Le droit des gens comme justice internationale

Politique de domination et de puissance : pourquoi une coopรฉration ne peut รชtre clairement รฉtablie et lโ€™รฉtat de guerre est omniprรฉsent.

Le dialogue entre les Athรฉniens et les Mรฉliens : la puissance comme fondement de lโ€™action internationale

Nous allons commencer notre argumentation avec la prise de ce que nous appellerons le ยซ bloc unitaire ยป, cโ€™est-ร -dire un bloc dรฉlimitรฉ lรฉgitime ร  prendre une dรฉcision qui vaut pour tous, comme unitรฉ de base de toute relation extรฉrieure ร  une sociรฉtรฉ politique donnรฉe et dรฉlimitรฉe par plusieurs facteurs. Ces derniers dรฉsignent la population, le territoire, la communautรฉ ou autres. Le terme bloc unitaire a pour rรฉfรฉrent dans lโ€™expรฉrience, les ร‰tats, lโ€™Empire, lโ€™ ร‰tat-nation, la Citรฉ-รฉtat de la Renaissance, la Fรฉdรฉration, la citรฉ grecque, qui en sont les modรจles les plus connus. De cette faรงon, le rapport entre ร‰tats comme unitรฉs politiques indรฉpendantes ne peut, contrairement au rapport intรฉrieur de coopรฉration entre individus sur un fondement donnรฉ, รชtre sujet ร  une analyse simple du lien social ou une assomption de coopรฉration. En effet, la notion de coopรฉration nโ€™est pas prรฉexistante ร  lโ€™analyse philosophique du domaine international. Elle nโ€™en est pas le fondement naturel ou prรฉsupposรฉ. Il est donc nรฉcessaire de se poser la question des relations entre ces unitรฉs.
Une telle relation est, ร  premiรจre vue, absente de tout fondement: guerres, paix, ententes ou anarchies semblent se faire et se dรฉfaire au grรฉ des saisons et des tรชtes. Mais bien loin dโ€™un constat dรฉfaitiste, un principe peut รชtre dรฉgagรฉ du concert chaotique des relations internationales. En dโ€™autres termes, ce nโ€™est pas un chaos total, mais un chaos organisรฉ par la loi du plus fort. Le plus fort peut et doit imposer sa volontรฉ. Cependant, quand nous parlons de force, il est, ici, question de puissance, soit la capacitรฉ dโ€™une unitรฉ ร  agir ainsi que le potentiel dont cette unitรฉ dispose afin dโ€™agir. Une telle thรฉorisation a รฉtรฉ faite par la description du point de vue athรฉnien par Thucydides, dans le Dialogue entre les Athรฉniens et les Mรฉliens.
Afin de mettre ce dialogue en contexte, nous allons en expliquer le cadre. Il dรฉsigne le dialogue diplomatique entre Melos et Athรจnes, par le biais de leurs reprรฉsentants, durant la guerre du Pรฉloponnรจse vers 416 avant J-C. Athรจnes a voulu conquรฉrir lโ€™ile de Mรฉlos qui รฉtait supposรฉe neutre, mais affiliรฉe formellement ร  la ligue de Sparte. Avant de les attaquer et de former un blocus des ressources, les Athรฉniens prรฉfรฉrรจrent dialoguer avec les autoritรฉs afin de nรฉgocier une capitulation pacifique. Les deux reprรฉsentants se sont entretenus, mais les Mรฉliens refusรจrent de se rendre et les Athรฉniens firent un siรจge pour affamer et affaiblir lโ€™รฎle avant de la capturer. Ce dialogue est important, car il expose de faรงon claire la thรฉorie fondamentale des relations de puissance et de la domination qui en suit; ainsi que les caractรฉristiques principales supposรฉes du courant rรฉaliste en relations internationales. En effet, tout le discours athรฉnien tourne autour de plusieurs caractรฉristiques qui sont les suivantes : le postulat dโ€™une anarchie dans les rapports entre blocs unitaires, les rapports de puissances et dโ€™intรฉrรชt ainsi que de sรฉcuritรฉ et finalement, lโ€™appel ร  la logique et la rationalitรฉ. ร€ cela est opposรฉ le point de vue plus idรฉaliste des Mรฉliens qui font appel ร  la justice et au droit de ne pas รชtre soumis pour des justifications de domination et de pouvoir.
La position des Athรฉniens est symptomatique du fondement rรฉaliste des relations internationales dont nous voulons exposer les implications et la lรฉgitimitรฉ. En dโ€™autres termes, les relations entre les ร‰tats seraient fondรฉes sur la puissance qui lรฉgitimerait le recours ร  la guerre et une politique agressive induisant un cadre anarchique des relations internationales. Les ร‰tats seraient dans une position dโ€™anarchie, sans justice ou logique aucunes, au sein des relations, et leurs rapports seraient dictรฉs par la puissance qui lรฉgitime leur action. ร€ cela est opposรฉe une vision mรฉlienne fondรฉe sur la justice. Cโ€™est-ร -dire le droit de ne pas รชtre assiรฉgรฉ sans raison et l’attente de la vengeance des Spartiates comme consรฉquence. De ce fait, le rapport esquissรฉ dans le dialogue permet dโ€™observer les fondements de la thรฉorie