Le Family Business : un champ de recherche foisonnant et ouvert aux débats

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Structurations apparentes de la recherche sur l’EF

Le champ de recherche sur l’entreprise familiale (EF) est évolutif, pluridisciplinaire, ouvert à l’innovation méthodologique et abondant en langue française (Handler et Handler 1994; Allouche et Amann 2000; Arrègle et Mari 2010; Missonnier et Gundolf 2017). Il est soutenu par une réalité économique forte mais instable, dans le contexte du départ des boomers, qui renouvelle l’intérêt du monde académique. Il se construit par un regard régulièrement porté sur lui-même, alors que la diversité des cas et leur ancrage local rendent difficiles l’émergence de paradigmes (Verstraete & Fayolle, 2005).
Au cours des deux décennies qui viennent de s’écouler, le champ de recherche sur l’entreprise familiale s’est régulièrement interrogé sur lui-même, sans que ne soit démenti son succès auprès de la communauté académique, une des raisons de ce succès étant le poids de ce secteur de l’économie, une autre étant son antériorité historique par rapport aux formes actuelles du capitalisme (Méric, 2020). On estime qu’au moins 90 % des entreprises aux États-Unis sont possédées et contrôlées par une ou plusieurs familles, qu’elles contribuent à réaliser entre 30 et 60 % du PNB et paient la moitié du total des salaires. Cette proportion est à peu près comparable à celle observée dans des pays d’Europe tels que le Royaume-Uni ou l’Italie (deux pays champions de l’entreprise familiale). En France, les auteurs ont constaté une prééminence relative du capitalisme familial dans un système en apparence tripolaire : contrôle familial / contrôle étranger / contrôle technocratique (étatique-industriel-bancaire). Cette prééminence résulte d’une croissance relative de l’activité économique plus rapide au sein des firmes familiales qu’au sein des deux autres pôles du système productif (Allouche & Amann, 2000). Au début de ce siècle, les auteurs constatent que « sans pouvoir encore parler d’un domaine d’étude à maturité, il semble que l’on pointe vers l’adolescence. Le monde économique – à quelques exceptions près il est vrai – a découvert avec surprise que l’entreprise familiale n’était pas qu’une survivance d’un passé archaïque. Ce qui s’est pensé comme la première forme (historique) d’entreprise reste aujourd’hui (ou à nouveau) dans ce 20ème siècle finissant, la première forme (économique) d’entreprise (Allouche & Amann, 2000).
Selon le constat dressé par les auteurs, la particularité du champ de recherche délimité par un focus sur l’entreprise familiale est d’être à la fois d’une vitalité croissante et marqué par une interdisciplinarité forte. En revanche, ce champ, riche d’une littérature abondante depuis le milieu des années 1980, souffre de ses propres qualités – abondance et interdisciplinarité – et peine à se constituer comme un vrai champ théorique. Il est notamment marqué par l’absence de théorie unificatrice, voire la multiplication de théories contradictoires. Alors que l’objet de recherche peut être considéré comme étant le même, il semble que les différents regards se posent « sur différentes parties de l’éléphant » (Le Breton–Miller et al., 2004).
Si l’on s’en tient dans un premier temps à la recherche francophone, on peut observer depuis le début du siècle une tendance à la réflexivité et une nécessité apparente (ce travail n’y fait pas exception) de se réancrer en permanence dans une base théorique qui autrement se déroberait, faute de se définir comme une école de pensée en soi. Un témoignage de cette tendance se trouve dans une série de trois articles remarquables par leur enchâssement, le plus récent (Missonier & Gundolf, 2017) se plaçant clairement dans la poursuite des travaux du deuxième (Arrègle & Mari, 2010) qui se réfère au premier (Allouche & Amann, 2000).
