Caractéristiques, visions et conséquences
Le divorce est un phénomène juridique et social qui a subi des évolutions importantes pendant les années. La normalisation au niveau juridique et l’acceptation sociale de cet événement ont provoqué l’augmentation du taux des divorces : en effet, en Suisse le nombre des divorces a augmenté de manière plus ou moins linéaire depuis 1970 (6’406 cas) jusqu’en 2010 (22’081) et durant l’année 2015 ont été prononcés 16’960 divorces (OFS, 2016a). En conséquence de ces évolutions on a vécu l’émergence du pluralisme familial et l’importante diversification des typologies des familles existantes (familles monoparentales, recomposées, couples non mariés, etc.) qui caractérise la société suisse d’aujourd’hui. A côté de ces modifications, la représentation sociale du divorce a changé avec le temps et, à l’heure actuelle, la communauté scientifique nous a habitués à deux visions opposées : la perspective la plus ancienne considère le divorce comme un phénomène dysfonctionnel, perturbant et déviant. La dissolution du lien conjugal est donc associée à un événement négatif qui aura des conséquences néfastes sur tous les membres de la famille. Cette vision renforce l’idée de la famille nucléaire comme étant le seul système censé d’exister et considère les autres formes de ménage comme inappropriées .
Cette perspective, appelée par Amato (2000) perspective conservative, cherche à développer un lien de causalité entre le divorce (et donc la structure familiale) et les problèmes comportementaux des enfants qui en sont touchés. En effet, cette perspective estime que ces enfants auront des graves problèmes dans leur développement cognitif et psychologique. Au contraire, la perspective plus récente, que Amato (2000) appelle perspective libérale, est associée à une approche plus développementale et définit l’évènement du divorce comme « une transition au cours de la vie à laquelle les adultes et les enfants doivent s’ajuster » (Afonso, 2007, p. 154). Selon cette deuxième approche le divorce influence le cours de la vie dans différents domaines (social, affectif, familial, économique, etc.) et provoque un sentiment de stress, mais en même temps, il crée des « nouvelles opportunités pour le développement personnel et pour l’accomplissement des relations familiales après la séparation du couple » (Afonso, 2007, p. 154). Selon cette vision, les conséquences que le divorce pourrait avoir sur la famille sont plus faibles parce qu’elles sont liées à d’autres facteurs tels que l’instabilité familiale, les conditions socio-économiques et le conflit intra-parental (Martin, 2007).
Le divorce est capable de toucher les personnes qui y sont impliquées sous différents aspects : juridique, social, psychologique et patrimonial. Le nombre des aspects à prendre en considération augmente quand on parle de la dissolution des mariages qui ont formé des familles avec des enfants. Si les enfants sont majeurs les parents doivent régler seulement la contribution d’entretien. Alors que, si les enfants sont encore mineurs, ils sont impliqués dans le divorce de manière beaucoup plus large et sous différents aspects. En effet, pour eux, le juge doit gérer, en plus de la contribution d’entretien, l’attribution de l’autorité parentale, la garde et l’accord concernant les relations personnelles. En ce qui concerne les conséquences psychologiques, Amato (2000) résume les effets que le divorce peut avoir sur les adultes grâce à une comparaison entre individus divorcés et mariés. Il en résulte que les personnes impliquées dans le divorce sont caractérisées par un bien-être et une estime de soi mineurs, une tendance à l’isolement social et des symptômes de détresse psychologique majeurs. Bien que tous les membres de la famille vivent une situation de risque pendant la séparation et le divorce des conjoints, les enfants sont plus vulnérables que les autres en raison de leur âge et de leur stade de développement.
Ces éléments influencent de manière transversale le processus d’adaptation à la nouvelle situation à cause des différentes ressources cognitives, affectives et sociales (Rouyer, Huet-Gueye et Baude, 2013). Différentes études et plusieurs considérations ont été faites pendant les années et différents résultats ont été publiés. La majorité des auteurs s’accordent sur le fait que le phénomène du divorce est un événement critique qui provoque un sentiment de stress chez l’enfant confronté aux changements importants que la procédure de divorce engendre. Ruffieux et Bodenmann (2006) lient l’émergence du stress aux effets du divorce (comme par exemple l’existence de conflits entre les parents, la modification des ressources socio-économiques de la cellule familiale et l’évolution des relations avec les parents et avec le réseau social). En conséquence, les auteurs démontrent que généralement les enfants impliqués dans le divorce de leurs parents obtenaient des scores inférieurs par rapport aux enfants des familles intactes (Ruffieux et Bodenmann, 2006). Amato et Keith (1991), dans leur méta-analyse où ont été comparées presque 100 études, confirment l’idée que le niveau de bien-être est majeur chez les enfants des familles intactes par rapport aux enfants des familles divorcées .
