LE DISPOSITIF DE FORMATION COMME CADRE SOCIAL DE LA RECHERCHE AVANT- PROPOS

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LE SUJET ET L’ADVENANT : UNE IDENTITE EN PREMIERE ET EN TROISIEME PERSONNE

Romano propose d’envisager ce qui est expérimenté du point de vue de l’advenant. A la suite de Ricœur (1990), il reconsidère la notion d’ipséité (Romano, 2013 et 2014). A la différence d’idem (même, identique), ipse ne peut être traduit que par lui-même ou en personne, désignant ainsi la personne elle-même (et non un représentant) ou la personne-même. A la différence de l’immuabilité et de la mêmeté, l’ipséité renvoie au maintien de soi vis à vis d’autrui. Elle engage ainsi la personne à tenir sa parole (ses engagements) malgré les changements qu’elle subit. L’ipséité est donc une manière dont « je » m’engage et me tiens garant du respect des promesses faites à autrui. Il s’agit d’une manière d’exister vis à vis de l’autre. A cette dialectique idem/ipse, Romano propose de considérer une seconde dialectique : celle d’une identité en première personne et d’une identité en troisième personne.
Lorsque l’on pose la question « qui suis-je ?  » ou « qui est-elle ? », nous pouvons y répondre comme une identification administrative, par le nom, le prénom, voire l’empreinte génétique. Nous répondons ainsi à des caractéristiques que l’on nous donne. A cette identité en troisième personne répond une identité en première personne. Nous pouvons aussi nous demander « qui suis-je vraiment ? » ou « quel genre d’individu est-il ? ». Pour Romano, la réponse est plutôt de l’ordre de la biographie : essayer de comprendre qui est, ou a été la personne en question. Cette identité qualitative tient compte des changements au cours de la vie. Il s’agit de nous identifier à des caractéristiques que nous endossons et que nous assumons. L’ipséité se définit comme la capacité à assumer la responsabilité de l’endossement de ces caractéristiques à l’égard de soi et vis à vis d’autrui. Cette attitude de responsabilité à l’égard de soi sous-tend la possibilité même d’avoir une identité en première personne (Romano, 2013). Cette acception de l’ipséité n’est pas concurrentielle de la mêmeté, mais elle en est complémentaire.
Une conception d’un sujet sur le mode égologique (idem) peut être mise en relation de complémentarité avec celle de l’advenant (ipse). L’advenant (Baudoin, 2004, Romano, 1999) ne se manifeste que dans la rencontre et par la rencontre avec l’impromptu, l’inattendu, l’accidentel, l’imprévisible de l’événement. Ce qui m’advient est entendu non seulement comme ce qui vient à ma rencontre, mais aussi ce qui survient, au sens étymologique de « tuchè » (Romano, 2003). Le verbe « tuchanô » désigne se rencontrer, se trouver, survenir, échoir. En cela, l’événement fait irruption dans ma vie. La rencontre est impromptue dans le sens où elle nous confronte à ce qui est, apparaît comme radicalement différent, autre (Laplantine, 2010, Deloro, 2009). L’expérience est conçue comme une rencontre avec le surgissement de ce qui nous apparaît comme autre. De fait, l’advenant est un point de vue qui existe dans la relation entre nous-même et le monde. Ce qui m’advient m’échoie (tuchè). La rencontre est impromptue mais pas fortuite, car ce qui m’advient me regarde, m’implique. Je suis donc impliqué dans cette rencontre, dans le sens où ce qui m’ad-vient me vient de ce qui est le plus intime de moi-même. Je ne me rencontre moi-même que dans la rencontre avec un événement qui par sa différence radicale me transforme radicalement.
Ce qui advient ouvre à un monde et non au monde. En ouvrant à un monde à venir, il ouvre à l’aventure. L’expérience sur le mode de l’aventure se distingue de l’expérience-connaissance, elle est alors une manière de com-prendre : de comprendre le monde et com-prendre ce que nous sommes. Elle constitue une invite à explorer de nouveaux horizons, à nous entamer un périple une traversée dont on ne sort pas ni indemne, ni « idem ».
Romano parle d’une temporalité an-archique qui procède de la mémoire et de la disponibilité à ce qui nous arrive. Passé et futur ne sont plus des notions opérantes, le temps est celui du présent impliquant une mémoire du passé et une ouverture sur des possibles à venir, possibles reconfigurés. Le point de vue événemential (Romano, 2004) constitue une temporalité an-archique construite autour des « noyaux de sens » que sont les événements. L’ex-per-ience de l’événement déplace le point de vue de la conception de ce que nous sommes (en proposant une conception de l’advenant), conjointement à une transformation de la conception de l’espace et de la temporalité qui ne sont ni linéaires, ni mesurables, mais organisées par les événements.
L’expérience éprouvée dans la rencontre de ce qui m’advient génère surprise et stupeur (au sens de laisser sans voix). Cette manière de com-prendre ce qui m’arrive ne peut trouver un sens qu’en le reconstituant dans l’après coup. L’advenant est une manière de se comprendre ou de se re-connaitre en tant qu’autre (ou autrement). Enfin, nous avons relevé que l’advenant dans sa différence radicale se manifeste dans ce qui est dit à la troisième personne : « il », « il y a » (Romano, 2003).
De façon complémentaire, l’expérience vécue ouvre à connaissance. Elle fait l’objet d’une description en première personne du point de vue du sujet (Despraz, et al., 2011). C’est également après coup que l’expérience peut s’élaborer et se formaliser par le langage comme une expérience : témoignage de ce qui a été vécu par le(s) sujet(s).
L’attitude d’ouverture à l’imprévisible est une manière de com-prendre ce qui nous arrive. En com-prenant ce qui nous arrive, au sens de prendre avec, nous le prenons en charge et en assumons la responsabilité. Il s’agit de se rendre disponible à la surprise de ce qui peut à tout moment survenir. Ce qui arrive sur le mode de la surprise implique donc l’advenant qui le comprend. La surprise est une expression émotionnelle qui marque cette rencontre entre l’advenant et ce qui lui advient. Elle constitue donc un indice de cette rencontre et de cette manière de com-prendre, qu’est l’expérience. Ce point de vue « expériencial » (Baudoin, 2004) vise enfin à réduire les dichotomies sujet/objet, esprit/cerveau, ou encore corps et esprit.
Après avoir distingué sans pour autant séparer les points de vue différents sur le sujet et l’advenant, en relation avec des conceptions du temps, de l’espace et de l’expérience différentes, nous proposons de comprendre la trace comme événement.