« Nous opérons une analyse des articles exclusivement francophones publiés depuis 2000 à 2015 (79 articles) et proposons un panorama des thèmes de recherche et des perspectives futures. Cette démarche nous permet de mettre en évidence cinq avancées : des avancées théoriques même si les fondements demeurent peu diversifiés (1), un déplacement progressif du niveau d’analyse (2), un timide décloisonnement (3), des avancées méthodologiques (4), des avancées managériales (5). » (Missonier & Gundolf, 2017)
Cet enchâssement rend compte d’une construction cumulative du savoir en matière d’entreprise familiale et de l’intérêt qu’il y a à tenter d’y apporter un semblant d’unité ou au moins de contour, vu la variété dont nous avons témoigné en préambule. Ces articles détaillent assez précisément le poids des thèmes de recherche, comme le montre le tableau ci-dessous (Source Allouche & Amann, 2000) :
Les auteurs attirent l’attention sur le cloisonnement important du champ en termes de disciplines et de méthodologie avec quelques aspect saillants :
• Prégnance de l’approche par la performance économique,
• Isolement des approches ethnographiques et qualitatives,
• Poids du conseil dans un écosystème dont l’objet d’étude ne fait qu’un avec la clientèle,
Ils mettent en évidence la difficile émergence d’une théorie de l’entreprise familiale en même temps que son évolution prometteuse depuis 20 ans dans la recherche francophone. On y voit notamment apparaître la question du genre et le thème de la succession père-fille, qui apporte un éclairage essentiel pour notre cas (Pailot et al., 2015).
Une part importante des travaux se répartissent entre deux méthodes qui produisent deux types de résultat :
• Comparative : démontrer la valeur de l’EF par rapport à l’ENF, expliquer leur succès mais aussi définir la première par opposition avec la seconde. D’où la question : pourquoi et à qui veut-on montrer que les EF font mieux que les autres ?
• Prescriptive : nourrir et mettre en forme le savoir des conseillers en matière juridique, financière ou managériale, aux fins de délivrer une valeur effective aux dirigeants familiaux.
Le but de cette section est de faire apparaitre une structuration du champ de recherche et notamment de montrer que le regard porté sur l’EF en elle-même et plus particulièrement sur la succession parents-enfants, sont dépendants des héritages disciplinaires au plan épistémologique, des centres d’intérêt et des engagements variés qui prévalent au sein de la communauté de recherche. L’EF est à la fois un objet de recherche, une clientèle, un état d’esprit, un terrain d’entrainement du débat interdisciplinaire et une communauté qui regroupe chercheurs, dirigeants, praticiens et public dans une zone de dialogue commune.
En janvier 2020, la revue Entrepreneurial Theory and Practice (ETP) publie un numéro spécial consacré à l’EF sous l’angle de la psychologie. D’après les éditeurs de ce numéro spécial, la conférence consacrée depuis 20 ans à la recherche théorique sur l’entreprise familiale va désormais s’arrêter, au moins temporairement :
“Although the possibility of a revival cannot be dismissed, this is potentially the final special issue associated with the annual Theories of Family Enterprise (ToFE) conference that will be published in Entrepreneurship Theory and Practice (ETP). Initiated in 2001, ToFE was designed to extend the theoretical horizons of family business research and expand the community of family business scholars so that how and why family firms behave and perform differently from nonfamily firms and from each other could be better understood” (Sharma et al., 2020)
Le but est clairement indiqué : il s’agit de comprendre les différences, ce qui, pour une communauté construite sur le quantitatif, signifie avant tout d’en prendre la mesure ; donc de rendre les différents univers comparables entre eux au moyen de variables, autant de variables que l’on peut imaginer, et de les croiser entre elles, le risque étant qu’à terme, le nombre de variables à étudier ne soit pas extensible à l’infini. On peut se demander pourquoi cet arrêt de la conférence annuelle, alors même que l’intérêt pour le thème de la succession dans l’EF se renouvelle ? Les buts initiaux suggèrent deux hypothèses : il s’agissait d’étendre l’horizon théorique et d’élargir la communauté de recherche. Soit cela a été fait au point de rendre le dialogue difficile entre les chercheurs et de sortir du cadre thématique de la revue, celui de l’entrepreneuriat ; soit l’horizon n’a pas été suffisamment ouvert, au point de générer une forme de répétition et de lassitude. Faut-il en conclure que tout a été dit, ou que la recherche sur l’entreprise familiale se poursuit dans d’autres cercles que celui de l’entrepreneuriat ? La dernière tentative d’extension/expansion consiste donc à puiser dans la psychologie (définie dans un sens strictement behavioriste) et notamment dans cinq champs homologués par l’APA : psychologie sociale, cognitive, développementale, organisationnelle et évolutionnaire (Sharma et al., 2020). L’éventail des questions possibles est large mais il se rassemble autour d’une même épistémologie variantielle, avec des questionnements comme :
• Les équipes contenant des innovateurs sont-elles plus ou moins aptes à gérer les conflits et les désaccords que les équipes dominées par les gardiens de l’esprit de famille ?
