Les relations culturelles internationales au service du rayonnement du territoire lyonnais
L’affirmation d’une identité propre et originale liée au territoire s’appuie incontestablement sur la culture. D’une politique de grands équipements culturels menés dès la fin des années 1980, les élus portent leur attention aujourd’hui sur la promotion de manifestations « très événementielles » : Fête des Lumières, Biennales de Lyon, Festival International du cinéma (Lumière)…. Les instances politiques cherchent ainsi à donner à Lyon l’image d’une ville culturelle innovante, centrée sur les industries créatives et les nouvelles formes émergentes.
Lyon, une ville culturelle innovante ?
Pourtant, Lyon comme beaucoup de grandes villes, a tardé à prendre en compte l’image touristique et culturelle comme facteur d’internationalisation du territoire. Ainsi, selon Renaud Payre, l’image touristique de la ville peine à évoluer. Une enquête réalisée en 1989 auprès d’une cinquantaine d’agences de voyage ou tours opérateurs montrent que les critères d’attractivité de la ville reposent sur : « 100% pour sa gastronomie, 92% pour le tourisme d’affaire, 88% pour les facilités d’accès, 80% pour son environnement (montagne), 58% pour ses quartiers anciens, 12% pour les musées, 16% pour le site urbain, et pour son offre de spectacle » . De fait, à l’exception du tourisme d’affaires, la question de l’offre touristique et culturelle a été reléguée au second plan. Aujourd’hui, les acteurs locaux ont pris conscience des nombreux atouts que recèle le territoire : développement économique, secteur créatif dynamique, reconnaissance de la gastronomie lyonnaise. La ville a ainsi définit sa communication autour de ses atouts. Lyon a souvent été perçue comme un territoire peu dynamique en matière culturelle et refermée sur soi. La ville s’attachait davantage à la valorisation des formes traditionnelles de la culture et la mise en valeur des grands équipements classiques. Ainsi, dans le milieu des années 1950, Marcel Achard soulignait « de toutes les villes au monde, Lyon est la seule qui ait su autant se préserver contre la culture ». De ces années d’inertie dans le domaine de la création contemporaine, la métropole avait accumulé un certain retard vis à vis des capitales et grandes villes étrangères concurrentes. De fait, les premiers efforts portés pat la municipalité vont se concentrer sur les grandes institutions de la vie culturelle lyonnaise. Dès 1987, les anciens abattoirs et marché aux bestiaux, la Halle Tony Garnier, se transforme en salle de spectacles et d’exposition. De même, la ville entreprend la rénovation de l’Opéra national de Lyon, figure de la vie culturelle lyonnaise, et celle du musée des beaux arts de 1990 à 1998. Tandis que dès 1992, la Maisonde la danse déménage dans le 2e arrondissement. Ainsi, l’orientation de sa politique culturelle symbolise la volonté de la municipalité de soutenir tous les arts – spectacle vivant, beaux-arts, arts appliqués, etc. – sur le « modèle » de la capitale parisienne : « Puissante, dynamique, l’agglomération est parvenue à un très haut niveau d’équipement » . La ville dispose aujourd’hui de grandes institutions qui rayonnent hors des frontières à l’image de la Maison de la Danse ou encore de l’Opéra National de Lyon. Depuis les années 1990, la municipalité opère un tournant, en s’attachant davantage à soutenir l’événementiel culturel : Biennale de Lyon, Festival Les Nuits Sonores, Quai du Polar parmi bien d’autres. Enfin la labellisation du centre de Lyon au Patrimoine mondial de l’UNESCO réactive la rénovation des bâtiments et lieux patrimoniaux lyonnais s’inscrivant dans la dynamique d’attractivité touristique et de préservation souhaitée par le « label UNESCO ». Elle s’inscrit également dans la politique de marketing de l’agglomération. Accusant un certain retard dans le dynamisme culturel de la ville, les dernières décennies ont vu Lyon changé de visage, cherchant à être reconnue comme une métropole innovante, axée sur la création contemporaine et l’économie immatérielle. « Lyon s’est construite une « nouvelle image » appuyée sur des manifestations comme les biennales de la danse et de l’art contemporain, les collectifs de musique électronique comme Arty Farty organisateur du festival des Nuits Sonores depuis 2002, la proximité du Centre chorégraphique national de Maguy Marin à Rillieux-la-Pape » . A partir des années 90, la métropole lyonnaise va s’attacher à refaçonner une image adaptée aux nouveaux enjeux de l’économie de la connaissance et de la mise en concurrence entre territoires. Ainsi, début 2004, Gérard Collomb déclarait « Lyon, une ville froide et repliée sur elle- même ? En 2004, nous ferons encore mentir cette vision d’un Lyon étriqué. Car Lyon s’est mise en mouvement. ». La municipalité a fixé son attention sur l’économie de la connaissance et l’accueil d’événements culturels à la pointe de l’innovation. On peut observer que, selon la base statistique du Système d’Information sur les Nouvelles Entreprises de l’INSEE (SINE) sur les créations d’entreprises culturelles, pour la période 1998-2004, la région Rhône-Alpes totalise 7,9% des nouvelles entreprises culturelles implantées sur le territoire, la plaçant en troisième place après Provence-Alpes-Côte d’Azur (11,5 %) et la région Île-de-France (33,7 %).