rรฉaliste. Fondรฉe sur les faits, elle prend racine dans le cadre conflictuel et lโ€™intรฉrรชt des ร‰tats. Pour elle, les rapports sont dรฉterminรฉs par les intรฉrรชts et par la puissance des ร‰tats. Si un ร‰tat est assez puissant pour accomplir son intรฉrรชt, rien ne lโ€™en empรชche et sโ€™il est confrontรฉ ร  un ร‰tat plus fort, il doit courber lโ€™รฉchine pour ne pas se faire attaquer. Le plus puissant dรฉterminant lโ€™รฉquilibre de la sphรจre internationale. Ainsi, par la narration du dialogue Thucidy des a rรฉussi ร  dรฉpeindre cette position thรฉorique qui a pour รฉlรฉments principaux lโ€™anarchie entre ร‰tats et la puissance lรฉgitimant lโ€™action. Mais cette position thรฉorique est-elle justifiable ?
En effet, au-delร  du constat, pouvons-nous adopter ce simple constat dโ€™anarchie, de puissance et dโ€™intรฉrรชt comme fondement des relations internationales ? ร€ premiรจre vue, les trois variables intรฉrรชt, anarchie, puissance – se justifient dโ€™elles-mรชmes. Le constat fondamental รฉtant que les ร‰tats ont des intรฉrรชts, la puissance permet, ainsi, de dรฉterminer la capacitรฉ des ร‰tats ร  agir et leur poids international et de ce fait, la viabilitรฉ de ces intรฉrรชts. De lร , la situation ne peut quโ€™รชtre anarchique et afin de mener ร  bien ses intรฉrรชts, lโ€™ร‰tat a besoin dโ€™user de sa puissance et est lรฉgitime ร  le faire. De ce fait, et face ร  ce constat de la nature intรฉressรฉe des ร‰tats et lโ€™usage lรฉgitime de sa puissance, nous pouvons induire une situation anarchique, induisant par la mรชme que le seul ordre ร  suivre est lโ€™ordre de la puissance des diffรฉrents blocs. Comme lโ€™expose lโ€™envoyรฉ athรฉnien :
Non, chacun dโ€™entre nous doit exercer la puissance quโ€™il pense vraiment pouvoir exercer, nous savons et vous savez que, dans le royaume humain, la justice est appliquรฉe uniquement entre ceux qui peuvent รชtre รฉgalement contraints par elle, et que ceux qui ont la puissance lโ€™utilisent, alors que les faibles font des compromis.
Cโ€™est, en quelques mots, la loi du plus fort en situation dโ€™anarchie. Mais quโ€™en est-il des guerres de coalitions ? En effet, une coalition est un exemple qui va ร  lโ€™encontre de la logique de puissance, car plusieurs ร‰tats mettent leurs intรฉrรชts de cรดtรฉ pour sโ€™unir. Mais cela nโ€™est pas vraiment le cas, comme nous pouvons lโ€™exposer par une premiรจre analyse. La coalition, par exemple, des Athรฉniens et celle des Spartiates sont des coalitions dโ€™intรฉrรชts. Loin dโ€™รชtre des sacrifices pour le plus fort, cโ€™est sur un modรจle gagnant-gagnant qui se formule. Dโ€™un cรดtรฉ, les ร‰tats ร  faible puissance se rรฉunissent sous la banniรจre dโ€™un des deux acteurs les plus forts, de lโ€™autre, le plus puissant a des intรฉrรชts dans la formation dโ€™une coalition afin de concentrer plus de puissance et mieux accomplir ses intรฉrรชts.
Ainsi, il semble quโ€™un fondement correct des relations internationales serait celui de la puissance sous-tendue par le contexte anarchique et la logique dโ€™intรฉrรชt. Mais une situation de contre exemple est, ici, ร  notifier, situation qui vient mettre en difficultรฉ cette vision du fondement des relations internationales. En effet, cette logique remet en cause le choix dโ€™agression athรฉnien fondรฉ sur lanรฉcessitรฉ et sur lโ€™intรฉrรชt de capturer Mรฉlos.
La stratรฉgie athรฉnienne semble รชtre, ร  premiรจre vue, irrรฉprochable. Mais plusieurs รฉlรฉments viennent remettre en cause cette vision qui se rรฉvรจle si ce nโ€™est caduque, du moins simpliste, de la position rรฉaliste. En effet, le fondement de la lรฉgitimitรฉ de la thรจse sur la puissance malmรจne le principe de lโ€™intรฉrรชt des ร‰tats dans le cas athรฉnien. En effet, si cet acte รฉtait justifiรฉ par lโ€™intรฉrรชt tirant sa lรฉgitimitรฉ dans la puissance, Athรจnes nโ€™aurait pas fait capituler cette รฎle. Sur le court terme, elle est isolรฉe et faible, ne posant pas un rรฉel danger ร  lโ€™รฉpoque athรฉnienne. De ce fait, lโ€™usage de la rhรฉtorique de lโ€™intรฉrรชt sous-tendant la prise de la puissance comme principe se trouve confrontรฉ ร  un intรฉrรชt qui est, lui-mรชme, limitรฉ. Il est donc nรฉcessaire de se questionner sur la prise de la puissance, comme fondement lรฉgitime des relations internationales. Si nous essayons dโ€™analyser lโ€™action des Athรฉniens en termes de politique ayant pour fondement la puissance, nous en observons lโ€™inadรฉquation. En effet, la consรฉquence dโ€™un usage de la puissance, comme fondement, induit un aveuglement, quant ร  lโ€™intรฉrรชt rรฉel.