LE TRACE COMME EXPERIENCE DE L’EVENEMENT

Dans le cadre d’une activité graphique ou calligraphique, l’absence de repentir fait du tracé un objet unique. Pour celui qui le réalise, l’unicité du trait s’ajoute à la singularité de l’acte graphique. En cela, le tracé constitue un événement, au sens de Romano, dont l’acteur fait l’expérience. L’événement se caractérise par ce qui « apparaît rigoureusement im-possible » et in-compréhensible (Romano, 1999). Contre toute attente, il rompt non seulement avec des habitudes, mais aussi avec ce que nous pouvons comprendre et ce que nous connaissions auparavant. En cela, l’expérience de l’événement « nous renverse » et nous oblige à « apprendre » « ex-novo ». « Faire » une expérience pour Romano, est une épreuve unique, « en laquelle je suis en jeu moi-même et dont je ressors à chaque fois changé » (Romano, 1999, p. 195). « Un deuil, une rencontre, une maladie, mais aussi une décision » sont des mises à l’épreuve de soi-même, qui peuvent être des bouleversements ». L’événement à l’origine de cette épreuve chaque fois singulière, se caractérise par sa survenue imprévisible. Littéralement, il « nous tombe dessus ». Il échappe à toute attente, comme à toute prévision.
Reprenons à titre d’exemple, celui de Montaigne donné par Romano. Montaigne relate un accident de cheval produit lors d’une promenade, et lors duquel il fut gravement blessé. « Victime d’une grave hémorragie, il est transporté par ses gens et ramené chez lui inerte, sa vie ne le tenant plus « qu’au bout des lèvres » (Romano, 2003). L’événement paraît infime, […] s’il n’avait modifié profondément le rapport de Montaigne à la mort, s’il ne constituait à cet égard, une expérience cruciale » (Romano, 2003, p. 285). Par ce périple, il a exploré « littéralement » les limites de la vie, jusqu’à « avoisiner la mort ». Cette traversée de la vie, jusqu’à la perdre, a constitué pour lui, non une « connaissance », mais bien plutôt une re-connaissance : au sens de l’éclaireur qui est parti en « reconnaissance » du chemin en terrain inconnu. Il décrit cette reconnaissance comme un « apprivoisement » : « à la vérité, pour apprivoiser la mort, je trouve qu’il n’y a que s’en avoisiner » (Montaigne, in Romano, 2003, p. 285). « Apprivoiser » et « avoisiner » la mort a conduit Montaigne à une autre compréhension de la mort et de lui-même, au sens littéral de prendre avec. L’expérience qu’il a faite constitue une mise en intelligibilité avec soi-même. De cette épreuve, en état de semi-conscience, émerge un rapport de quiétude, un rapport serein à l’approche de la mort. Montaigne décrit une seconde partie du périple : celui du retour à la conscience.
Lorsqu’il revient à lui, il retrouve « la douleur physique, la peur, le désarroi » : « Il me sembla que c’était un éclair qui me frappait l’âme de secousse, que je revenais de l’autre monde. » (Romano, 2003, p. 286). L’émotion, qui accompagne ce retour à lui-même, marque sa « mémoire », et constitue, par là même, un ressaisissement de soi, transformé par ce voyage, cette épreuve. De sorte que la signification de l’expérience ne se fait qu’après coup, que dans l’après-coup. La com-préhension du monde et de soi-même est intimement liée au sein de cette expérience, qui ne se répétera pas.
En cela, l’expérience de l’événement ne tire pas sa signification de la répétition. C’est, au contraire, dans et par la rupture avec le sens commun, ou encore dans la cata-strophe, littéralement la rupture du sens, que cette expérience peut advenir. Dans l’in-attendu, elle ouvre à des possibilités restées jusque-là in-connues. Et le moment de « l’après-coup » est le moment de ressaisissement de soi-même, en même temps que celui du ressaisissement du sens, c’est-à-dire une constitution d’un sens nouveau donné à sa vie et de significations nouvelles données à ses actes.
Nous distinguons « faire une expérience » des « faits d’expérience » qui sont, pour Romano, attachés à l’expérience au sens empiriste : c’est-à-dire l’expérience où chaque vécu doit faire l’objet d’une répétition et « par répétition engendre la connaissance » (Romano, 1999, p. 198). « Faire une expérience » ouvre à une reconnaissance de soi-même, ou plutôt à « se comprendre comme autre, comme celui que je suis devenu » (Romano, 1999, p. 200). Il s’agit de se reconnaître « soi-même, en tant qu’autre » (Ricœur, 1990). Un écart s’est donc creusé entre soi et soi-même, reconnu dans son étrangeté (Romano, 1999, p. 29 ; Freud, 1990). La transformation consiste bien à com-prendre cette étrangeté de soi-même, à « préhender » (De Jonckheere, 2001) cette nouvelle figure de soi-même.

LA TRACE COMME EXPRESSION DE L’EMOTION

Les approches sociologique, pragmatique ou encore phénoménologique de l’expérience vécue considèrent l’éprouvé comme l’expression émotionnelle impliquée dans le vécu. L’émotion est considérée soit dans sa relation à l’action, au sens premier de motivation et moteur de l’action, soit dans sa relation « au moi » pour Dewey (1934/2012), soit à l’expression d’un vécu qui « dépasse » le champ du langage : en ce sens Jodelet (2006) évoque le vécu « en son for intérieur », et Despraz (2011) évoque un vécu « intime » et « intuitif de la conscience ». Nous pouvons relever que Dewey (1934/2012) aborde l’expression émotionnelle au sens strict de l’é-moi. L’expression émotionnelle renvoie donc à une diversité de vécus qui échappent aux mots, mais qui peuvent être recueillis lors des entretiens, soit sous forme de témoignage pour Jodelet, de description du point de vue du sujet pour Husserl ou Despraz, ou encore par la reconstitution de l’intrigue qui constitue « une » expérience, voire par l’ « histoire » de « l’expérience vitale » pour Dewey, ou plus largement par la « biographie » pour Zaccai-Reyners. Le témoignage, la description en première personne ou la biographisation de l’expérience vécue constitue alors une mise en trace (visible ou audible) de l’expérience propre.
La trace comme expérience implique, quant à elle, l’émotion en tant que rencontre entre deux vues (« vue du dehors » et « vue du dedans », Derrida, 1990). Nous avons vu que le trait re-trace cette rencontre entre mémoire du corps et ce que voit le dessinateur. Le tracé est alors compris au sein d’un acte graphique, dans lequel est impliquée la trace de cette mémoire corporelle, cet « invu » (Derrida, 1990) qui s’exprime tout d’abord par l’émotion. L’ « in-vu » n’est pas l’invisible, mais ce qui n’est pas encore dit. L’émotion entretient une relation avec l’action, d’une part, et, d’autre part, avec ce qui n’est pas mis en mots (ou pas encore formulé).
Pour Berthoz (2003), la rencontre entre une situation présente et une situation présentifiée est impliquée dans le processus décisionnel, qu’un calligraphe comme Cheng nomme le « geste décisif » (Cheng, 1991 et 2002). En l’absence de repentir, le « geste décisif » correspond au mouvement choisi par le calligraphe pour réaliser le trait de pinceau. Ce choix déclenche la réalisation du tracé. Dans le cadre de notre activité de formation, nous avions pu voir que ce geste s’accompagnait justement de l’expression d’une émotion chargée positivement (« un moment fort »). Aussi pour appréhender les relations entre expérience vécue, trace, tracé, et émotion, il nous a semblé intéressant de comprendre ces relations avec la prise de décision qui préside à la réalisation du tracé. Dans un premier temps, nous explorerons une approche possible de l’émotion, en tant que telle.

