à faire de liens avec leur vie personnelle. Je reviendrai également sur cet aspect dans l’analyse de ma dernière hypothèse.
Par ailleurs, la majorité des élèvent parviennent à repérer les deux stéréotypes dans la question F de la partie deux17, toutefois, seule une petite part estime que les deux stéréotypes sont présents dans leur quotidien. Plusieurs interprétations sont possibles : soit les deux stéréotypes ne sont véritablement pas présents dans leur quotidien, soit ils le sont mais ils ne s’en rendent pas compte. Puisque les stéréotypes sont difficilement mesurables, car ils sont ancrés dans la réalité, il est fort probable que ces élèves aient intériorisé les stéréotypes (Bonnot et al., 2012). En effet, déjà étant enfants, les élèves observent et intègrent les comportements considérés adaptés à leur sexe et ceux qui ne le sont pas (Dafflon Novelle, 2004).
De plus, lorsque les élèves doivent donner leur opinion, les réponses sont peu nombreuses ou parfois contradictoires. Selon moi, une des raisons pourrait être qu’ils ont de la difficulté à comprendre et analyser les stéréotypes de genre et par ailleurs, qu’ils n’ont pas réellement conscience de l’influence de ces stéréotypes sur leur jugement et leur manière de vivre. Par exemple, dans la partie deux, à la question D, deux filles et deux garçons affirment que
Monica est conforme aux stéréotypes de genre ; cependant, la suite de leurs réponses dénote une certaine confusion. En effet, les filles qui répondent « oui » ajoutent « Je pense qu’elle devrait rester comme elle est au lieu de se faire garçon manqué. […] Elle doit rester fille » ou « elle montre qu’elle n’est pas à 100% fille ». Leurs réponses sous-entendent qu’elles n’ont pas assimilé la notion « conforme aux stéréotypes de genre », car Monica n’est au contraire pas conforme dans cet extrait. Par ailleurs, on peut se demander ce qu’il faut pour être considérée comme 100% fille par l’élève en question. Des contradictions similaires sont repérées du côté des garçons. Effectivement, les deux qui répondent « oui » donnent une réponse contradictoire : « Oui elle est conforme, car elle s’habille un peu comme un garçon, se comporte comme tel et est un peu agressive et aussi dominante et mauvaise perdante », tandis que l’autre ne justifie pas sa réponse. Il utilise des adjectifs qu’il qualifie de masculin et il trouve sa tenue masculine, mais estime qu’elle est conforme aux stéréotypes de genre. De ce fait, la notion « conforme aux stéréotypes de genre » est difficile à assimiler pour certains élèves.
Pour conclure, la plupart des élèves n’avaient pas conscience des stéréotypes de genre avant ma séquence d’enseignement, ils ne connaissant pas le concept en soi. Par la suite, je repère certaines connaissances du sujet même si les réponses des élèves indiquent qu’ils ont, dans la majeure partie des cas, intégré les stéréotypes observés sans forcément s’en rendre compte, car comme le souligne Ucciani (2012), les stéréotypes sont ancrés dans la collectivité et donc en chacun de nous. Néanmoins, je vais revenir sur cette hypothèse lors de l’analyse de mes autres hypothèses, car elle se lie de près à la capacité d’identification des stéréotypes de genre et à l’imprégnation de ceux-ci.
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Table des matières
1. Introduction
2. Contextualisation
2.1. Le féminisme et ses mouvements
2.2. Lois sur l’égalité des sexes
3. Cadre théorique
3.1. Le genre
3.2. Les stéréotypes de genre
3.3. La socialisation
4. Problématique et hypothèses
5. Méthodologie
5.1. Population
5.2. Outils de récolte de données
5.3. Biais
5.4. Plan d’analyse
6. Résultats
7. Discussion
8. Conclusion
9. Références bibliographiques
10. Annexes
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