La métropole serait aujourd’hui la 2e ville artistique de France, selon le Journal des Arts (novembre 2013) . Cette redynamisation du territoire est le fruit d’un tissu culturel dynamique et d’une volonté politique du maire de Lyon, Gérard Collomb. La culture et la création sont donc devenues des véritables atouts pour l’agglomération lyonnaise, une image qui symbolise la créativité du territoire et sa capacité à innover. Dans un édito du magazine de la communauté urbaine de Lyon, intitulée « Pôle de compétitivité et création contemporaine, la formidable énergie d’une métropole européenne » , Gérard Collomb affirme la corrélation entre l’innovation culturelle et le dynamisme industriel de la ville. Vincent Carry, directeur de l’association Arty Farty et du festival Les Nuits Sonores, souligne à cet égard : « Il y a eu dès le début une volonté et une ouverture de Gérard Collomb sur la culture, avec un regard différent, une proximité, et l’envie de faire passer un message. Le fait que Vincent soit proche nous a aidé, mais il a fallu instaurer un climat de confiance dès le début, il y a eu beaucoup de dialogue. Lyon est une ville intéressante du fait que ces citoyens sont vus comme des
personnes assez froides au premier abord alors que c’est une ville attirante et rayonnante.
Nous avons la confiance des politiques, il y a quelques années Lyon était une ville pas du tout dynamique d’un point de vue culturel. Aussi, avec d’autres acteurs locaux nous avons eu très vite la confiance de Gérard Collomb. Aujourd’hui, Lyon fait partie des villes innovantes, qui se bougent, au même titre que Londres, Berlin ou Barcelone. Nous faisons évoluer le paysage chaque année. » . Cependant l’identité culturelle de la métropole s’est donc façonnée en prenant en compte une définition large de la culture en incluant la lumière et la gastronomie. Christine Tollet le souligne ainsi : « la culture (est) entendue dans un sens large en incluant la lumière, la gastronomie… » . La culture, facteur d’internationalisation, est alors entendue dans un sens large, en incluant des manifestations événementielles. Peut-il présager une dérive inquiétante pour le milieu culturel ? Quelle place pour les programmations artistiques exigeantes et risquées dans l’internationalisation des territoires ?
Le rayonnement des grands événements, vitrine de Lyon sur l’extérieur
La visibilité du territoire au-delà des frontières nationales a été particulièrement portée par la médiatisation de grandes manifestations festives. « L’événement culturel médiatisé sert le discours de promotion urbaine à la fois interne et externe, destiné aux citadins et à un public plus large » . En effet, aujourd’hui les événements sont devenus des atouts clés pour le rayonnement d’un territoire. Lyon a ainsi largement investi dans l’ingénierie d’événements culturels. Le soutien aux grandes manifestations médiatiques permet à la municipalité, outre d’accéder à une large visibilité, de promouvoir de nouvelles manières d’intervenir dans le champ culturel. En outre, ces derniers présentent des caractéristiques avantageuses : médiatiques, modulables, offrant une certaine souplesse. « La capitale des Gaules détient une vitrine alléchante, dont le but est de provoquer intérêt et causeries en France et à l’international. C’est également le moyen de prétendre au titre de plus grande cité culturelle française, un terrain sur lequel Lyon bataille. Mais la machine est bien rodée, et il est difficile d’être plus offensif sur le plan de la communication. Ces événements culture « monstre » démontrent que Lyon se donne les moyens de ses ambitions ».