L’EMOTION COMME REPONSE A UNE SITUATION

L’émotion se définit dans son sens ordinaire comme un « trouble intense […] de la conscience provoqué par une situation inattendue, et accompagné de réactions organiques variées, désordonnées et confuses » (Clément et al., 1994, p. 103).
Damasio propose une définition qui met en relation émotion et action : « Les émotions sont des actions ou des mouvements […] qui sont visibles pour autrui dès lors qu’ils se manifestent sur le visage, dans la voix et à travers des comportements spécifiques » (Damasio, 2003, p. 32).
Observable par autrui, les émotions ou plutôt leur expression devient un objet d’étude scientifique. Le projet de Damasio est de « comprendre la biologie des émotions » (Damasio, 2003, p. 44). Dans ce cadre, il différencie les émotions et les sentiments. Les émotions précèdent les sentiments dans la régulation homéostatique de l’organisme, incluant par exemple les réponses immunitaires, l’équilibre métabolique des cellules. Ces réponses biologiques s’accompagnent de « comportements de douleur et de plaisir » (Damasio, 2003, p. 42).
Nous pourrions dire que les émotions sont un moyen de maintien de soi en vie par une certaine conservation des équilibres chimiques, électriques, etc., au niveau cellulaire : « les processus homéostatiques chimiques aux émotions proprement dites […] ont directement ou indirectement trait à l’intégrité et la santé de l’organisme », ils sont liés à l’adaptation de l’état de notre corps (Damasio, 2003, p. 54).
Les émotions modifient les échanges cellulaires dans l’objectif de préserver un équilibre vital. Elles constituent une réponse à un objet ou une situation, qui peut être également au sein de l’organisme, comme par exemple les « nombreux nutriments disponibles pour produire l’énergie […] ce qui cause les comportements d’appétit qu’on appelle faim » (Damasio, 2003, p. 43) et qui comprend la recherche de nourriture. Aussi les émotions constituent-elles un moyen d’évaluer l’environnement à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisme, puis de proposer une réponse adaptée pour préserver l’équilibre vital.
Enfin, Damasio divise l’émotion en trois catégories : arrière-plan, primaire et sociales. Les émotions d’arrière-plan ne sont pas visibles directement dans le comportement de quelqu’un, mais elles peuvent être perceptibles dans la musicalité de la voix, dans sa prosodie. Il s’agit d’émotions comme l’enthousiasme ou le découragement. Les émotions primaires correspondent aux émotions de base, à ce que nous nommons couramment « émotions » : la peur, la colère, le dégoût, la surprise, la tristesse, le bonheur. Elles sont facilement identifiables dans le comportement de quelqu’un. Les émotions sociales comprennent sympathie, honte, culpabilité orgueil, envie, gratitude, admiration, indignation, mépris, embarras. Elles se distinguent des émotions primaires, dans le sens où elles varient en fonction du contexte culturel, social et éducatif. Ces différentes émotions répondent à un « principe d’emboîtement » (Damasio, 2003, p. 49) qui les lient les unes aux autres, de telle sorte que le mépris « emprunte » une expression de visage similaire à celle du dégoût (Damasio, 2003, p. 50). En tenant compte de ces différents types d’émotions, Damasio fait l’hypothèse qu’une émotion est une collection de « réponses chimiques et neurales », produites par le cerveau lorsqu’il détecte un SEC (stimulus émotionnellement compétent), objet ou événement, existant dans notre environnement ou présent sous forme de souvenir. L’émotion, en tant que réponse, est automatique selon un répertoire d’actions. Damasio (2003, p. 58) précise que « la liste des SEC n’est pas limitée à ceux prescrits par l’évolution », mais elle inclut ceux « qu’on apprend avec l’expérience vécue ».
L’émotion en tant que réponse de notre corps est donc perceptible à autrui de façon plus ou moins marquée ou plus ou moins subtile. En tant que réponse adaptée, l’expression de l’émotion est une réponse intelligente, au sens strict de mettre en relation (soi avec soi-même, soi avec son environnement), qui vise le maintien de soi en vie. Elle correspond à un répertoire d’action de « déjà prêts », comme des « ready made » (Collin, 2008), ou un répertoire d’action qui se construit avec l’expérience vécue. L’expression émotionnelle peut, suivant Damasio, impliquer notre mémoire. Dans notre contexte, la question première qui nous vient est de savoir si l’expression émotionnelle énoncée comme « un moment fort » correspond à l’expérience vécue, et de quel(s) vécu(s) s’agirait-il ?

L’EMOTION COMME PREPARATION A L’ACTION

Pour Berthoz, les travaux de William James introduisent un renversement dans la compréhension de l’émotion : « en postulant que les changements corporels (battements de cœur, frisson, rougeurs, etc.) seraient une cause et non une conséquence de l’émotion » (in La Recherche, 2003, p. 77). Selon lui, l’émotion n’est pas seulement une réaction au contexte environnemental, mais elle est une « préparation à l’action  » (Berthoz, 2003, p. 67) : « L’émotion est préparation de l’action, elle établit le contexte dans lequel est vécue l’action » (Berthoz, 2003, p. 287). Pour Berthoz, les émotions sont en relation avec l’anticipation de l’action et constituent un mode d’évaluation du contexte de l’action à venir. En cela, l’émotion est impliquée dans les processus décisionnels. Il distingue plusieurs formes de décisions. Celle qui retient notre attention est celle qui implique l’émotion à la différence d’un processus décisionnel réfléchi. Nous pouvons décider de façon émotionnelle ou avec notre émotion. Dans ce cas, Berthoz distingue plusieurs voies possibles distribuées en voies courtes et voies longues. Dans la voie courte, des structures, comme l’amygdale, « traitent l’information qui provient » de notre environnement, qu’elle évalue, au sens strict de lui donner une valeur. Elle évalue donc la situation présentement perçue « en fonction des expériences passées » (Berthoz, 2003). Cette évaluation rapide ouvre le champ à une délibération interne, implicite, au sens où à ce moment elle échappe au langage. D’autres structures comme le cortex cingulaire antérieur sont impliquées dans l’évaluation émotionnelle, qui ouvre sur une voix longue. Cette structure joue un rôle d’arbitre après avoir pris une décision, en évaluant la différence entre les résultats escomptés et les résultats obtenus. Elle intervient notamment lorsque les décisions impliquent des prises de risques importantes. Le cortex cingulaire antérieur appartenant à une voix longue participerait plus généralement à une détection des conflits et des erreurs suivant une fonction de superviseur. Il serait impliqué dans « l’évaluation de la situation, le guidage ou l’interruption de l’action en fonction du contexte, l’intention d’action, et sa comparaison avec la mémoire des événements passés » (Berthoz, 2003, p. 275). Notons enfin, que dans cette voie dite longue s’exerce une supervision qui met en relation les aspects émotionnels avec les aspects cognitifs (analyse réflexive et délibération explicite même avec soi-même) et les aspects moteurs.
Par ailleurs, « l’émotion activerait des mécanismes de l’attention sélective et induirait […] une sélection des objets perçus » dans notre environnement, elle modifierait « la mise en relation de la mémoire avec la perception du présent » (Berthoz, 2003, p. 347). En ce sens, l’émotion serait un filtre perceptif, qui a une incidence sur nos décisions, dans la relation entre situation actuelle perçue et situations passées mémorisées.
C’est pourquoi, Berthoz pense que l’émotion est impliquée dans les « mécanismes de décision » à la fois : dans la sélection des « objets dans le monde », le « guidage » de l’action à venir en fonction du passé et la « flexibilité des choix de comportement » (Berthoz, 2003, p. 43).
Les recherches de Berthoz concernant le processus décisionnel construisent des relations entre émotions, actions et expériences vécues. L’émotion est impliquée à la fois dans des circuits courts ou « automatiques », en tant qu’attribution de valeur, et dans des circuits plus longs, en tant que mesure des écarts entre intention, contexte d’action, et expériences vécues. Les processus émotionnels préparent le contexte de l’action à venir.
L’expression des émotions s’ancre dans la mémoire de nos expériences passées selon plusieurs voies. La voie courte et automatique convoque une mémoire implicite, dans la mesure où elle est « incorporée ». Elle ouvre à une délibération également implicite. La voie longue convoque une mémoire de l’expérience vécue qui peut faire d’objet d’une délibération explicite et d’une description. Par là même, l‘expérience vécue peut être re-connue, identifiée, en tant que telle. Nous comprenons que même si le vécu antérieur ne peut être décrit, cette absence dans la description ne suffit pas à dire qu’il n’est pas présent dans l’action. L’expression émotionnelle peut alors être un indice de l’implication de vécus antérieurs, qui ne sont pas encore mis en mots.