• Les familles avec des valeurs fortes et stables réussissent-elles mieux à motiver les employés non-familiaux en vue d’atteindre leurs objectifs que les familles avec des valeurs changeantes au cours du temps ?
• Quelles équipes ont de meilleures performances ? Celles qui ont des relations et des compétences stables ou celles qui ont des relations et des compétences changeantes ? (Sharma et al., 2020)
Ce point de situation dans la recherche sur l’EF amène un constat ambigu. D’une part il mesure le succès à l’aune des vingt ans de conférence annuelle réunissant une communauté de deux cent chercheurs, pour comprendre comment et pourquoi les firmes familiales se comportent différemment des autres et surtout si différemment entre elles. D’autre part il montre les limites d’une approche basée sur la corrélation des variables, approche d’origine économique ouvertement positiviste, quand il s’agit de comprendre la singularité d’une entreprise en cernant une réalité multidimensionnelle qui met en jeu des contextes, des histoires, des personnes et des événements.
Le défi consistant à dominer la variabilité des situations – notamment en termes de taille, de la TPE à la multinationale, et de secteurs, de l’agriculture à la banque – tout en restant polarisés par un attracteur socio-économique plus ou moins bien défini, a amené les chercheurs à tenter de contenir leur objet dans une définition en posant la question du « quoi ». Un exemple de cette polarisation est le modèle universel connu sous le nom de Three-Circle-Model. Il fut initialement conçu par John Davis au cours de son doctorat sous la direction du Pr Renato Tagiuri. La thèse soutenue en 1982 mais non publiée, portant sur l’influence des étapes de la vie dans la relation Père-Fils, fit l’objet d’un article dans la Family Business Review en 1989. Toutefois il faudra attendre 1996 avant que les auteurs ne présentent le modèle dans un autre article de la même revue (Davis & Tagiuri, 1989, 1996).
John Davis ayant plutôt orienté sa carrière vers le métier du conseil, le modèle a été popularisé comme outil pour analyser les enjeux des différents groupes humains dans une entreprise familiale (K. E. Gersick et al., 1997). La spécificité du modèle est une représentation ensembliste qui consiste à isoler trois « attributs bivalents » qui ne peuvent chacun prendre que deux états (oui / non) et permettent de décrire, sinon complètement, suffisamment pour les besoins de l’analyse, les personnes qui évoluent dans et autour de l’entreprise : ils appartiennent à la famille ou pas (cercle vert dans le schéma fig.2), détiennent le capital ou pas (cercle bleu) et travaillent dans l’entreprise ou pas (cercle rouge).
En combinant les cercles comme un diagramme ensembliste de Venn1, on a ainsi sept zones qui permettent de comparer les situations en matière d’enjeux, différents pour chaque type d’acteur et selon les époques (par exemple une grand-mère ou un jeune en stage vs un manager intéressé au capital). L’avantage de ce modèle et qu’il permet de raconter des histoires et que toutes les histoires de familles peuvent s’y raconter (Davis & Tagiuri, 1996).
Les promoteurs de ce concept revendiquent a priori le fait de considérer l’entreprise familiale comme une forme spécifique d’organisation, dans l’intention de déterminer « comment une entreprise familiale devrait être gérée » (K. E. Gersick et al., 1997). Son succès s’est étendu à toute la sphère du conseil, tandis que le monde académique continuait comme nous l’avons vu à interroger les raisons pour lesquelles une EF fonctionne de manière différente par rapport à une ENF. Le modèle a été critiqué pour son caractère statique (Robic et al., 2014) et enrichi d’une approche dynamique que nous examinerons au chapitre 2 (K. E. Gersick et al., 1999). Son intérêt pratique pour cartographier les enjeux d’un ensemble d’acteurs au sein d’une EF fournit néanmoins un cadre utile pour la recherche, par exemple pour identifier les niveaux de conflit possibles et anticiper leur survenue en fonction des stades de développement de l’entreprise familiale (Harvey & Evans, 1994).