L’attrait pour les manifestations événementielles peut s’observer par l’intérêt qu’elles suscitent dans la presse étrangère autant que par l’ampleur de la fréquentation de ces grands événements. Parmi ces derniers, on peut citer les biennales d’art contemporain et de danse, le festival Lumière, la Fête des lumières ou encore le festival les Nuits Sonores. Trois exemples sont ainsi représentatifs, chacun avec leurs caractéristiques propres, de la culture comme objet de rayonnement international pour le territoire lyonnais. Les biennales de Lyon sont devenues des rencontres très fréquentées par les professionnels et médias nationaux et internationaux. Chaque année, ces manifestations drainent un public et des professionnels nombreux. Avec un budget de 9 millions d’euros, la biennale d’art contemporain par exemple fait figure de poids lourd dans le milieu de l’art contemporain. Le journal Rue 89 le rappelle : « La Biennale de Lyon, en plus d’être concrète, peut, elle, se targuer d’être la seule manifestation française à participer au forum international des biennales. Sylvie Burgat, sa directrice, a confié à nos confrères des Échos qu’elle était « la seconde plus importante biennale d’art en Europe après Venise et dans le top 5 mondial » . Autre événement majeur l’agglomération lyonnaise est le festival Les Nuits Sonores, organisé par l’association Arty Farty. Créé il y a douze ans, le festival des Nuits Sonores a acquis une renommée mondiale avec 80 000 spectateurs par an. Le festival est devenu très repéré dans les régions étrangères : « De plus en plus la culture électronique représente la France à l’étranger. Ils veulent des projets arty » confirme Christine Tollet, chargée du développement et des relations internationales à la Direction des Affaires culturelles de la ville de Lyon. La ville a également acquis une certaine reconnaissance grâce à la Fête des lumières. Si cette dernière est issue d’une tradition ancienne, c’est en 1989 qu’elle prend sa forme actuelle avec 4 jours de festivités autour de jeux de lumière et autres animations. La fête des lumières attire désormais plus de 4 millions de visiteurs en 2012. En conséquence, la municipalité est très sollicitée pour son expertise sur les artistes labellisés « lumière », comme le rappelle Christine Tollet : « Liepzig a souhaité faire venir un artiste lumière, programmé à la fête des lumières » . La notoriété des événements culturels a permis à la ville de nouer des collaborations internationales avec d’autres métropoles européennes.
En outre, la presse étrangère témoigne du nouveau dynamisme de la ville en matière culturelle. On peut ainsi citer le journal Courrier International qui a publié en une un article « Lyon vue par la presse étrangère » . L’hebdomadaire français dresse un portrait du « modèle lyonnais » qui « su faire rimer diversité et modernité». La Biennale de la danse, Fête des Lumières, Opéra, Institut Lumière, et bien sûr la gastronomie, font de la ville un pôle culturel attractif selon le journal. Ainsi, Lyon a fait l’objet en 2012 d’un article dans le grand quotidien américain, le New York Times, qui dresse un portrait de Dominique Hervieu, nouvelle directrice de la Maison de la danse et de la Biennale de la danse. Selon la journaliste Roselyn Lucas, la Biennale serait « une procession inspirée » et ajoute : « La programmation offre toujours un mélange démocratique de compagnies locales et internationales, de grands noms, de danseurs moins connus et de styles allant du ballet à la breakdance ».. De même, La Fête des Lumières fait régulièrement les honneurs des journaux étrangers. Ainsi, selon le quotidien britannique, The Daily Telegraph, lors de la fête du 8 décembre témoigne « c’est la ville entière qui devient un tableau vivant » . Si la vision des journaux étrangers doit être relativisée, elle prouve néanmoins l’intérêt que suscite Lyon sur la question culturelle. C’est le journal de Süddeutsche Zeitung, l’un des grands quotidiens allemands, qui apporte la description la plus juste. Le journaliste loue une ville « impressionnante », qui « soutient la comparaison au niveau européen », tout en soulignant que celle-ci intéressante est encore trop méconnue en Europe. Il observe également une persistante rivalité avec la capitale : « L’inauguration en 2005 du système de location du vélo urbain – le Vélo’V – est passée tellement inaperçue que, deux ans plus tard, les Vélib’ parisiens faisaient figure de pionniers dans les médias » ».