LE « GESTE DECISIF » COMME PRISE DE RISQUE ET L’EMOTION COMME UNE MISE EN PERIL DE SOI-MEME

Les émotions sont également fortement impliquées lors de décisions qui impliquent une prise de risque. Nous pensons que cette prise de risque existe dans notre situation de formation. La suspension du mouvement, qui accompagne le « geste décisif » (Cheng, 1991 et 2002), s’accompagne lui-même d’une émotion, énoncée après-coup comme « moment fort ». En l’absence de repentir, nous pouvons faire l’hypothèse que cette prise de décision implique une véritable prise de risque, par laquelle chacun peut se sentir mis en péril. Le processus émotionnel rendrait alors perceptible cette mise en danger de soi à soi-même.
L’émotion constitue également un point de rencontre avec une mémoire du corps. L’hypothèse de Damasio est qu’une émotion est une « collection de réponses chimiques et neurales » (Damasio, 2003, p. 58) en relation avec la détection d’un SEC (stimulus émotionnellement compétent : objet ou événement) existant dans l’environnement ou présent dans notre souvenir. Nous avions relevé qu’en tant que réponse adaptée, l’expression de l’émotion est une réponse intelligente, au sens strict de mettre en relation (soi avec soi-même, soi avec son environnement) qui vise le maintien de soi en vie (Damasio, 2003).
Par ailleurs, l’émotion constitue le point de rencontre ou d’ « enjonction » (Ricœur, 1990) entre une « vue de dehors » et une « vue au dedans » (Derrida, 1990) : dans cette « entre vues » où le dessinateur voit « enfin » (Derrida, 1990). Il voit depuis l’ « in-vu ». Le titre « mémoire d’aveugles » (Derrida, 1990) rend compte de cette perception singulière, qui nécessite une suspension du regard pour com-prendre cette mémoire du corps perceptible uniquement par l’expression émotionnelle.
En ce sens, l’expérience de la trace implique une mémoire du corps, perceptible par l’expression de l’émotion. Cette expression émotionnelle constitue l’indice d’une mémoire corporelle, impliquant des expériences passées. Ces expériences passées ne sont pas formulées en tant que telles. Il ne s’agit pas d’expériences non-dites ou indicibles ou informulables, mais des expériences d’événements passés non encore dites ou non encore mises en mots.

L’EXPERIENCE GRAPHIQUE COMME OBJET DE RECHERCHE

L’émotion constituerait un espace de rencontre entre situation présente et situation présentifiée (Berthoz, 2003), ou entre « vue au dehors » et « vue au dedans » (Derrida, 1990), qui implique, dans les deux cas, la mémoire du corps. Loin d’être un lieu de séparation entre ce que traditionnellement nous appelions le « corps » et l’ »esprit », ou encore la « raison », elle constitue un indicateur d’un espace de « passage » (Laplantine, 2012) ou d’articulation entre ce qui est imperceptible mais inscrit dans la mémoire « corporelle » (ce qui n’est pas encore dit, pour Derrida) et ce qui est perceptible, déjà rationalisé dans un discours (qu’il soit discours intérieur ou discours énoncé, partagé avec autrui). Par ailleurs, Damasio et Berthoz soulignent que l’expression de l’émotion concernait les expériences passées en tant que vécus : ce « qu’on apprend avec l’expérience vécue » (Damasio, 2003, p. 58), la « voie longue » convoque une mémoire de l’expérience vécue qui peut faire l’objet d’une délibération explicite et d’une description, à la différence d’une voie « courte » automatique qui convoque une mémoire implicite et « incorporée » (Berthoz, 2003). L’expression émotionnelle convoque l’expérience vécue du point de vue des sujets. L’expérience s’ancre effectivement dans une activité particulière : l’activité graphique ou calligraphique. Nous pouvons dire que l’expérience graphique est vécue en situation de formation continue à l’occasion d’une activité spécifique dans le dispositif que nous allons décrire.
L’activité graphique vise la réalisation d’un tracé (dessin, calligraphie, etc.). Ce tracé n’est pas uniquement un ob-jet offert à la vue de tout un chacun, mais il est aussi un acte posé, pour celui qui le réalise (dessinateur, calligraphe, etc.). L’expérience graphique implique donc de considérer la trace, non en tant qu’ob-jet, mais en tant que processus (procès, chez Derrida). La trace, en tant qu’expérience-même, est constitutive de l’expérience graphique.
En cela, l’expression de l’émotion qui accompagne le « geste décisif » (Cheng, 1991 et 2002) du dessinateur, est en relation avec le contexte dans lequel est vécue l’expérience graphique, tout en faisant appel à des événements passés, inscrits dans la mémoire propre des participants à la formation.
La complémentarité entre sujet et advenant offre des perceptives pour approcher « ce qui est vécu » par le sujet en première personne, et « ce qui se passe » qui concerne l’advenant et s’exprime en troisième personne. L’expression en première et en troisième personne rend compte alors de points de vue complémentaires sur « ce que nous sommes ». Nous pensons qu’elles peuvent rendre compte d’espaces différents de l’expérience.
Il nous a semblé qu’advenant et sujet ouvrent la voie à des espaces différents de l’expérience, dont l’émotion pouvait être un marqueur. La complémentarité entre expérientiel (Husserl, Merleau-Ponty, Despraz) et expériential (Romano) nous place d’emblée dans une approche et un cadre phénoménologiques.
Autrement dit notre objet de recherche est l’expérience graphique comprise à la fois comme expérience de la trace et comme expérience vécue du point de vue des sujets en formation. Nous pensons que l’expression de l’émotion constitue un point de jonction entre l’expérience vécue du point de vue des sujets, expérience qui peut être décrite, et l’expérience de la trace, du point de vue de l’advenant (le différant, soi-même comme autre, ipse), expérience qui peut être reconstituée. Ce qui nous intéresse plus particulièrement est d’approcher une possible articulation entre ces deux dimensions (ou deux espaces) de l’expérience.