La comparaison entre EF et ENF fait progressivement apparaitre la notion de « supériorité » des EF, et ce plutôt dans le sens d’une résistance que d’une conquête, puisqu’historiquement, elles constituent la première forme d’entreprise et qu’il est tout aussi légitime de vouloir expliquer la puissance et la multiplication des formes non-familiales (Méric, 2020)). Le caractère affectif lié à cette notion finit par alimenter un sentiment communautaire et un besoin de se reconnaitre, dont tirent avantage les acteurs installés aux Etats-Unis dans ce qui peut répondre à la définition d’écosystème d’affaires (Gueguen & Passebois-Ducros, 2011). En témoignent l’existence de grandes firmes de conseil spécialisées, comme Lansberg, Gersick et Associates2 ou le Family Business Consulting Group3 fondé par Craig Aronoff et John Ward, deux auteurs marquants de la communauté anglo-saxonne.
En parallèle de cette difficulté et de cet intérêt toujours renouvelé à cerner le « quoi », le débat se prolonge dans l’arène méthodologique en laissant entrer des approches destinées à cerner le « comment ». Un des problèmes posés est de distinguer entre ce que l’on peut apprendre en regardant toutes les entreprises familiales et ce que l’on peut apprendre en regardant de l’intérieur une entreprise familiale. Tout en continuant à voir de nombreuses illustrations de l’approche par la variance (Colot & Bauweraerts, 2014; Hall et al., 2001; Ljubotina & Vadnjal, 2018; Zahra et al., 2017) on commence à voir de plus en plus – et parfois chez les mêmes auteurs – d’approches longitudinales et qualitatives, s’appuyant sur l’observation intime d’une entreprise unique (Haag, 2012; Helin & Jabri, 2015).
Le mode d’approche de l’entreprise familiale est donc de plus en plus psychologique et les méthodes de plus en plus qualitatives, ce qui accroit son interdisciplinarité et rend le débat plus difficile : alors que la viabilité à long terme de l’EF demeure conditionnée par son succès économique et donc invite à une comparaison chiffrée dans le cadre d’une culture économiste, en revanche la compréhension des ressorts psychologiques, des phénomènes et des processus qui sont à l’œuvre requiert autre une méthode d’observation et de mesure. Il s’agit d’une extension qualitative entrevue il y a 20 ans (Allouche & Amann, 2000) et en partie réalisée depuis, vers des méthodologies à caractère ethnographique, incluant le dialogue, le récit, la perception du moment présent (Helin & Jabri, 2015; Johansson et al., 2014; Lam, 2011) ou encore la prise en considération d’un panorama plus large sur l’époque et la société (Aktouf & Frimousse, 2014), mais ce au prix d’une difficulté persistante à fédérer le champ de recherche.
Toujours selon Allouche et Amann, on ne trouve pas une approche méthodologique spécifique à l’entreprise familiale qui ne serait pas également utilisée sur d’autres terrains. On y trouve en revanche une liberté méthodologique croissante depuis le début du siècle.
On peut donc se poser la question : l’entreprise familiale est-elle un véritable objet de recherche ou plutôt une arène, un terrain de jeu sur lequel se rencontrent et dialoguent ou pas les écoles de pensée ? La communauté de l’entreprise familiale, du fait même de la « banalité » de son objet – au sens originel d’une expérience accessible à tout le monde – souffre-t-elle d’un cloisonnement disciplinaire au sens le plus fort, c’est-à-dire celui qui empêche de se parler et de penser en commun ?
Le thème de la succession (et plus largement de la transmission) possède un caractère fédérateur car il se situe à un carrefour entre les sciences (Aubry & Wolff, 2016). C’est dans cet état d’esprit – pouvoir dialoguer ensemble sur des objets communs – qu’a été initiée en France au début 2020 la conférence FaB.ER à l’IAE Paris Sorbonne, pour rapprocher des groupes de chercheurs précédemment cloisonnés, les uns travaillant sur le Business Transfer et les autres sur la transition intra-familiale. Il apparaissait clairement que les deux communautés s’agrégeaient autour de paradigmes distincts (les uns purement économiques, les autres ancrés dans les SHS) et qu’elles pouvaient gagner à dialoguer autour d’objets communs (la succession / transmission de l’entreprise familiale en fait partie)4. Des zones de discussion possibles entre le cas de la transmission intergénérationnelle et celui de la cession classique (fusion ou acquisition) résident dans le fait que le périmètre humain change ou pas avec la possession du capital et qu’en parallèle les cédants restent ou pas dans l’entreprise.