Des acteurs culturels présents sur la scène européenne et internationale
Cet engouement pour la vie culturelle lyonnaise a dépassé les frontières nationales, au point de devenir une scène reconnue sur la scène étrangère. « La culture c’est ce qui fait parler d’un territoire, attire les entreprises. C’est ce qui permet d’exporter un territoire. Ce qui fait parler d’une ville c’est l’attractivité culturelle (…) c’est une priorité de faire connaître la culture, la culture entendue dans un sens large en incluant la lumière, la gastronomie » . Sans attendre les nouvelles vagues de la gouvernance des villes, le secteur culturel et artistique s’est depuis longtemps ouverts vers l’ailleurs, accueillant des artistes de tous horizons, initiant des projets d’échanges, dialoguant au sein de réseaux.
La culture, un secteur intrinsèquement ouvert vers l’ailleurs ?
Face à la mondialisation et à la circulation des idées et des artistes, les acteurs culturels n’ont pas attendu les objectifs d’attractivité de la ville pour s’épanouir à l’étranger. Ce constat peut s’expliquer grâce à des logiques professionnelles internes et externes au secteur. Cependant, le tissu culturel se saisit de l’enjeu international de manière extrêmement diverse, révélant une grande fragmentation du milieu. Ces expériences témoignent alors de leur caractère polycentrique et contrasté, ne faisant pas l’objet d’une structuration au sein du champ culturel lyonnais.
Des logiques internes et externes favorisant les échanges
Selon Guy SAEZ et Jean-Christophe POIROT, « L’ouverture à l’international est une manifestation de la dynamique professionnelle » . De fait, l’ouverture vers l’étranger des opérateurs culturels peut s’expliquer, d’une part, par le travail orchestré par les programmateurs artistiques. Nombre de directeurs artistiques et programmateurs sont régulièrement invités à voyager à l’étranger à la fois pour rencontrer leurs homologues, observer la scène artistique étrangère et établir leur choix de programmation. A cet égard, Cathy Bouvard, directrice déléguée aux Subsistances, précise : « Tu rencontres des gens, tu vas à l’étranger » est une des missions importantes du rôle de directeur. Ainsi, les connaissances du milieu culturel étranger et les réseaux auxquels appartient le directeur de structure joue un rôle prépondérant dans l’inscription d’un événement ou d’une structure à l’extérieur des frontières nationales. L’exemple du directeur de l’Opéra de Lyon, Serge Dorny, est particulièrement éclairant. A son propos, la Tribune de Lyon souligne « Ils ne sont pas nombreux, les directeurs d’institutions culturelles à assurer seuls une conférence de presse en trois langues simultanées (français, anglais, allemand) devant un parterre de journalistes internationaux. C’est ce que faisait Serge Dorny en février dernier pour annoncer la nouvelle saison de l’Opéra de Lyon. La dimension internationale, c’est certainement une des choses les plus importantes qu’il aura apportée à l’Opéra de Lyon, et donc à la ville. Depuis dix ans, il a coproduit régulièrement des spectacles avec la Scala, Vienne ou le Metropolitan de New York, c’est-à-dire les trois plus grandes scènes lyriques du monde ». De fait, des logiques internes au secteur culturel favorisent la dimension internationale des structures. Cela se matérialise par des échanges de savoir-faire, à l’inscription au sein des réseaux professionnels internationaux. Raphaële Fillon, administratrice des Subsistances, confirme « Ils rencontrent sans arrêt des programmateurs des directeurs de structures, par exemple aujourd’hui Cathy rencontre des programmateurs de Singapour. On est sollicité, mais on n’a pas toujours de temps d’ailleurs, mais on est sollicité par des structures qui viennent de partout. Cathy doit aller au japon. Plus on est repéré, plus on est sollicité ». . En outre, à des logiques internes s’ajoutent des considérations