Le dopage du silicium par implantation au phosphore : conséquences des défauts produits et modélisation

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Diffusion des dopants et limites du dopage dans le silicium

Le silicium monocristallin subit des traitements thermiques (ou recuits) au cours de la fabrication d’un dispositif à semi-conducteur. Naturellement, les dopants diffusent pendant ces recuits. Un desideratum souvent rencontré dans l’industrie de la microélectronique est de maximiser la proportion de dopants ionisés (en position substitutionnelle) tout en limitant leur diffusion.

Diffusion des dopants

Considérons un profil de dopants non-uniforme dans la direction ?. Au cours des recuits, le profil tend à s’uniformiser sous l’effet de la diffusion. Le flux de dopants à une profondeur donnée est proportionnel au gradient de concentration (loi de Fick) :
Où ??0 est un préfacteur et ?? la barrière énergétique de diffusion du dopant ?. La Figure 5 illustre l’évolution du coefficient de diffusion des principaux dopants avec la température. ?? varie de 9 ordres de grandeur pour une gamme de température s’étendant de 700 °C à la température de fusion du silicium (1414 °C). Le phosphore a un coefficient de diffusion 3 à 30 fois plus grand que celui de l’arsenic et de l’antimoine sur la gamme de température étudiée. La différence est moins significative pour les dopants de type ?, le bore et l’indium présentant des barrières énergétiques plus proches (3,645 eV et 3,668 eV respectivement).
A l’échelle atomique, les dopants présentés dans la Figure 5 diffusent par l’intermédiaire des défauts ponctuels (lacunes et auto-interstitiels) [Pichler 2012]. Soit ?? un dopant en position substitutionnelle, ? une lacune, ? un auto-interstitiel, ?? un dopant en position interstitielle, ?? un atome de silicium de la structure diamant, ?? une paire dopant/auto-interstitiel et ?? une paire dopant/lacune. Les mécanismes régissant la diffusion de ces dopants sont décrits par les réactions suivantes :
Les deux premières réactions traduisent des mécanismes par paires : les complexes ?? et ?? sont mobiles et migrent un certain temps avant de se dissocier. Le dopant en position substitutionnelle ainsi que le défaut ponctuel sont alors réintroduits à une certaine distance de leur position d’origine. La troisième réaction traduit le mécanisme « kick-out ». L’unique différence avec la seconde réaction est que l’auto-interstitiel vient prendre la place du dopant au lieu de se lier avec ce dernier sous forme d’une paire.
Où ??? et ??? sont les coefficients de diffusion des paires, ???+ et ???+ les fréquences de couplages (cm3.s-1) entre le dopant substitutionnel et le défaut ponctuel, et ???− et ???− les fréquences de dissociation des paires (s-1). L’équation Eq. 5 met clairement en évidence la dépendance du coefficient de diffusion vis-à-vis des concentrations de défauts ponctuels. En pratique, les dopants diffusent bien moins vite que les paires car ils doivent attendre l’arrivée d’un défaut ponctuel pour migrer [Cowern 1991, Cowern 2000]. Ainsi, ?? << ??? et donc ???+[?] << ???− où ? = ? ou ?. Ainsi, nous ferons souvent l’approximation que le temps de migration d’une paire AX (1???−) est négligeable devant le temps de formation d’une paire AX (1???+[?]). Une autre particularité de la diffusion des dopants est leur migration à longue distance. Par exemple, à 650 °C, une paire bore/auto-interstitiel parcourt une distance projetée de l’ordre de la dizaine de nanomètres avant de se dissocier.
Les lacunes et les auto-interstitiels sont rarement impliqués en proportions similaires dans la diffusion des dopants. On définit le poids relatif de la diffusion assistée par les auto-interstitiels ∅?= ?????? . ∅? est représenté sur la Figure 6 pour différentes impuretés du silicium à 1100 °C. Parmi les dopants principaux, ∅? est très proche de 1 pour le bore et le phosphore tandis qu’il est quasiment nul pour l’antimoine. Seul l’arsenic diffuse significativement par l’intermédiaire des deux défauts ponctuels (∅? ~ 0.35).
De plus, une tendance se dessine en fonction du rayon de l’impureté (??) : plus ce dernier est grand par rapport à celui du silicium (???), plus le poids relatif de la diffusion assistée par les lacunes est élevé. En effet, les auto-interstitiels et les atomes de grand rayon (????? > 1) dilatent le réseau cristallin tandis que les lacunes et les atomes de petit rayon (????? < 1) le compriment. Energétiquement parlant, il est donc plus favorable que les atomes de grands rayons se couplent aux lacunes et que les atomes de petits rayons se couplent aux auto-interstitiels.
Deux spécificités intrinsèques aux semi-conducteurs sont à prendre en compte dans l’expression du coefficient de diffusion. La première concerne le gradient de dopants tel qu’exprimé dans l’équation Eq. 3. Comme chaque dopant ionisé introduit un porteur de charge, un gradient de dopants conduit nécessairement à un gradient de porteurs de charges. Etant donné qu’aucun courant ne circule en l’absence de polarisation, un champ électrique interne ? s’établit afin de contrebalancer le courant de diffusion induit par le gradient de porteurs de charge. Les dopants étant ionisés, ils sont soumis à ce champ électrique ? de sorte que le flux de diffusion généralisé s’écrit [Mathiot 2002] :
Où ? est la mobilité des dopants. Le signe devant le terme d’entrainement associé au champ électrique est positif dans le cas d’un dopage de type ? et négatif dans le cas d’un dopage de type ?. On peut alors montrer que l’équation Eq. 6 s’écrit sous la forme de l’équation Eq. 3 avec un coefficient de diffusion généralisé ??? [Pichler 2012] :
Où ?? est la concentration de porteurs libres dans le silicium intrinsèque à la température du recuit (~1019 cm-3 à 1000 °C [Pichler 2012]). L’équation Eq. 7 montre que le coefficient de diffusion augmente avec la concentration de dopants. Dans le cas d’un fort dopage ([?]≫??), le coefficient de diffusion est multiplié par un facteur 2. Dans le cas d’un faible dopage ([?]≪??), le coefficient de diffusion est inchangé.
La seconde spécificité concerne l’état de charge des auto-interstitiels et des lacunes. À l’instar des dopants, ces derniers peuvent introduire des niveaux d’énergies dans le diagramme de bande [Bracht 2000]. Plus le niveau de dopage est élevé, plus la concentration des défauts ponctuels chargés augmente. Ainsi, la concentration totale de défauts (chargés et non chargés) et donc le coefficient de diffusion (Eq. 5) augmentent avec la concentration de dopants.