Il existe un courant de recherche en entrepreneuriat (non spécifiquement familial) qui s’intéresse aux aspects culturels des fusions-acquisitions et notamment de l’intégration post-fusion sous des angles systémiques ou multifactoriels (Thelisson et al., 2018). Certains des chercheurs qui se sont attachés à expliquer les causes de la non-performance des fusions font le constat que les analyses qui portent sur les facteurs de succès pré-fusion (pre-merger) et celles qui portent sur les facteurs post-fusion existent de façon disjointe. Parmi les pistes proposées, l’utilisation d’approches longitudinales qui enjambent le closing est rendue très difficile par le secret qui entoure les opérations préparatoires, les conseillers du cédant voyant leur mission s’arrêter là, une cession au juste prix étant considérée comme un succès (Stahl et al., 2013). Si les acteurs du pre-merger et du post-merger dialoguent peu, en revanche la continuité est plus évidente pour l’entreprise familiale au plan de la préparation du successeur et de la continuité managériale et culturelle (Beckhard & Gibb Dyer, 1983; Aronoff & Ward, 1998; Robic et al., 2014). Il peut néanmoins exister un cadre théorique global pour les problématiques cédant-repreneur qui intègre et compare les situations familiales et non-familiales (Cadieux & Deschamps, 2011; Fiegener et al., 1994). Si nous avons a priori écarté l’angle de vue de la fusion, qui aurait pu être pertinent pour notre terrain du fait de l’existence de deux entreprises très proches, dont l’une dirigée par le successeur, c’est parce que cette option a toujours été exclue des discussions préalables au sein de la famille. La question peut se poser différemment après plusieurs années, sous l’effet des pratiques collaboratives des deux équipes, et ce point sera envisagé en conclusion.
On peut conclure qu’une communauté de recherche au sens large, même hétérogène, existe, que ce soit par des rencontres du personnel académique, des rencontres mixtes avec les entrepreneurs invités ou des clubs ou syndicats d’entrepreneurs, qui eux-mêmes agrègent des praticiens et des experts.
Outre la situation de l’objet ‘entreprise familiale’ par rapport à l’entrepreneuriat en général, nous venons de voir plusieurs clés de structuration possibles de la littérature :
• Par les thématiques abordées, dont la succession, la longévité et le rôle des femmes,
• Par une vision diachronique sur l’évolution du champ,
• Par les possibilités offertes par les croisements disciplinaires,
• Par la diversité des épistémologies.
Une forme de structuration se détache par sa simplicité presque monodimensionnelle. Elle consiste à distinguer les postures épistémologiques et les méthodologies qui les accompagnent au moyen d’un paramètre correspondant à la taille de l’échantillon d’où proviennent les données. Nous en donnons ci-dessous quelques exemples représentatifs. En les rangeant dans l’ordre décroissant, on observe ainsi des recherches fondées :
• Sur l’état de l’art et la littérature existante (Handler, 1994; Allouche & Amann, 2000; Missonier & Gundolf, 2017)
• Sur l’accumulation de l’expérience et du savoir d’une multitude d’acteurs, partagée en réseau et accumulée au fil du temps (Aronoff & Ward, 1998; K. E. Gersick et al., 1997)
• Sur des données issues de bases contenant de 40 à plusieurs centaines de points de mesure (Colot & Bauweraerts, 2014; Sener, 2014; Marler et al., 2017; Ljubotina & Vadnjal, 2018)
• Sur des panels de taille réduite de 3 à 30 cas (Dumas, 1989; Cadieux, 2007; Fattoum & Fayolle, 2008; Yezza & Chabaud, 2020)
• Sur des études de cas uniques (Bégin & Chabaud, 2010; Haag, 2012; Johansson et al., 2014; Robic et al., 2014; Helin & Jabri, 2015)
Aucune chronologie nette ne se superpose à ce classement méthodologique, qui révèle néanmoins sur les deux dernières décennies une interdisciplinarité et une diversité croissantes, annoncées au début du siècle comme évolution prévisible.