structurelles, liées à la programmation, à l’accueil d’artistes étrangers, voire à la coproduction de créations entre structures de différents pays. Ainsi, une partie importante des institutions offre aux lyonnais une programmation à l’international. Les Subsistances axe sa programmation sur la création contemporaine émergente internationale, tandis que le Théâtre des Célestins, outre les tournées étrangères des créations de Claudia Stavisky, invite de nombreux auteurs étrangers dans ces murs. Ces institutions « classiques » œuvrent de manière profonde au rayonnement du territoire. Citons à ce titre les Subsistances dont l’un des objectifs du contrat signé avec la ville est l’ouverture à l’internationale. Cette dernière est soulignée par les élus lors du débat du Conseil Municipal du 7 juillet 1997 à l’inauguration de la structure. « [Le projet] doit être un pôle de création, d’attraction et de rayonnement pour Lyon, en privilégiant l’artiste par rapport à l’institution ». « Qu’il s’agisse de Berlin avec UFA Fabrik, des Halles de Bruxelles, de Rote-Fabrik à Zurich, de Carbone 14 à Montréal, et on pourrait trouver d’autres exemples, les nouveaux sites culturels semblables à celui que nous voulons créer aux Subsistances fonctionnent […] et apportent à leur ville une nouvelle créativité, une nouvelle connexion avec de nouveaux réseaux. Pour rivaliser avec les grandes villes européennes, un tel équipement est donc nécessaire. » souligne Denis Trouxe, adjoint à la culture.
Par ailleurs, des facteurs externes aux structures culturelles les obligent à penser leurs objectifs et leur mandat en lien avec des enjeux plus globaux. En effet, l’affaiblissement du ministère de la culture et les réformes territoriales qui vont certainement déstabiliser les collectivités territoriales repose la question de l’ouverture à l’international. Si certains acteurs culturels ont dès leur début penser ces enjeux, d’autres s’interrogent désormais sur les possibilités de financement européen. Avec l’essor de l’Union Européenne ainsi que la mise en place de programmes de financement visant le secteur culturel et celui des médias, l’ouverture sur la scène européenne s’est profondément posée pour les acteurs culturels français. De même, le contexte de crise a aussi obligé le milieu culturel à repenser leur modèle économique. L’internationalisation promue par les opérateurs est perçue comme « une forme de coopération entre villes dans un partenariat avec de multiples institutions – Union européenne, Etat, région, etc. – pour accéder à de nouvelles ressources à la fois publiques et privées » . La question européenne est donc devenue un véritable enjeu. Les institutions lyonnaises commencent à penser que la culture et les politiques culturelles ne peuvent plus être pensées à l’échelle nationale mais doivent être discutées à un échelon européen voire international. C’est notamment l’opinion partagée par Vincent Carry, directeur de l’association Arty Farty qui affirme à propos du forum European Lab : « « C’est de rassembler des acteurs qui pensent aujourd’hui que les politiques culturelles au niveau français et européen ne sont plus adaptées à l’époque. » . Cependant, tous les acteurs ne se saisissent pas de ces enjeux de la même manière, voire n’ont pas les ressources humaines et financières, ni les compétences pour s’en saisir.
Des expériences tous azimuts aux contours et objectifs variés
La vie culturelle lyonnaise nous l’avons vu s’est internationalisée progressivement, portée par les grands opérateurs culturels. Cependant, ces derniers se caractérisent par leur extrême hétérogénéité, établissant des relations multiformes sur la scène étrangère, motivées par des logiques et ambitions diversifiées. De même, tous les acteurs culturels n’ont pas l’expérience, ni les moyen d’intégrer la scène’ internationale. Il y a ainsi une réelle fragmentation du milieu culturel local en la matière.
Les expériences à l’international peuvent donc prendre des contours très variés : de l’accueil d’artistes étrangers, au rayonnement international de grands événements locaux, de l’exportation d’événements à l’inscription dans des réseaux culturels. Elle peut également prendre place dans le cadre de dispositifs européens, ou bien faire partie d’une coopération décentralisée avec la ville ou la Communauté d’agglomération. Ainsi, événement à véritable succès, le festival des Nuits Sonores, dédié aux musiques électroniques, a réussi brillamment à s’inscrire à l’international et fait désormais figure d’exemple dans ce domaine. A sa tête, Vincent Carry dirige le festival et sa structure de production : Arty Farty. Cette dernière développe « des activités de direction artistique, de management et d’ingénierie culturelle » . Figure de la culture lyonnaise, Vincent Carry, le directeur d’Arty farty, est une personnalité très insérée sur la scène internationale. Il a considérablement œuvré à l’ouverture du festival vers l’ailleurs en souhaitant « inscrire Lyon sur la carte européenne des cultures électroniques et indépendantes » . Outre la renommée du festival, l’association Arty Farty a développé de multiples projets internationaux, allant de l’accueil d’un grand forum international à l’exportation du festival Les Nuits Sonores à l’étranger. De fait, son inscription à l’international a franchi un nouveau cap puisque depuis 2011, le festival est officiellement labellisé et subventionné par l’Union Européenne. De plus, créé en 2013, la nouvelle plateforme European Lab confirme l’ouverture du festival à l’étranger. Cette dernière se présente comme un forum rassemblant 500 personnalités européennes (journalistes, élus, chefs d’entreprises, artistes, acteurs culturels) afin de débattre sur des thématiques variées : les liens entre culture et économie, etc. Selon Vincent Carry, le forum est l’opportunité de débattre de l’avenir de la culture et des politiques culturelles à l’échelon qui est aujourd’hui pertinent : l’Europe. Enfin dernière coopération initiée par Arty Farty est l’exportation du festival au Maroc, créant ainsi un pont artistique entre les deux pays. En 2013, le festival s’est exporté à Tanger. Ce travail a été mené par l’association Arty Farty, connectant les acteurs culturels d’Europe et du Maroc. De même, les deux festivals sont allés plus loin : « Nuits sonores Tanger est le premier événement international sur lequel European Lab s’est exporté, créant ainsi le concept de Lab session, auquel plus d’une vingtaine d’intervenants du Maroc et de France se sont rencontrés » . En retour, l’édition lyonnaise des Nuits Sonores 2013 a accueilli une vingtaine d’artistes marocains. Par ailleurs, la Biennale de la danse est également un autre exemple de coopération bilatérale menée avec une métropole européenne. Suite aux nombreux échanges entre Dominique Hervieu, Directrice artistique de la Biennale de la danse de Lyon et Gigi Cristoforetti, Directeur de Torinodanza qui se rencontraient régulièrement dans les festivals européens, ils ont décidé en 2013 de mener une collaboration ensemble sur leurs festivals respectifs. Ainsi, l’échange artistique entre les deux structures aura pour priorité, en 2014, le développement des publics et la pratique amateur. Le projet le plus ambitieux est la collaboration dans le cadre du Défilé. Ce dernier se compose de 800 participants, dont 400 turinois. Or Turin est une ville partenaire de Lyon, cela s’inscrit donc tout à fait dans la stratégie du territoire. Certaines structures culturelles lyonnaises peuvent s’inscrire également dans des projets européens subventionnés par des programmes de l’Union Européenne. De fait, le Théâtre des Célestins et le Théâtre de Poche ont initié un projet « Territoires en écritures» subventionné par le programme de coopération territoriale INTERREG France-Suisse. Ce dernier contribue au financement de projets transfrontaliers dans de multiples domaines : économie, recherche, formation, aménagement du territoire, services, tourisme et culture. Les deux théâtres « invitent à participer jusqu’en 2015 à différents rendez-vous transfrontaliers mettant à l’honneur ces auteurs français, suisses ou d’ailleurs, leurs œuvres et leur travail sur notre territoire » . Le projet se décline en résidences d’artistes communes, ateliers d’écriture, rencontres et débats, spectacles croisés, etc. Afin de créer une circulation des publics, d’autres temps forts sont organisés, comme des week-ends culturels et touristiques en France et en Suisse, spectacles croisés, colloques).