Perspectives explicatives des effets du divorce Comme le divorce est lié à la diminution (quantitative et qualitative) des contacts avec le parent non gardien, la perspective des absences parentales lie la diminution du bien-être de l’enfant pendant et après le divorce à la perte d’un des parents en tant que modèle, supporteur, aidant, etc. En effet, ce manque, semble expliquer un apprentissage erroné des habiletés sociales, la diminution de l’estime de soi et l’échec scolaire. Cependant, Amato et Keith (1991) mettent en évidence (grâce à une comparaison entre les études concernant les familles intactes, divorcées et celles qui ont vécu la mort d’un parent) que les enfants du divorce ont des degrés de bien-être mineurs par rapport à ceux qui ont vécu la mort d’un parent. Cela signifie que d’autres éléments entrent en jeu pendant et après le divorce de leurs parents en influençant l’adaptation de l’enfant. La perspective du désavantage économique vise à expliquer la diminution du bien-être par à la diminution des possibilités économiques qui accompagne souvent le divorce. Cela pourrait, selon les auteurs, influencer le développement de l’enfant, son éducation et le niveau de vie qu’il pourra gérer. Ainsi, le désavantage économique engendré par le divorce pourrait être une des sources des problèmes de développement et d’adaptation chez l’enfant.
Enfin, la perspective du conflit familial, tente d’expliquer le stress vécu par les enfants à travers le conflit existant entre les parents. Donc, les problèmes des enfants du divorce ne seraient pas dus au phénomène de séparation en soi, mais plutôt aux conflits existants entre les parents. En effet, les enfants des familles intactes avec un bas niveau de conflit ont des résultats meilleurs par rapport aux enfants des familles intactes avec un haut niveau de conflit (tâches qui évaluent le comportement, l’ajustement psychologique et l’image de soi). En outre, la comparaison effectuée dans le cadre de la méta-analyse précitée, montre que les enfants des familles intactes et caractérisées par un haut niveau de conflit résultent avoir des scores inférieurs par rapport aux enfants de familles divorcées (toujours en ce qui concerne l’ajustement psychologique et l’estime de soi). Pour ces raisons, Amato et Keith (1991) affirment que le niveau de bien-être des enfants est lié au niveau de conflit intra-parental qui persiste après le divorce plutôt qu’à l’état civil des parents. Plus le conflit postdivorce est élevé, plus l’enfant est exposé au risque de développer des problèmes dans son ajustement psychologique. Cette dernière perspective est celle qui, dans la méta-analyse précitée, est la plus fortement soutenue par les résultats empiriques et qui expliquera au mieux les effets du divorce sur les enfants. Amato (2000) met l’évidence sur l’existence d’effets positifs du divorce, en particulier si le milieu familial était caractérisé par un haut degré de conflictualité entre les parents avant la séparation. En effet, le divorce pourrait symboliser, dans ce cas, la sortie d’un milieu hostile et conflictuel qui aurait des influences négatives sur l’enfant.
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Table des matières
1 Introduction
2 Cadre théorique
2.1 Le divorce
2.1.1 Caractéristiques, visions et conséquences
2.1.2 Perspectives explicatives des effets du divorce
2.2 Le lien coparental après le divorce
2.2.1 Le divorce et le maintien de la relation parentale
2.2.1.1 Lien conjugal et lien coparental
2.2.2 La coparentalité divisée en facteurs
2.2.3 Les catégories et les trajectoires de la coparentalité
2.2.4 L’importance d’une relation coparentale saine
2.3 L’autorité parentale : définition et historique
2.3.1 Définition
2.3.2 Historique
2.3.2.1 De 1907 à 1976 : de la puissance paternelle à l’autorité parentale
2.3.2.2 De 1976 à l’an 2000 : l’autorité parentale exclusive après le divorce
2.3.2.3 De 2000 à 2014 : introduction de l’autorité parentale conjointe après divorce
2.3.2.4 De 2014 à aujourd’hui : l’autorité parentale conjointe comme règle
2.3.3 Critères pour l’attribution exclusive de l’autorité parentale
2.3.4 Autorité parentale conjointe après le divorce
2.4 Le lien conflictuel et sa résolution : la médiation
2.4.1 La relation conflictuelle
2.4.2 La médiation
2.4.2.1 Définition
2.4.2.2 La médiation familiale
2.4.2.3 Historique et développement de la médiation familiale
2.4.2.4 Buts de la médiation familiale
2.4.2.5 La médiation dans la loi suisse
3 Problématique
3.1 Questions de recherche et hypothèses
3.1.1 Question et hypothèse 1
3.1.2 Question et hypothèse 2
3.1.3 Question et hypothèse 3
3.1.4 Question et hypothèse 4
4 Méthodologie
4.1 Choix de la méthodologie de récolte de données
4.2 Choix des interlocuteurs
4.3 Recueil des données
4.4 Réflexion éthique
4.5 Méthode d’analyse des données
5 Analyse des données
5.1 Analyse transversale des éléments spécifiques
5.1.1 La question de l’autorité parentale conjointe
5.1.1.1 L’entrée en vigueur
5.1.1.2 Explication du concept d’autorité parentale
5.1.2 La question de la médiation
5.1.2.1 L’utilité de la médiation familiale selon les professionnels
5.1.2.2 La diffusion et l’évolution de la médiation familiale
5.1.2.3 Le rôle de la culture dans la diffusion de la médiation familiale
5.1.2.4 Les liens avec l’autorité parentale conjointe
5.1.2.5 Les liens avec les autres services
5.2 Analyse spécifique des points de vue des professionnels
5.2.1 Le juge de première instance civile
5.2.2 Le président de l’autorité de protection
5.2.3 Le médiateur familiale
5.2.4 L’avocat du divorce
5.3 Discussion
6 Conclusions
7 Références bibliographiques
8 Annexes
8.1 Annexe 1 : grille d’entretien
8.2 Annexe 2 : prise de contact avec les professionnels (e-mail)
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