Autour de la limite de solubilité des dopants

La limite de solubilité est une grandeur essentielle en microélectronique : il s’agit de la concentration maximale de dopants pouvant occuper les sites substitutionnels de la structure hôte. Au-delà de cette limite, il peut y avoir précipitation d’une phase dans laquelle les dopants ne sont pas activés. Autrement dit, les dopants présents dans les précipités ne jouent pas leur rôle de donneur ou d’accepteur d’électrons. La Figure 7 illustre quelques points de mesures de la limite de solubilité à différentes températures et pour différents dopants.
La figure montre que l’augmentation de la température du recuit permet d’élever la limite de solubilité. En revanche, nous avons vu que cela avait pour conséquence d’augmenter le coefficient de diffusion (Eq. 4). Afin d’augmenter la limite de solubilité tout en limitant la longueur de diffusion (∝ √???), il est nécessaire de réduire le temps de recuit. Par exemple, dans le cas du silicium dopé au bore, la longueur de diffusion est équivalente entre un recuit d’une heure à 1000 °C et un recuit d’une minute à 1200 °C. En revanche, l’activation des dopants est accrue à 1200 °C.
La limite de solubilité dépend aussi de la nature du dopant (Figure 7). Sur la plage de températures considérée, la limite de solubilité du bore est 100 à 1000 fois plus grande que celle de l’indium. C’est pourquoi le bore est le dopant de type ? le plus courant en microélectronique, et ce malgré son fort coefficient de diffusion (Figure 5).
Parmi les dopants de type ?, l’antimoine est celui qui présente la limite de solubilité la plus faible. Il est donc courant d’observer des précipités d’antimoine après recuit, comme ceux mis en évidence dans la Figure 8. L’arsenic et le phosphore sont davantage utilisés, en raison de leur plus grande limite de solubilité : à haute température (> 1150 °C), elle atteint 5×1020 cm-3 soit une fraction atomique de 1 at. %. Figure 8. Image de microscopie électronique à transmission mettant en évidence deux précipités d’antimoine (en blanc) à l’interface SiO2/Si. L’implantation de l’antimoine à 55 keV 3×1015 cm-2 est suivie d’un recuit oxydant de 1 heure à 1050 °C (Propriété de STMicroelectronics).
Néanmoins, la concentration de dopants en position substitutionnelle peut dépasser la limite de solubilité, par exemple à la suite d’un recuit proche de la température de fusion du silicium et de l’ordre de la milliseconde [Timans 2006]. En effet, l’application d’une température très élevée sur un temps très court permet de maximiser l’activation des dopants tout en minimisant leur diffusion. La diffusion n’est alors pas suffisante pour entraîner l’apparition d’une seconde phase dans laquelle les dopants sont inactifs électriquement. Il est à noter que la notion de limite de solubilité n’a pas de sens ici car l’équilibre thermodynamique n’est pas atteint. Cet état de « trempe » peut être en revanche rompu à la suite d’autres recuits. Le retour à l’équilibre thermodynamique se traduit alors par la désactivation partielle des dopants.
Activer les dopants sans pour autant générer trop de diffusion est un desideratum souvent rencontré en microélectronique. Pour autant, il n’est pas toujours possible d’enlever et/ou de modifier les traitements thermiques relatifs à la fabrication des dispositifs. Afin de réduire la diffusion des dopants, une autre possibilité consiste à diminuer la concentration des défauts ponctuels (Eq. 5). Comme nous allons le voir dans la suite, l’introduction du carbone dans le silicium permet de faire varier ces concentrations.

Le carbone dans le silicium

Le carbone est une impureté du silicium reconnue de longue date, non pas pour son influence sur la diffusion des dopants, mais pour son caractère contaminant. En effet, le carbone est introduit de manière non délibérée, à hauteur de 1015 cm-3, au cours de la fabrication des lingots de silicium [Goesele 2000]. Le carbone est une impureté non dopante et occupe les sites substitutionnels de la structure diamant.

Coefficient de diffusion et limite de solubilité

Le coefficient de diffusion du carbone dans le silicium, ainsi que sa limite de solubilité sont représentés sur la Figure 9. Le coefficient de diffusion du carbone est 20 à 30 fois plus grand que celui du bore (Figure 5) sur la gamme de température considérée. Le carbone diffuse donc bien plus vite que tous les principaux dopants.

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Table des matières

Introduction
I. Généralités sur le silicium et contexte industriel
1. Le silicium
a. Cristallographie et défauts ponctuels
b. Dopage du silicium et conductivité
2. Diffusion des dopants et limites du dopage dans le silicium
a. Diffusion des dopants
b. Autour de la limite de solubilité des dopants
3. Le carbone dans le silicium
a. Coefficient de diffusion et limite de solubilité
b. Effet sur la diffusion des dopants
4. Les transistors bipolaires
a. Généralités et expressions des courants
b. Facteurs de mérites
c. Transistor à hétérojonction et collecteur implanté
5. Conclusion
Références chapitre I.
II. Le dopage du silicium par implantation au phosphore : conséquences des défauts produits et modélisation
1. Généralités sur l’implantation ionique
a. Fonctionnement d’un implanteur
b. Le profil de concentration
c. La résistance de feuille
2. Problématiques intrinsèques à l’implantation au phosphore et caractérisation
a. Sursaturation en auto-interstitiels
b. Diffusion transitoire accélérée et désactivation du phosphore
c. Apport de la Sonde Atomique Tomographique
3. Modélisation de la maturation des défauts produits par implantation
a. Endommagement induit par l’implantation
b. Cinétique de croissance des défauts étendus
4. Conclusion
Références chapitre II.
III. Caractérisation à l’échelle nanométrique de la distribution spatiale du phosphore et du carbone
1. Caractérisation par SIMS et MET
a. Conditions expérimentales
b. Amorphisation et défauts étendus
c. Profils de concentration des espèces implantées
d. Origine de l’accumulation de carbone
2. Caractérisation par Sonde Atomique Tomographique
a. Spectre de masse
b. Distribution spatiale du phosphore et du carbone
c. Profils de concentration
3. Amélioration de la quantification du carbone par sonde atomique tomographique
a. Identification des sources de perte
b. Description de l’expérience et régions d’intérêt
c. Effet du champ électrique sur le spectre de masse
d. Dénombrement des ions moléculaires
e. Profil de concentration de carbone
f. Mesure de la composition des amas
4. Conclusion
Références chapitre III.
IV. Influence des paramètres d’implantation sur la redistribution des impuretés : interprétation et modélisation
1. Implantation du carbone à froid (-100 °C)
a. Caractérisation des propriétés à l’échelle nanométrique
b. Interprétation du profil de carbone
c. Modélisation de la diffusion du carbone
d. Conditions initiales et aux limites
e. Résultats de simulation
2. Implantation du carbone à énergie réduite
a. Caractérisation des propriétés à l’échelle nanométrique
b. Le phosphore est-il activé ?
c. Interprétation sur l’origine de l’accumulation de phosphore dans la zone recristallisée
d. Modélisation de la diffusion du phosphore
e. Résultats de simulation
3. Nouveaux essais d’implantation pour le collecteur des transistors bipolaires
a. Etat cristallin du collecteur
b. Profils de concentration
c. Propriétés électriques du collecteur
4. Conclusion
Références chapitre IV.
Conclusion générale
Production scientifique

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