L’exemple des Subsistances : une structure aux multiples coopérations
L’étude des Subsistances, laboratoire international de création artistique, permet d’observer une structure culturelle particulièrement insérée sur la scène étrangère. Lieu de résidence tourné vers la création internationale, elle a réussi à établir un formidable maillage de structures et coopérations à l’échelle locale, nationale et internationale.
Un lieu dédié à la création contemporaine et à la performance internationale
Créé en 2000 sur le modèle des friches culturelles, comme celle de la Friche Belle de Mai à Marseille, les Subsistances sont devenus au fil du temps un lieu de création institutionnalisé, tout en maintenant une programmation audacieuse et pointue. Consacré au spectacle vivant (danse, théâtre, cirque), Les Subsistances sont un lieu de travail, de création, d’expérimentation et de dialogue avec le public. Après plusieurs successions de directions, Cathy Bouvard et Guy Walter, l’une des personnalités lyonnaises les plus médiatiques, dirigent depuis 2003 le lieu. La fonction première du lieu est d’offrir aux artistes des espaces de travail, un hébergement, et un suivi administratif, technique, financier et intellectuel. « Les mots d’ordre des Subs la discussion avec les artistes, I’ accompagnement, le choix d’être ensemble. Pas de diffusion, ou très peu, de spectacles prêts à I’emploi, mais des coproductions assorties de résidences de recherche plus ou moins longues » . Des longues périodes d’expérimentation sont accordées aux artistes et un réel suivi de la carrière des compagnies est mené par la direction. Ainsi, seul un tiers des équipes artistiques accueillies chaque année sont de nouvelles compagnies, les autres y ont déjà travaillé sous une forme ou une autre. «Les Subsistances soutiennent tous les projets de la compagnie depuis son origine.
C’est précieux d’avoir de tels partenaires sur une longue durée dans notre parcours artistique. C’est aussi un lieu qui tient compte du temps de création et qui met à disposition des artistes des moyens pour la création. C’est rare autant en France qu’à l’étranger» comme le soutient Adrien Mondot, artiste numérique. Par ailleurs, les Subsistances proposent des projets artistiques singuliers en soutenant des formes hybrides, émergentes, multidisciplinaires et innovantes. Trop peu nombreux sont les lieux comme les Subsistances qui produisent ces formes artistiques, associant théâtre, nouvelles technologie, cirque à égalité financière avec les autres formes. De fait Le Monde souligne « A Lyon, le festival des Subsistances fait la part belle aux « nouvelles formes » et aux mélanges des genres » . Des temps forts singuliers ponctuent la saison comme le Festival Mode d’emploi, Aire de jeu, Week_End Ça Va ?. Enfin, outre ses fonctions de centre de production, les Subsistances ont développé une ouverture au public, en associant le public à chaque étape de création : répétitions publiques, débats, projets participatifs, festivals, ateliers de pratique artistique. De plus, la politique tarifaire très basse, avec un tarif unique de 8€pour tous les publics, permet d’accueillir, dans une moindre mesure, un public large et diversifié, dont notamment les jeunes. Selon une étude publique de 2001, le public âgé de moins de 40 ans représente plus de 60% des spectateurs.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 . Le dynamisme du tissu culturel dans le processus d’internationalisation du territoire lyonnais
I. Lyon l’internationale, l’ambition d’une ville
A. L’internationalisation et la métropolisation du territoire lyonnais, deux processus qui s’entrecroisent
B. Les relations culturelles internationales au service du rayonnement du territoire
lyonnais II. Des acteurs culturels présents sur la scène européenne et internationale
A. La culture, un secteur intrinsèquement ouvert vers l’ailleurs ?
B. L’exemple des Subsistances : une structure aux multiples coopérations
Chapitre 2 : Partager les expériences et mutualiser les savoirs à l’international, un enjeu au sein d’un secteur culturel fragmenté
I. Les collectivités territoriales, un rôle de soutien et de structuration du secteur culturel
A. Le développement économique et culturel au cœur de la stratégie politique
B. Le soutien inégal des acteurs politiques aux structures œuvrant à l’international
II. Partager expériences, réseaux et compétences pour améliorer la cohérence des relations culturelles internationales lyonnaises ?
A. Allier coopération locale et internationale : un enjeu à relever
B. Comment mettre en cohérence la diversité des expériences ?
CONCLUSION
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