LE DISPOSITIF DE FORMATION COMME CADRE SOCIAL DE LA RECHERCHE AVANT- PROPOS

Pour distinguer l’expérience propre et l’exposé de la recherche, nous avons distingué l’usage du « je », dans une sémantique de l’action propre, et celui du « nous », dans une sémantique de la recherche. La singularité du point de vue en première personne renvoie à une description d’une expérience propre. L’expression du « nous » académique renvoie à une volonté de mise à distance d’une situation vécue du point de vue de la formatrice ou de la plasticienne. Le pluriel fait également entendre une écriture à plusieurs voix, comme celles des membres de l’équipe de recherche qui ont façonné le cours de cette recherche
La partie qui suit vise à travers la description du contexte de la recherche, à pouvoir regarder la situation vécue d’un point de vue sinon objectif, du moins objectivant. Il s’agit de l’exposer au sens strict. Ainsi poser sur la page blanche, la description est une première mise à distance de l’expérience vécue. Elle est aussi une première distance, nécessaire pour construire l’objet de recherche à partir de ce vécu en situation professionnelle. L’implication de la recherche dans un vécu professionnel vise à une approche compréhensive de l’expérience graphique vécue par des enseignants dans le cadre de la formation continue.

DESCRIPTION DU TERRAIN DE LA RECHERCHE

En tant que formatrice en ESPE (Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education), en charge plus particulièrement des activités plastiques, nous avons été amenée à organiser des formations d’enseignants concernant l’apprentissage de l’écriture, fondées sur plusieurs hypothèses :
– l’écriture est une activité de dessin particulière,
– l’écriture ex-iste en tant qu’une projection corporelle (Barthes, 1976),
– revivre l’expérience de sa propre écriture peut permettre à des enseignants de mieux comprendre le vécu de l’apprentissage de l’écriture chez les élèves dont ils ont la charge.
Ces hypothèses ont été constituées après avoir observé des élèves de 8 à 10 ans cacher leur cahier d’un revers de la main pour occulter leur écriture « mal formée ». Le graphisme est associé habituellement à un développement moteur, comme celui de la préhension fine chez l’enfant de 3-5 ans. Nous avons été sensible aux enjeux de constitution de soi qui accompagnent le graphisme des lettres : l’écriture de la lettre est un tracé qui rend compte du mouvement du corps de l’élève. Nous avions également remarqué que l’apprentissage de l’écriture consistait, comme lorsque nous étions enfant nous-mêmes, à reproduire et répéter le modèle de l’enseignant, inscrit en rouge dans la marge. Historiquement, cet apprentissage fut mis en place dans les abbayes médiévales. La répétition du geste s’inscrivait dans une démarche spirituelle, où la réitération du même geste confinait à la saturation avant de pouvoir s’en libérer. De même, la douleur engendrée par la répétition atteint un seuil au-delà duquel les membres endoloris ne ressentent plus de douleur. C’est ce véritable « état second » qui est recherché pour conduire à une expérience mystique. A contrario, la répétition du geste à l’école primaire s’affiche comme une assimilation fonctionnelle de ce même geste dont l’enjeu est le respect des normes sociales. L’observation des « mauvais scripteurs » nous a conduite à imaginer une autre manière d’ « apprendre à écrire » pour des enfants de 2 à 10 ans, reposant sur l’hypothèse que le tracé de la lettre, en tant que trait de dessin et trace du dessinateur, avait été escamoté.
Dans la formation, l’écriture a donc été abordée en tant que dessin particulier : le dessin de la lettre. Le geste, qui définit le tracé de la lettre, fut à la fois l’objet d’une pratique corporelle et d’une pratique graphique. Nous avons considéré que l’écriture, avant d’être un geste graphique est un geste du corps tout entier et d’un corps en mouvement. Le geste graphique a été défini comme l’enregistrement du geste corporel sur un support plan (papier, carton, etc.).
La formation de trois semaines s’est composée d’une alternance d’activités corporelles, par une chorégraphe, et d’activités graphiques, que j’ai menées. L’élaboration du geste graphique a été conçue dans l’articulation entre ces deux activités.
L’activité graphique a fait suite le plus souvent à l’activité corporelle. Elle s’est proposée d’aboutir à un tracé visant un dessin figuratif (portrait, élément de l’environnement proche…) ou dessin de la lettre proprement dit. Les contenus notionnels abordés ont été identiques en activité corporelle et en activité graphique : empreinte, trace, fluidité du mouvement, rupture dans le mouvement, horizontalité/verticalité, respiration, espace, etc. …. Ces notions ont été conçues pour accompagner une construction du geste graphique et de l’écriture
Pour notre recherche, le moment choisi est précisément le moment de décision où chacun à son tour dessine sa calligraphie devant l’ensemble du groupe et sur grand format (3 x 7m).

DESCRIPTION DU DISPOSITIF

L’activité graphique (ou plus particulièrement ici : calligraphique) s’est déroulée dans la salle atelier d’arts plastiques, qui est une salle rectangulaire de 100 m2. Des placards, pour entreposer le matériel et les productions plastiques, sont disposés sur les largeurs de la salle. Ils en occupent toute la surface murale à l’exception de la présence d’un point d’eau. Une des longueurs est occupée par une surface entièrement vitrée. Reste donc une seule longueur murale disponible. C’est sur la totalité de cette longueur (soit environ 7m disponibles) qu’a été déroulée et scotchée une feuille de papier kraft de 3m de large.
La surface au sol est occupée par de lourdes tables en bois de 0,60 x 2 x 0,80m. Ces tables à dessin sont disposées sur le pourtour de la salle à un mètre des murs et placards. Pour les besoins de l’activité, la rangée de tables longeant le mur, où a été posé le papier kraft, a été repoussée vers le centre de plusieurs mètres. Une surface d’action a été alors dégagée devant la feuille de papier. Une longueur de papier kraft a été déposée au sol, pour protéger d’éventuelles éclaboussures de peinture.

DESCRIPTION DE L’ACTIVITE DE FORMATION

Nous pouvons considérer que l’activité calligraphique, pour les enseignants en formation, peut commencer soit :
1) au moment où ils ont installé eux-mêmes le dispositif de l’activité,
2) après la formulation de la consigne de l’activité.
Nous avons choisi de faire débuter l’activité après la formulation de la consigne. Dans cette formation, plus particulièrement, à partir du moment où j’avais énoncé la consigne, je me retirais de l’espace d’action pour aller m’asseoir au bord des tables à hauteur de la moitié de la salle. En me retirant de l’espace d’action, je signifiais que je laissais le champ libre aux participants de la formation. Je n’intervenais plus dans leur action, ni dans l’activité de formation jusqu’à ce qu’ils décident qu’elle était terminée. C’est dans cet intervalle de temps que prend place la description de l’activité de formation qui suit.
D’autres éléments de la préparation matérielle peuvent avoir une incidence sur l’entrée dans l’activité : celui où les enseignants protègent leurs vêtements par des blouses. Un peintre comme Garouste insiste sur le moment où il revêt son tablier. A ce moment même, il endosse l’habit de peintre et par là même, il le devient (ou entre dans la « peau » du peintre). Il s’agit au sens premier d’être préparé à l’activité, paré contre les tâches de peinture éventuelles, mais également revêtu de la parure « sociale » de l’activité. La préparation matérielle concourt ici à la préparation mentale de l’activité : chacun peut se représenter dans le rôle ou les fonctions auxquelles l’habit est dévolu.
Durant l’énonciation des consignes le groupe (formatrice incluse) s’est trouvé réparti à deux endroits :
1) dans l’espace dégagé pour l’action,
2) près du point d’eau et de l’espace où est entreposé le matériel.
Dans les deux cas, le regroupement a eu lieu à proximité de la feuille de papier kraft.
Suite à l’activité corporelle du matin, le plus souvent, il a été proposé à chaque participant de laisser trace de son mouvement sur ce support à l’aide d’un outil (éponge ou large brosse plate) chargé de peinture ou d’encre.
Ce dispositif a été installé régulièrement tout au long de la formation. Aussi les participants, qui ont accepté notre invitation à participer à la recherche, ont eu le choix de revenir sur la séance qu’ils souhaitaient. Nous avons partagé les participants à la recherche en deux groupes :
1) le premier groupe de trois personnes a suivi trois sessions de formation, soit neuf semaines au total,
2) le second groupe de sept personnes a suivi une session de formation, soit trois semaines.
Pour le groupe 1 de l’étude exploratoire :
– deux personnes sur trois sont revenues sur la calligraphie de la respiration, qui avait pour consigne : « Si vous aviez à proposer une calligraphie de votre respiration, quelle serait-elle ? »
– une personne est revenue sur la calligraphie d’un signe graphique, dont la consigne était : « Proposez une calligraphie d’un signe graphique ».
Pour le groupe 2 de la recherche proprement dite, les séances choisies se distribuent comme suit :
a) pour trois d’entre elles, l’enregistrement du déplacement corporel ou de l’enchaînement réalisé le matin durant l’activité corporelle, dont la consigne était : « laisser trace de votre déplacement sur le support de 3 x 7m « ,
b) pour deux autres, le tracé d’une lettre particulière, leur initiale,
c) deux autres enfin, le tracé de leur signature réduite à leur initiale.
Les enregistrements du mouvement ont été faits, à l’échelle du corps et de ses possibilités de mouvement : c’est-à-dire sur le format de 3 m sur 7 m environ. Nous appelons enregistrement du mouvement le tracé réalisé par chaque participant (cf. doc. photo). En cela, chaque personne a laissé trace de son geste sans contrainte d’ordre, ni d’endroit, ni de temps de passage. Seule une contrainte concernant le tracé a été donnée : « ne pas revenir sur son tracé ». Autrement dit, il s’agissait de réaliser le trait en une seule fois, ou en un seul jet, suivant un seul et même mouvement.
Une fois la consigne énoncée, et après un petit laps de temps, les enseignants allaient chercher et préparer le matériel qui leur était nécessaire. Il s’agissait souvent d’une brosse à peindre de 15 à 20 cm de large et d’un réservoir (barquette plastique) contenant peinture ou encre.
Ce temps de préparation a été un temps d’échanges informels entre les enseignants. La formatrice occupait à ce moment une position d’aide technique ou matérielle. Une fois le matériel pictural prêt (barquettes et pinceaux), il a été posé sur les tables devant la feuille de papier kraft. Nous abordons, maintenant, l’entrée dans la réalisation de l’action. En tant que formatrice, je n’intervenais plus directement dans l’activité, occupant une place en retrait, derrière les tables, qui limitaient l’espace consacré à l’action calligraphique.
L’ordre de passage a été aléatoire. Une ou plusieurs personnes pouvaient réaliser leur tracé ensemble. Dans les faits, trois personnes au plus ont réalisé leurs tracés en même temps. Durant le temps de réalisation des tracés, chacun était resté silencieux et en posture d’observateur de l’action d’autrui. Quelques échanges verbaux pouvaient émerger. Ils restaient rares et concernaient:
1) une négociation pour prendre place devant le support de papier,
2) une réaction émotionnelle au regard de l’action menée (giclures intempestives, ou exclamation d’admiration devant le tracé réalisé).
Nous avons pu observer qu’une fois que chaque participant a réalisé son tracé, l’ensemble du groupe a pris du recul : il est allé se positionner contre le mur d’en face. Ce déplacement était en général silencieux. Puis arrivaient les commentaires sur les productions graphiques. Il s’agissait d’exclamations (« oh ! »), ou de l’énonciation sommaire d’un jugement de valeur (« c’est beau ! », « c’est pas mal ! »).

EXPOSER SON ACTION AU REGARD D’AUTRUI

Les enseignants ont énoncé comme « fort » ce moment décisif où ils se trouvaient devant le « mur » de papier, prêts à réaliser leur tracé. Quelle place occupait la personne à ce moment précis ?
Au moment où chacun s’apprêtait à réaliser son tracé, il était seul devant le mur sur lequel était accrochée la feuille de papier. Au pire, il est arrivé que deux à trois personnes partagent cet espace, sinon chacun a disposé de l’entièreté du format.
Le format de ce support de papier dépassait l’échelle (les dimensions) de son corps (3X7m). Les trois mètres de hauteur autorisaient les tracés bras levés. Les sept mètres de largeur permettaient les déplacements le long du mur de papier.
Chacun se trouvait donc face au « mur » de papier, brosse à peindre en main chargée de peinture ou d’encre.
Les autres membres du groupe, soit environ 15 à 17 personnes, formaient une sorte de demi-cercle un peu en retrait, derrière celui qui effectuait son tracé. Ce demi-cercle était limité par l’espace dessiné par les tables. A ce moment-là, la formatrice se trouvait, en général, derrière cette rangée de table, vers la porte de la salle.
Cette vision de la scène montre que la réalisation du tracé est soumise au(x) regard(s):
1) de celui qui fait le tracé,
2) de l’ensemble des participants à la formation (une vingtaine environ).
Par là -même, le regard de chacun des membres, en tant qu’observateur, englobe :
1) le tracé en train de se faire,
2) la personne qui le réalise.
Déplaçons notre point de vue. Au moment où chacun réalise son tracé, il le fait au regard d’autrui (ou sous le regard des autres):
1) sur lui-même en action ; c’est-à-dire sur son corps en mouvement,
2) en simultané, sur le résultat de son action ; c’est-à-dire le tracé.
Le dispositif collectif, propre à la situation de formation, a exposé chacun au regard des autres participants, qui sont eux-mêmes des collègues. Chacun des participants a fait le choix de s’inscrire à cette formation. Cependant, la décision définitive est revenue au service de la formation continue de la Direction des Services Départementaux de l’Education Nationale, de telle sorte que chacun ne connaît pas forcément les collègues avec qui il a partagé trois semaines de formation en continue, soit 72 h. Le regard d’autrui revêt donc un poids spécifique.
Comme nous venons de le décrire, il ne s’agit pas uniquement du tracé qui serait exposé au regard de son auteur, mais ce tracé est regardé tout au long de sa réalisation par son auteur comme par chacun des participants à la formation. Par là même auteur du tracé et tracé sont englobés dans le regard de chacun des membres du groupe en formation. Le tracé n’est donc pas seulement un objet exposé au regard d’autrui, mais il existe en tant qu’acte posé au regard de tout un chacun (auteur et autres participants à la formation). Il s’agit donc d’une véritable performance, au sens propre, comme au sens artistique, que réalise chacun des participants.
En exposant ainsi l’action en train de se faire, le dispositif de formation fait voir la construction de l’objet (le tracé) en même temps que celui qui le réalise. Il intègre l’action comme mise en visibilité du processus de construction de l’objet (dans sa phase de réalisation). Chaque personne se donne à voir:
1) elle-même dans et par son action
2) dans et par l’objet réalisé.
Cette offre de mise en visibilité se fait donc simultanément au regard d’autrui et à son regard propre.
La mise en exergue du regard d’autrui simultanément à son propre regard dans la situation de formation, nous conduit à considérer alternativement plusieurs points de vue:
1) celui de l’observateur extérieur, qui correspond à notre description de l’activité,
2) celui de l’acteur en train de réaliser son tracé,
3) celui des acteurs qui sont en position de retrait par rapport à la réalisation en cours.

PLURALITE DES POINTS DE VUE DES ACTEURS ET (RE) CONSTITUTION DE L’ACTIVITE DE FORMATION

L’exposition de soi-même à autrui, par son action, est présente à compter du moment où chacun décide de réaliser l’action de tracer, et elle reste présente tout au long de la réalisation de cette action, c’est-à-dire jusqu’au moment où le tracé est estimé, terminé.
Nous pouvons faire le même constat concernant l’exposition du résultat immédiat de son action à soi-même et à autrui, en simultanéité : comment interfère cette multiple exposition à son propre regard comme au regard d’autrui dans la constitution de l’activité.
Nous avons constaté qu’aucun participant n’a jamais renoncé à réaliser son tracé ainsi exposé aux regards d’autrui. Dans ce moment de prise de décision, énoncé comme moment « fort », nous disposons d’informations concernant l’importance émotionnelle de ce moment de l’activité de formation, mais nous ne savons pas comment chacun prend sa décision de réaliser son tracé. Dans ce temps de la décision et ce geste suspendu, comment chacun perçoit-il son tracé en train de se faire ? Pour comprendre ce que Cheng (1991, 2002) appelle le « geste décisif » qui préside à l’acte calligraphique, il nous semble nécessaire d’embrasser le point de vue de l’acteur, autrement dit de prendre dans une même brassée, le point de vue singulier de celui qui réalise le tracé, et notre point de vue d’observateur extérieur.
Ce moment de la prise de décision de réaliser son tracé est un moment où pour l’observateur, visiblement, il ne se passe rien. Il existe d’autres moments comme celui-ci. A partir du moment où le matériel de peinture est prêt jusqu’au moment de la réalisation du tracé, il ne se passe visiblement rien non plus. Nous relevons que plusieurs participants ont fait le choix de « ne pas y aller tout de suite », ou au contraire ils ont fait le choix de « ne pas attendre ».
A travers cette description, nous avons exposé notre point de vue, en position d’observateur. Nous pouvons identifier des faits et gestes des participants à la formation mais ce point de vue n’est plus suffisant pour disposer d’une approche compréhensive de ces moments où apparemment il ne se passe rien : que se passe-t-il pour l’acteur ? Dans quelle mesure le choix de l’attente a un impact sur la perception de son tracé en train de se faire ? Entre le moment de l’énonciation de la consigne et celui de la prise de décision, quand commence le processus de constitution de l’action de tracer et de l’activité graphique ? Nous pensons nécessaire de nous déplacer et prendre en compte le point de vue de chacun sur l’activité de formation telle qu’il l’a perçue.

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Table des matières

Abstract
TABLE DES ILLUSTRATIONS
I APPROCHER L’EXPERIENCE GRAPHIQUE : EMERGENCE DE LA RECHERCHE
I.1 UN INTERET POUR LE TRACE PLUTOT QUE LA « TRACE ECRITE »
I.2 TRACER UN TRAIT EST-IL UN GESTE SIMPLE, ANODIN ?
I.3 L’EXPERIENCE COMME CONCEPT
II PROBLEMATISATION DE L’OBJET DE RECHERCHE
II.1 EXPERIENCE VECUE/VECU DE L’EXPERIENCE
II.1.1 Une approche compréhensive
II.1.2 Comprendre ce qui est vécu par les sujets aux limites de l’ « ineffable »
II.1.3 L’expérience d’un sujet en interaction constante avec son environnement
II.1.4 L’expérience vécue comme relation co-constitutive du sujet et du monde
II.1.5 Synthèse sur l’expérience vécue autour de cinq points
Une expérience située
L’expérience vécue engage le point de vue d’un sujet
L’expérience vécue implique l’expression des émotions
Une configuration d’expériences uniques
Le « vécu » comme vécu de conscience insuffisant pour rendre compte de ce qui est expérimenté
II.2 LA TRACE COMME EXPERIENCE
II.2.1 Le trait comme ex-trait mémoriel
II.2.2 Le tracé : Comprendre plusieurs « vues » en un seul jet et en un seul trait
II.2.3 L’expérience de la trace comme « différance »
II.2.4 L’expérience de la différence de l’autre : une mise en péril de soi-même
II.2.5 L’ex-per-ience comme prise de risque et aventure : comprendre ce qui nous advient
II.2.6 Le sujet et l’advenant : une identité en première et en troisième personne
II.2.7 Le tracé comme expérience de l’événement
II.3. LA TRACE COMME EXPRESSION DE L’EMOTION
II.3.1 L’émotion comme réponse à une situation
II.3.2 L’émotion comme préparation à l’action
II.3.3 Le « geste décisif » comme prise de risque et l’émotion comme une mise en péril de soi-même
II.4 L’EXPERIENCE GRAPHIQUE COMME OBJET DE RECHERCHE
III LE DISPOSITIF DE FORMATION COMME CADRE SOCIAL DE LA RECHERCHE AVANT- PROPOS
III.1 DESCRIPTION DU TERRAIN DE LA RECHERCHE
III.2 DESCRIPTION DU DISPOSITIF
III.3 DESCRIPTION DE L’ACTIVITE DE FORMATION
III.4 EXPOSER SON ACTION AU REGARD D’AUTRUI
III.5 PLURALITE DES POINTS DE VUE DES ACTEURS ET (RE) CONSTITUTION DE L’ACTIVITE DE FORMATION
IV LES OPTIONS EPISTEMOLOGIQUES ET THEORIQUES
IV.1 UNE APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE
IV.2 LES APPUIS THEORIQUES
IV.2.1 La phénoménologie de la perception
IV.2.2 La neurophysiologie de l’action
IV.2.2.1 La perception comme action simulée
IV.2.2.2 « La perception est décision»
IV.2.2.3. Empathie et relation à autrui
IV.2.3 Synthèse : Retour sur l’objet de recherche
V OPTIONS METHODOLOGIQUES
V.1 L’ACCES AU VECU DE L’EXPERIENCE CALLIGRAPHIQUE : L’ENTRETIEN D’AIDE A L’EXPLICITATION
V.1.1 Recueillir de l’information sur l’action vécue
V.1.2. Reconstituer le vécu de l’expérience graphique : La recherche d’un point de vue en première personne (émergence des catégories de traitement de l’information)
V.2. A LA MARGE DU PROCESSUS D’EXPLICITATION : UNE RECONSTITUTION DE L’ELABORATION DE L’EXPERIENCE (EMERGENCE DES CATEGORIES D’ANALYSES)
V.2.1 L’expression en troisième personne
V.2.2 L’expression en deuxième personne
V.2.3 Sujet parlant et « polyphonie »
V.2.4 Points de vue « non-dits » ou « virtuel » : présupposé et sous-entendu
V.3 DESCRIPTION PHENOMENOLOGIQUE ET DEFINITION D’INVARIANTS
V.4 IDENTIFICATION DES INVARIANTS
VI CONDUITE DE LA RECHERCHE
VI.1 LE « SUJET » DE LA RECHERCHE
VI.2 LES PARTICIPANTS A LA RECHERCHE
VI.3 LES ENTRETIENS
VI.3.1 Choix du lieu de passation de l’entretien
VI.3.2 Choix de la séance de formation
VI.3.3 Les entretiens
VI.4 TRAITEMENT DU MATERIAU
VI.4.1 L’entretien exploratoire avec l’exemple de V
VI.4.2 Les entretiens de la recherche
VI.5 LA PHASE EXPLORATOIRE
VI.5.1 Analyse du matériau
VI.5.2 Les résultats de la partie exploratoire
VI.5.2.1 Décrire l’expérience vécue : une expression en première personne
Une expression en première personne en position de « parole incarnée » : V.
Une expression en première personne accompagnée d’indicateurs gestuels : A.
Une expression en première personne sans indicateur corporel : M.
L’expression de la délibération interne
VI.5.2.2 Faire vivre une expérience similaire à autrui et le revivre pour soi-même : une expression en deuxième personne
VI.5.2.3 Exprimer ce qui est vécu comme imperceptible : une expression en troisième personne
VI.5.2.4 Reconstituer du vécu : perception de la constitution du tracé du point de vue du sujet
V.5.2.5 Les moments d’auto-information : élaboration d’un sens donné à l’expérience revécue à l’occasion de l’activité graphique
VI.5.3 Retour sur les catégories d’analyse en relation avec l’émergence d’événements antérieurs en situation d’entretien
VI.5.3.1 L’expression émotionnelle : l’accès à un autre espace d’expérience
VI.5.3.2 Expression polyphonique de soi-même
VI.5.4 Décrire et comprendre le « re-vécu »
VII L’ANALYSE ET LES RESULTATS DE LA RECHERCHE
VII.1 (RE)-VECU DE L’ACTE GRAPHIQUE : UNE EXPRESSION DE SOI EN PREMIERE ET TROISIEME PERSONNE
VII.1.1 L’expression de l’action revécue : une expression en première personne qui s’accompagne d’une expression en troisième personne
VII.1.1.1 Approcher l’expression de la relation entre différents espaces perceptifs constituant l’acte graphique
VII.1.1.2 Approcher l’expression de l’anticipation de l’action
VII.1.1.3 Approcher la mesure des écarts entre différents espaces de perception
VII.1.1.4 De ce qui est énoncé à une première mise en forme d’une description de l’action revécue
VII.1.1.5 En synthèse
VII.1.2 Approcher ce qui est vécu comme imperceptible : une expression en troisième personne
VII.1.2.1 La présence de « on » dans ce qui est dit : la présentation de soi comme semblable aux autres et l’expression du tracé en regard de l’autre
Le sujet en tant que membre du groupe en formation : soi-même comme indissociable des autres ..
Une indifférenciation entre soi-même et les autres membres du groupe de formation
Les passages d’une expression en première personne à une expression en troisième personne : le
passage d’une action commune à la constitution de son acte graphique propre.
VII.1.2.2 La présence de topicalisation impersonnelle : L’expression de ce qui échappe au sujet parlantperçu comme une double contrainte
Exprimer une contrainte de son environnement
Exprimer ce qui advient comme l’imperceptibilité du tracé en train de se constituer
Exprimer contraintes environnementales et contraintes propres : laisser entendre la question de leurs articulations
Construire son action au regard d’autrui : « Il y en a »/ « il y a »
Exprimer ses préoccupations : « Il y a »
En synthèse
VII.1.2.3 La présence de « ça/cela/c’ » dans ce qui est dit : Une désignation de ce qui est tout juste perceptible
Exprimer l’ancrage dans le vécu corporel de son propre questionnement
Exprimer ses perceptions subtiles et internes : « ce/ça/c’ »
Exprimer complexité et différentiel perceptif
Exprimer la mise en con-form-ité perceptive : « c’est ça »
Exprimer mise en con-form-ité et retour sur le tracé pré-vu : « voir ça »
En synthèse
VII.2 RECONSTITUTION DU VECU : PERCEPTION DU TRACE DU POINT DE VUE DU SUJET ET DESCRIPTION DE L’ACTION RE-VECUE
VII.2.1 Que font les participants lorsque visiblement ils ne font « rien » avant de s’engager dans l’acte graphique ?
VII.2.1.1 Regarder autrui pour pré-voir son action
VII.2.1.2 Dépasser sa crainte du grand format : apprivoiser « l’inhabituel »
VII.2.1.3 Être à l’écoute de la présentification de perceptions corporelles et kinesthésiques
VII.2.2 Se dé-centrer de son environnement visuel et sonore
VII.2.3 Pré-vision de son tracé avec les tracés des autres :  » ça y est »
VII.2.4 l’engagement dans l’acte graphique : « y aller »
VII.2.5 La maîtrise du tracé en train de se dessiner : « voir ça »
VII.2.6 Regarder son tracé achevé : « ça va »/ « c’est ça »
VII.2.7 Regarder les autres tracés
VII.2.8 Reconstitution du vécu : quelques invariants
VII.3 RE-VECU D’EVENEMENTS ANTERIEURS : COM-PRENDRE L’EXPERIENCE PROPRE
VII.3.1 Le re-vécu apparaît dans le contenu de ce qui est dit comme « une histoire »
VII.3.2 Re-vécu et re-sentir
VII.3.3 De « ça » à « là »
VII.3.4 Synthèse : le re-vécu d’événements anciens, exprimés comme un « re-senti »
VII.4 L’EXPERIENCE GRAPHIQUE ENTRE (RE)VECU DE L’ACTION CALLIGRAPHIQUE ET RE VECU D’EVENEMENTSSINGULIERS
VIII INTERPRETATION DES RESULTATS
VIII.1 SE MONTRER ET S’EXPOSER TEL QU’EN SOI-MEME
VIII.2 UNE COMPOSITION COLLECTIVE ET UNE ELABORATION D’UNE EXPERIENCE VECUE EN COMMUN
VIII.3 UNE EXPERIENCE PROPRE, ET NEANMOINS PARTAGEABLE AVEC LES AUTRES
VIII.4 SYNTHESE
VIII.5 QUELQUES MISES EN PERSPECTIVE DE LA RECHERCHE
BIBLIOGRAPHIE

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