Analyse des thรฉories prรฉ-rรฉalistes sous lโ€™angle des consรฉquences sur le cadre des relations internationales

Il sโ€™agira, ici, dโ€™analyser lโ€™adรฉquation du fondement dans lโ€™intรฉrรชt ou dans la puissance avec le cadre international gรฉnรฉral -cโ€™est-ร -dire le cadre gรฉnรฉral de relations entre les diffรฉrents blocs unitaires- lโ€™รฉtat et la nature des relations. En effet, postuler ces fondements nโ€™est-ce pas dรฉterminer que leย  cadre des relations internationales est chaotique et constamment en guerre ? Pour rรฉpondre ร  cette question, il est nรฉcessaire dโ€™analyser plus en dรฉtail la thรจse de Machiavel, en comparaison ร  celle des Athรฉniens. Cela nous permettra de dรฉterminer si des fondements rรฉalistes induisent forcรฉment un รฉtat de chaos gรฉnรฉralisรฉ, et non de simple anarchie dรฉfinie comme รฉtat de guerre. Dโ€™abord, concernant le cadre du dialogue mรฉlien de Thucydides, il est possible de voir quโ€™une telle doctrine possรจde, ร  la fois, comme consรฉquence un รฉtat chaotique et de domination, ainsi quโ€™une inadรฉquation avec le principe dโ€™รฉgalitรฉ entre puissants professรฉ et de lutte de puissance. Mettre, comme fondement, la puissance au sein des relations internationales ne fait quโ€™engendrer un chaos ou une domination totale. En dโ€™autres termes, si nous mettons la puissance comme fondement lรฉgitimant lโ€™intรฉrรชt dโ€™un acteur et รฉtant source dโ€™intรฉrรชt, cela mรจne ร  une guerre totale. En effet, la volontรฉ dโ€™acquรฉrir plus de puissance et la puissance comme source de lรฉgitimitรฉ ne fait quโ€™augmenter la volontรฉ dโ€™acquรฉrir plus de puissance. Lโ€™exemple dโ€™Athรจnes est assez frappant.
Exceptรฉ la soif de puissance nรฉgligeant les intรฉrรชts et impossible ร  arrรชter, quelle รฉtait la raison pour attaquer Mรฉlos ? Pourquoi ne pas avoir pris de mesures auparavant ? Cela induit donc lโ€™impossibilitรฉ dโ€™une entente entre les ร‰tats qui est, ร  la fois, critiquable de faรงon factuelle et de faรงon thรฉorique. En effet, dรฉsirer toujours plus de puissance en nรฉgligeant lโ€™intรฉrรชt et en plus, procรฉder toujours sous -tout en รฉtant justifiรฉ par- lโ€™approche de la puissance ont pour consรฉquence que le cadre international serait toujours, celui non de lโ€™anarchie, mais du chaos total. Position qui, de plus, ne tient pas la route, quant ร  la situation de la guerre du Pรฉloponnรจse opposant des coalitions de citรฉs avec ร  leur tรชte Sparte et Athรจnes. Si le vรฉritable fondement des relations รฉtait la puissance, cela aurait pour consรฉquence que toutes les villes, en coalition avec une des deux citรฉs, soit dโ€™รฉgale puissance. Si elles ne le sont pas, la plus puissante dominerait automatiquement la moins puissante. Mais si elles รฉtaient dโ€™รฉgale puissance, elles seraient dans une situation dโ€™affrontement et non de coalition. Si nous sortons de cette logique, en parlant, par exemple de lโ€™intรฉrรชt de ces citรฉs ร  rejoindre la coalition, nous ne sommes plus dans une logique de puissance, mais dans une logique dโ€™intรฉrรชt. De plus, ce type dโ€™argumentation revient ร  รชtre en contradiction thรฉorique avec la dichotomie instaurรฉe par la puissance en tant que fondement : domination pour les faibles, justice pour les รฉgaux. En effet, lโ€™envoyรฉ athรฉnien agit comme si Mรฉlos nโ€™รฉtait pas affiliรฉe ร  la coalition spartiate, or elle lโ€™รฉtait. Cela retranscrit que la puissance implique soit la volontรฉ de domination mรชme entre รฉgaux, soit lโ€™aveuglement face ร  la situation rรฉelle. De ce fait, la prise de ce fondement ne permet, ni de comprendre adรฉquatement les relations internationales, ni dโ€™avoir un cadre international idรฉal. Au contraire, la puissance prise comme fondement induit un chaos gรฉnรฉralisรฉ, avec des unitรฉs cherchant ร  imposer leur puissance, entre รฉgaux ou non. Comme expliquรฉ plus haut, cela ne congรฉdie pas la puissance comme concept effectif, mais comme fondement simple et unique des relations internationales. Les analyses utilisรฉes de Machiavel en exposent le statut de fin et dโ€™instrument, mais pas de fondement. Le fondement serait lโ€™intรฉrรชt des ร‰tats, lรฉgitimรฉ par la morale politique, et non par un cadre gรฉnรฉral moral ou de justice.
Les consรฉquences de cette prise de fondement, contrairement ร  celui de puissance, ne semblent pas former, systรฉmatiquement, de guerre de tous contre tous. En effet, prendre lโ€™intรฉrรชt de lโ€™ร‰tat comme fondement des relations internationales semble apporter la rationalitรฉ intรฉressรฉe au sein de lโ€™action รฉtatique. Les guerres, par exemple, ne sont plus faites en fonction d’un critรจre de justice ou de puissance. Elles le sont ร  cause des intรฉrรชts diffรฉrents et divergents des ร‰tats qui se disputent des moyens dโ€™accroitre leur puissance. Ce fondement explique, par exemple, les coalitions entre les ร‰tats qui le font sur un fondement de lโ€™intรฉrรชt quโ€™ils ont ร  se joindre ร  un autre ร‰tat. De ce fait, les rivalitรฉs et les tensions entre ร‰tats sโ€™expliquent par le biais des intรฉrรชts divergents quโ€™ils peuvent avoir. Du moins, dโ€™une faรงon totalement descriptive, le critรจre de l’intรฉrรชt de lโ€™ร‰tat est un bon fondement des relations internationales. En effet, il explique lโ€™action de lโ€™ร‰tat, la possibilitรฉ de coalition, par exemple, dans une guerre, ou encore le fait que certaines guerres ont lieu, sans sโ€™appuyer sur toute une justification de la guerre juste ou injuste. De ce fait, le fondement dans lโ€™intรฉrรชt semble รชtre un bon fondement descriptif des relations internationales, mais quโ€™en est-il du normatif ?
En effet, les consรฉquences d’une telle prise induisent une sorte de chaos entre les ร‰tats. Ils ne peuvent sโ€™entendre que par le biais des intรฉrรชts et aucun autre lien que celui de lโ€™intรฉrรชt nโ€™existe entre les ร‰tats. La coopรฉration effective, ร  ce niveau, sโ€™arrรชte au minimum de lโ€™intรฉrรชt entre les ร‰tats. De plus, lโ€™intรฉrรชt, au niveau de la thรฉorie de Machiavel, ne se borne pas ร  une certaine limite morale ou de justice et induit une domination, de plus en plus grande, au niveau de la puissance et du rapport aux autres ร‰tats. Ainsi, si nous prenons ce fondement, la coopรฉration effective entre ร‰tats nโ€™est que trรจs limitรฉe ร  la coalition dโ€™intรฉrรชts, sans vรฉritable lien entre les diffรฉrents blocs unitaires. Vision qui est lรฉgitimรฉe par lโ€™inexistence de morale autre que celle de lโ€™intรฉrรชt รฉtatique de Machiavel, รฉvacuant toute considรฉration de justice dans lโ€™action politique. De ce fait, dans une dimension normative, prendre lโ€™intรฉrรชt comme fondement induit une situation totalement chaotique des relations entre ร‰tats qui nโ€™interagissent quโ€™en fonction de leur intรฉrรชt pour former des coalitions, ou pour rentrer en guerre les uns avec les autres, si leurs intรฉrรชts divergent. Lโ€™argumentation de l’auteur florentin ne prend pas en compte les consรฉquences des intรฉrรชts conflictuels entre blocs unitaires qui, incontrรดlรฉs, induisent un chaos gรฉnรฉralisรฉ ou une domination totale. Ainsi, ce fondement implique soit la domination dโ€™un bloc unitaire sur les autres de par sa puissance comme lโ€™Empire romain, soit une anarchie gรฉnรฉralisรฉe avec des ร‰tats, ร  puissance รฉgale, qui cherchent ร  sโ€™affronter en fonction de leurs intรฉrรชts. Situation qui, de plus, ne peut pas รชtre rรฉgulรฉe par une morale ou une justice internationale, le dรฉplacement de la morale ร  la morale politique ayant รฉtรฉ fait pour a-moraliser lโ€™action รฉtatique dans la thรฉorie du Florentin.