Nous allons à présent nous centrer sur un groupe de thématiques en particulier, celui de la succession, à laquelle on peut ajouter : pérennité et survie, conflits intrafamiliaux et rôle des femmes, en utilisant les termes de la liste proposée par Allouche et Amann (2000). Nous allons sur cette base être en mesure de structurer notre état de l’art selon différentes « manières de voir la succession ». Ces différentes conceptions sont en partie superposées – sans s’y égaler comme des catégories nettes et étanches – aux différences méthodologiques, aux croisements disciplinaires et aux époques par lesquelles est passée la recherche. Nous proposons cette organisation car elle nous permettra d’une part de présenter les concepts qui seront utiles pour instruire notre question de recherche, et d’autre part de nous positionner au plan épistémologique et méthodologique dans un courant en particulier.
Dans le chapitre qui suit, nous allons donc voir la succession comme :
• Un acte de gestion qui définit l’entreprise familiale,
• Une cartographie temporelle des changements de rôle,
• Une forge de personnalités entrepreneuriales,
• Un processus qui s’invente et se perçoit au fil du temps.
C’est dans ce dernier courant que nous nous positionnerons. Nous indiquerons, à chaque fois que cela se présentera, les approches que nous laissons de côté comme trop distantes de notre problématique ou des possibilités offertes par notre terrain, celles qui offrent des cadres d’analyse pertinents pour cette recherche, sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour donner forme à notre observation et fournir en retour des confirmations et enfin, les quelques zones inexplorées où il nous semble possible et opportun d’apporter un éclairage nouveau.
Au cours du chapitre, nous verrons, comme un fil rouge, apparaitre des conceptions différentes du temps que nous rassemblerons (§ 2.4.4) afin de suggérer comment elles peuvent s’agréger en une vision plus complète, utile non seulement pour comprendre le phénomène de succession dans sa totalité, mais aussi dans toute la sphère d’étude du changement dans les organisations.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Première partie : cadre théorique
1. Le Family Business : un champ de recherche foisonnant et ouvert aux débats
1.1. Approche exploratoire initiale
1.2. Structurations apparentes de la recherche sur l’EF
2. Quatre manières de voir la succession
2.1. Un acte de gestion qui définit l’entreprise familiale
2.2. Une cartographie temporelle des changements de rôle
2.3. Une forge de personnalités entrepreneuriales
2.4. Un processus qui s’invente et se perçoit au fil du temps
Deuxième partie : méthodologie
3. Approcher la succession ‘as practice’
3.1. Une approche ethnographique
3.2. Une théorie ancrée (Grounded Theory)
3.3. Un single-case longitudinal
3.4. Analyse comparative avec deux méthodes proches
4. Subjectivité du chercheur dans l’action
4.1. Une épistémologie non-exempte d’engagement
4.2. Positionnement vis-à-vis du turn to affects
5. Exploitation de la matière issue du terrain
5.1. Présentation détaillée de l’entreprise
5.2. Inventaire des données brutes
5.3. Premier niveau de transformation
5.4. Pratiques, routines et histoires
Troisième partie : résultats et discussion
6. Les pratiques, signe et moteur de la transition
6.1. La construction d’un espace de dialogue
6.2. L’émergence d’un « cinquième pouvoir »
7. Retour sur les phases, les étapes et le mouvement
7.1. Retour vers le modèle de Cadieux et Lorrain
7.2. Retour vers le modèle de Gersick, Lansberg, Desjardins et Dunn
7.3. Un mouvement fait d’avancées et de reculs
8. Résultats de recherche additionnels
8.1. Retour vers d’autres dimensions de la succession
8.2. Retour vers la théorie des routines organisationnelles
8.3. Autres présences du temps dans la vie de l’entreprise
Quatrième partie : conclusion
9. Apports, limites et perspectives
9.1. Apports de notre recherche
9.2. Limites méthodologiques
9.3. Perspectives de recherche
Bibliographie
Annexes
Table des annexes
Annexe 1 : La période de confinement (extrait du journal)
Annexe 2 : Relevés d’observations #2 à #11
Annexe 3 : Relevés d’observation (mai – juin – juillet 19)
Annexe 4 : Quatre entretiens intégraux
Annexe 5 : Documents photos
Annexe 6 : Chiffres clés
Annexe 7 : Feedback sur la réunion (donné le 30.09.19)
Annexe 8 : Photolangage « qualité du moment » (06.05.19)
Annexe 9 : Obs #69 – Réunion du 26.04.21
Annexe 10 : Suivi des présences en réunion (extrait du grand tableau)

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *