LE DISPOSITIF DE SOIN PSYCHOMOTEUR
J’ai choisi de décomposer le dispositif de soin en plusieurs parties. Pour assimiler les bases du dispositif de soin psychomoteur, nous commencerons par établir les fondements du cadre. Pour cela, nous définirons le cadre et nous intéressons plus particulièrement à la vision psychomotrice. Dans un second temps nous discuterons de la conception du dispositif de soin, du bilan aux séances. Enfin, nous nous préoccuperons du psychomotricien en tant qu’individu.
Le cadre
Le cadre dans le langage courant
Le terme de cadre, tel qu’il est employé couramment, appartient au champ lexical de l’art selon Le Dictionnaire Larousse en ligne : « Bordure rigide limitant une surface dans laquelle on place un tableau, un objet d’art, etc. » (« Cadre », s. d.). Mais le cadre est défini dans de nombreux autres champs lexicaux et la notion principale qu’il en ressort est la délimitation. Si l’on cherche à définir ce terme, on aborde ainsi indéniablement la question des limites.
Le mot cadre peut également définir un « Salarié ayant acquis une formation supérieure et qui exerce en principe une fonction de commandement, de contrôle ou de direction dans une entreprise ou une administration » (« Cadre », s. d.). Cette approche du motcadre met en avant une relation asymétrique, que nous pouvons retrouver dans la relation soignant-soigné. Elle nous rappelle que le professionnel doit rester maître de la situation. Cette asymétrie est également présente dans la relation stagiaire-tuteur de stage. Pour cela, la tutrice de stage s’appuie elle-même sur le cadre réglementaire du stage dit « d’apprentissage thérapeutique », qui est notamment délimité par des objectifs pédagogiques :
Au cours de ce stage l’étudiant devra :
– Percevoir sa qualité relationnelle dans la mise en œuvre du travail thérapeutique
– Acquérir les techniques psychomotrices d’évaluation et de soin utilisés par les psychomotriciens
– Mesurer la place de la psychomotricité dans la vie institutionnelle
– Participer aux réunions de synthèse .
Le cadre s’emploie symboliquement pour parler du contexte et des limites qui peuvent être posées pour une activité, une personne. C’est ainsi que nous nous rapprochons progressivement de la notion de cadre thérapeutique. L’adjectif thérapeutique vient du grec ancien therapeutikós, « qui prend soin de », « qui concerne le soin qu’on prend de quelqu’un ou de quelque chose » (Etymologie de THÉRAPEUTIQUE, s. d.).
Mais avant cela, il est utile de faire un détour par ce qu’on peut appeler le cadre légal de la psychomotricité.
Le cadre légal
Le Décret de compétences qui régit la profession de psychomotricien autorise les professionnels habilités à réaliser les actes suivants :
1. Bilan psychomoteur.
2. Education précoce et stimulation psychomotrices.
3. Rééducation des troubles du développement psychomoteur ou des désordres psychomoteurs suivants au moyen de techniques de relaxation dynamique, d’éducation gestuelle, d’expression corporelle ou plastique et par des activités (…)
4. Contribution, par des techniques d’approche corporelle, au traitement des déficiences intellectuelles, des troubles caractériels ou de la personnalité, des troubles des régulations émotionnelles et relationnelles et des troubles de la représentation du corps d’origine psychique ou physique.
A partir de ces fondations juridiques, le psychomotricien peut exercer sa profession.
Le cadre spécifique à l’exercice du psychomotricien libéral
Saint-Ges écrit « le libéral pose, encore plus qu’ailleurs, la question du cadre » (SaintGes, 2019, p. 476). En effet, nous allons parler ici du fonctionnement spécifique de l’exercice libéral de la psychomotricité. De manière général, le psychomotricien en libéral est relativement seul : il doit « assumer seul la clinique, la tenue du secrétariat, l’entretien des locaux et toutes les autres démarches administratives par exemple. » (Saint-Ges, 2019, p. 475). Le psychomotricien exerce toujours sur prescription médicale, c’est l’unique lien obligatoire qu’il a avec un autre professionnel de santé. L’exercice libéral de la psychomotricité est dépendant du paiement par les familles : « N’étant pas régi par une convention avec l’assurance maladie, le psychomotricien peut fixer librement le montant de ses honoraires dans le respect du tact et de la mesure. » (Jacquet & Miermon, 2015, p. 170) .
Les honoraires vont généralement être définis proportionnellement à la durée de l’acte psychomoteur effectué. Le bilan psychomoteur est un acte spécifique qui va nécessiter plus de temps qu’une séance classique : son tarif sera différent.
De la même manière, la durée d’une séance peut être adaptée au patient. Le psychomotricien pourra alors ajuster ses honoraires à celle-ci :
Les montants d’honoraires peuvent être indiqués sous forme de fourchettes sous réserve que les critères de détermination de ces honoraires soient expressément mentionnés. A défaut un seul tarif maximum par acte peut être annoncé, libre au praticien par la suite d’appliquer un tarif inférieur en fonctions de la situation. (« Obligations d’affichage et d’information de vos patients », 2018) .
Le cadre de l’exercice libéral est marqué par cette contrainte temporelle liée à l’aspect financier, que nous retrouvons dans le cas d’Hugo.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : LES CONTRAINTES TEMPORELLES : CONSTATATIONS
I. La présentation d’Hugo
I.1. Le lieu de prise en charge et son fonctionnement
I.2. L’anamnèse
II. La présentation de Monsieur B
II.1. Le lieu de prise en charge et son fonctionnement
II.2. L’anamnèse
II.3. La première rencontre : l’entretien
III. Les facteurs temporels dans les situations cliniques
III.1. Le temps
III.2. La temporalité
III.3. Le temps dans la prise en charge d’Hugo
III.4. Le temps dans la prise en charge de M. B
III.5. La contrainte temporelle
PARTIE 2 : LE DISPOSITIF DE SOIN PSYCHOMOTEUR
I. Le cadre
I.1. Le cadre dans le langage courant
I.2. Le cadre légal
I.3. Le cadre spécifique à l’exercice du psychomotricien libéral
I.4. Le cadre thérapeutique
I.5. Le cadre thérapeutique en psychomotricité
II. La conception du dispositif de soin
II.1. Les premières étapes
II.2. Le projet thérapeutique
II.3. Les séances
III. Le psychomotricien en tant qu’individu
III.1. L’identité du psychomotricien
III.2. L’implication dans la relation thérapeutique
III.3. La spécificité psychomotrice : l’implication corporelle
III.4. L’ajustement corporel du psychomotricien en pratique
PARTIE 3 : L’ADAPTATION EN PRATIQUE
I. Hugo
I.1. Une première adaptation de la conception du dispositif de soin
I.2. L’évolution des aspects temporels du cadre
I.3. La réadaptation du dispositif de soin
I.4. Conclusion
II. M. B
II.1. L’adaptation dans la conception du dispositif de soin
II.2. L’adaptation dans les séances
II.3. Conclusion
PARTIE 4 : LES CONSEQUENCES ET LES LIMITES DE L’ADAPTATION
I. Jusqu’où le psychomotricien peut-il s’adapter ?
I.1. Mon expérience
I.2. Quelques hypothèses sur les situations de mes tutrices de stage
I.3. La disponibilité psychocorporelle
II. Jusqu’où la profession peut-elle s’adapter ?
II.1. Quelle place pour le psychomotricien ?
II.2. La place du bilan
II.3. La formation
II.4. La diversité des pratiques
CONCLUSION