Entre puissance, รฉtat de guerre et anarchie. Une coopรฉration entre ร‰tats fondรฉe sur ces principes existe-t-elle ?

Lโ€™intรฉrรชt et la puissance comme principes et lโ€™รฉtat de nature comme horizon des relations internationales

Face au premier constat de la sphรจre internationale comme sphรจre du chaos, il est nรฉcessaire dโ€™รฉtudier, plus en profondeur, ce fondement rรฉaliste, qui mรจne ร  premiรจre vue ร  des consรฉquences chaotiques. En effet, le rรฉalisme transcrivant un fondement dans le principe de la puissance et de lโ€™intรฉrรชt est-il synonyme dโ€™un chaos international ? Cโ€™est ce ร  quoi semblent tendre les analyses des deux auteurs prรฉcรฉdents. Mais dโ€™autres analyses, notamment celles tirรฉes du Le viathande Hobbes proposent une autre vision de ce fondement ayant pour consรฉquence la prudence et la sรฉcuritรฉ dans un cadre non chaotique, mais anarchique. Fondement qui, dans la dimension hobbesienne, a pour consรฉquence la lรฉgitimation de lโ€™ร‰tat comme bloc unitaire de rรฉfรฉrence. Cela nous permettra de souligner les points thรฉoriques principaux de la thรฉorie rรฉaliste. De lร , nous proposerons une visionclassique exposรฉe par Hans Morgenthau dans Politics Amongst Nations. Vision fondรฉe sur leprincipe de lโ€™intรฉrรชt comme puissance dont il faut exposer la substance et la lรฉgitimitรฉ.

Critique de lโ€™intรฉrรชt comme puissance pris comme principe et dโ€™un fondement dans lโ€™anarchie

En effet, nous allons analyser cette formulation classique de la thรฉorie rรฉaliste, au sein de la lรฉgitimitรฉ ainsi que la signification mรชme du concept de puissance. ร€ la suite de Morgenthau, plusieurs auteurs rรฉalistes mirent en doute la pertinence du caractรจre fondamental des concepts depuissance et dโ€™intรฉrรชt national. Ce constat est celui dโ€™un rรฉaliste, Raymond Aron. Ce dernier sโ€™attรจle ร  critiquer le concept de puissance qui, selon lui, nโ€™a pas plus de lรฉgitimitรฉ quโ€™un autre concept pour dรฉcrire et rรฉgir la sphรจre des relations internationales. Le concept dโ€™intรฉrรชt comme puissance pris est dโ€™un cรดtรฉ ambigu et de lโ€™autre trop limitรฉ pour avoir une lรฉgitimitรฉ en tant que fondement des relations internationales. Dโ€™abord, son caractรจre ambigu est dรฉterminรฉ par le fait quโ€™il rรฉgit toute lโ€™action, du moyen ร  la fin. Cela sโ€™observe, comme lโ€™expose Aron dans Quโ€™est-ce quโ€™une thรฉorie des relations internationales ? par le caractรจre omniprรฉsent de la puissance : elle est ร  la fois moyen de lโ€™ร‰tat et fin de ce dernier. Dans toute la justification rรฉaliste, lโ€™intรฉrรชt dรฉfini en termes de puissance est, ร  la fois le moyen par lequel lโ€™ร‰tat agit et se confronte aux autres unitรฉs, et la fin de lโ€™action รฉtatique. Tout est entiรจrement tournรฉ vers ce fondement de la puissance en empรชchant donc sa falsification et la transformant en terme ambigu. Lโ€™intรฉrรชt dรฉfini comme puissance, par exemple chez Hobbes, est lรฉgitimรฉ par la sรฉcuritรฉ des individus, par lโ€™augmentation de celle-ci et lacompรฉtition pour la puissance. Si tout est interprรฉtรฉ de la sorte, il faut se questionner sur le sensdโ€™une telle totalitรฉ.
Bien loin dโ€™รชtre un principe qui ait du sens, prendre la puissance comme fondement des relations internationales ne sโ€™avรจre pas intรฉressant au-delร  de la simple dรฉclaration. En effet, si la puissance est en mรชme temps moyen dโ€™acquรฉrir davantage et finalitรฉ, cela ne signifie pas grand-chose au delร de la simple volontรฉ de domination et dโ€™action. En effet, quels seraient, par exemple, les motifsidรฉologiques derriรจre cette puissance, comme le demande Aron ? Cela ne nous apprend rien et ne nous fait rien comprendre. Plus encore, Aron attaque le fondement, dans le mรชme article, dans lโ€™intรฉrรชt national en en exposant la contradiction interne. Dโ€™un cรดtรฉ, elle est ยซ aussi incontestable que vague ยป , de lโ€™autre, elle sโ€™oppose ร  dโ€™autres thรฉories aussi peu pertinentes. Le philosophe prend lโ€™exemple de lโ€™URSS, que beaucoup dรฉsignent comme exemple de bloc unitaire agissant sur la scรจne internationale comme รฉtant motivรฉ par lโ€™intรฉrรชt national, celui de rรฉpandre sa vision du communisme. Cela est une รฉvidence, mais comme lโ€™expose Aron, croire quโ€™ils auraient eu exactement la mรชme diplomatie sโ€™ils avaient suivi dโ€™autres mรฉthodes et dโ€™autres idรฉologies est absurde. De ce fait, parler de fondement dans la puissance ou dans lโ€™intรฉrรชt dรฉfini comme puissance nโ€™a pas grand sens au-delร  de la constatation initiale de lโ€™indรฉpendance et lโ€™existence dโ€™autresentitรฉs similaires. Comme Raymond Aron lโ€™expose: ยซ Les diplomaties de Napolรฉon, de Hitler et deStaline appartiennent-elles au mรชme genre que celle de Louis XIV, dโ€™Adenauer ou de Nicolas II?

Une thรฉorie rรฉaliste irrรฉalisable et trop gรฉnรฉrale ? Analyse des diffรฉrentes critiques concernant la thรจse rรฉaliste

La thรจse rรฉaliste telle quโ€™explicitรฉe plus haut semble fonctionner de faรงon systรฉmatique. La sphรจre extรฉrieure est fondamentale libre, indรฉpendante de toute autoritรฉ centrale, laissant libre court ร  la recherche de lโ€™intรฉrรชt et le dรฉploiement prรฉfรฉrรฉ de la puissance ร  cette fin. Cela permet donc lโ€™imposition de systรจmes multi ou bi polaires distinguant des ร‰tats forts imposant leurs intรฉrรชts et des ร‰tats faibles. Les seules diffรฉrences se situent dans le placement de la puissance, lโ€™intรฉrรชt ou lโ€™anarchie comme fondement. Des trois, et afin de garder lโ€™hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ et le caractรจre libre, lโ€™รฉtat de nature semble รชtre le fondement idรฉal des relations internationales. Mais de lร , plusieurs critiques sont opposables ร  la thรจse rรฉaliste que nous pouvons formuler sur plusieurs pans: la prise en compte dโ€™autres entitรฉs lรฉgitimes que lโ€™ร‰tat qui concentre la reprรฉsentation ร  l’international, lโ€™inadรฉquation thรฉorique entre changement, idรฉologie et systรจme bi ou multipolaires fondรฉs sur la puissance ou encore la faillibilitรฉ de la thรจse pessimiste sur la nature humaine.
Tout dโ€™abord, nous pouvons expliciter le premier pan de la critique quโ€™est le caractรจre hermรฉtique de la prise de lโ€™ร‰tat comme bloc unitaire lรฉgitime. En effet, il est postulรฉ le long des thรจses rรฉalistes que lโ€™ร‰tat ล“uvrait pour lโ€™intรฉrรชt national. Les thรจses rรฉalistes classiques semblent aller vers le fondement de lโ€™intรฉrรชt national dans lโ€™accumulation de puissance, sous-tendu par des considรฉrations de la nature humaine comme รฉtant intrinsรจquement mauvaise. Cependant, cette caractรฉristique nโ€™est soutenue par aucune รฉtude empirique, la dรฉtermination de la nature humaine a priorinโ€™รฉtant pas la description du comportement humain dans une sociรฉtรฉ donnรฉe. Plus encore, la prise de lโ€™intรฉrรชt comme unitรฉ connue comme une รฉvidence par lโ€™ร‰tat est branlante. Par exemple, Dario Battistella expose la dรฉbรขcle des auteurs rรฉalistes, quant ร  savoir si lโ€™intรฉrรชt รฉtait en jeu au Vietnam. Kissinger affirmant que non, Morgenthau que oui, alors que les deux auteurs sโ€™accordent sur la mรชme thรฉorie de la recherche de la puissance comme intรฉrรชt. De ce fait, ร  la maniรจre dโ€™Aron il est possible dโ€™exposer lโ€™intรฉrรชt national comme ยซโ€ฆ le but dโ€™une recherche, non un critรจre dโ€™action. ยป En dโ€™autres termes, la puissance est certes recherchรฉe pour assoir son intรฉrรชt au niveau extรฉrieur, mais quel est exactement cet intรฉrรชt ? Aron pose cette recherche de lโ€™intรฉrรชt, dans la pluralitรฉ des objectifs atteignables par une unitรฉ politique, ainsi que dans les moyens disponibles; ร  cela sโ€™ajoute, la dualitรฉ entre puissance ร  lโ€™extรฉrieur et bien commun ร  lโ€™intรฉrieur. De ce fait, le constat simplistede la recherche de lโ€™intรฉrรชt dรฉfini comme puissance est beaucoup trop rรฉducteur comparativement ร  la pluralitรฉ du bien commun et des objectifs quโ€™il est possible de viser. De lร , il est possible de questionner la dรฉtermination et la lรฉgitimitรฉ de cet intรฉrรชt national. Qui le dรฉtermine ? Est-ce le reprรฉsentant, lโ€™individu ou le parti ? La notion dโ€™intรฉrรชt national se retrouve bien mise ร  mal. De ce fait, la supposition de lโ€™unitรฉ รฉtatique sโ€™en retrouve plus mise ร  mal parce quโ€™elle รฉjecte via les critรจres rรฉalistes toute la dimension incombant ร  la Sociรฉtรฉ ou ร  lโ€™individu, quant ร  lโ€™intรฉrรชt national.
La question de lโ€™intรฉrรชt expose donc la question de la dรฉtermination de lโ€™intรฉrรชt et de la prise de dรฉcision. En dโ€™autres termes, la dรฉtermination de lโ€™intรฉrรชt, ses facteurs de dรฉtermination et le mode d’action ร  lโ€™รฉchelle internationale sont nรฉgligรฉs dans la mise en place thรฉorique des relations internationales. De ce fait, mรชme si le fondement reste intact, le dรฉveloppement dโ€™une telle thรฉorie et ses consรฉquences, sur une justice internationale liรฉe ร  la puissance, se profile comme ambigu. Dโ€™autre part, une critique se profile concernant la puissance et la lรฉgitimitรฉ de son usage par lโ€™ร‰tat seul. La thรฉorie rรฉaliste suppose que le seul acteur รฉtant en possession de la puissance est lโ€™ร‰tat ou un bloc unitaire similaire. Mais dโ€™un point de vue factuel, plusieurs autres formes existent et peuvent proposer un affrontement vรฉritable contre des ร‰tats. En tรฉmoigne, par exemple, la guerredu Vietnam de 1955 ร  1975, oรน les ร‰tats-Unis ont perdu contre lโ€™acteur violent non-รฉtatique quโ€™รฉtait lโ€™armรฉe populaire vietnamienne, soutenue uniquement de faรงon matรฉrielle par les opposants รฉtatiques des ร‰tats-Unis. Cela montre lโ€™existence factuelle dโ€™autres acteurs dans la sphรจre internationale. Un autre exemple, effectif pour exposer le faux monopole de la puissance de lโ€™ร‰tat et de sa domination sur la scรจne internationale, se trouve dans le coup dโ€™ร‰tat du 11 septembre 1973 contre le prรฉsident Salvador Allende par les militaires chiliens aidรฉs par la CIA qui dรฉstabilisa le pays et par les entreprises ITT et Anaconda Copper qui aidรจrent ร  la mise en place de la stratรฉgie. De ce fait, une certaine inadรฉquation sโ€™expose au sein des relations internationales, si le cadre nโ€™est que lโ€™ร‰tat hermรฉtique. Il est considรฉrรฉ comme lรฉgitime et plus puissant, capable de mettre un terme BATTISTELLA Dario, Thรฉories des relations internationales, 2015, Paris, Sciences Po Les Presses,

Le paradigme

ARON Raymond, Paix et guerre entre nations, op.cit, p. 288. ร  dโ€™autres formes non-รฉtatiques. Mais bien loin dโ€™รชtre vraie, une des critiques possibles revient ร  exposer lโ€™impossibilitรฉ de circonscrire la sphรจre internationale ร  lโ€™ร‰tat de faรงon exclusive. Bien que lโ€™exemple nโ€™attaque pas frontalement la lรฉgitimitรฉ de lโ€™ร‰tat comme acteur de rรฉfรฉrence, il montre la nรฉcessitรฉ de repenser cet ร‰tat comme donnรฉe plus grande que le simple et unique acteur hermรฉtique prรฉsentรฉ dans les thรฉories rรฉalistes. Les remises en cause de la puissance et de lโ€™intรฉrรชt national exposent des contre-exemples au dรฉveloppement trop simpliste de la thรฉorie rรฉaliste. La prise de lโ€™unitรฉ รฉtatique seule et opaque est donc remise en cause par la dรฉtermination de lโ€™intรฉrรชt ainsi que par la remise en cause du monopole, de la lรฉgitimitรฉ de la puissance et de son avantage comparatif ร  ce niveau.
Le deuxiรจme volet de la critique est celui des consรฉquences dโ€™une interprรฉtation rรฉaliste de lโ€™anarchie sur les relations internationales. En effet, selon la thรฉorie rรฉaliste les relations interรฉtatiques ne seraient dictรฉes que par des considรฉrations de puissance. Cela a deux consรฉquences. La premiรจre dรฉconsidรจre totalement le fondement idรฉologique au sein des relations internationales et au sein des ร‰tats dans ces relations. Si nous nous attelons ร  une recherche normative du fondement des relations internationales et de la possibilitรฉ dโ€™une justice internationale, il est nรฉcessaire dโ€™aller au delร  du constat de puissance pour trouver ce qui peut le mieux fonder les relations internationales et la justice internationale. Dire que lโ€™anarchie fonde cela nโ€™est quโ€™un postulat de libertรฉ des ร‰tats; la puissance comme mode dโ€™action y est considรฉrรฉe comme une faรงon idรฉologique de penser les relations entre ร‰tats et non comme moyen de relation. Celles-ci ne se feraient que du faible au fort.
Mais si cโ€™รฉtait vraiment le cas, comment expliquer que des blocs unitaires refusent dโ€™obtempรฉrer,mรชme si elles sont objectivement plus faibles ou mรชme si elles sont alliรฉes avec le plus fort ? Le cas de la France refusant la guerre dโ€™Irak en 2003 est assez frappant. Lโ€™ร‰tat se positionnant frontalement en opposition contre le bloc largement plus puissant durant cette รฉpoque. Plus encore, il semble difficile dโ€™expliquer, si nous rรฉflรฉchissons uniquement en termes de puissance, la possibilitรฉ de coopรฉration et dโ€™alliance de paix entre les ร‰tats. La dimension idรฉologique est effacรฉe par la thรฉorie rรฉaliste. En dโ€™autres termes, la thรฉorie rรฉaliste qui dรฉcoule de la prise en considรฉration de lโ€™anarchie, comme fondement des relations internationales, efface toute dimension idรฉologique, ร  part celle de la puissance qui nโ€™est, initialement, quโ€™un moyen. Ces auteurs tentent de forcer lโ€™interprรฉtation en systรจme rรฉgi par la puissance. Une coopรฉration ne naitrait, par exemple, que par des dynamiques de puissance. Mais une telle analyse semble oublier tout le pendant idรฉologique des ร‰tats et le rรดle de lโ€™idรฉologie dans les actions รฉtatiques. Elle impose la coopรฉration et la domination par des volontรฉs de puissance, sans essayer dโ€™analyser les raisons sous-jacentes et les possibilitรฉs de coopรฉrations รฉgales, non pas tant sur des considรฉrations de puissances que sur des considรฉrations idรฉologiques. En dโ€™autres termes, le fondement des relations internationales, celui de lโ€™anarchie est – si ce nโ€™est ร  remettre en cause comme concept des relations internationales face ร  ces critiques – au moins ร  mieux situer, et ร  en analyser plus en profondeur sa lรฉgitimitรฉ. De ce fait, le constat actuel est que le fondement dans lโ€™anarchie a pour consรฉquences une vision -erronรฉe et simpliste- fondรฉe sur la puissance et ne pouvant aller au-delร . Il est donc nรฉcessaire dโ€™analyser ร  nouveau la thรจse dโ€™anarchie comme fondement des relations internationales pour en dรฉterminer ses consรฉquences.

Vers un fondement dโ€™anarchie libรฉrale des relations internationales ? Une analyse du glissement possible de lโ€™ร‰tat aux Sociรฉtรฉs et de lโ€™anarchie comme รฉtat de guerre ร  lโ€™anarchie comme รฉtat de nature

Lโ€™anarchie implique-t-elle automatiquement un รฉtat de guerre ?

Dans la partie prรฉcรฉdente, nous avons soulevรฉ lโ€™importance de lโ€™anarchie comme fondement au sein des relations internationales. Mais les consรฉquences qui en dรฉcoulent sont pour le moins contestables. Face ร  la faillibilitรฉ du dรฉveloppement et des consรฉquences de ce postulat, il est nรฉcessaire dโ€™analyser ce fondement dans lโ€™anarchie. Les ร‰tats ou blocs unitaires sont fondamentalement libres au sens oรน ils nโ€™ont pas, au-dessus dโ€™eux, un pouvoir ou entitรฉ supรฉrieure lรฉgitime ร  la maniรจre du souverain sur les individus. Cependant, contrairement aux individus rรฉgis par leurs passions, les ร‰tats doivent รชtre rรฉgis par la raison et la recherche de la meilleure maniรจre de sรฉcuriser les intรฉrรชts de leurs individus. De ce fait, bien loin dโ€™une anarchie internationale ร  lamaniรจre dโ€™une guerre de chacun contre chacun, mais dans lโ€™impossibilitรฉ conceptuelle dโ€™aller au delร  du fondement dans lโ€™anarchie, nous pouvons postuler que les ร‰tats sont dans une anarchie de diffรฉrente nature que celle que nous avons exposรฉe. En effet, les ร‰tats sont des unitรฉs,fondamentalement libres, dans le systรจme international, mais aussi libres soient-elles, cela nโ€™implique pas, pour ces blocs unitaires, un รฉtat de guerre systรฉmatique. Leur libertรฉ et lโ€™absence dโ€™autoritรฉ centrale en des termes politiques impliquent quโ€™ils sont dans un รฉtat de nature, une anarchie. Au-delร  de cette anarchie initiale, rien nโ€™implique que les relations seront automatiquement conflictuelles ร  la maniรจre dโ€™un รฉtat de nature hobbesien. En effet, pensant en des termes dโ€™intรฉrรชts et en termes de raison, non en terme uniquement de passion, les ร‰tats nโ€™entrent pas automatiquement dans un รฉtat de guerre. Il nโ€™y a pas de prรฉsupposรฉ impliquant, ร  la maniรจre de la nature humaine hobbesienne, un รฉtat de guerre potentiel. Chaque ร‰tat ล“uvre pour son intรฉrรชt et avec sa puissance, mais est limitรฉ par la raison et par son existence, diffรฉrente de lโ€™existence humainesimple. De ce fait, si ingรฉrence de la raison il y a, le rapport entre les diffรฉrents blocs unitaires seretrouve altรฉrรฉ. Les ร‰tats sont libres, mais agissants par rapport ร  la raison pour diffรฉrentes justifications, ils nโ€™en sont pas, pour autant, indรฉpendants les uns par rapport aux autres. Il est important de noter quโ€™il nโ€™est pas nรฉcessaire dโ€™apprรฉhender lโ€™ร‰tat ร  la maniรจre hobbesienne pour penser lโ€™anarchie de la sorte. Lโ€™ร‰tat comme fondamentalement libre est une conception qui est dans la nature de tout bloc unitaire, quel quโ€™il soit. Lโ€™ร‰tat ne doit pas uniquement et ne peut pas penser quโ€™en termes de puissance et de passion. Cela a pour consรฉquence, sur lโ€™anarchie, de postuler des blocs unitaires qui agissent entre eux par le biais de la raison par le calcul de lโ€™intรฉrรชt. Le seul changement avec la thรจse rรฉaliste, รฉtant, ici, un changement de point de vue. Lโ€™anarchie nโ€™est plus comprise ici comme une donnรฉe permanente, celle de lโ€™รฉtat de guerre obligatoire et lโ€™usage de la puissance, mais comme une thรจse mouvante ou รฉvolutive qui a pour point de dรฉpart la libertรฉ dโ€™individus raisonnรฉs. De ce fait, il semble falloir plaider pour une anarchie existante, mais neย dictant pas, obligatoirement, un รฉtat de guerre. Une telle version de lโ€™รฉtat de nature, commenโ€™impliquant pas un รฉtat de guerre, est dรฉcelable chez des auteurs comme John Locke que nouspouvons prendre en exemple pour exposer lโ€™importance de la raison.

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Table des matiรจres

Introductionย 
I/ Coopรฉration ou domination ? ร‰tude du fondement possible des relations entre ร‰tats libres comme fondement des relations internationales
A/ Politique de domination et de puissance : pourquoi une coopรฉration ne peut รชtre clairement รฉtablie et lโ€™รฉtat de guerre est omniprรฉsente
1. Le dialogue entre les Athรฉniens et les Mรฉliens : la puissance comme fondement de lโ€™action internationale
2. Un fondement dans lโ€™intรฉrรชt et non dans la puissance ? Analyse des propos de Machiavel
3. Analyse des thรฉories prรฉ-rรฉalistes sous lโ€™angle des consรฉquences sur le cadre des relations internationales
B/ Entre puissance, รฉtat de guerre et anarchie. Une coopรฉration entre ร‰tats fondรฉe sur ces principes existe-telle ?
1. Lโ€™intรฉrรชt et la puissance comme principes et lโ€™รฉtat de nature comme horizon des relations internationales
2. Critique de lโ€™intรฉrรชt comme puissance pris comme principe et dโ€™un fondement dans lโ€™anarchie
3. Une thรฉorie rรฉaliste irrรฉalisable et trop gรฉnรฉrale ? Analyse des diffรฉrentes critiques concernant la thรจse rรฉaliste
C/ Vers un fondement dโ€™anarchie libรฉrale des relations internationales ? Une analyse du glissement possible de lโ€™ร‰tat aux Sociรฉtรฉs et de lโ€™anarchie comme รฉtat de guerre ร  lโ€™anarchie comme รฉtat de nature
1. Lโ€™anarchie implique-t-elle automatiquement un รฉtat de guerre ?
2. Un fondement normatif idรฉaliste libรฉral ? La question de lโ€™intรฉrรชt et de lโ€™action รฉtatique sous le prisme de lโ€™individu et de la sociรฉtรฉ
3. Vers une coopรฉration au sein dโ€™une sociรฉtรฉ internationale: un fรฉdรฉralisme dโ€™ร‰tats libres ?
II/ Coopรฉration des sociรฉtรฉs internationales: une question de pluralisme et des diffรฉrentes normes
A/ Des sociรฉtรฉs qui sont ancrรฉes dans une culture et un territoire impliquant une remise en cause de la possibilitรฉ de coopรฉration sur un fondement commun
1. Une impossible uniformisation : critique du point de vue de lโ€™unitรฉ du monde
2. Vers un pluralisme des grands espaces: analyse des prรฉsupposรฉs de Schmitt et de sa solution face ร  lโ€™unitรฉ mondiale
3. Le modรจle schmittien au regard du pluralisme : consรฉquences et critiques
B/ Vers une comprรฉhension plus libรฉrale de la coopรฉration entre sociรฉtรฉs : Le droit des gens de Rawls et le fondement des relations internationales par le biais des principes libรฉraux
1. ร€ la recherche d’une utopie rรฉaliste : la volontรฉ des peuples ร  une coopรฉration juste ร  lโ€™international
2. La formulation libรฉrale du droit des gens : entre coopรฉration et stabilitรฉ
3. Typologie des sociรฉtรฉs : un pluralisme sous lโ€™รฉgide de la justice
C/ Un fondement libรฉral, est-il philosophiquement viable au sein des relations internationales ? Analyse de la thรฉorie tant bien au niveau des principes libรฉraux au sein des relations internationales que de la faรงon de comprendre lโ€™anarchie dans cette sphรจre
1. Une stabilitรฉ idรฉalisรฉe ou une anarchie contrรดlรฉe ? Analyse de la coopรฉration rawlsienne
2. Analyse de la sphรจre internationale rawlsienne : le cas des ร‰tats-voyous
III/ Quel critรจre et quel fonctionnement pour cette justice internationale ?
A/ Une justice internationale selon quel critรจre ? Analyse du critรจre et de la dimension dโ€™une justice internationale
1. Le droit des gens comme justice internationale
2. Une justice distributive justifiant le principe de justice internationale
B. Analyse de la nรฉcessitรฉ d’une formalisation dans un droit international et d’une dรฉfense de la justice internationale face aux critiques de domination et dโ€™universalisme
1. La nรฉcessitรฉ de lโ€™inscription de la justice internationale dans le droit international
2. La mรฉtaphore du sauvage, de la victime et du sauveur : un universalisme nuisant ร  la thรฉorie rawlsienne ?
3. Un droit universellement relatif ? Un droit international ร  l’image du droit des gens libรฉral
4. Une domination structurelle au sein de la justice internationale ?
Conclusion
Bibliographieย 

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